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- 227. A sa dix-septième session (Genève, mai 1957), le Comité a examiné une plainte, contenue dans trois communications des 7 et 29 décembre 1956 et du 23 janvier 1957, émanant du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud, plainte dans laquelle il était allégué que neuf des principaux dirigeants de cette organisation se trouvaient parmi un certain nombre de personnes arrêtées et accusées de trahison, et que, pendant la durée des procédures engagées, les activités syndicales de ces dirigeants avaient été largement réduites.
- 228. Le gouvernement de l'Union sud-africaine ayant déclaré, dans une communication adressée le 27 mars 1957 au Directeur général, que l'affaire dans son ensemble se trouvait toujours en instance, le Comité avait formulé les conclusions contenues au paragraphe 111 de son vingt-sixième rapport, qui était ainsi conçu:
- 111. Dans le cas d'espèce, il semblerait que les accusés, après les procédures préliminaires d'instruction, aient été relâchés sous caution, et conformément à certaines conditions prescrites par la loi, en attendant leur procès devant le tribunal compétent. Dans ces conditions, suivant en cela sa pratique habituelle, le Comité estime qu'il serait inopportun pour lui d'examiner le cas alors que des procédures sont en cours devant les tribunaux nationaux, procédures qui sont susceptibles de lui fournir des informations sans lesquelles il pourrait n'être pas en mesure d'aboutir à une conclusion sur le fond. En conséquence, le Comité a ajourné pour le moment son examen du cas quant au fond, et il recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire connaître en temps utile le résultat des procédures engagées devant les tribunaux de l'Union sud-africaine et de lui fournir copie des jugements intervenus dans le cas de ceux des accusés dont le plaignant allègue qu'ils seraient dirigeants ou militants syndicaux.
- Cette recommandation a été approuvée par le Conseil d'administration à sa 135ème session (Genève, mai-juin 1957).
- 229. Le Directeur général a porté cette décision à la connaissance du gouvernement par une communication en date du 10 juin 1957.
- 230. A sa dix-huitième session (Genève, octobre 1957), le Comité, en l'absence des informations sollicitées du gouvernement, a ajourné de nouveau l'examen du cas.
- 231. Le Directeur général a porté la décision du Comité à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 7 novembre 1957.
- 232. Le gouvernement a répondu par une lettre en date du 21 novembre 1957. Dans cette communication, le gouvernement fait allusion au fait que, dans le passé, il a fourni des informations au Comité de la liberté syndicale, en dépit de l'opinion qui est la sienne que la création du Comité était anticonstitutionnelle et il déclare qu'il est disposé à continuer d'agir ainsi dans les cas appropriés. Toutefois, déclare le gouvernement, le cas présent a trait à la législation applicable non aux syndicalistes en tant que tels, mais à tous les citoyens ; de plus, sur les 156 personnes accusées, 21 seulement sont des syndicalistes et, sur celles-ci, neuf seulement semblent être membres d'organisations affiliées à l'organisation plaignante. Le gouvernement considère que la question du procès de certaines personnes accusées de haute trahison « sort de façon si évidente de la compétence du Bureau international du Travail » qu'il a décidé « de ne plus échanger avec ce dernier de correspondance sur cette affaire ».
A. A. Conclusions du comité
A. A. Conclusions du comité
- 233. Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a adopté comme principe qu'il ne procéderait pas à l'examen de questions faisant l'objet d'une instance devant une juridiction nationale, dans la mesure où cette instance s'assortit des garanties d'une procédure judiciaire régulière ; il a estimé, en effet, que la décision à intervenir pourrait lui apporter des éléments d'information qui lui seraient utiles lorsqu'il s'agira pour lui d'apprécier le bien-fondé ou l'absence de fondement des allégations formulées. Bien que le Comité ait tenu compte de ce principe lors de son examen préliminaire du présent cas, il ne semble pas que le principe soit applicable lorsque le gouvernement intéressé déclare qu'il n'est pas disposé à fournir des informations sur le résultat des procédures engagées. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il lui appartient de formuler néanmoins ses recommandations au Conseil d'administration.
- 234. Comme il le déclare lui-même, le gouvernement a jugé opportun, dans plusieurs cas antérieurs relatifs à l'Union sud-africaine qui ont été examinés par le Comité, de présenter des observations sur le fond des allégations formulées dans ces cas, tout en maintenant son opinion constante que l'établissement de la procédure d'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale est anticonstitutionnelle. Dans le cas d'espèce, cependant, le gouvernement refuse de collaborer avec le Comité comme il l'avait fait dans des cas antérieurs, car il considère que le procès de personnes, dont une minorité seulement est composée de syndicalistes, accusées de haute trahison conformément à la législation qui est applicable à tous les citoyens, est une question qui sort de la compétence de l'O.I.T.
- 235. Le gouvernement déclare qu'en fait 21 personnes seulement sur les 156 accusées sont des syndicalistes. Or c'était uniquement au sujet de ces 21 personnes qu'il avait été demandé des informations au gouvernement. Le Comité reconnaît que les questions intéressant des personnes qui ne sont pas des syndicalistes sont en dehors de sa compétence ; toutefois, les questions qui mettent en cause la liberté syndicale de syndicalistes ne peuvent être considérées comme sortant de sa compétence pour la seule raison qu'elles mettent en cause également des personnes autres que des syndicalistes.
- 236. Le gouvernement fait valoir également que 9 personnes seulement, sur les 21 syndicalistes en question, sont affiliées à l'organisation plaignante. Bien qu'une plainte se rapportant à des personnes qui ne sont pas affiliées à l'organisation plaignante puisse parfois avoir moins de poids qu'une plainte se rapportant à des personnes qui appartiennent à cette organisation - l'organisation plaignante étant susceptible d'être moins bien renseignée sur les questions affectant les personnes non membres -, le simple fait que certaines des personnes au sujet desquelles une plainte a été déposée ne sont pas membres de l'organisation plaignante ne rend pas la plainte irrecevable. Un des aspects essentiels de la procédure réside dans le fait qu'elle n'a pas le caractère d'une procédure légale engagée entre des parties qui doivent établir leur intérêt dans l'affaire, mais constitue un moyen de recueillir des informations permettant au Conseil d'administration de décider des mesures qu'il pourrait être approprié de prendre.
- 237. Le Comité reconnaît qu'une accusation de haute trahison est, en tant que telle, nettement hors de la compétence de l'O.I.T, ainsi que l'affirme le gouvernement ; il estime, par contre, que le point de savoir si une telle accusation formulée sur la base de faits et d'allégations mettant en cause l'exercice des droits syndicaux doit être considérée comme une question de haute trahison ou comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant.
- 238. En conséquence, dans le passé, lorsque, à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs auraient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales ou selon lesquelles leur arrestation ou leur détention aurait restreint dans des limites inadmissibles leurs droits syndicaux, les gouvernements ont opposé que ces arrestations avaient été motivées par les activités subversives de ceux qui en avaient été l'objet, par des raisons de sécurité nationale ou par des crimes de droit commun, le Comité s'est fait une règle de demander aux gouvernement intéressés de fournir des informations complémentaires aussi circonstanciées que possible concernant les arrestations et, en particulier, sur les procédures judiciaires engagées et sur le résultat de telles procédures. Si, dans certains cas, le Comité a conclu que des allégations relatives à l'arrestation ou au procès de syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, ce n'est qu'après avoir pris connaissance d'informations émanant du gouvernement - et contenant parfois le texte des jugements intervenus - qui montraient de façon suffisamment précise et détaillée que les arrestations dont il s'agissait n'avaient pas pour origine les activités syndicales de ceux qui en avaient été l'objet, mais des activités étrangères à l'action syndicale, soit de nature politique, soit dangereuses pour l'ordre public. Dans ces cas, les gouvernements intéressés ont collaboré avec le Comité en lui fournissant les informations nécessaires pour lui permettre de formuler des conclusions à l'intention du Conseil d'administration, bien que, dans un grand nombre de ces cas, lesdits gouvernements aient exprimé l'opinion que les arrestations et les procès avaient pour origine des activités à ce point subversives ou ayant à ce point le caractère d'un acte de trahison qu'elles étaient entièrement étrangères à toute activité syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 239. Dans ces conditions, le Comité rejette l'argumentation du gouvernement de l'Union sud-africaine et recommande au Conseil d'administration:
- a) de déplorer la déclaration du gouvernement de l'Union sud-africaine selon laquelle ce gouvernement n'est pas disposé à donner suite à la demande formulée par le Conseil d'administration lorsqu'il a adopté le vingt-sixième rapport du Comité, demande par laquelle il priait le gouvernement de bien vouloir lui faire connaître en temps utile le résultat des procédures engagées devant les tribunaux de l'Union sud-africaine et de lui fournir copie des jugements intervenus dans le cas de ceux des accusés dont le plaignant allègue qu'ils seraient dirigeants ou militants syndicaux ;
- b) de réaffirmer l'importance qu'il a toujours attachée, d'une part, au principe que chacun doit bénéficier d'un jugement prompt et équitable rendu par une instance judiciaire indépendante et impartiale dans tous les cas, y compris dans les cas où des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun dont le gouvernement considère qu'ils n'ont aucun rapport avec les activités syndicales, d'autre part, au principe que les garanties d'une procédure judiciaire régulière doivent comporter la non-application rétroactive d'une loi pénale.