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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 22, 1956

Cas no 148 (Pologne) - Date de la plainte: 29-JUIN -56 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats libres
    1. 66 La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres est contenue dans un télégramme en date du 29 juin 1956 adressé au Directeur général ainsi que dans une communication ultérieure datée du 8 août 1956.
    2. 67 Avant d'exposer sa plainte proprement dite, l'organisation plaignante rappelle qu'en présentant une plainte antérieure dirigée également contre le gouvernement polonais, elle avait attiré l'attention sur le fait qu'en Pologne, seuls les syndicats qui acceptent l'idéologie et le contrôle du Parti communiste et du gouvernement sont autorisés à fonctionner ; ils font alors partie intégrante de l'appareil étatique et ont pour rôle essentiel d'inciter les travailleurs à des efforts toujours plus grands ; ils ne s'occupent pas, par contre, de questions telles que les salaires et les niveaux de vie. Le processus de suppression des droits syndicaux a atteint son point culminant - indique le plaignant - à l'occasion de la grève de Poznan du 28 juin 1956.
    3. 68 Le plaignant donne le compte rendu suivant des événements qui ont conduit à la grève. Les causes immédiates doivent être cherchées dans les décisions unilatérales prises par la direction des usines Zispo et par le gouvernement et dont la conséquence aurait été de diminuer le revenu des travailleurs. D'après le plaignant, M. Ochab, alors premier secrétaire du Parti unifié des travailleurs polonais (communiste) aurait admis que ces décisions auraient été prises inconsidérément et que 75 pour cent des travailleurs auraient pâti de l'abolition, au cours de la seconde moitié de 1955, de l'échelle progressive dans le travail aux pièces dont les conséquences auraient été encore aggravées par une diminution des gains au titre des heures supplémentaires due à une baisse du nombre des commandes. Il aurait existé en outre d'autres causes de l'abaissement des gains des travailleurs : rythme irrégulier du travail de l'usine dû à l'apport sporadique de matières premières ; accroissements successifs des normes de production - qui augmentèrent, étalées sur 1953, 1954 et 1955, le rendement de 25 pour cent - mais qui n'entraînèrent pas d'augmentations appropriées des salaires ; prélèvements considérables sur les enveloppes des travailleurs au titre des impôts ; retards dans le remboursement des sommes indûment perçues. Il aurait existé encore d'autres sujets de mécontentement. La direction des usines Zispo aurait concentré ses efforts sur les objectifs de production au détriment du respect des règles de protection et de sécurité des travailleurs ; les conventions collectives prévoyant des augmentation et la construction de logements n'auraient pas été mises en application; enfin, il y aurait eu une grande pénurie de denrées alimentaires.
    4. 69 Les travailleurs des usines Zispo, au cours des mois qui précédèrent la grève, auraient insisté pour qu'il soit donné suite à leurs légitimes revendications ; ces revendications auraient été présentées au cours de réunions des comités d'entreprise, dans des discussions avec la direction et par des déclarations envoyées tant au syndicat régional des ouvriers métallurgistes qu'au Parti unifié des travailleurs. Au dire du plaignant, M. Ochab attribue les retards enregistrés à des lourdeurs bureaucratiques ; en fait, les demandes des travailleurs n'auraient eu pour écho que des réponses évasives ; le syndicat lui-même aurait négligé d'insister sur ces demandes ; en conséquence, le mécontentement ne cessa de s'accroître, non seulement au sein des usines Zispo, mais dans d'autres entreprises.
    5. 70 Au mois de juin, les travailleurs tinrent des réunions, non autorisées, durant les heures de travail et sans la participation du syndicat ; on se mit d'accord sur une longue liste de revendications relatives aux salaires, aux questions concernant les impôts, aux conditions de vie, etc. ; les travailleurs demandaient également à participer à la direction de l'usine par l'intermédiaire de délégués librement élus et non plus par le truchement de comités d'entreprise fantoches. Ces demandes étant restées sans réponse, les travailleurs, dédaignant les voies hiérarchiques du syndicat, élirent une délégation chargée de les représenter auprès du ministre. Si l'on en croit certains rapports, une réunion eut lieu le 27 juin aux usines Zispo, à laquelle le ministre de l'Industrie et des représentants du Syndicat des ouvriers métallurgistes vinrent assister; ceux-ci auraient affirmé que la majeure partie des demandes des travailleurs seraient satisfaites ; en même temps, toutefois, les membres d'une délégation ouvrière envoyée à Varsovie le 27 n'étant pas rentrés, on soupçonna qu'ils avaient été mis en prison. D'après le plaignant, les autorités déclarèrent que la délégation était rentrée à Poznan le 27 juin ramenant une réponse favorable aux revendications formulées par les travailleurs. Le plaignant met en doute cette affirmation et émet l'opinion que, connaissant les; dangers de déclencher une grève dans les pays communistes, il est fort improbable que les travailleurs s'y soient résolus après avoir obtenu satisfaction.
    6. 71 Le plaignant donne le compte rendu suivant des événements qui se sont déroulés à Poznan le jour de la grève (28 juin 1956). Vers huit heures, les travailleurs des usines Zispo formèrent un cortège et se dirigèrent vers le centre de la ville pour y manifester leur mécontentement. Les ouvriers d'autres entreprises se joignirent à eux et, dès 10 heures, le mouvement de grève était général. Le reste de la population soutint les manifestants et des milliers de personnes se joignirent à eux. Les fonctionnaires communistes disparurent de leurs bureaux. A partir de ce moment, il paraît difficile de reconstituer les événements avec précision. Il semblerait que certains groupes aient manifesté devant les bureaux du Parti communiste, d'autres au siège du Conseil régional populaire et à l'Hôtel de ville, d'autres enfin se seraient portés à la prison de Mlynska où l'on soupçonnait que les membres de la délégation des usines Zispo étaient détenus. Dès lors, la ville entière paraît s'être trouvée aux mains des manifestants. Lorsque les manifestants se présentèrent devant le quartier général de la police de sûreté en demandant la libération des délégués des usines Zispo, ils essuyèrent des coups de feu tirés des fenêtres ; cet incident fut le signal de combats dans différents quartiers de la ville. Les manifestants libérèrent les détenus de la prison de Mlynska et s'emparèrent des armes des gardiens ainsi que de celles entreposées à l'armurerie de la prison. Des formations militaires accompagnées de tanks arrivèrent alors sur les lieux et entreprirent de massacrer les manifestants ; les combats ne cessèrent que tard le lendemain soir.
    7. 72 Bien que la situation économique des travailleurs soit à l'origine immédiate des troubles de Poznan, le plaignant précise que ces troubles ont des causes plus profondes. Des normes accrues de production sans augmentation correspondante des salaires constituent le prix que les travailleurs doivent payer pour le programme de réarmement. Alors que les autorités estimaient à 27,6 pour cent l'augmentation des salaires réels pendant la durée du plan de six ans, M. Ochab, dans un discours prononcé quelques semaines après les événements de Poznan, aurait déclaré que cette augmentation n'aurait été que de 13 pour cent; il aurait d'ailleurs omis de justifier ce chiffre ; il aurait admis en outre que la situation de certaines catégories de travailleurs aurait même empiré. Le plaignant déclare que, dans un discours prononcé par M. Ochab en avril 1956, celui-ci aurait révélé la misère des travailleurs polonais en reconnaissant que des centaines de milliers d'entre eux gagnaient moins de 500 zlotys par mois alors que la moyenne des salaires polonais était de 800 zlotys ; de son côté, le journal semi-officiel Zycie Gospodarcze, dans son numéro du 20 mai 1956, déclarait que " celui qui gagne 1.000 zlotys par mois ne peut pas joindre les deux bouts" et précisait que "d'énormes couches de la population vivaient dans des conditions indescriptibles ". Dans un article récent, ce même journal déclarait que pour faire vivre sa famille dans des conditions décentes, un homme devait gagner au moins 1.727 zlotys par mois. Le secrétaire général de la Fédération syndicale mondiale lui-même aurait reconnu le profond mécontentement des travailleurs polonais et aurait admis que les syndicats polonais avaient perdu le contact avec la masse. En d'autres termes, déclare le plaignant, les syndicats n'ont rien fait en faveur des travailleurs, ce qui explique que ceux-ci aient agi en dehors des syndicats officiels. Les souffrances des travailleurs polonais seraient dues à la politique du gouvernement qui n'est contrôlée ni par un parlement librement élu ni par des syndicats libres et démocratiques.
    8. 73 Au dire du plaignant, il serait avéré que les manifestations de Poznan se seraient déroulées de manière pacifique, jusqu'au moment où les forces de police auraient ouvert le feu ; le droit de réunion aurait été violé ; plusieurs membres de la délégation ouvrière auraient été détenus en violation du principe selon lequel les travailleurs ont le droit d'élire leurs représentants et ces derniers celui de présenter aux autorités les revendications de leurs mandants. Le plaignant demande à l'O.I.T d'intervenir auprès du gouvernement polonais pour que celui-ci relâche les grévistes arrêtés et garantisse que les travailleurs de Poznan ne seront l'objet d'aucune brimade ultérieure ; il demande à l'O.I.T d'envoyer sur place une mission d'enquête pour étudier les circonstances de la grève et de sa répression armée. Le plaignant demande, enfin, que, sur la base des faits vérifiés par l'enquête, le Conseil d'administration déclare que le gouvernement polonais a porté atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs et notamment aux droits syndicaux, et que : a) l'absence du droit pour les travailleurs de constituer des syndicats de leur choix ne donne aucun moyen légal aux travailleurs polonais de faire valoir leurs griefs et leurs revendications, les syndicats officiels n'étant qu'un instrument dans les mains du gouvernement; b) la grève des travailleurs de Poznan et les manifestations contre l'exploitation furent réprimées par les armes et par l'établissement de l'état de siège ; c) des délégués des ouvriers furent arrêtés par les autorités, qui violèrent ainsi la liberté d'association.
  • Analyse de la plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats chrétiens
    1. 74 La plainte de la Confédération internationale des syndicats chrétiens est contenue dans un télégramme en date du 29 juin 1956 adressé au Directeur général, ainsi que dans une communication ultérieure datée du 4 août 1956. Après avoir rappelé les griefs d'ordre économique et financier des travailleurs, les griefs relatifs à l'application erronée des règlements et des déclarations de M. Ochab, premier secrétaire du Parti unifié des travailleurs, qui ont été exposés en détail à l'occasion de l'analyse de la plainte présentée par la C.I.S.L, le plaignant déclare que les ouvriers des usines Zispo ont envoyé une délégation à Varsovie et, à la suite du rapport négatif fourni par cette dernière, qu'ils ont décidé de déclencher une grève et de faire une manifestation.
    2. 75 Le plaignant déclare qu'il n'existe aucune règle interdisant formellement les grèves et les manifestations publiques, mais qu'une résolution adoptée en 1947 par l'Organe central des syndicats (sous contrôle communiste) reconnaît que les grèves ne peuvent avoir lieu en Pologne. C'est ce qui aurait permis à M. Ochab de déclarer que des " fauteurs de troubles et des démagogues " avaient réussi à déclencher une grève ; de son côté, le journal Trybuna Ludu dans son numéro du 6 juillet déclarait que " le pays et les règles que le peuple s'est données réprouvent la grève "et que la manière dont les travailleurs de Poznan ont choisi de protester était " impropre et nuisible ". En conséquence, le gouvernement lança des tanks et des troupes pour réprimer les protestations " impropres et nuisibles " des travailleurs.
    3. 76 En résumé, déclare le plaignant, le mécontentement des travailleurs de Poznan était justifié ; leurs revendications étant restées sans effet, ils eurent recours à la grève et aux manifestations ; les autorités sont opposées aux grèves et aux manifestations, qu'elles considèrent comme "impropres et nuisibles", et elles privent ainsi les travailleurs du droit de faire grève et de manifester pour faire triompher leurs justes revendications; les autorités ont réprimé une grève légitime par la force, répression qui a fait de nombreux tués et de nombreux blessés. Le plaignant demande à l'O.I.T d'intervenir auprès du gouvernement polonais afin que celui-ci mette fin à la répression et restaure les droits des travailleurs.
  • Analyse des autres plaintes
    1. 77 Dans une communication en date du 7 juillet 1956, la Confédération polonaise des syndicats chrétiens à l'étranger proteste contre l'usage qui a été fait de l'année à Poznan et contre la répression exercée contre la classe laborieuse polonaise. Elle demande à l'O.I.T d'exiger le retour à la liberté des travailleurs polonais et la cessation des poursuites engagées contre les travailleurs qui ont pris part aux événements de Poznan.
    2. 78 Dans une communication datée du 11 juillet 1956, la Fédération du travail de Nouvelle-Zélande déclare appuyer la plainte de la Confédération internationale des syndicats libres.
    3. 79 Dans une communication en date du 12 août 1956, la Fédération autonome des travailleurs de l'Est (Federación autónoma de Trabajadores del Este) (Uruguay) proteste contre le fait qu'une grève déclenchée pour faire triompher des revendications économiques des plus modestes ait été réprimée par la force. Elle demande à l'O.I.T d'exiger que les noms de tous ceux qui ont été poursuivis soient donnés, que tous les inculpés soient jugés en audiences publiques auxquelles seraient admis des représentants de la presse internationale ainsi que des observateurs de l'O.I.T et de la C.I.S.L, que tous les inculpés bénéficient de l'autorisation de faire assurer leur défense par des avocats étrangers, enfin, que le gouvernement donne l'assurance que les inculpés ne seront pas déportés en Russie et que des représentants de l'O.I.T et de la C.I.S.L seront autorisés à leur rendre visite périodiquement.
    4. 80 Dans une communication en date du 14 août 1956 adressée au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par ce dernier à l'O.I.T, le Secrétariat professionnel international de l'enseignement (Bruxelles) se déclare solidaire des travailleurs de Poznan, déclare que le fait que le mouvement ait été déclenché en dehors des organismes reconnus apporte la preuve qu'il n'existe pas, en Pologne, de syndicat qui soit représentatif des intérêts des travailleurs ; le plaignant demande le rétablissement, dans tous les pays, des droits démocratiques et l'organisation d'élections libres, le libre exercice des droits syndicaux et l'amnistie des prisonniers et des émigrés politiques.
  • ANALYSE DE LA REPONSE DU GOUVERNEMENT
    1. 81 Dans sa réponse en date du 27 octobre 1956, le gouvernement polonais reconnaît qu'à l'origine des incidents de Poznan, se trouve le fait que " des demandes justifiées des ouvriers des usines Zispo n'ont pas été satisfaites comme il le fallait et en temps voulu " et que " la responsabilité pour les causes profondes de ces événements retombe sur les autorités de l'administration centrale et locale, qui ont permis des pratiques préjudiciables aux ouvriers de Zispo ". Le gouvernement déclare cependant que la question des responsabilités est purement interne et qu'elle ne saurait faire l'objet de discussions au sein de l'O.I.T.
    2. 82 Le gouvernement donne le compte rendu suivant des événements. Lorsque les ouvriers de Zispo ont décidé de se mettre en grève et d'organiser une manifestation à l'appui de leurs revendications, les autorités de Poznan n'ont pris aucune mesure pour les en empêcher, se conformant en cela " aux dispositions polonaises en vigueur qui assurent à tous les ouvrier la liberté de manifestation et le droit de grève ". Dans un système de type socialiste où les moyens de production sont entre les mains des travailleurs, il est considéré que des grèves ne devraient pas avoir lieu ; c'est pourquoi le pouvoir populaire, sans priver qui que ce soit de la liberté de manifester et de faire la grève, tâche d'expliquer aux ouvriers qu'il est dans leur intérêt comme dans celui de l'Etat de rechercher la satisfaction de leurs demandes par d'autres moyens que la grève.
    3. 83 Le gouvernement nie le fait que la grève des ouvriers de Poznan ait été brisée par la force ou qu'une répression ait été exercée contre les manifestants. Au cours des manifestations, déclare le gouvernement, des bandes armées se constituèrent, attaquèrent les bâtiments publics, occupèrent la prison, pillèrent des magasins et des habitations pendant plusieurs heures sans rencontrer de résistance de la part des forces de l'ordre, lesquelles avaient pour instructions de ne pas faire usage de leurs armes contre des manifestants originairement considérés comme se livrant à une démonstration de caractère professionnel. La veille des événements de Poznan, une délégation librement élue par les ouvriers de Zispo avait discuté les demandes des ouvriers avec les représentants des autorités et la direction de l'usine ; au dire du gouvernement, la délégation entière est retournée librement à Poznan pour y faire rapport aux travailleurs. Le gouvernement affirme qu'il est inexact que des membres de cette délégation aient été arrêtés ; il convient cependant qu'une rumeur dans ce sens a été colportée, ce qui a certainement contribué à envenimer l'atmosphère. A la lumière de ces explications, le gouvernement déclare qu'il n'a pas violé les normes relatives à la liberté d'association qui lient tous les Etats Membres de l'O.I.T.
    4. 84 Selon le gouvernement, " des aventuriers et des éléments criminels " se mêlèrent aux manifestants et provoquèrent des meurtres, des violences et du pillage ; un " fonctionnaire de la sécurité publique a été bestialement assassiné ", les gardiens de la prison de Mlynska ont été désarmés et 257 criminels libérés Par la suite, un groupe de manifestants auquel s'étaient joints des prisonniers libérés attaquèrent, le bâtiment des forces de sécurité. La lutte aux alentours de ce bâtiment ainsi qu'en d'autres points de la ville causa la mort de 53 personnes dont 9 soldats et fonctionnaires de la sécurité ; plus de 300 personnes furent blessées dont 39 soldats et fonctionnaires de la sécurité. Au cours de ces incidents et immédiatement après, plusieurs centaines de personnes furent arrêtées, soit parce qu'elles étaient en possession d'armes, soit parce qu'elles détenaient des objets pillés, soif; parce qu'elles étaient suspectes d'avoir participé à des actes d'agression contre des institutions publiques, des soldats ou des fonctionnaires de la milice ou de la sécurité La grande majorité des personnes arrêtées ont été relâchées après interrogatoire ; les autres ont été poursuivies selon une procédure judiciaire impartiale.
    5. 85 Le gouvernement déclare que personne n'a été arrêté en raison de sa participation à la grève ou à la manifestation en tant que telle, tous ceux qui ont été arrêtés l'ont été en raison d'actes criminels qui ont entièrement transformé le caractère primitif des manifestations et mis en danger l'ordre et la sécurité publics. Le gouvernement ajoute que le procureur général a soumis aux autorités judiciaires une proposition tendant à libérer toutes les personnes qui ne sont pas accusées de meurtre ou de pillage.
    6. 86 Le gouvernement termine en déclarant que les demandes des plaignants sont dénuées de fondement et devraient être rejetées, en particulier la demande relative à une enquête sur les lieux. Tout en rejetant comme une tentative inadmissible d'ingérence dans les affaires internes polonaises la demande tendant à ce qu'une mission d'enquête soit envoyée dans le pays, le gouvernement souligne qu'aussi bien les autorités polonaises que la nation tout entière souhaitent collaborer de façon toujours plus étroite avec l'Organisation internationale du Travail et les autres organisations internationales en poursuivant et en développant la ligne suivie jusqu'ici dans ce domaine par la Pologne.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Question préalable relative à la compétence de l'O.I.T.
    1. 87 Le gouvernement estime que la détermination des responsabilités quant aux causes qui sont à l'origine des événements de Poznan est une question purement interne, qui ne saurait faire l'objet de discussions au sein d'un organe quelconque de l'O.I.T.
    2. 88 A cet égard, le Comité renouvelle la déclaration qu'il avait faite dans le cadre de son examen du cas no 12 (Argentine) et réitérée à propos des cas no 63 (Union sud-africaine) et no 102 (Union sud-africaine) aux termes de laquelle, étant donné la décision prise en la matière par la Conférence internationale du Travail à sa 33ème session (1950), il ne lui appartient pas d'examiner plus avant la question de la compétence de l'O.I.T en ce qui concerne l'établissement d'une procédure d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale.
    3. 89 Le Comité note cependant avec satisfaction que le gouvernement polonais a jugé opportun de présenter ses observations sur le fond des plaintes.
  • Allégations relatives à la situation syndicale dans son ensemble
    1. 90 Au cours de l'étude qu'ils présentent sur les circonstances qui ont conduit aux événements de Poznan du 28 juin 1956, certains plaignants, en plus de leur analyse de la situation économique qui, allèguent-ils, s'est traduite par un abaissement progressif des conditions de vie et de travail des ouvriers, certains plaignants donc, font allusion au fait que les syndicats existants sont inféodés au gouvernement et indiquent qu'il n'existe pas en Pologne de syndicats libres pour représenter les intérêts véritables des travailleurs. La C.I.S.L, la C.I.S.C et le Secrétariat professionnel international de l'enseignement, en guise de conclusions de leurs plaintes, demandent au Conseil d'administration de faire une recommandation au gouvernement polonais tendant à ce que celui-ci garantisse à l'avenir à tous les travailleurs la faculté d'exercer librement tous leurs droits syndicaux.
    2. 91 Etant donné que, dans le cadre du cas no 58, également relatif à la Pologne, le Comité s'est trouvé saisi d'une plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats libres fondée entièrement sur la situation syndicale générale en Pologne et que cette plainte renfermait des allégations qui couvrent l'ensemble de la question des droits syndicaux de façon beaucoup plus complète que celles dont il est saisi dans le cadre du présent cas, le Comité estime inutile d'examiner ici des allégations qu'il a par ailleurs étudiées plus à fond. Toutefois, le Comité a gardé ces allégations présentes à l'esprit lorsqu'il s'est efforcé de se faire une opinion concernant les circonstances qui ont servi de toile de fond aux événements de Poznan, lesquels font l'objet des allégations spécifiques constituant le cas d'espèce.
    3. 92 En ce qui concerne les événements de Poznan, on peut répartir les allégations présentées en quatre groupes, cette subdivision correspondant d'ailleurs à l'ordre chronologique des événements:
      • a) allégations relatives à la détention de délégués ouvriers ;
      • b) allégations relatives à la grève de Poznan et au droit de grève en général;
      • c) allégations relatives aux manifestations de Poznan ;
      • d) allégations relatives aux mesures de répression dont les grévistes et les manifestants auraient été l'objet.
    4. Allégations relatives à la détention de délégués ouvriers
    5. 93 Alors que la C.I.S.C allègue que les délégués des usines Zispo, envoyés à Varsovie le 27 juin 1956 seraient revenus porteurs d'une réponse que les travailleurs n'auraient pas jugée satisfaisante - ce qui aurait déterminé ces derniers à déclencher la grève -, la C.I.S.L allègue de son côté que, " si l'on en croit certains rapports ", les membres de la délégation ouvrière, ou du moins certains d'entre eux, ne seraient pas rentrés le 27 juin et l'on soupçonnerait qu'ils ont été détenus. La C.I.S.L déclare que cette mesure de détention constituerait une atteinte au principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit d'élire librement leurs représentants et ces derniers le droit de formuler les revendications de leurs mandants. Le gouvernement déclare qu'après avoir procédé à des négociations à Varsovie le 27 juin, la délégation dans son ensemble serait rentrée pour rendre compte du résultat de sa mission ; aucun membre de cette délégation n'aurait été détenu. Le gouvernement indique que le jour suivant, des rumeurs furent colportées selon lesquelles les délégués ouvriers auraient été détenus, rumeurs qui contribuèrent à envenimer l'atmosphère au moment précis où se déroulait la manifestation. Alors que le gouvernement affirme catégoriquement qu'aucun membre de la délégation ouvrière n'a été détenu, il existe une certaine divergence entre les données fournies par les différents plaignants, la C.I.S.C déclarant que la délégation était rentrée à Poznan porteuse d'une réponse insatisfaisante et la C.I.S.L déclarant que cette délégation - ou du moins certains membres de la délégation - n'était pas rentrée " le 27 juin ", à savoir, le même jour que celui de leur départ pour Varsovie. De plus, la C.I.S.L déclare que ses informations sont fondées sur " certains rapports "...
    6. 94 Etant donné ces circonstances, le Comité souligne l'importance qu'il attache à ce principe que les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté et ces représentants le droit d'exprimer les revendications des travailleurs.
  • Allégations relatives à la grève de Poznan et au droit de grève
    1. 95 Il est allégué que les travailleurs ont lancé un appel de grève pour le matin du 28 juin 1956, leurs revendications justifiées étant restées insatisfaites. Certaines des plaintes semblent parfois, et notamment après coup, considérer comme analogues la grève et la manifestation qui suivit; toutefois, le Comité estime nécessaire de les distinguer l'une de l'autre, eu égard en particulier au fait que les questions en jeu ne sont pas rigoureusement identiques. Le Comité se borne donc, pour le moment, à étudier la question de la grève proprement dite et celle du droit de grève.
    2. 96 Il ressort clairement des exposés détaillés présentés par les plaignants, mais aussi des points admis par le gouvernement de la Pologne dans sa réponse, que les motifs de la grève de Poznan étaient d'ordre purement économique. Le gouvernement polonais lui-même déclare que les troubles de Poznan ont eu pour point de départ le fait que les revendications fondées des travailleurs étaient restées insatisfaites ou n'avaient pas fait l'objet d'un examen approprié, les autorités étant responsables de cet état de choses. Le Comité estime sans doute que l'ordre de grève a été lancé avant tout pour appuyer les revendications économiques des travailleurs.
    3. 97 La deuxième question à résoudre, celle du caractère illicite de la grève qui nous occupe, dépend de la notion générale du droit de grève. Aucun des plaignants ne soutient que la loi polonaise interdise la grève ; en fait, la C.I.S.C affirme expressément que tel n'est pas le cas. En revanche, les plaignants soutiennent que toute grève est dangereuse dans un pays communiste et que la Centrale syndicale polonaise a adopté, en 1947, une résolution dans laquelle il est reconnu que les grèves ne peuvent avoir lieu en Pologne ; il est en outre allégué que, de l'avis des autorités, " le pays et les règles que le pays s'est données réprouvent la grève " et que, toujours selon les autorités, la manière dont les travailleurs de Poznan ont choisi de protester était " impropre et nuisible ". Le gouvernement de la Pologne déclare que personne n'a été arrêté pour avoir participé à la grève, que la grève n'est pas réprimée en tant que telle et que la législation en vigueur garantit le droit général de grève, bien qu'on ne néglige aucun effort pour expliquer aux travailleurs qu'il est dans leur intérêt, comme dans celui de l'Etat, que les conflits soient réglés sans recours à la grève.
    4. 98 Il semblerait en l'espèce que le droit de grève ne soit pas interdit par la loi, mais officiellement désapprouvé en Pologne; il semblerait en outre que la grève de Poznan ait été licite et décidée par les travailleurs pour appuyer des revendications économiques après qu'ils eurent épuisé tous les modes de règlement pacifique. Le gouvernement de la Pologne reconnaît que l'examen des revendications justifiées des travailleurs a été trop lent.
    5. 99 Dans plusieurs cas, le Comité a reconnu l'importance du droit de grève en termes généraux. Dans le cas no 47 concernant l'Inde, le Comité a déclaré que " le droit de grève est communément considéré comme un des droits généraux reconnus aux travailleurs et à leurs organisations pour leur permettre de défendre leurs intérêts économiques ", mais que " dans le cas des services essentiels, le droit de grève peut être restreint à titre temporaire, en attendant qu'aient pris fin les procédures de négociations, de conciliation ou d'arbitrage ". Le Comité a émis une opinion analogue lors de l'examen du cas no 50 concernant la Turquie. Dans le cas no 11, relatif au Brésil, le Comité a attiré l'attention sur l'importance qu'il attache à ce que, dans les cas où les grèves sont interdites, des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense professionnelle - principe qu'il a proclamé à nouveau dans le cas no 60 concernant le Japon ; à cette dernière occasion, il a en outre fait, savoir, qu'à son avis, les garanties en question devraient notamment comprendre l'établissement d'une procédure paritaire de conciliation et, seulement lorsque ces méthodes de conciliation échouent, l'institution d'une procédure paritaire d'arbitrage dont les décisions seraient obligatoires pour les deux parties.
    6. 100 Dans ces conditions, le Comité souligne l'importance qu'il attache au principe selon lequel le droit de grève est communément considéré comme un élément essentiel des droits généraux des travailleurs et de leurs organisations de défendre leurs intérêts économiques ; en outre, si la loi peut restreindre provisoirement les grèves ou, comme en l'espèce, si les autorités peuvent les désapprouver ou s'efforcer d'en détourner les ouvriers, jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage aient été épuisés, une telle attitude du gouvernement devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir que le gouvernement polonais envisagera les mesures à prendre pour traduire ces principes dans les faits et informera les travailleurs de ce que, s'il est souhaitable de voir les conflits réglés sans recours à l'action directe, les travailleurs de Pologne peuvent, s'ils l'estiment nécessaire, exercer ce droit de grève dont le gouvernement déclare qu'il est garanti par la loi sans devoir en rien redouter que les autorités n'usent de représailles.
  • Allégations relatives aux manifestations de Poznan
    1. 101 Les principales de ces allégations ont directement trait aux manifestations publiques organisées par les travailleurs en grève et aux mesures prises par les autorités. Selon les plaignants, les travailleurs se groupèrent, en un cortège qui se dirigea vers le centre de Poznan pour appuyer leurs revendications et protester contre l'oppression dont ils étaient victimes ; bien que la quasi-totalité des spectateurs se soient joints à eux par la suite, ce fut là une manifestation pacifique. Cette démonstration gagna l'ensemble de la ville et, déclarent les plaignants, il est malaisé de reconstituer avec une précision et une certitude absolues les événements qui se produisirent à partir de ce moment ; d'après les récits de témoins, des groupes de manifestants se dirigèrent vers l'hôtel de ville, le siège du Conseil populaire régional et la prison de Mlynska, où ils délivrèrent les détenus après s'y être procuré des armes à feu ; lorsqu'un groupe de manifestants passa devant le quartier général de la police de sécurité, on tira sur eux du bâtiment ; il s'ensuivit une bataille générale, puis l'armée et les tanks arrivèrent. De l'avis du gouvernement de la Pologne, la manifestation fut à l'origine le fait des travailleurs ; les forces de sécurité reçurent l'ordre de ne pas utiliser leurs armes, et cela même lorsque des bandes armées commencèrent à se former pour attaquer les immeubles et piller les magasins. Le gouvernement reconnaît qu'une partie de la foule se procura des armes à la prison de Mlynska et libéra les détenus. Le point sur lequel les deux thèses en présence s'écartent le plus est celui des circonstances qui firent prendre aux événements un tour sanglant; selon les plaignants, les forces de sécurité ouvrirent le feu sur les manifestants qui passaient devant leur quartier général ; d'après la version gouvernementale, assassinats et pillage ayant éclaté et un agent de police ayant été tué de manière " bestiale ", une horde renforcée par les détenus libérés attaqua le quartier général de la police de sécurité et un combat général s'ensuivit.
    2. 102 Dans le cas no 28 concernant la Jamaïque, le Comité a soutenu que le droit de grève et celui d'organiser des réunions syndicales sont des éléments essentiels du droit syndical et que les mesures prises par les autorités pour faire respecter la légalité ne devraient, pas avoir pour effet d'empêcher les syndicats d'organiser des réunions à l'occasion des conflits du travail. Dans le cas no 40, concernant la Tunisie, le Comité a réaffirmé le principe général selon lequel le droit d'organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. En même temps, dans le cas no 62 concernant les Pays-Bas, il a estimé que si le droit de tenir des réunions syndicales est un élément essentiel de la liberté syndicale, les organisations sont toutefois tenues de respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous. Le Comité a toujours opéré une distinction entre les manifestations ayant un objet purement syndical, qu'il considère comme rentrant dans l'exercice d'un droit syndical, et celles qui tendent à d'autres fins. Dans les cas où la dispersion par la police de réunions (ou de manifestations) a entraîné mort d'homme, le Comité a attaché une importance particulière à ce qu'une enquête spéciale, immédiate et indépendante, élucide pleinement les faits et à ce que la procédure pour établir le bien-fondé et la responsabilité des mesures prises par la police soit la procédure judiciaire régulière.
    3. 103 En l'espèce, le Comité, notant que, de l'avis des deux parties, les travailleurs de Poznan ont exercé légitimement leurs droits en se mettant en grève et en manifestant pour appuyer leurs revendications économiques et professionnelles, ce faisant, souligne une fois de plus l'importance qu'il attache à ce principe que le droit de manifester pacifiquement, en respectant l'ordre public, pour appuyer des revendications professionnelles compte parmi les éléments essentiels des droits syndicaux. Eu égard au caractère contradictoire des éléments de preuve dont il dispose au sujet de l'enchaînement exact des événements survenus peu après la généralisation de la manifestation de Poznan, et notamment au sujet du moment critique où cette dernière s'est transformée en une tuerie, le Comité ne s'estime pas en mesure de se prononcer sur les responsabilités incombant à chacune des parties en présence dans le déclenchement des actions qui ont abouti à l'effusion de sang, mais exprime à nouveau l'opinion que, dans de tels cas, il est particulièrement important qu'une enquête spéciale, immédiate et indépendante, élucide pleinement les faits afin d'établir le bien-fondé et la responsabilité des mesures prises par les forces de sécurité ; le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte de cette conclusion et de la notifier au gouvernement de la Pologne.
  • Allégations relatives aux représailles exercées ultérieurement contre les grévistes et les manifestants
    1. 104 Les plaignants prient l'O.I.T d'intervenir pour obtenir la libération des grévistes arrêtés à Poznan et l'assurance qu'aucun de ces travailleurs ne fera l'objet de représailles et que celles qui ont eu lieu seront réparées. Le gouvernement de la Pologne déclare que personne n'a été appréhendé pour avoir participé à la grève ou aux manifestations elles-mêmes, mais que seules ont été arrêtées les personnes coupables, à son avis, des actes criminels qui ont modifié le caractère de la manifestation. Il ajoute que le procureur général a soumis aux autorités judiciaires une proposition tendant à libérer toutes les personnes emprisonnées sous des inculpations autres que celles d'homicide volontaire ou de pillage.
    2. 105 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement de la Pologne à le tenir au courant de la suite donnée à la proposition du procureur général et du résultat des poursuites engagées contre les personnes qui ne pouvaient pas être libérées sur la base de cette proposition.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 106. Dans ces conditions, le Comité, tenant compte du fait qu'il a déjà, en conséquence de son examen du cas no 58, formulé des recommandations au Conseil d'administration sur les allégations relatives à la situation syndicale générale en Pologne, recommande au Conseil d'administration:
    • a) de réaffirmer le principe, approuvé par le Conseil d'administration dans des cas antérieurs, selon lequel les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté - en insistant sur le fait que ces représentants doivent avoir le droit d'exprimer les revendications des travailleurs ;
    • b) de réaffirmer, au sujet des allégations concernant la grève de Poznan et l'exercice du droit de grève en Pologne, les principes approuvés par le Conseil d'administration dans des cas antérieurs, en vertu desquels le droit de grève est communément considéré comme un élément essentiel des droits généraux des travailleurs et de leurs organisations de défendre leurs intérêts économiques, et que si la loi peut restreindre provisoirement les grèves - ou si, comme en l'espèce, les autorités peuvent désapprouver les grèves et s'efforcer d'en détourner les ouvriers - jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage prévus par la loi aient été épuisés, une telle attitude devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives ; d'exprimer l'espoir que le gouverne ment polonais envisagera les mesures à prendre pour traduire dans les faits les principes énoncés ci-dessus et qu'il convaincra les travailleurs de ce que - s'il est souhaitable de voir les conflits réglés sans recours à l'action directe, chaque fois que cela est possible - les travailleurs de Pologne peuvent, lorsqu'ils l'estiment nécessaire, exercer le droit de grève que le gouvernement déclare garanti par la loi sans devoir en rien redouter que les autorités usent de représailles ;
    • c) de prendre note, quant aux allégations concernant les manifestations de Poznan, que le Comité n'est pas à même, sur la base des données qu'il possède, de se prononcer sur les responsabilités incombant aux parties en présence dans le déclenchement des actions qui ont transformé la manifestation en effusion de sang, mais réaffirme l'importance qu'il attache au principe selon lequel le droit de manifester pacifiquement pour appuyer des revendications professionnelles fait partie intégrante des droits syndicaux et souligne le principe, déjà proclamé par lui auparavant, selon lequel il est particulièrement important, lorsque la dispersion de réunions ou de manifestations publiques par la police ou d'autres forces officielles a entraîné mort d'homme, qu'une enquête spéciale, immédiate, indépendante et conforme à la procédure judiciaire régulière, élucide pleinement les faits afin d'établir le bien-fondé et la responsabilité des mesures prises par les forces de sécurité, comme aussi de notifier ces conclusions au gouvernement de la Pologne et
    • d) de prendre acte de la déclaration expresse du gouvernement de la Pologne, aux termes de laquelle : a) personne n'a été appréhendé pour avoir participé à la grève ou aux manifestations elles-mêmes, les auteurs d'actes criminels ayant seuls été arrêtés et b) le procureur général a soumis aux autorités judiciaires une proposition tendant à libérer toutes les personnes emprisonnées sous des inculpations autres que celles d'homicide volontaire ou de pillage ; d'inviter le gouvernement de la Pologne à tenir le Conseil d'administration au courant de la suite donnée à la proposition du procureur général et du résultat des poursuites engagées contre les personnes qui ne pouvaient pas être libérées sur la base de cette même proposition ;
    • e) en tenant compte de la déclaration dans laquelle le gouvernement de la Pologne exprime le désir des autorités nationales et de la nation polonaise tout entière de collaborer plus étroitement que par le passé avec l'Organisation internationale du Travail et les autres organisations internationales, de recommander à ce gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner plein effet aux principes contenus dans la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et de ratifier ces conventions dans les plus brefs délais.
      • Genève, le 9 novembre 1956. (Signé) Roberto AGO, Président.
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