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Rapport intérimaire - Rapport No. 28, 1958

Cas no 143 (Espagne) - Date de la plainte: 15-AVR. -59 - Clos

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  1. 91. A sa dix-huitième session (Genève, octobre 1957), le Comité a examiné les plaintes présentées par la Confédération internationale des syndicats libres et l'Union générale des travailleurs espagnols en exil contre le gouvernement espagnol ainsi que les observations de ce gouvernement contenues dans des communications des 12 avril, 16 mai et 15 octobre 1957.
  2. 92. Au paragraphe 187 de son vingt-septième rapport, le Comité a fait plusieurs recommandations au Conseil d'administration au sujet de certaines objections soulevées par le gouvernement quant à sa compétence et en ce qui concerne les allégations relatives à l'intégration des organisations syndicales à la machine étatique, aux sanctions pénales à la suite de tentatives de création d'organisations syndicales, à la dissolution de syndicats en 1936-1939, aux détenus sociaux, aux syndicats agricoles, aux négociations collectives, au décret du 26 octobre 1956 amendant le texte de la loi sur les contrats de travail, à la grève d'avril 1956 de Bilbao et à la grève d'avril 1956 de Barcelone.
  3. 93. Le vingt-septième rapport du Comité a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 137ème session (Genève, octobre-novembre 1957). En ce qui concerne un certain nombre des allégations mentionnées au paragraphe 92 ci-dessus, le Conseil d'administration a adressé diverses recommandations au gouvernement espagnol contenues au paragraphe 187, alinéas b), c), d), e), g) et h), du vingt-septième rapport du Comité. A cet égard, au paragraphe 187 d), le Conseil d'administration, ayant pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle un projet de loi sur les conventions collectives se trouvait à l'étude, avait exprimé l'espoir que ledit projet tiendrait pleinement compte du principe d'après lequel des mesures appropriées aux conditions nationales devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi. Il avait également exprimé l'espoir que le projet de loi en question serait prochainement adopté. Le Conseil d'administration avait enfin demandé au gouvernement de bien vouloir le tenir informé de toute évolution dans ce sens.
  4. 94. En ce qui concerne certaines allégations relatives à la détention de membres et de dirigeants syndicaux de l'Union générale des travailleurs, de la Confédération nationale du travail et de la Fédération des travailleurs basques, le Comité avait présenté un rapport intérimaire. Sur la recommandation du Comité, le Conseil d'administration avait décidé de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si des membres ou des dirigeants de l'une quelconque de ces trois organisations étaient encore détenus dans des pénitenciers ou ailleurs.
  5. 95. Le Comité a également présenté un rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à l'interdiction des grèves et a demandé au Directeur général d'obtenir des observations complémentaires.
  6. 96. Dans une communication en date du 22 février 1958, reçue par le Bureau le 24 février 1958, le gouvernement espagnol a présenté certaines observations sur les recommandations du Conseil d'administration mentionnées ci-dessus et sur les points au sujet desquels des informations complémentaires lui avaient été demandées.
  7. 97. L'analyse ci-dessous ne porte que sur les allégations au sujet desquelles le Comité avait présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration à sa dernière session et sur les réponses du gouvernement concernant ces allégations.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à la détention de membres et de dirigeants de certaines organisations syndicales dissoutes
    1. 98 Dans sa communication en date du 13 août 1956, la Confédération internationale des syndicats libres allègue qu'après que l'Union générale des travailleurs, la Confédération nationale du travail et la Solidarité des travailleurs basques eurent été déclarées illégales par un décret de 1936, ratifié par une loi du 9 février 1939, les principaux membres de ces organisations auraient été condamnés, qui à mort, qui à des peines d'emprisonnement allant de 20 à 30 ans.
  • Allégations relatives à l'interdiction des grèves
    1. 99 Dans sa communication du 25 avril 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que le droit de grève est en Espagne un délit passible de six à douze ans de prison. Sont responsables de la grève, non seulement les participants, mais toutes les personnes que leurs antécédents caractérisent comme tels. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil étaie ses allégations en produisant la copie d'un document émanant de la Société métallurgique Duro-Felguera, qui porte à la connaissance des travailleurs le fait que la grève est un délit pénal passible d'une peine de prison grave et d'une amende et que le Code de procédure criminelle ordonne l'emprisonnement préventif des personnes coupables de ce délit. Selon le même document, la diminution du rendement normal donnera lieu à l'envoi des travailleurs coupables dans un corps disciplinaire en Afrique et à la rescision du contrat de travail. La Confédération internationale des syndicats libres allègue, dans sa communication du 13 août 1956, que le gouvernement ne reconnaît pas le droit de grève et qu'il recourt à des mesures de répression pour briser les mouvements de revendications qui éclatent.
  • ANALYSE DE LA REPONSE
    1. 100 Dans sa communication en date du 22 février 1958, le gouvernement se réfère tout d'abord aux conclusions du Comité à sa dernière session. Il déplore que le Comité ait jugé opportun de prendre connaissance d'allégations qu'il déclare sans fondement, comme il l'avait déjà fait, et comme consistant en critiques d'ordre général du système syndical espagnol. Il réaffirme également sa position en ce qui concerne la question de la recevabilité de la plainte de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil et exprime ses regrets de constater que le Comité n'a pas à cet égard partagé sa façon de voir.
    2. 101 En ce qui concerne le projet de loi sur les conventions collectives au sujet duquel le Conseil d'administration avait demandé des informations (voir paragraphe 93 ci-dessus), le gouvernement déclare que ce projet a été soumis aux Cortès et qu'un certain nombre d'amendements ont été proposés. Une commission des Cortès examine en ce moment la question et soumettra aux Cortès un texte remanié. Le gouvernement a pris note du voeu exprimé par le Conseil d'être tenu informé.
  • Allégations relatives à la détention de membres et de dirigeants de certaines organisations syndicales dissoutes
    1. 102 En ce qui concerne la demande d'informations formulée par le Conseil d'administration sur le point de savoir si des membres ou des dirigeants de l'Union générale des travailleurs, de la Confédération nationale du travail ou de la Solidarité des travailleurs basques sont encore détenus dans des pénitenciers ou dans d'autres lieux, le gouvernement déclare qu'aucun membre ou dirigeant de ces organisations n'est détenu en ce moment « soit en raison de son appartenance à l'une desdites organisations ou des fonctions qu'il y occupait, soit en raison de toute autre activité syndicale ».
  • Allégations relatives à l'interdiction des grèves
    1. 103 Dans sa communication en date du 22 février 1958, le gouvernement déclare qu'aucune autorité ou aucun organe gouvernemental n'a posé d'affiches, comme le prétendent les plaignants, et qu'une enquête entreprise par le gouvernement a fait ressortir que la compagnie n'aurait, elle non plus, pris aucune mesure de ce genre. Le gouvernement déclare à nouveau qu'aucune poursuite n'a été engagée et aucune sanction prise contre quiconque ayant participé à la grève de la mine Maria-Luisa. Dans cette communication, comme dans les précédentes, le gouvernement s'abstient de présenter des observations sur les allégations relatives aux sanctions qui peuvent, en vertu de la législation pénale, frapper les personnes participant à une grève.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 104. En premier lieu, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le projet de loi sur les conventions collectives est actuellement à l'étude au sein d'une commission des Cortès et qu'une version révisée de ce texte sera présentée aux Cortès, d'exprimer l'espoir que le gouvernement tiendra compte de l'importance que le Conseil d'administration attache à ce qu'il soit tenu compte dans le projet de loi du principe qu'il a souligné au paragraphe 187 d) du vingt-septième rapport du Comité et que ce projet sera adopté prochainement, enfin, de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé de toute évolution dans ce sens.
    • Allégations relatives à la détention de membres et de dirigeants de certaines organisations syndicales dissoutes
  2. 105. En ce qui concerne les allégations relatives à la détention de membres et de dirigeants de l'Union générale des travailleurs, de la Confédération nationale du travail et de la Solidarité des travailleurs basques, le gouvernement déclare qu'aucun membre ou dirigeant des organisations en question ne se trouve détenu en ce moment « soit en raison de son appartenance à l'une desdites organisations ou des fonctions qu'il y occupait, soit en raison de toute autre activité syndicale ».
  3. 106. Il ne ressort pas clairement de la réponse du gouvernement que l'intention de ce dernier ait été d'indiquer qu'aucun membre ou aucun dirigeant des trois organisations en question ne se trouve en prison pour aucun motif ou qu'aucune de ces personnes n'est détenue en raison de son appartenance, de ses fonctions ou de ses activités syndicales (par opposition, par exemple, à la haute trahison ou autres crimes). Tout en reconnaissant que des accusations devant des tribunaux nationaux en invoquant la haute trahison ou des crimes de même nature sortent de la compétence de l'O.I.T, le Comité estime que le point de savoir si une telle accusation formulée sur la base de faits et d'allégations mettant en cause l'exercice des droits syndicaux doit être considérée comme une question de haute trahison ou un crime analogue ou comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé, de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant. En conséquence, dans le passé, lorsque, à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs auraient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales ou selon lesquelles leur arrestation ou leur détention aurait restreint dans des limites inadmissibles leurs droits syndicaux, les gouvernements ont opposé que ces arrestations avaient été motivées par les activités subversives de ceux qui en avaient été l'objet, par des raisons de sécurité nationale ou par des crimes de droit commun, le Comité s'est fait une règle de demander aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi circonstanciées que possible concernant les arrestations et, en particulier, sur les procédures judiciaires engagées et sur le résultat de telles procédures. Si, dans certains cas, le Comité a conclu que des allégations relatives à l'arrestation ou au procès de syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, ce n'est qu'après avoir pris connaissance d'informations émanant du gouvernement - et contenant parfois le texte des jugements intervenus - qui montraient d'une façon suffisamment précise et détaillée que les arrestations dont il s'agissait n'avaient pas pour origine les activités syndicales de ceux qui en avaient été l'objet, mais des activités étrangères à l'action syndicale, soit de nature politique, soit dangereuses pour l'ordre public. Dans ces cas, les gouvernements intéressés ont collaboré avec le Comité en lui fournissant les informations nécessaires pour lui permettre de formuler des conclusions à l'intention du Conseil d'administration, bien que, dans un grand nombre de ces cas, lesdits gouvernements aient exprimé l'opinion que les arrestations et les procès avaient pour origine des activités à ce point subversives ou ayant à ce point le caractère d'un acte de trahison qu'elles étaient entièrement étrangères à toute activité syndicale.
  4. 107. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de l'informer si, pour une raison quelconque, des membres ou des dirigeants de l'Union générale des travailleurs, de la Confédération nationale du travail ou de la Solidarité des travailleurs basques se trouvent en détention dans des pénitenciers ou d'autres lieux et, dans l'affirmative, de lui indiquer quel est le chef d'accusation, quelle est la procédure selon laquelle ils ont été jugés, quelles sont les garanties dont cette procédure est assortie et dans la mesure du possible de fournir le texte des jugements rendus.
    • Allégations relatives à l'influence de l'interdiction des grèves sur la liberté syndicale
  5. 108. Parmi les divers points sur lesquels le gouvernement avait été prié de fournir des informations et sur lesquels il s'est abstenu de le faire, figure l'allégation selon laquelle, en Espagne, la grève constitue un délit pénal punissable d'une peine de six à douze ans de prison, d'amende, et susceptible d'entraîner la prison préventive en vertu de la loi de procédure criminelle et selon laquelle encore la responsabilité d'une grève incombe non seulement à ceux qui y ont participé, mais à ceux dont les antécédents justifient qu'on leur applique la loi. La réponse du gouvernement ne porte que sur l'allégation relative au fait que des affiches auraient été apposées à l'occasion d'une grève des mineurs attirant l'attention de ceux-ci sur les sanctions qu'ils encouraient.
  6. 109. Dans ces conditions, le Comité considérant que, dans certains cas, l'interdiction de la grève affecte l'exercice des droits syndicaux, recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations sur le point de savoir si, en Espagne, la grève constitue un délit entraînant les peines mentionnées au paragraphe 108 ci-dessus ou d'autres peines.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 110. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter la déclaration du gouvernement selon laquelle le projet de loi sur les conventions collectives se trouve actuellement à l'examen devant une commission des Cortès, qui seront saisies d'un texte révisé et:
    • i) d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ;
    • ii) d'exprimer l'espoir que le projet de loi en question tiendra pleinement compte du principe rappelé ci-dessus et sera prochainement adopté;
    • iii) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé de toute évolution dans ce sens ;
    • b) de demander au gouvernement de l'informer si, pour une raison quelconque, des membres ou des dirigeants de l'Union générale des travailleurs, de la Confédération nationale du travail ou de la Solidarité des travailleurs basques se trouvent détenus dans des pénitenciers ou d'autres lieux et, dans l'affirmative, de lui indiquer sous quel chef d'accusation, quelle est la procédure selon laquelle ils ont été jugés, quelles sont les garanties dont cette procédure est assortie et, dans la mesure du possible, de fournir le texte des jugements rendus ;
    • c) de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations sur le point de savoir si, en Espagne, la grève constitue un délit pénal entraînant les peines mentionnées au paragraphe 108 ci-dessus ou d'autres peines ;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne ces questions en attendant que soient parvenues les informations demandées plus haut.
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