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Rapport définitif - Rapport No. 14, 1954

Cas no 95 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 01-JANV.-54 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 32. Dans leurs différentes communications, les plaignants protestent contre l'application de la loi des Etats-Unis de 1952 concernant l'immigration, la naturalisation et la nationalité à l'encontre des marins étrangers qui se trouvent à bord de navires touchant des ports américains. A l'appui de cette protestation, les allégations suivantes sont présentées.
  2. 33. Cette loi, bien que visant en premier lieu les communistes, serait dirigée en fait contre le développement commercial des autres pays, en vue d'assurer aux armateurs et aux compagnies d'aviation des Etats-Unis le contrôle des transports maritimes et aériens.
  3. 34. Il est affirmé en plus que la loi porterait atteinte aux droits fondamentaux des navires et des équipages qui, bien que ne jouissant pas du bénéfice de l'exterritorialité, assurent librement, en respectant les lois et coutumes des différents pays, le transport des marchandises à travers toutes les mers et vers tous les ports dans le cadre des dispositions du droit maritime international. Or ce droit, est-il souligné, est le fruit de siècles de pratique commerciale internationale qu'il n'appartient à aucun gouvernement d'ignorer ou de modifier.
  4. 35. Obligés d'obtenir un visa d'entrée, les marins étrangers feraient l'objet d'interrogatoires détaillés concernant leurs convictions politiques et syndicales, mesure discriminatoire portant atteinte à la fois à la liberté d'opinion et à la liberté syndicale.
  5. 36. En vertu de la loi, l'armateur de tout navire étranger touchant un port américain serait tenu de verser une amende de 1.000 dollars pour chaque marin de son équipage qui ne serait pas en possession du visa américain. Ainsi, la Compagnie générale transatlantique aurait été condamnée à 9.000 dollars d'amende parce que le M/S « La Baule » avait touché Los Angeles avec neuf membres de son équipage auxquels le consul américain à Fort-de-France avait refusé de délivrer un visa. Les autorités américaines, par le jeu des amendes, feraient de la sorte pression sur les armateurs pour qu'ils débarquent les marins qui ne se seraient pas pliés aux exigences de la loi américaine ou qui ne seraient pas autorisés par le consul américain à pénétrer dans les eaux territoriales des Etats-Unis d'Amérique, à bord de navires étrangers. Pour illustrer cette pratique, les plaignants citent notamment les cas suivants. Ainsi la Fédération des syndicats maritimes de Grèce allègue que, d'après des informations dignes de foi, le consul américain au Pirée aurait refusé le visa aux membres de certains équipages, les empêchant ainsi de se rendre aux Etats-Unis pour occuper leur poste sur des navires grecs ou sur des navires battant pavillon d'autres pays, mais appartenant à des ressortissants grecs. De plus, le capitaine du M/S « Efthalassos », dont le propriétaire est également Grec, aurait congédié, en avril 1954, dans le port de Cork, en Irlande, le chauffeur Athanassios Sardis, lui-même ressortissant grec, pour la raison que le consul des Etats-Unis à Cork avait refusé à Sardis le visa d'entrée aux Etats-Unis, où son navire devait se rendre. D'autre part, l'Union internationale des syndicats des travailleurs des transports, des ports et de la pêche, ainsi que la Fédération nationale des syndicats maritimes de France, dans leurs communications en date, respectivement, du 16 février 1954 et du 6 juillet 1954, allèguent que des marins de Fort-de-France, embarqués sur des navires de la Compagnie générale transatlantique, basés à Fort-de-France, avaient été débarqués parce que le consul américain leur avait refusé le visa. Tel aurait été le cas notamment de six marins du M/S « La Coubre », débarqués le 12 janvier 1954, à la veille même du départ de ce navire de Fort-de-France. En ce qui concerne les marins du « La Baule », le consul américain de Fort-de-France leur aurait posé les questions suivantes : « Etes-vous syndiqués ? Dans quel syndicat ? Jusqu'à quel mois avez-vous réglé vos cotisations syndicales ? Lisez-vous le journal Justice ? Les marins, syndiqués ou non, auraient dû présenter une lettre du secrétaire du syndicat, certifiant qu'ils n'étaient pas syndiqués ou, à défaut, une carte syndicale indiquant que les cotisations n'étaient pas à jour. Enfin, le consul leur aurait conseillé de ne pas se syndiquer dans le syndicat C.G.T d'obédience communiste et de ne pas lire le journal Justice. Ces pratiques montreraient que les consuls américains exercent une « pression intolérable » sur les marins étrangers, en violation des droits fondamentaux de l'homme.
    • ANALYSE DE LA REPONSE
  6. 37. Dans sa communication du 14 octobre 1954, le gouvernement des Etats-Unis fait observer que les allégations des plaignants sont similaires à celles qui lui avaient été communiquées par lettres des 13 et 14 juillet 1953. Etant donné que ces allégations concernent les mesures de contrôle (screening), qui sont appliquées aux marins étrangers désirant aller à terre dans des ports américains, elles sont de nature purement politique. En effet, la loi sur l'immigration et la nationalité, qui est applicable en la matière, interdit dans son article 221 g) aux fonctionnaires consulaires de délivrer un visa à un étranger s'ils estiment que cet étranger appartient à une des catégories de personnes qui ne peuvent, conformément à l'article 212 de la loi, être admises aux Etats-Unis. En vertu de cette loi, les marins étrangers sont traités de la même manière que les autres étrangers, en ce qui concerne les conditions à remplir pour être admis aux Etats-Unis. D'après l'article 273, le transport aux Etats-Unis d'un étranger qui n'est pas en possession d'un visa valable est contraire à la loi et donne lieu à une amende de 1.000 dollars infligée à la personne transportant cet étranger. En accomplissement du mandat qui leur est confié par la loi précitée, les fonctionnaires consulaires posent à tous les étrangers, y compris les marins, les questions nécessaires en vue de déterminer s'ils appartiennent à une des catégories de personnes qui ne peuvent être admises en vertu de la loi. Le gouvernement souligne que ces questions n'ont « ni pour effet ni pour but d'encourager, de décourager ou d'influencer les travailleurs dans l'exercice du droit qui leur est reconnu d'adhérer au syndicat de leur choix, d'engager des négociations collectives par l'intermédiaire de représentants de leur choix, ou de poursuivre toutes autres activités collectives à des fins d'assistance ou de protection mutuelles ».
  7. 38. Le gouvernement des Etats-Unis fait savoir en outre que des investigations ont été effectuées en ce qui concerne les méthodes de contrôle employées par le consul des Etats-Unis à Fort-de-France, à l'égard de l'équipage du M/S « La Baule ». Il en ressort que le consul n'a posé que les questions légitimes usuelles relatives à l'affiliation des marins à certaines organisations, questions nécessaires pour donner effet à la loi conformément aux intentions du Congrès des Etats-Unis. Aucun document indiquant que les marins n'appartiennent pas à une organisation n'a été exigé d'eux ; aucun conseil ne leur a été donné quant au choix de leur syndicat ou quant à la lecture de certaines publications. Sur la base de leurs déclarations et d'autres informations qu'ils avaient présentées, il a été établi que onze membres de l'équipage du M/S « La Baule » ne pouvaient être admis parce qu'ils entraient dans la catégorie des personnes auxquelles l'admission sur le territoire des Etats-Unis doit être refusée conformément à l'article 212 a) 23) I) i) de la loi. Néanmoins, fait remarquer le gouvernement, et afin d'assurer qu'aucune personne ne subisse d'injustice, des investigations supplémentaires ont été entreprises au sujet des marins auxquels le visa avait été refusé, avec le résultat qu'au cours de la période entre le 19 et le 25 février 1954, des visas individuels ont été délivrés à huit d'entre les onze marins qui n'avaient préalablement pas reçu de visa.
  8. 39. Le gouvernement conclut qu'aucune atteinte aux droits syndicaux n'ayant été commise, les plaintes ne sont fondées ni en droit ni en fait.

40. Dans leurs allégations, les plaignants mettent en cause la loi des Etats-Unis de 1952 sur l'immigration et la nationalité tendant à amender la législation concernant l'immigration, la naturalisation et la nationalité.

40. Dans leurs allégations, les plaignants mettent en cause la loi des Etats-Unis de 1952 sur l'immigration et la nationalité tendant à amender la législation concernant l'immigration, la naturalisation et la nationalité.
  1. 41. Les dispositions pertinentes de cette loi sont les suivantes:
  2. Article 212. a) A moins d'autres dispositions contraires prévues dans cette loi, il sera interdit de délivrer des visas aux catégories suivantes d'étrangers qui ne seront pas autorisés à pénétrer aux Etats-Unis:
  3. ......................................................................................................................................................
  4. 28) Les étrangers qui appartiennent, ou ont à un certain moment appartenu, à l'une des catégories suivantes:
  5. A) Etrangers qui sont anarchistes.
  6. B) Etrangers qui préconisent ou enseignent l'opposition à tout gouvernement organisé ou qui font partie d'une organisation préconisant ou enseignant un tel objectif, ou qui fraternisent avec une telle organisation.
  7. C) Etrangers qui sont membres ou sympathisants : i) du parti communiste des Etats-Unis, ii) de toute autre parti totalitaire des Etats-Unis, iii) de l'association communiste politique (Communist Political Association), iv) du parti communiste ou de tout autre parti totalitaire d'un Etat des Etats-Unis ou d'un Etat étranger, ou d'une subdivision politique ou géographique d'un Etat étranger, v) de toute section, filiale, agence ou subdivision d'une telle association ou d'un tel parti, ou vi) des prédécesseurs ou successeurs directs d'une telle organisation ou d'un tel parti, indépendamment de l'appellation qu'un tel groupe ou organisation peut avoir utilisée, peut maintenant porter ou pourra adopter ultérieurement : étant entendu que rien dans ce paragraphe ou dans toute autre disposition de cette loi ne devra ère interprété pour soutenir que le parti communiste ne préconise pas le renversement du gouvernement des Etats-Unis par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels.
  8. D) Etrangers n'étant visés par aucune des autres dispositions de ce paragraphe, qui préconisent les doctrines économiques internationales et gouvernementales du communisme mondial ou l'établissement d'une dictature totalitaire aux Etats-Unis, ou qui sont membres ou sympathisants d'une organisation qui préconise les doctrines économiques internationales et gouvernementales du communisme mondial ou l'établissement aux Etats-Unis d'une dictature totalitaire, soit par ses propres déclarations, soit par toute publication manuscrite ou imprimée, éditée ou publiée par, ou avec la permission ou l'accord, ou sous l'autorité d'une telle organisation, ou encore payée par les fonds de cette organisation ou par des fonds fournis par elle.
  9. E) Etrangers n'étant visés par aucune des autres dispositions de ce paragraphe, qui sont membres ou sympathisants d'une organisation pendant la durée de la période au cours de laquelle elle est enregistrée ou soumise à l'enregistrement en vertu de l'article de la loi de 1950 sur le contrôle des activités subversives, à moins que ces étrangers ne prouvent qu'ils ne savaient pas ou n'avaient pas de raisons de croire lorsqu'ils sont devenus membres de ou ont fraternisé avec ladite organisation (et qu'entre ce moment et la date à laquelle ladite organisation a été ainsi enregistrée ou obligée de se faire enregistrer, ils n'ont pas su ou n'ont pas eu de raison de croire), que cette organisation était une organisation communiste.
  10. F) Etrangers qui préconisent ou enseignent, ou qui sont membres ou sympathisants de toute organisation qui préconise ou enseigne : i) le renversement par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels du gouvernement des Etats-Unis ou de toute légalité ; ii) le devoir, la nécessité ou l'opportunité d'attaquer illégalement ou de tuer un fonctionnaire ou des fonctionnaires (qu'il s'agisse d'individus déterminés ou de fonctionnaires en général) du gouvernement des Etats-Unis ou de tout autre gouvernement organisé en raison de son ou de leur caractère officiel ; iii) les dommages et dégâts apportés illégalement à la propriété ou la destruction illégale de celle-ci ; iv) le sabotage.
  11. G) Etrangers qui écrivent ou publient ou font écrire ou publier, ou qui, sciemment, distribuent, impriment, affichent, ou qui font, sciemment, distribuer, imprimer, publier ou afficher ou qui, sciemment, ont en leur possession, aux fins de distribution, publication ou affichage, tout manuscrit ou toute publication préconisant ou enseignant l'opposition à tout gouvernement organisé, ou préconisant ou enseignant : i) le renversement par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels du gouvernement des Etats-Unis ou de toute légalité ; ii) le devoir, la nécessité ou l'opportunité d'attaquer illégalement ou de tuer un fonctionnaire ou des fonctionnaires (qu'il s'agisse d'individus déterminés ou de fonctionnaires en général) du gouvernement des Etats-Unis ou de tout autre gouvernement organisé, en raison de son ou de leur caractère officiel ; iii) les dommages et dégâts apportés illégalement à la propriété ou la destruction illégale de celle-ci ; iv) le sabotage ; v) les doctrines économiques internationales et gouvernementales du communisme mondial ou l'établissement d'une dictature totalitaire aux Etats-Unis.
  12. H) Etrangers qui sont membres ou sympathisants d'une organisation qui écrit, distribue, imprime, publie, affiche ou fait écrire, distribuer, imprimer, publier ou afficher ou qui a en sa possession, aux fins de distribution, publication, édition ou affichage, un manuscrit ou une publication du caractère indiqué à l'alinéa G).
  13. I) Tout étranger qui est visé par l'une des catégories décrites aux alinéas B), C), D), E), F), G) et H) de ce paragraphe, en raison du fait qu'il est membre ou sympathisant d'un parti ou d'une organisation, ou d'une section, filiale, agence ou subdivision d'un tel parti ou d'une telle organisation, peut, s'il n'est pas indésirable pour d'autres raisons, se voir délivrer un visa, si ledit étranger prouve à la satisfaction du fonctionnaire consulaire chargé de recevoir sa demande et si ce fonctionnaire estime : i) qu'une telle appartenance ou sympathie est ou a été involontaire, ou n'existe ou n'a existé qu'en application d'une loi alors que l'intéressé était âgé de moins de seize ans, ou en vue d'obtenir un emploi, des rations alimentaires ou d'autres choses indispensables à l'existence et lorsque cela est nécessaire à cette fin ; ii) a) que, depuis que cette appartenance ou fraternisation a cessé, ledit étranger s'est - pendant au moins cinq ans avant la date de sa demande de visa - activement opposé à la doctrine, au programme, aux principes et à l'idéologie d'un tel parti ou d'une telle organisation ou d'une telle section, filiale, agence ou subdivision d'un tel parti ou d'une telle organisation ; et b) que l'admission d'un tel étranger aux Etats-Unis servirait l'intérêt public. Tout étranger auquel un visa a été délivré conformément aux dispositions de cet alinéa peut, s'il n'est pas indésirable autrement, être admis aux Etats-Unis, s'il établit, à la satisfaction du procureur général, lorsqu'il sollicite l'entrée aux Etats-Unis et si le procureur général estime : i) qu'une telle appartenance ou sympathie est ou a été involontaire, ou n'existe ou n'a existé, qu'en application d'une loi alors que l'intéressé était âgé de moins de seize ans ou en vue d'obtenir un emploi, des rations alimentaires ou d'autres choses nécessaires à l'existence et lorsque cela était nécessaire à cette fin ; ii) a) que, depuis que cette appartenance ou sympathie a cessé, ledit étranger s'est, pendant au moins cinq ans avant la date de sa demande de visa, activement opposé à la doctrine, au programme, aux principes et à l'idéologie d'un tel parti ou d'une telle organisation ou d'une section, filiale, agence ou subdivision d'un tel parti ou d'une telle organisation, et b) que l'admission d'un tel étranger aux Etats-Unis servirait l'intérêt public. Le procureur général soumettra rapidement un rapport détaillé au Congrès sur le cas de chaque étranger qui est ou doit être admis aux Etats-Unis en vertu du point ii) de cet alinéa.
  14. 29) Les étrangers au sujet desquels le fonctionnaire consulaire ou le procureur général sait ou a des raisons suffisantes de croire qu'après leur entrée : A) ils exerceront probablement des activités qui seraient interdites par la législation des Etats-Unis relativement à l'espionnage, au sabotage, au désordre public ou toute autre activité dangereuse pour la sécurité nationale ; B) ils exerceront une activité dont le but est l'opposition à, ou le contrôle ou le renversement du gouvernement des Etats-Unis par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels ; C) qu'ils deviendront membres ou sympathisants, ou qu'ils prendront part aux activités d'une organisation qui est enregistrée ou soumise à l'enregistrement en vertu de l'article 7 de la loi de 1950 sur le contrôle des activités subversives.
  15. Article 221. g) Aucun visa ou autre document ne sera délivré à un étranger : 1) s'il apparaît au fonctionnaire consulaire en se fondant sur les déclarations faites lors de la demande ou sur les documents joints à celle-ci que cet étranger ne peut recevoir de visa ou autre document en vertu de l'article 212 ou de toute autre disposition de loi ; 2) si la demande n'est pas conforme aux dispositions de cette loi ou d'un règlement d'application de cette loi, ou 3) si le fonctionnaire consulaire sait ou a des raisons suffisantes de croire que cet étranger ne peut recevoir de visa ou autre document en vertu de l'article 212 ou de toute autre disposition de loi...
  16. Article 273. a) Il sera illicite pour toute personne, y compris toute compagnie de transport, le propriétaire, le commandant, le capitaine, l'agent, l'affréteur ou le consignataire d'un navire ou avion, d'amener aux Etats-Unis un étranger venant d'un lieu situé en dehors des Etats-Unis (à l'exception d'un territoire étranger limitrophe) qui ne serait pas en possession d'un visa valable si le visa est requis en vertu de cette loi ou d'un règlement d'application de cette loi.
  17. b) S'il apparaît au procureur général qu'un étranger a été amené dans de pareilles conditions, la personne en question ou la compagnie de transport ou le commandant, le capitaine, l'agent, le propriétaire, l'affréteur, le consignataire d'un tel navire ou avion devra verser au receveur de douane du district douanier dans lequel le port d'arrivée est situé, la somme de 1.000 dollars pour chaque étranger ainsi transporté...
  18. 42. Il est allégué en premier lieu que cette loi, en assurant aux sociétés américaines le contrôle des transports maritimes et aériens, serait dirigée en fait contre le développement commercial des autres pays. Etant donné que cette allégation ne met pas en cause l'exercice des droits syndicaux, le Comité estime qu'elle échappe à sa compétence.
  19. 43. Il est allégué en plus que la loi, du fait de son application aux marins étrangers à bord de navires pénétrant dans les eaux territoriales des Etats-Unis, porte atteinte aux principes et usages du droit maritime international qu'aucun gouvernement ne pourrait modifier par un acte unilatéral. Le Comité, tout en reconnaissant que le droit des gens ne saurait être modifié par un acte unilatéral, estime qu'une allégation concernant une violation du droit des gens considéré en lui-même n'entre pas dans sa compétence sauf dans la mesure où elle pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux.
  20. 44. Il est allégué à cet égard que les marins étrangers, obligés d'obtenir un visa de la part des consuls américains, seraient soumis par ceux-ci à un questionnaire en ce qui concerne notamment leurs opinions politiques et leurs appartenances syndicales. Cette procédure serait en elle-même déjà contraire aux droits syndicaux généralement reconnus. Une telle atteinte aurait été notamment portée aux droits syndicaux des membres de l'équipage du navire « La Baule » auxquels le fonctionnaire consulaire des Etats-Unis à Fort-de-France aurait, non seulement conseillé de produire des documents indiquant qu'ils ne sont pas syndiqués, mais aussi de ne pas s'affilier à un syndicat déterminé sous prétexte qu'il serait d'obédience communiste, et de ne pas lire certaines publications.
  21. 45. Le gouvernement, dans sa réponse, a fait observer qu'en accomplissement de leur mandat, les fonctionnaires consulaires posent à tous les intéressés les questions nécessaires en vue de déterminer s'ils appartiennent à une des catégories de personnes qui ne peuvent entrer aux Etats-Unis en vertu de la loi. Il dément que cet interrogatoire ait pour effet ou pour but d'encourager ou de décourager des travailleurs de s'affilier à des syndicats de leur choix ou d'intervenir dans leur droit de le faire. Il dément en particulier, en se fondant sur des investigations opérées à cet effet, que le fonctionnaire consulaire de Fort-de-France ait exigé des membres de l'équipage de « La Baule » un document relatif à la non-appartenance syndicale ou leur ait conseillé de ne pas s'affilier à un syndicat déterminé ou de lire certaines publications. Le gouvernement souligne que ces investigations ont démontré que ce fonctionnaire n'a posé effectivement que les questions usuelles relatives à l'affiliation des marins à certaines organisations et qui sont nécessaires pour donner effet à la loi conformément à ses buts.
  22. 46. La question de l'interrogatoire auquel les marins étrangers sont soumis avant d'être admis au territoire des Etats-Unis a déjà fait l'objet d'une plainte précédente (cas no 71, Etats-Unis). A ce propos, le Comité a estimé - sous une réserve à laquelle il faut revenir plus loin (paragraphe 47) - que cette question a trait à l'exercice du droit souverain qu'a tout pays de décider qui doit et qui ne doit pas être admis sur son territoire. En se référant expressément à plusieurs décisions antérieures, il a exprimé l'avis qu'il ne lui appartient pas de traiter de la question générale du statut des étrangers non couverts par des conventions internationales. Etant donné que la question concerne essentiellement l'admission des étrangers plutôt que la garantie d'un droit humain fondamental, les preuves d'une atteinte aux droits syndicaux devraient, dans un tel cas, être particulièrement convaincantes.
  23. 47. Dans le cas présent, il est allégué en plus qu'en ce qui concerne les membres de l'équipage du navire « La Baule », le fonctionnaire consulaire des Etats-Unis à Fort-de-France aurait, au cours d'un tel interrogatoire, exercé une pression sur la liberté des intéressés de s'affilier au syndicat de leur choix. Le Comité estime que si, au cours d'un tel interrogatoire, une pression était exercée sur des travailleurs tendant à les influencer dans le libre choix de leur syndicat, un tel acte pourrait constituer une atteinte à la liberté syndicale. Mais dans sa réponse, le gouvernement a souligné que ces interrogatoires n'ont pas pour effet ou pour but d'encourager ou de décourager des travailleurs de s'affilier à des syndicats de leur choix. Quant au cas d'espèce, il a fait observer, à l'appui des investigations effectuées à cet égard, que le fonctionnaire consulaire de Fort-de-France n'a pas cherché à influencer les marins dans le choix de leur syndicat, mais s'en est strictement tenu à la loi. Prenant acte de la déclaration précitée du gouvernement et notant avec satisfaction qu'il a procédé à une enquête pour éclaircir les circonstances du cas, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté des preuves suffisantes à l'appui de leur allégation et que, partant, il n'y a pas lieu de modifier le point de vue qu'il a exprimé lors de l'examen du cas no 71.
  24. 48. Il est allégué en dernier lieu que les armateurs de bateaux à bord desquels se trouvent des marins auxquels le visa a été refusé en raison de leur appartenance syndicale seraient frappés d'amendes en vertu de la loi et par ce jeu d'amendes les autorités américaines obligeraient les armateurs à débarquer les marins, portant ainsi atteinte au libre exercice, par ces marins, de leurs droits syndicaux.
  25. 49. Il ressort de l'art. 273 a) de la loi que toute personne, en particulier les compagnies de transport ou leurs représentants, s'exposent à des sanctions lorsqu'elles transportent aux Etats-Unis des étrangers, marins ou non, qui ne sont pas en possession d'un visa valable. Le Comité, tout en reconnaissant qu'il s'agit, dans le cas d'espèce, du transport de marins, note que cette mesure vise les compagnies maritimes, non pas en leur qualité d'employeurs, mais comme transporteurs d'un étranger qui n'est pas en règle avec les dispositions de la loi d'immigration américaine, et ne constitue pas, en elle-même, un acte discriminatoire dirigé contre les travailleurs. Mais le Comité, examinant le cas no 71, a estimé que si l'application de telles mesures « devait avoir pour effet que les travailleurs seraient renvoyés ou subiraient un autre préjudice en raison de leur affiliation syndicale, ces mesures pourraient constituer une atteinte au principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s'affilier à des syndicats de leur choix ».
  26. 50. Dans le cas présent, les plaignants citent plusieurs exemples de marins débarqués en raison du fait que les autorités américaines leur avaient refusé le visa. Deux de ces cas concernent des marins grecs, deux autres des marins français.
  27. 51. En ce qui concerne le premier de ces cas, la Fédération des syndicats maritimes de Grèce affirme que, d'après des informations dignes de foi, le consul des Etats-Unis au Pirée aurait refusé le visa aux membres de certains équipages, les empêchant ainsi de se rendre aux Etats-Unis pour y occuper leur poste. Le Comité estime que cette allégation est trop vague pour être retenue.
  28. 52. La Fédération des syndicats maritimes de Grèce signale en outre qu'en avril 1954, le capitaine du bateau « Efthalassos » aurait congédié, dans le port irlandais de Cork, le chauffeur Athanassios Sardis parce que le consul des Etats-Unis à Cork avait refusé à Sardis le visa d'entrée aux Etats-Unis, où son navire devait se rendre. Le Comité constate que le plaignant, s'il affirme que le marin intéressé était renvoyé parce que le consul américain ne lui avait pas délivré le visa nécessaire pour la continuation du voyage, n'a pas produit de faits indiquant que son appartenance syndicale était le motif déterminant pour le refus du visa et, partant, pour son licenciement. Dans ces conditions, le Comité estime que le plaignant n'a pas apporté la preuve d'une atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
  29. 53. Le troisième cas concerne six marins du navire « La Coubre » de la Compagnie générale transatlantique. L'Union internationale des syndicats des travailleurs des transports des ports et de la pêche allègue que cette compagnie, afin d'éviter le paiement d'une amende de 6.000 dollars en arrivant aux Etats-Unis, avait fait débarquer ces marins, auxquels le consul des Etats-Unis à Fort-de-France avait refusé le visa, le 12 janvier 1954, à la veille du départ de ce navire. Le Comité constate que, pas plus que dans le cas précédent, le plaignant n'a donné des précisions qui permettent de conclure que l'appartenance syndicale des intéressés était le facteur déterminant pour le refus du visa. Le Comité estime que, dans ce cas aussi, le plaignant n'a pas fourni la preuve d'une atteinte à la liberté syndicale.
  30. 54. Le dernier cas est celui des marins du navire « La Baule ». Dans sa communication du 16 février 1954, l'Union internationale des syndicats des transports allègue que le propriétaire de ce navire a été condamné à 9.000 dollars d'amende du fait qu'il avait à son bord neuf marins non pourvus de visas. Dans sa communication complémentaire en date du 6 juillet 1954, la Fédération nationale des syndicats maritimes de France, tout en mentionnant d'une manière générale que des marins de Fort-de-France, embarqués sur les navires de la Compagnie générale transatlantique, auraient été débarqués parce que le consul américain leur aurait refusé le visa, insiste notamment sur le fait, comme il a déjà été mentionné plus haut (paragraphe 36), que le fonctionnaire consulaire américain aurait exercé sur les membres de l'équipage de « La Baule » « une pression intolérable » tendant à leur faire quitter le syndicat de leur choix. Dans sa réponse, le gouvernement oppose non seulement à ces allégations le démenti déjà mentionné (paragraphe 45) mais signale encore que « pour mettre tout individu à l'abri d'injustices » des investigations supplémentaires ont été effectuées avec pour résultat que des visas individuels ont été délivrés à huit d'entre les onze marins auxquels les visas avaient été préalablement refusés en raison de leur libre affiliation à l'une des organisations politiques visées par la loi (article 212 a) 28) I) i) de la loi).
  31. 55. Le Comité constate que la Fédération française s'est bornée à signaler que des marins embarqués sur des navires de la Compagnie générale transatlantique auraient été débarqués sans préciser, par ailleurs, qu'il s'agissait en l'espèce des marins du navire « La Baule ». D'autre part, l'Union internationale des syndicats des transports allègue seulement que le propriétaire de ce navire aurait fait l'objet d'une amende par les autorités de Los Angeles parce qu'il avait à bord des marins qui ne possédaient pas de visas. Il ne ressort donc pas de ces allégations que des membres de l'équipage de « La Baule » ont été effectivement licenciés. Dans ces conditions, et tenant compte du fait que les autorités compétentes américaines, après de nouvelles investigations faites en vue « d'assurer qu'aucune personne ne subisse d'injustice », ont effectivement délivré des visas à huit marins parmi les onze intéressés, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'une atteinte a été portée aux droits syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 56. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité, tout en notant que les mesures prises par les autorités des Etats-Unis pour donner effet à la loi sur l'immigration et la nationalité relèvent du droit souverain qu'a tout pays de décider qui doit et qui ne doit pas être admis sur son territoire, exprime l'avis que si l'application de ces mesures tendait à influencer des travailleurs dans le libre choix de leur syndicat ou devait avoir pour effet que des travailleurs seraient renvoyés ou subiraient un autre préjudice en raison de leur affiliation syndicale, ces mesures pourraient constituer une atteinte au principe selon lequel les travailleurs ont le droit de s'affilier à des syndicats de leur choix. Il a, à maintes reprises déjà, attiré l'attention sur l'importance qu'il attache aux garanties judiciaires, dans tous les cas où des libertés individuelles sont mises en cause. Le Comité prend note à cet égard de la déclaration du gouvernement des Etats-Unis d'après laquelle ces mesures n'ont pas pour effet ou pour but d'encourager ou de décourager les travailleurs de s'affilier à des syndicats de leur choix ou d'intervenir dans leur droit de le faire. Il note également que les autorités compétentes des Etats-Unis ont, dans le cas d'espèce, procédé à des enquêtes afin d'assurer « qu'aucune personne ne subisse d'injustice » du fait de l'application de ces mesures et qu'à la suite de ces investigations, des visas ont été délivrés dans certains cas alors qu'ils avaient été refusés au préalable. Le Comité estime donc que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes à l'appui de leurs allégations selon lesquelles des marins auraient été licenciés ou subi d'autres préjudices en raison de leur appartenance syndicale, et recommande au Conseil d'administration de décider que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
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