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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 17, 1956

Cas no 109 (Guatemala) - Date de la plainte: 13-AOÛT -54 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 99. Le Comité se trouvait saisi des trois plaintes suivantes: une protestation adressée au président de la Junte militaire du gouvernement guatémalien par le Congrès des syndicats birmans et dont copie a été transmise à l'O.I.T le 13 août 1954; une plainte, en date du 17 septembre 1954, émanant de la Fédération des travailleurs de Chypre et transmise à l'O.I.T par les Nations Unies; une plainte, en date du 18 octobre 1954, émanant du Syndicat général des gens de mer des Pays-Bas, également transmise à l'O.I.T par les Nations Unies.
  2. 100. Ces plaintes contiennent les deux allégations suivantes:
    • a) un certain nombre de dirigeants syndicalistes auraient été arrêtés ou persécutés par le gouvernement du Guatemala;
    • b) la Confédération générale du travail du Guatemala et la Confédération nationale des paysans auraient fait l'objet d'une interdiction illégale.
  3. 101. En ce qui concerne la première allégation, le Comité, après avoir pris connaissance des observations présentées par le gouvernement, a recommandé au Conseil d'administration, dans un rapport intérimaire, de décider que cette allégation n'appelle pas un examen approfondi.
  4. 102. En ce qui concerne l'allégation relative à la dissolution des organisations susmentionnées, le Comité a recommandé au Conseil d'administration - le gouvernement du Guatemala n'ayant pas fourni d'observations sur ce point - de prendre simplement note du rapport intérimaire, étant entendu qu'il présenterait un nouveau rapport lorsqu'il serait en possession des observations du gouvernement intéressé.
  5. 103. Ayant reçu les observations que le gouvernement du Guatemala a fournies le 19 avril 1955 au sujet de la dissolution de la Confédération générale du travail et de la Confédération nationale des paysans, le Comité est maintenant en mesure de procéder à l'examen de cette seconde allégation.
    • ANALYSE DE LA REPONSE
  6. 104. Le gouvernement déclare que la Confédération générale du travail et la Confédération nationale des paysans étaient dominées par des dirigeants politiques communistes. Ceux-ci auraient implanté un régime de terreur, ce qui a donné lieu à un mouvement révolutionnaire à la suite duquel le gouvernement au pouvoir a été renversé. Tous les dirigeants de ces deux organisations se sont réfugiés auprès de diverses missions diplomatiques ; munis de sauf-conduits, ils ont quitté le pays.
  7. 105. C'est dans ces circonstances que le gouvernement, par l'organe chargé du pouvoir législatif en vertu du Statut politique actuellement en vigueur, a édicté le décret no 48 portant dissolution de la Confédération générale du travail et de la Confédération nationale des paysans.
  8. 106. Le gouvernement soutient qu'en décrétant la dissolution des deux organisations, il n'a pas entendu porter atteinte à la liberté syndicale, ni agir en particulier à l'encontre de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par le Guatemala. A l'appui de sa thèse, il fait valoir que ces deux organisations ont été dissoutes conformément aux dispositions des lois en vigueur. De plus, la mesure a été édictée par voie législative, méthode qui, de l'avis du gouvernement, n'est pas contraire aux articles 4 et 6 de la convention no 87.

107. La principale allégation se réfère au fait que la Confédération générale du travail et la Confédération nationale des paysans auraient été arbitrairement dissoutes en vertu du décret no 48 édicté par la Junte gouvernementale en date du 10 août 1954. Le texte de ce décret peut se résumer ainsi: Aux termes de l'article premier, sont déclarées dissoutes, notamment, la Confédération générale du travail du Guatemala et la Confédération nationale des paysans. D'après l'article 2, la personnalité juridique est retirée aux organisations mentionnées à l'article premier. L'article 6 précise que ce décret a le caractère d'une mesure de sécurité. Le décret est signé par les membres de la Junte gouvernementale.

107. La principale allégation se réfère au fait que la Confédération générale du travail et la Confédération nationale des paysans auraient été arbitrairement dissoutes en vertu du décret no 48 édicté par la Junte gouvernementale en date du 10 août 1954. Le texte de ce décret peut se résumer ainsi: Aux termes de l'article premier, sont déclarées dissoutes, notamment, la Confédération générale du travail du Guatemala et la Confédération nationale des paysans. D'après l'article 2, la personnalité juridique est retirée aux organisations mentionnées à l'article premier. L'article 6 précise que ce décret a le caractère d'une mesure de sécurité. Le décret est signé par les membres de la Junte gouvernementale.
  1. 108. A l'encontre des plaignants qui allèguent que l'interdiction des deux organisations était illégale, le gouvernement soutient que cette mesure est conforme aux lois en vigueur et n'est pas contraire aux articles 4 et 6 de la convention no 87, 1948, ratifiée par le gouvernement.
  2. 109. En ce qui concerne la législation en vigueur au Guatemala, le Comité note qu'un statut politique de la République du Guatemala, édicté le 10 août 1954, a remplacé la Constitution précédemment en vigueur. L'article premier de ce texte dispose, en effet, que la République du Guatemala sera régie par les dispositions fondamentales contenues dans le Statut, en attendant que le peuple, en exercice de sa souveraineté, élise une Assemblée nationale et adopte une nouvelle Constitution. D'autre part, la Constitution en date du 11 mars 1945 est déclarée abrogée par l'article 44 du nouveau statut. Mais l'article 15 de ce statut garantit expressément le droit d'association dans les limites prévues par la loi.
  3. 110. Cette réglementation légale fait, en ce qui concerne les syndicats, l'objet des articles 206 à 238 du Code du travail du 8 février 1947. Ce code a été maintenu en vigueur par le décret no 216 du 31 janvier 1955. Or, d'après l'article 226 du Code, ce sont les tribunaux du travail et de la prévoyance sociale qui sont compétents pour prononcer, à la demande du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, la dissolution des syndicats, lorsqu'il peut, par exemple, être prouvé en justice:
  4. ... qu'ils interviennent dans les questions de politique électorale ou dé parti, qu'ils se mettent au service d'intérêts étrangers contraires à ceux du Guatemala, qu'ils engagent ou favorisent des luttes religieuses ou raciales, qu'ils déploient des activités contraires au régime démocratique établi par la Constitution, qu'ils obéissent à des consignes de caractère international contraires à ce même régime ou que, de toute autre façon, ils violent la disposition de l'article 206 qui leur enjoint de concentrer leur activité sur la défense et la protection des intérêts économiques et sociaux communs à leurs membres.
  5. 111. Il semble donc que c'est aux tribunaux compétents qu'il appartient de prononcer la dissolution d'une organisation syndicale lorsqu'il est prouvé qu'elle s'était rendue coupable d'un acte prévu à l'article 226 du Code.
  6. 112. Le gouvernement soutient en plus que le Statut politique promulgué par le décret no 48 n'est pas contraire aux articles 4 et 6 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, instrument ratifié par le Guatemala, ainsi que le Comité l'a déjà noté dans son rapport préliminaire.
  7. 113. Aux termes de l'article 4 de la convention no 87, les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. D'après l'article 6, les dispositions de l'article 4 s'appliquent également aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d'employeurs.
  8. 114. Le gouvernement soutient que si la convention interdit la dissolution par voie administrative, la mesure a été prise, non pas par une autorité administrative, mais par l'organe chargé du pouvoir législatif.
  9. 115. Le Statut politique de la République du Guatemala règle l'organisation des pouvoirs de la manière suivante:
  10. Article 2. - Les pouvoirs publics seront exercés exclusivement par la Junte gouvernementale dans les limites fixées par ce statut et conformément aux lois.
  11. Article 3. - La Junte gouvernementale exercera le pouvoir législatif ; par conséquent, elle se charge de l'initiative législative, de la préparation, de la promulgation, de l'abrogation et de l'interprétation des lois.
  12. Article 4. - Les fonctions exécutives, administratives et réglementaires seront exercées par la Junte gouvernementale.
  13. ......................................................................................................................................................
  14. Article 7. - La République du Guatemala remplit ses obligations internationales ; elle réglera ses actes d'après les traités et pactes tendant à fonder la démocratie sur le respect absolu des droits du citoyen...
  15. 116. Il ressort de ce texte que la Junte gouvernementale exerce à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le Comité, tout en reconnaissant que le gouvernement du Guatemala entend respecter ses obligations internationales, conformément à l'article 7 du Statut politique, constate néanmoins que le décret no 48 prononçant la dissolution de la Confédération générale du travail et de la Confédération nationale des paysans a été pris par le gouvernement, et il estime que la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif dans l'exercice des fonctions législatives dont le gouvernement est investi en vertu de son acte constitutif, à l'instar d'une dissolution par voie administrative, ne permet pas d'assurer les droits de défense qui ne peuvent être garantis que par la procédure judiciaire normale, procédure que le Comité, conformément à l'opinion qu'il avait exprimée dans d'autres cas, considère toujours comme étant de toute première importance.
  16. 117. Le Comité constate que le gouvernement du Guatemala a ratifié la convention (no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et est, partant, tenu d'en appliquer les principes, notamment celui selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que les fédérations et les confédérations d'organisations ne sont pas sujettes à dissolution et à suspension par voie administrative.
  17. 118. Le Comité note cependant aussi que le gouvernement du Guatemala a dissous la Confédération générale du travail et la Confédération nationale des paysans à une époque de troubles sérieux comparables à une véritable guerre civile, circonstances dont le Comité a toujours tenu compte lorsqu'il devait apprécier les mesures prises par un gouvernement à l'encontre d'organisations syndicales impliquées dans de tels événements.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 119. Il semble toutefois qu'à l'heure actuelle la situation tende à se normaliser au Guatemala. Dans ces conditions, le Comité, tenant compte du fait que le gouvernement du Guatemala a ratifié la convention (no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et, partant, est tenu d'en appliquer les dispositions, recommande au Conseil d'administration:
  2. 1) d'attirer l'attention du gouvernement du Guatemala sur l'opportunité qu'il y aurait à prendre toutes mesures nécessaires afin de faire en sorte:
    • i) que des organisations centrales de travailleurs et de paysans libres et indépendants, ainsi que les fédérations et syndicats y affiliés, puissent se reconstituer conformément aux dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale ;
    • ii) que ces organisations jouissent de la liberté d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, conformément aux principes établis par les articles 3 et 6 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 ;
    • iii) que ces organisations puissent s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs, conformément au principe formulé par l'article 5 de ladite convention ;
  3. 2) d'exprimer le désir d'être tenu informé du résultat des mesures prises par le gouvernement en vue de donner plein effet aux dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.
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