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Rapport définitif - Rapport No. 17, 1956

Cas no 120 (France) - Date de la plainte: 31-MAI -55 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 78. Par une communication en date du 31 mai 1955, complétée ensuite par trois lettres en date des 27 juin, 1er juillet et 16 juillet 1955, la Fédération nationale des syndicats chrétiens du livre, papier, carton et industries connexes (Paris) a déposé une plainte auprès du Directeur général alléguant que des atteintes seraient portées à l'exercice des droits syndicaux par le gouvernement français.
  2. 79. Le plaignant allègue qu'à la libération, en 1944, les secrétaires responsables de la Chambre syndicale typographique parisienne (C.G.T) et du Syndicat général du livre (C.G.T) réussirent à obtenir de M. Francisque Gay; alors directeur de la presse, agissant au nom du secrétaire général à )'Information du gouvernement provisoire de la République française, une ordonnance par laquelle les organisations cégétéistes du livre se voyaient confier le monopole de la constitution des équipes de travail dans les imprimeries de presse
  3. 80. Aux dires du plaignant, ce texte est à l'origine de toutes les atteintes qui ont été portées depuis à la liberté syndicale dans la presse. Cependant, bien que le gouvernement ait toujours confirmé l'existence de ce texte, il n'a pas été possible au plaignant d'en obtenir une copie conforme, cette lacune l'ayant toujours empêché, faute de preuve absolue, d'entreprendre une action judiciaire en annulation.
  4. 81. Grâce à cette ordonnance, lorsque les presses recommencèrent à tourner, ce fut avec du personnel en provenance presque exclusive de la C.G.T. Toutefois, l'Imprimerie des Petites Affiches continua à opérer avec du personnel affilié à la C.F.T.C. Devant cet état de fait, la Chambre syndicale typographique parisienne et le Syndicat général du livre, tous deux affiliés à la C.G.T, de mandèrent un arbitrage de M. Georges Dangon, président du Groupement des imprimeurs spécialistes de la presse, qui, jugeant sur le texte de l'ordonnance en question, donna tort aux syndiqués C.F.T.C, lesquels furent mis dans l'obligation de choisir entre leur départ de l'Imprimerie des Petites Affiches ou leur adhésion au Syndicat du livre C.G.T.
  5. 82. Le plaignant indique qu'il a multiplié les démarches auprès du gouvernement pour obtenir un renversement de la situation, mais que ses efforts sont toujours restés vains et que partout en France les syndiqués chrétiens travaillant dans la presse furent, petit à petit, contraints de quitter leur emploi ou l'organisation syndicale de leur choix.
  6. 83. Le plaignant déclare que si plusieurs jugements sont intervenus en faveur de travailleurs chrétiens licenciés en raison de leur appartenance syndicale, jugements par lesquels les entreprises ont été condamnées à des dommages et intérêts pour renvoi abusif, il ne s'est jamais agi là que de cas isolés qui ne se sont pas généralisés.
  7. 84. A l'appui de ses allégations et en indiquant qu'il ne s'agit pas d'une liste limitative, le plaignant cite trois cas précis dans lesquels des ouvriers chrétiens ont été licenciés en raison de leur appartenance syndicale (Continental Daily Mail) ou dans lesquels on a refusé, pour les mêmes raisons, d'embaucher des travailleurs affiliés à la C.F.T.C. (Le Figaro et La Nouvelle République de Tours).
  8. 85. Devant la carence du gouvernement, l'organisation plaignante a adressé une lettre à tous les députés, leur demandant d'intervenir directement par l'élaboration d'une loi qui protégerait efficacement la liberté syndicale. Cette démarche aboutit au dépôt d'une proposition de loi (no 5. 889) le 22 décembre 1948, tendant à protéger la liberté syndicale et à en garantir le libre exercice à tous les travailleurs. Au moment où la plainte a été déposée devant l'O.I.T, l'Assemblée nationale n'avait pas encore discuté ce texte.
  9. 86. Le plaignant rappelle en outre que, dans son rapport annuel sur l'application des conventions nos 87 et 98, le gouvernement français indique qu'une proposition de loi a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 11 février 1954, tendant à renforcer la garantie du libre exercice de la liberté syndicale, et que cette proposition aurait recueilli une approbation de principe des autorités gouvernementales. Le plaignant fait remarquer à ce propos que s'il est exact qu'un vote intervenu le 26 mai 1955 à l'Assemblée nationale adopte cette proposition, il faut tenir compte du fait que ce texte doit encore poursuivre un long trajet à travers les méandres parlementaires avant d'être promulgué. Aux dires du plaignant, cette lenteur pourrait être encore accrue par le fait rapporté à ce dernier que le texte de la proposition de loi venait d'être distribué au Conseil de la République pour que celui-ci y apporte des amendements.
  10. 87. En conclusion, le plaignant rappelle que le gouvernement français a ratifié les conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et déclare que les faits rapportés plus haut démontrent que les dispositions de ces conventions sont loin d'être respectées par ce gouvernement. Il en appelle donc à l'O.I.T pour quelle fasse les démarches nécessaires auprès du gouvernement français afin que soit réformée une situation qui va à l'encontre des principes énoncés dans les conventions internationales mentionnées ci-dessus.
  11. 88. La plainte et les informations complémentaires que le plaignant a fait parvenir au Bureau ont été communiquées au gouvernement français par deux lettres en date des 27 juin et 22 juillet 1955.
    • ANALYSE DE LA REPONSE DU GOUVERNEMENT
  12. 89. Par une communication en date du 5 novembre 1955, le gouvernement français a fait parvenir au Directeur général ses observations sur la plainte de la Fédération nationale des syndicats chrétiens du livre.
  13. 90. Le gouvernement remarque que la plainte de la Fédération nationale des syndicats chrétiens du livre fait allusion aux conventions internationales du travail (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et allègue que la situation contre laquelle elle s'élève est en contradiction avec les dispositions de ces conventions. Le gouvernement rappelle à cet égard que les travaux préparatoires des deux conventions en question font apparaître que celles-ci ne visent pas les clauses de sécurité syndicale ou de closed-shop.
  14. 91. Le gouvernement, d'autre part, estime que l'adoption d'un texte législatif nouveau serait propre à résoudre les difficultés évoquées par le plaignant et indique que tel a été précisément l'objet d'une proposition de loi adoptée le 26 mai 1955 par l'Assemblée nationale et tendant à protéger la liberté syndicale et à en garantir le libre exercice à tous les travailleurs. Cette proposition, actuellement devant le Conseil de la République, tend notamment à interdire à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement ; elle prévoit, d'autre part, la nullité de toute disposition ou accord tendant à obliger l'employeur à n'embaucher ou à ne conserver à son service que les adhérents d'un syndicat, propriétaire d'une marque ou label, et édicte à l'encontre de tout employeur qui méconnaîtrait ces dispositions des sanctions pénales.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 92. Le plaignant allègue que les travailleurs de la presse et des imprimeries non affiliés aux organisations membres de la C.G.T seraient systématiquement et effectivement écartés de la profession par l'application d'un texte législatif remontant à 1944 et tendant à réserver à la C.G.T le monopole de la constitution des équipes de travail dans les imprimeries de presse. De l'avis du plaignant, il en résulterait une situation incompatible avec les dispositions des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, conventions ratifiées par le gouvernement français.
  2. 93. Le gouvernement, dans sa réponse, rappelle que les travaux préparatoires des deux conventions en question font apparaître que celles-ci ne visent pas les clauses de sécurité syndicale et de closed-shop.
  3. 94. Par ailleurs, le gouvernement signale qu'une proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale et se trouve actuellement devant le Conseil de la République, proposition qui tend à protéger la liberté syndicale et à en garantir le libre exercice à tous les travailleurs, et, en particulier, prévoit la nullité de toute disposition ou accord tendant à obliger l'employeur à n'embaucher ou à ne conserver à son service que les adhérents d'un syndicat particulier et édicte à l'encontre de tout employeur qui méconnaîtrait ces dispositions des sanctions pénales.
  4. 95. Lors de l'examen par le Comité des cas nos 96 (Royaume-Uni) et 114 (Etats-Unis), il avait constaté que la Conférence estimait que les clauses de sécurité syndicale et de closed-shop constituaient des questions relevant de la réglementation et de la pratique nationales. Il citait à ce propos une déclaration de la Commission de la Conférence chargée d'examiner cette question, déclaration conçue en ces termes : « La Commission s'est finalement mise d'accord pour exprimer dans son rapport l'opinion que la convention (no 98) ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales. » En adoptant le rapport de la Commission, la Conférence s'est ralliée à ce point de vue.
  5. 96. Il semblerait donc que l'allégation selon laquelle, en appliquant le texte incriminé par le plaignant, le gouvernement français aurait violé une convention ratifiée par lui ne puisse être retenue.
  6. 97. D'autre part, il ressort de la réponse du gouvernement qu'une législation nouvelle est en voie d'être promulguée, législation dont le résultat sera de réformer la situation contre laquelle s'élevait le plaignant : si le gouvernement adoptait une mesure semblable, celle-ci, étant donné l'interprétation de la Conférence mentionnée ci-dessus, serait également compatible avec la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 98. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administra- tien de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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