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Rapport définitif - Rapport No. 25, 1957

Cas no 151 (République dominicaine) - Date de la plainte: 28-JUIL.-56 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 275. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres est exposée dans trois communications en date des 28 juillet 1956, 3 octobre 1956 et 7 janvier 1957, qui sont analysées ci-après.
  2. 276. Par la première de ces communications, la Confédération internationale des syndicats libres transmet le texte d'une résolution relative à la République dominicaine que son conseil exécutif a adoptée en juillet 1956. Dans cette résolution, « notant... la suppression du mouvement ouvrier libre et l'absence d'une législation sociale appropriée » dans la République dominicaine, le conseil exécutif de la C.I.S.L réaffirme sa volonté de lutter en faveur du retour à la liberté syndicale et aux droits démocratiques supprimés par la tyrannie de Trujillo et en appelle à ses affiliés pour qu'ils se joignent à une campagne mondiale de protestation. Le secrétaire général de la C.I.S.L étudiera la possibilité de présenter une plainte en violation de la liberté syndicale auprès de l'O.I.T, ainsi que la possibilité de décréter le boycottage de la République dominicaine. La deuxième communication, en date du 3 octobre 1956, contient le texte de cette plainte. D'après cette plainte, le 16 août 1930, Rafael L. Trujillo se serait emparé par la force de la présidence de la République dominicaine, instaurant dans le pays un régime autoritaire qui aurait privé le peuple dominicain de toutes les libertés fondamentales, y compris la liberté syndicale. Depuis cette date, le peuple dominicain vit sous le contrôle absolu qu'exerce le gouvernement sur toutes les activités du pays. Les travailleurs subissent une pression continuelle et doivent jurer fidélité au Président de la République, comme le prouve la prestation publique de serment qui a eu lieu le 1er mai 1956.
  3. 277. D'après la loi du 8 juillet 1943, une organisation syndicale ne peut fonctionner que si elle est, au préalable, reconnue par le ministère du Travail auquel la demande d'enregistrement doit être adressée. Les articles 349 et 350 du Code du travail, dit Code Trujillo du travail, contiennent des dispositions à ce sujet : le premier article stipule que le secrétariat d'Etat au Travail peut renvoyer aux intéressés les documents constitutifs du syndicat, parmi lesquels les statuts, en leur signalant les rectifications à y apporter ; le deuxième article dispose que l'enregistrement du syndicat sera refusé si l'une quelconque des conditions requises par la loi n'est pas remplie. Ces dispositions prouvent la dépendance des syndicats envers le gouvernement, comme le montrent aussi les faits suivants : il existe deux sortes de dirigeants syndicaux, les uns ne sont même pas des membres des organisation syndicales, mais des fonctionnaires du régime (gouverneurs provinciaux, etc.), auxquels la loi attribue des tâches syndicales ; les autres sont des membres de syndicats élus selon les instructions du parti au pouvoir. Ce parti jouit d'un monopole politique et constitue une seule entité avec le gouvernement. De cette manière, il convient de considérer comme fonctionnaires publics les dirigeants syndicaux, qui sont élus selon les instructions du parti. Les congrès syndicaux sont organisés par des fonctionnaires du Parti dominicain ou par des chefs politiques dominicains auxquels il appartient de choisir les thèmes traités par les congrès. Tout syndicat qui désire déclencher une grève doit fournir des justifications de cette décision au secrétariat d'Etat au Travail et la grève ne peut être déclarée que quinze jours après la date de cette notification. Le syndicat doit prouver que la grève a pour objet exclusif la solution d'un différend économique (article 374 du Code du travail). D'autres dispositions du Code témoignent également du manque de liberté : l'article 306 interdit aux syndicats de restreindre directement ou indirectement la liberté du travail, ce qui constitue une ingérence dans le fonctionnement des syndicats ; l'article 314 leur interdit d'intervenir dans des questions politiques ; l'article 356 prévoit l'annulation de l'enregistrement par décision des tribunaux et la dissolution du syndicat si celui-ci se livre à des activités étrangères à ses fins légales ; enfin, l'article 104 dispose que les conventions collectives sont subordonnées à l'approbation préalable du ministère du Travail. Ainsi, poursuit l'organisation plaignante, il est hors de doute que la liberté syndicale n'existe pas dans la République dominicaine. D'une part, la législation contient des dispositions restrictives à la liberté syndicale et, d'autre part, les syndicats existants ne sont pas des syndicats authentiques. La prétendue Confédération dominicaine du travail est un instrument entre les mains du président Trujillo, qui s'en sert pour dominer la classe laborieuse. L'organisation plaignante prie le Conseil d'administration de demander au gouvernement de la République dominicaine d'autoriser le rétablissement de l'autonomie des syndicats envers le pouvoir exécutif et l'élimination de toute ingérence dans la vie syndicale. Les articles du Code du travail mentionnés ci-dessus doivent être amendés et il faut rappeler au gouvernement de la République dominicaine les engagements qu'il assume en tant qu'Etat Membre de l'Organisation internationale du Travail.
  4. 278. Dans sa troisième communication, en date du 7 janvier 1957, la C.I.S.L déclare que les mesures prévues par le Conseil d'administration, lorsqu'il avait adopté les conclusions du Comité de la liberté syndicale au sujet du cas précédent relatif à la République dominicaine - cas no 3 - n'ont pas été prises. L'organisation plaignante récapitule les diverses phases de l'examen du cas no 3 et notamment la question de l'invitation, retirée par la suite, qu'avait formulée le gouvernement au sujet de l'envoi d'une mission qui aurait pour mandat « d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur dans la République dominicaine en matière de liberté syndicale ». Le Comité de la liberté syndicale déplora que le gouvernement se fût refusé à donner son agrément à l'envoi de cette mission et prit acte des assurances données par le gouvernement, selon lesquelles les organisations de travailleurs ne pouvaient être suspendues ou dissoutes par voie administrative, rien ne s'opposait à ce que la Confédération des travailleurs dominicains adhérât à une organisation internationale de travailleurs et le gouvernement avait l'intention de procéder à la ratification de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Le Comité souligna l'importance d'une application effective des dispositions qui garantissent le libre exercice des droits syndicaux. La C.I.S.L insiste sur les assurances données à l'époque à ce propos par le gouvernement de la République dominicaine et exprime « la déception et le regret du mouvement syndical libre » devant l'attitude du gouvernement de la République dominicaine, qui refuse de recevoir une mission de l'O.I.T, qui n'attribue aucune valeur aux assurances données à l'O.I.T et qui a tant tardé à ratifier la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. « Bien que le gouvernement ait donné à l'O.I.T l'assurance formelle qu'en République dominicaine, la liberté d'association existe, s'exerce et se respecte - ajoute la C.I.S.L. -, en réalité les travailleurs peuvent adhérer uniquement à des syndicats agréés par le gouvernement, dont les dirigeants ne sont pas élus librement par les travailleurs et ne représentent donc pas ces derniers.»
    • ANALYSE DE LA REPONSE
  5. 279. Dans sa communication du 29 novembre 1956, le gouvernement de la République dominicaine souligne que l'examen des plaintes révèle que celles-ci se réfèrent non seulement à des questions appartenant au domaine du travail, mais aussi à des questions ayant un caractère politique incontestable. En ce qui concerne ces dernières, le gouvernement pourrait se dispenser de les réfuter, du fait que le Comité de la liberté syndicale n'est pas compétent pour connaître de questions de cette nature. Le gouvernement fait remarquer que le Comité de la liberté syndicale a déjà eu l'occasion de se prononcer, sous une forme extrêmement satisfaisante pour le régime dominicain, sur une plainte analogue présentée également par la Confédération internationale des syndicats libres. Devant les conclusions adoptées précédemment par le Comité de la liberté syndicale, la position de l'organisation plaignante est insoutenable puisque la législation de la République dominicaine qui a servi de base aux conclusions du Comité dans son cinquième rapport est en vigueur à l'heure actuelle comme elle l'était à cette époque. La nouvelle plainte de la C.I.S.L ne peut s'expliquer que de deux manières : ou bien la C.I.S.L ignore la décision antérieure du Comité de la liberté syndicale telle qu'elle figure dans son cinquième rapport ou bien elle veut se mettre au service d'intérêts politiques étrangers aux objectifs de l'Organisation internationale du Travail.
  6. 280. La première accusation concrète signale que la législation dominicaine viole la liberté syndicale parce qu'aucun syndicat ne peut fonctionner s'il n'est pas reconnu par le secrétariat d'Etat au Travail et parce que celui-ci a le pouvoir de renvoyer aux intéressés les documents d'enregistrement. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale s'est déjà prononcé, dans son cinquième rapport, en faveur de la législation en vigueur. La C.I.S.L cite la loi du 8 juillet 1943 qui a été abrogée par l'article 689 du Code Trujillo du travail, comme l'a constaté également le Comité dans son cinquième rapport. L'enregistrement auquel se réfèrent les articles 349 et 350 du Code est une simple formalité administrative, qui a pour objet principal de conférer aux syndicats la personnalité juridique. Il n'y a pas eu un seul cas dans lequel l'enregistrement sollicité n'ait pas été accordé. Une formalité analogue figure dans la législation de nombreux Etats Membres de l'O.I.T, comme il ressort de l'examen contenu dans le rapport du Comité de l'indépendance des organisations d'employeurs et de travailleurs (Comité McNair), qui a été présenté au Conseil d'administration à sa 131ème session (mars 1956).
  7. 281. La deuxième accusation de la C.I.S.L se réfère à l'existence de dirigeants syndicaux, qui seraient en même temps des fonctionnaires de l'Etat. Cette accusation procède d'une erreur et se fonde sur un fait qui n'est pas exact. En effet, les dispositions qui attribuaient à certains fonctionnaires publics des fonctions syndicales (à savoir la loi no 267 du 10 mai 1940) ont été abrogées il y a plusieurs années, comme l'a constaté le Comité dans le paragraphe 43 du cinquième rapport. Par conséquent, cette accusation manque de tout fondement. La troisième accusation, relative à l'absence d'indépendance dont souffrirait la Confédération des travailleurs dominicains, est fondée sur des faits imaginaires. La Confédération des travailleurs dominicains organise tous les deux ans un congrès, conformément aux dispositions de ses statuts, et l'ordre du jour de ces congrès comprend des questions qui relèvent exclusivement du domaine syndical. Bien des désirs formulés lors de ces congrès se sont transformés en lois destinées à favoriser la classe laborieuse. Ni les partis politiques, ni les chefs politiques, ni les membres des forces armées n'interviennent d'aucune manière dans ces congrès.
  8. 282. En ce qui concerne les accusations relatives à l'exercice du droit de grève, c'est-à-dire la nécessité où se trouve le syndicat de justifier, devant le secrétariat d'Etat, sa décision de déclencher la grève, il s'agit d'un aspect de la plainte qui doit être examiné en tenant compte du droit souverain de l'Etat. La République dominicaine a un régime politique organisé par la volonté autonome de son peuple. Faisant usage des attributions souveraines que lui accorde sa Constitution, le pouvoir exécutif, lorsqu'il a promulgué le Code Trujillo du travail, a estimé que s'il était indispensable de reconnaître une autonomie absolue aux organisations syndicales, il ne convenait pas, dans l'intérêt vital du pays, que ces organisations pussent se livrer à des activités politiques. Le même critère est étayé par l'expérience d'autres pays dans lesquels de prétendues organisations syndicales travaillent manifestement pour des causes contraires à l'ordre public. Les limites imposées par la législation de la République dominicaine aux activités des syndicats n'entraînent en aucune manière une violation de l'indépendance qui leur appartient à juste titre. En d'autres termes, aucun syndicat, en sa qualité de personne juridique, ne peut déployer d'activités politiques, mais cela ne s'oppose en rien à ce que les membres des syndicats, à titre individuel, entrent en toute liberté dans le domaine de la politique. Le droit de grève est reconnu, mais en le réglementant, le pouvoir législatif a estimé nécessaire de limiter ce droit aux cas de conflits d'ordre économique. Cette réglementation n'a fait précédemment l'objet d'aucune observation de la part du Comité de la liberté syndicale dans son cinquième rapport. Ces restrictions ont leur source dans les pouvoirs souverains que la Constitution reconnaît aux autorités publiques et dans le devoir élémentaire qui incombe à tout gouvernement de veiller au maintien de la paix. Le préavis imposé par la loi à la déclaration d'une grève et le droit qui appartient aux seuls tribunaux de l'accepter ne peuvent entraîner une violation des droits syndicaux. La C.I.S.L allègue, en outre, que les syndicats ne peuvent restreindre directement ou indirectement la liberté du travail, ce qui impliquerait une ingérence dans le fonctionnement des organisations syndicales. Cette allégation paraît inqualifiable. La liberté du travail est l'un des droits inhérents à la personne humaine, comme l'établit la Constitution de la République dominicaine. Toute loi qui autoriserait les organisations syndicales à restreindre cette liberté constitutionnelle constituerait une violation des règles constitutionnelles fondamentales. Tout travailleur est libre de se consacrer, qu'il appartienne ou non à un syndicat, à l'activité qui lui plaît le plus ou qui convient le mieux à ses intérêts ; cette liberté est entourée des garanties établies par le Code, puisqu'il est interdit aux employeurs d'essayer d'influencer les travailleurs pour qu'ils adhèrent à un syndicat ou s'abstiennent d'y adhérer. L'article 307 interdit expressément de contraindre une personne en quête de travail à s'abstenir d'adhérer à un syndicat ou à solliciter son adhésion à ce syndicat. Ces garanties sont conformes aux normes contenues dans la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de l'O.I.T que le gouvernement de la République dominicaine a ratifié le 21 juin 1956 ; le même principe a été établi par une résolution spéciale de la Conférence internationale du Travail, à sa 35ème session. La législation de la République dominicaine, comme l'a déjà reconnu le Comité dans son cinquième rapport, entoure les organisations syndicales de toutes les garanties que réclament ces préceptes internationaux. En effet, les syndicats ne peuvent établir des relations politiques avec des partis politiques et le gouvernement, de son côté, ne peut pas s'efforcer d'obtenir la collaboration politique de ceux-ci. Des interdictions analogues existent dans bon nombre d'Etats Membres de l'O.I.T, comme l'a constaté le Comité sur l'indépendance des organisations d'employeurs et de travailleurs dans son rapport. En particulier, il convient de signaler le cas de Cuba, pays dont la législation interdit aux syndicats de se livrer à des activités politiques, du fait, déclare le gouvernement, que la Confédération des travailleurs de Cuba est l'« instigatrice apparente de la plainte de la C.I.S.L. ».
  9. 283. En outre, la C.I.S.L soutient que la législation de la République dominicaine viole la liberté syndicale parce qu'elle permet l'annulation de l'enregistrement des syndicats par décision des tribunaux, et la dissolution si le syndicat se livre à des activités étrangères à ses fins légales. La seule obligation qui incombe aux Etats Membres de l'O.I.T est de garantir aux organisations syndicales une indépendance absolue pour qu'elles puissent atteindre les objectifs qui sont les leurs, et leur autonomie ne subit aucune atteinte lorsqu'on leur interdit de se livrer à des activités étrangères auxdits objectifs. La sanction de la dissolution en cas d'infraction à cette disposition est normale si elle est exécutée par voie judiciaire et non par voie administrative. C'est d'ailleurs la solution consacrée par l'article 4 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qu'a ratifiée la République dominicaine.
  10. 284. En ce qui concerne la dernière accusation formulée par l'organisation plaignante au sujet des contrats collectifs de travail, le gouvernement déclare que l'on n'est pas encore arrivé à une réglementation internationale uniforme, du fait que c'est là une question qui varie selon les particularités de chaque pays. La disposition contenue dans l'article 4 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, dispose uniquement que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises « si nécessaire » pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation des procédures de négociation volontaire. Toute convention collective du travail doit respecter les normes d'ordre public qui protègent les droits du travailleur ; c'est pourquoi les autorités administratives, avant la mise à exécution d'une convention collective et même lorsque celle-ci est en vigueur, doivent exercer une surveillance incessante. L'approbation préalable qui est exigée par l'article 104 du Code Trujillo du travail a seulement pour objet de contrôler si un projet de convention collective est contraire ou non aux préceptes d'ordre public en vigueur. Des dispositions analogues existent dans de nombreux Etats Membres de l'O.I.T. De plus, le refus d'approbation peut faire l'objet d'un recours devant les tribunaux de la part de la partie qui s'estime lésée par ce refus.
  11. 285. Se référant aux conclusions de la plainte de la C.I.S.L, le gouvernement termine sa réponse en indiquant que cette organisation étant l'accusatrice, c'est à elle qu'il incombe de produire la preuve de ce qu'elle affirme. Cependant, elle ne l'a pas fait. La législation dominicaine garantit pleinement la liberté syndicale et l'autonomie que la loi garantit aux syndicats ne souffre d'atteinte d'aucune sorte. La République dominicaine est parvenue à cette situation par l'action législative et l'initiative personnelle du généralissime Trujillo. Le gouvernement ne prétend pas que sa législation soit parfaite, mais il affirme catégoriquement que cette législation a rassemblé les aspirations légitimes de la classe laborieuse. Preuve en est le fait qu'il a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, comme le Comité de la liberté syndicale l'a constaté dans son sixième rapport.
  12. 286. Dans sa deuxième communication, qu'il a envoyée le 30 janvier 1957 en réponse à la communication en date du 7 janvier 1957 de la C.I.S.L, le gouvernement dominicain déclare que l'organisation plaignante n'a apporté aucun élément nouveau à l'appui de ses allégations et se borne à récapituler une situation sur laquelle le Comité de la liberté syndicale s'est déjà prononcé. Le seul élément nouveau consiste, pour la C.I.S.L, à suggérer certains modes de procédure, suggestion qui ne pourrait se justifier qu'une fois que le Comité se serait prononcé sur le fond de la question et seulement à ce moment-là. L'organisation plaignante, conclut le gouvernement, « n'étaye ses allégations d'aucune donnée positive ; ... sa communication révèle simplement que son seul but est d'obtenir, pour des motifs ostensiblement politiques, une décision vexatoire contre le gouvernement de la République dominicaine. La C.I.S.L elle-même reconnaît que le gouvernement a ratifié les conventions internationales relatives à la liberté syndicale ; l'affirmation que cette ratification est récente ne saurait faire oublier que la législation dominicaine a consacré, dès 1951, les principes que les conventions susmentionnées ont établis sur le plan international. Pour ces raisons, le gouvernement estime que le Comité ne doit pas poursuivre l'examen du cas « étant donné son caractère nettement politique », et le manque de fondement des allégations qui le constituent.

Observations générales

Observations générales
  1. 287. La République dominicaine a ratifié le 22 septembre 1953 la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Cette ratification a pris effet le 22 septembre 1954. Le 27 juin 1956, la République dominicaine a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Cette ratification a pris effet le 27 juin 1957.
  2. 288. Le gouvernement dominicain, bien qu'il réponde explicitement à chacune des allégations présentées par l'organisation plaignante, affirme cependant que le Comité doit purement et simplement repousser les plaintes en raison de leur « caractère nettement politique ». Les principes qui ont guidé le Comité dans l'examen qu'il a fait d'allégations qualifiées par les gouvernements intéressés de « politiques » ont été définis au paragraphe 29 de son premier rapport. Conformément aux précédents adoptés par le bureau du Conseil d'administration, le Comité déclare dans ce texte qu'il se propose « de se former une opinion dans chaque cas d'espèce dont il pourrait être saisi, et de décider, pour chacun d'eux, s'il y a lieu de recommander au Conseil d'administration qu'étant donné le caractère si purement politique des allégations formulées, il n'est pas opportun de poursuivre l'affaire ou, au contraire, que, même si ces allégations sont d'origine politique ou présentent certains aspects politiques, elles devraient être étudiées de façon plus approfondie, du fait qu'elles soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux ». Dans le cas particulier, les plaintes ont trait à diverses questions de droit du travail et de droit syndical, ainsi qu'aux conclusions formulées antérieurement par le Comité à l'occasion de l'examen du cas no 3, relatif, lui aussi, à la République dominicaine. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que le gouvernement a répondu à toutes les questions de fond posées, le Comité considère qu'il lui appartient de procéder à l'examen de la plainte quant au fond.
  3. Allégations relatives à la reconnaissance des syndicats
  4. 289. L'organisation plaignante allègue qu'aucune organisation syndicale ne peut fonctionner si elle n'est, au préalable, reconnue par le secrétariat d'Etat au Travail, lequel a le pouvoir de renvoyer aux intéressés les documents constitutifs du syndicat en leur signalant les rectifications à apporter. L'enregistrement est refusé si les conditions requises par la loi ne sont pas remplies. Ces conditions sont définies par la loi du 8 juillet 1943 et les articles 349 et 350 du Code du travail. Le gouvernement signale, à cet égard, que le Comité de la liberté syndicale s'est déjà prononcé sur ce point dans son cinquième rapport. La loi du 8 juillet 1943 a été abrogée par une disposition expresse du Code Trujillo du travail du 11 juin 1951. L'enregistrement prévu par les articles 349 et 350 dudit Code est une simple formalité de caractère administratif qui a pour objet de conférer aux syndicats la personnalité juridique. Il n'y a pas eu un seul cas dans lequel l'enregistrement sollicité ait été refusé. Une disposition analogue existe dans de nombreuses législations, ainsi qu'a pu le constater le Comité de l'indépendance des organisations d'employeurs et de travailleurs. Les paragraphes 121 et 126 du rapport de ce Comité, se référant explicitement à la situation dans la République dominicaine, indiquent que l'enregistrement a essentiellement pour objet de vérifier si la constitution et les statuts de l'organisation sont conformes aux prescriptions de la législation, et que les organisations ont le droit de recourir auprès des tribunaux quand l'enregistrement leur est refusé.
  5. 290. Les articles 349 à 351 du Code Trujillo du travail ont la teneur suivante:
  6. 349. Le secrétariat d'Etat au Travail peut, dans les dix jours suivant la date de dépôt des documents visés à l'article 348, renvoyer ceux-ci aux intéressés en leur signalant les rectifications qu'il pourrait y avoir lieu d'y apporter.
  7. 350. L'enregistrement du syndicat sera refusé : 1° si les statuts ne contiennent pas les dispositions essentielles pour le fonctionnement régulier de l'association ou si l'une de leurs dispositions est contraire à la loi ; 2° si l'une quelconque des conditions requises par le présent Code ou par les statuts pour la constitution du syndicat n'est pas remplie.
  8. 351. Sont nuls et de nul effet les actes d'un syndicat qui n'ont pas été enregistrés dans la forme requise par le présent Code.
  9. Dans son cinquième rapport (paragraphes 37-39), le Comité a eu l'occasion d'examiner ces dispositions à une époque antérieure à la ratification, par la République dominicaine, de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Dans ce rapport, le Comité prend note des déclarations suivantes du représentant du gouvernement de la République dominicaine l'enregistrement ne peut être arbitrairement refusé aux syndicats qui remplissent les conditions requises par le Code ; en cas de contestation, il y a recours devant les tribunaux et, en dernier ressort, devant la Cour suprême. En conclusion, au paragraphe 41 du même rapport, le Comité déclare : « Il semble... se dégager des différentes dispositions que nous venons d'analyser que les travailleurs compris dans le champ d'application du Code sont libres de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier sans autorisation préalable. » Toutefois, cette conclusion du Comité se réfère exclusivement à la teneur des textes législatifs ; et, en ce qui concerne la situation de fait, le Comité, dans ses cinquième et sixième rapports, estime qu'« il serait souhaitable qu'une commission sur place, puisse être à même de vérifier si, dans la pratique, ces dispositions sont appliquées de manière à garantir effectivement aux intéressés l'exercice de la liberté syndicale ».
  10. 291. A une date ultérieure à la présentation de ces rapports, le gouvernement dominicain a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dont l'article 2 dispose expressément que « les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix... ». Le Comité a eu l'occasion de se prononcer, au cours de l'examen de divers cas intéressant des pays qui n'avaient pas ratifié la convention, sur la question de savoir si l'enregistrement et les conditions dont s'accompagne cet enregistrement constituent ou non des violations de la liberté syndicale. Dans le cas no 20 (Liban), le Comité considère que, « s'il est de pratique habituelle pour les Etats de prévoir dans leur législation telles formalités qui leur semblent propres à assurer le fonctionnement normal des organisations professionnelles, une disposition prévoyant que le droit d'association est soumis à une autorisation, donnée d'une manière purement discrétionnaire par un département ministériel, est incompatible avec le principe de la liberté syndicale », et par conséquent, recommande au gouvernement d'examiner la possibilité d'amender cette disposition. Dans le cas no 4 (Egypte), le Comité a rappelé que, dans son rapport à la Conférence internationale du Travail de 1948 qui a adopté la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la Commission de la liberté syndicale et des relations industrielles a précisé que « les Etats restent libres de prévoir dans leur législation telles formalités qui leur semblent propres à assurer le fonctionnement des organisations professionnelles. Par conséquent, les formalités prévues par les réglementations nationales concernant la constitution et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d'employeurs sont compatibles avec les dispositions de la convention, à condition, bien entendu, que ces dispositions réglementaires ne mettent pas en cause les garanties prévues par la convention ». Le Comité a constaté ensuite que si les prescriptions définies par la législation égyptienne en ce qui concerne l'enregistrement pouvaient « paraître minutieuses, elles ne semblaient pas être de nature à porter atteinte aux garanties prévues par la convention ». Dans le cas no 12 (Argentine), le Comité a conclu que les dispositions prévues par la législation argentine en ce qui concerne l'enregistrement « sont de pure forme ; elles ne sauraient donc être interprétées comme une restriction mise à la liberté des travailleurs ou des employeurs », bien qu'elles entraînent une distinction inadmissible entre organisations enregistrées et organisations non enregistrées. Dans le cas no 29 (Royaume-Uni-Kenya), le Comité a considéré que c'est « la manière dont elles sont utilisées » et les « fins pour lesquelles elles sont mises en oeuvre » qui déterminent la question de savoir si les dispositions législatives concernant l'enregistrement sont susceptibles de constituer une violation de la liberté syndicale. Enfin, au cours de l'une des étapes antérieures de l'examen du cas no 3 (République dominicaine), le Comité, ainsi que le signale le gouvernement, a eu l'occasion d'examiner les articles du Code dominicain qui font de nouveau aujourd'hui l'objet d'une plainte.
  11. 292. Le seul élément nouveau qui apparaisse à cet égard est la ratification, par la République dominicaine, de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. L'examen des conditions de forme imposées par la législation dominicaine en vigueur, puisque aussi bien la loi de 1943 mentionnée par l'organisation plaignante a été effectivement abrogée par l'article 689 du Code de 1951, à savoir la présentation d'une demande d'enregistrement accompagnée de copies des statuts, du procès-verbal de l'assemblée générale constitutive et de la liste des membres fondateurs (article 348), ne fait pas ressortir une limitation arbitraire du droit des travailleurs à constituer sans autorisation préalable les organisations de leur choix. Et cela d'autant moins que l'enregistrement accordé à une organisation n'exclut pas l'enregistrement d'autres syndicats et ne peut être refusé de façon arbitraire. Il convient de signaler, en outre, que la plainte se réfère exclusivement à une question de droit pur et n'invoque aucun cas de refus d'enregistrement opposé à une organisation. Le gouvernement, pour sa part, déclare que l'enregistrement n'a été refusé en aucun cas.
  12. 293. Dans ces conditions, le Comité, considérant que la présente allégation ne comporte aucun élément nouveau de nature à lui permettre de modifier ses conclusions antérieures, recommande au Conseil d'administration de conclure que cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
  13. Allégations relatives à la dépendance des syndicats par rapport au gouvernement
  14. 294. La Confédération internationale des syndicats libres allègue qu'une série de circonstances font preuve de la dépendance des syndicats par rapport au gouvernement, à savoir : il existerait des fonctionnaires du régime (gouverneurs provinciaux ou autres) auxquels la loi attribuerait des tâches syndicales. Les dirigeants seraient élus selon les instructions du parti officiel, parti qui disposerait du monopole de l'action politique et se confondrait avec le gouvernement lui-même. Les congrès syndicaux seraient organisés par des éléments du parti en question ou par des chefs politiques ou militaires qui en fixeraient les thèmes. Le gouvernement, pour sa part, signale que ces allégations se fondent sur une erreur. En effet, la loi no 267 du 10 mai 1940, attribuant à des fonctionnaires déterminés des tâches syndicales, a été abrogée il y a plusieurs années. Pour ce qui est des congrès, la Confédération des travailleurs dominicains agit en pleine indépendance et organise tous les deux ans un congrès, conformément à ses propres statuts ; l'ordre du jour de ces congrès comprend des questions qui relèvent exclusivement du domaine syndical. Le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle un parti politique ou des chefs militaires interviendraient dans les congrès syndicaux.
  15. 295. Dans son cinquième rapport (paragraphes 42 et 43), le Comité a constaté que « le Code ne contient pas de disposition permettant aux autorités administratives d'intervenir dans l'activité des syndicats... le Code a abrogé... toute réglementation antérieure sur les syndicats et, par conséquent, également toute mesure qui, d'après les allégations des plaignants, aurait permis l'intervention du gouvernement dans la gestion des syndicats ». Selon le Code en vigueur, le comité directeur du syndicat est « élu par l'assemblée générale pour une période de deux ans au plus » (article 333) et « le droit d'assister aux assemblées générales et de désigner des délégués à ces assemblées doit être exercé personnellement par les membres du syndicat » (article 326).
  16. 296. Dans ces conditions, étant donné que la législation sur laquelle se fondait cette partie de la plainte a été abrogée, et compte tenu des conclusions antérieures du Comité sur la législation en vigueur, législation qui ne paraîtrait pas imposer aux syndicats une intervention de l'autorité publique qui limite leur droit à élire librement leurs représentants et à autoriser leur gestion et leurs activités, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  17. Allégations relatives à l'interdiction faite aux syndicats d'entreprendre des activités politiques
  18. 297. La Confédération internationale des syndicats libres affirme que les dispositions du Code du travail interdisant aux syndicats de traiter des questions politiques (article 314) constituent une ingérence du gouvernement dans le fonctionnement des syndicats. Le gouvernement, pour sa part, déclare que le pouvoir législatif, en rédigeant le Code Trujillo du travail, a estimé que s'il était indispensable de reconnaître aux organisations syndicales une autonomie absolue, il ne convenait pas « dans l'intérêt vital du pays, que ces organisations eussent la faculté de se livrer à des activités politiques ». La limitation des activités syndicales « à leurs objectifs véritables » ne saurait en aucune manière être considérée comme une violation de leur indépendance. Dans la République dominicaine, aucun syndicat, en sa qualité de personne morale, ne peut déployer d'activités politiques, mais rien n'empêche les membres des syndicats, à titre individuel, d'entrer en toute liberté dans le domaine de la politique. A ce propos, le gouvernement invoque la résolution adoptée par la 35ème session de la Conférence internationale du Travail et qui intéresse les activités politiques et syndicales. Cette résolution, poursuit le gouvernement, reconnaît à chaque Etat le droit d'autoriser ou d'interdire l'intervention des organisations syndicales dans la politique. Les objectifs que la législation dominicaine reconnaît aux syndicats sont précisément ceux que prévoit la résolution adoptée sur le plan international, à savoir : « améliorer les conditions de travail, le rendement à la production et la situation matérielle, sociale et morale de leurs membres », etc. (articles 299-301 du Code du travail). Les syndicats ne peuvent, en conséquence, établir des relations politiques avec un parti politique ; le gouvernement, de son côté, ne doit pas s'efforcer d'obtenir la collaboration politique des syndicats. Une prohibition analogue existe dans de nombreux autres pays, notamment à Cuba, ainsi que l'a constaté le Comité de l'indépendance des organisations d'employeurs et de travailleurs.
  19. 298. Le Comité observe que, selon la monographie relative à la République dominicaine reproduite à l'annexe II du rapport du Comité de l'indépendance des organisations d'employeurs et de travailleurs, monographie qui incorpore les corrections apportées par le gouvernement dominicain, la loi no 1443 du 14 juin 1947 reste en vigueur. Son article 2 dispose que « sont interdits les groupements, sociétés ou associations qui s'emploient à propager par un moyen quelconque » des doctrines ou programmes communistes, anarchistes ou autres, incompatibles avec le caractère civil, républicain, démocratique et représentatif du gouvernement de la République (article 1). Les activités de ces organismes sont considérées comme des délits contre la Constitution et punies.
  20. 299. La résolution concernant l'indépendance du mouvement syndicale, adoptée le 26 juin 1952 par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session - résolution invoquée à diverses reprises par le Comité de la liberté syndicale -, déclare que « l'objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs », et qu'à ces fins « il est indispensable de préserver, dans chaque pays, la liberté et l'indépendance du mouvement syndical afin de mettre ce dernier en mesure de remplir sa mission économique et sociale indépendamment des changements politiques qui peuvent survenir » ; de plus « lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec des partis politiques ou d'entreprendre une action politique conforme à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical... ».
  21. 300. Le Comité affirme de nouveau l'importance qu'il attache aux principes définis dans la résolution précitée. Il est certain que ce texte ne saurait en aucune manière être interprété de façon à admettre comme légitime l'interdiction de tout type d'activité politique de la part des syndicats. L'article 3, paragraphe 1, de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, établit clairement le droit des organisations de travailleurs à organiser leur activité et à formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice. Dans l'exercice de ce droit, comme des autres droits reconnus par la convention, les organisations sont tenues « de respecter la légalité » (article 8, paragraphe 1). La Commission de la liberté syndicale et des relations industrielles, qui a soumis un rapport sur cette convention à la 31ème session de la Conférence internationale du Travail, s'est prononcée sur la question de la légitimité de l'activité politique des syndicats à propos de l'examen d'un amendement « ... étant bien entendu également que les travailleurs et les employeurs, ainsi que leurs organisations, ont le droit, dans les limites de la légalité... de s'affilier à toute organisation d'ordre politique ou autre. » La convention précise en son article 8, paragraphe 2, que « la législation nationale ne devra porter atteinte, ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention ». Or, dans le cas d'un autre pays, invoqué expressément dans la réponse du gouvernement dominicain, Cuba, pays qui lui aussi a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations s'est prononcée ainsi qu'il suit:
  22. En 1955, la Commission [d'experts] avait constaté que l'article 14 du décret [cubain] du 7 novembre 1944 prévoit que les syndicats ne peuvent exercer d'« activité politique » et elle avait demandé au gouvernement de bien vouloir fournir des indications relatives à l'application de cet article. Dans son rapport de cette année [1956], le gouvernement [cubain] indique qu'il est difficile de fournir une définition des termes utilisés dans le décret, mais que les personnes affiliées à un syndicat peuvent, en pleine liberté, en tant qu'individus, adhérer à un parti politique de leur choix et même faire du prosélytisme parmi leurs camarades de syndicat ; l'objet du décret en question serait d'éviter que les syndicats ne se transforment en partis politiques alors qu'ils doivent défendre « les intérêts collectifs de leurs membres sans distinction d'opinion ». Là encore il est apparu à la Commission [d'experts] qu'étant donné que le gouvernement reconnaît lui-même le peu d'importance pratique d'une telle disposition, il n'aurait vraisemblablement aucune difficulté à l'abroger ou à la modifier de façon à éviter toute possibilité d'abus qui risqueraient d'être contraires aux termes de l'article 3 de la convention, selon lesquels les organisations doivent librement organiser leur activité et formuler leur programme d'action.
  23. 301. Dans ces conditions, et compte tenu particulièrement des observations présentées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en ce qui concerne Cuba, étant donné que la République dominicaine a ratifié, elle aussi, la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, il semblerait que la disposition de l'article 314 du Code Trujillo du travail, disposition par laquelle « il est interdit aux syndicats... de s'immiscer dans des questions politiques... » et la loi no 1443 du 14 juin 1947 pourraient prêter à des interprétations abusives et incompatibles avec les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui reconnaît aux organisations de travailleurs et d'employeurs le droit d'organiser librement et sans entrave gouvernementale leurs activités et leurs programmes d'action. Si même il est admis que les activités politiques per se doivent se différencier des activités proprement syndicales, il reste que, dans la pratique, de nombreuses questions touchant aux intérêts professionnels revêtent incontestablement des aspects politiques qu'il n'est pas possible de négliger. Dans ces conditions, le Comité, considérant que l'article 314 du Code dominicain permet des interprétations incompatibles avec la convention ratifiée, et que l'application de la loi no 1443 du 14 juin 1947 aux organisations d'employeurs et de travailleurs peut également être incompatible avec la convention, recommande donc au Conseil d'administration d'attirer sur ce point l'attention du gouvernement dominicain, ainsi que celle de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  24. Allégations relatives au droit de ne pas s'associer
  25. 302. La Confédération internationale des syndicats libres affirme que les dispositions de l'article 306 du Code du travail, aux termes duquel « les syndicats ne peuvent exercer aucune coercition directe ou indirecte sur la liberté du travail, ni prendre aucune mesure en vue de contraindre les travailleurs ou les employeurs à adhérer à une association ou à en rester membres », impliquent une ingérence dans les activités des syndicats. A cet égard, le gouvernement déclare que l'allégation est sans aucun fondement. En fait, la disposition mentionnée, qui règle la garantie constitutionnelle de la liberté du travail, droit inhérent à la personnalité humaine, concorde avec les autres dispositions du même Code (par exemple, celles qui interdisent aux employeurs « de pousser les travailleurs, soit à s'affilier ou à s'abstenir de s'affilier à un syndicat, soit à se retirer du syndicat auquel ils appartiennent ou à y demeurer » (article 43), ou encore « de contraindre un travailleur ou une personne en quête de travail à s'abstenir d'entrer dans un syndicat ou à solliciter son admission en tant que membre du syndicat » (article 307). De plus, cette disposition concorde avec les normes définies par la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par la République dominicaine. D'après le gouvernement, l'organisation plaignante prétendrait donc que le gouvernement dominicain modifie une législation conforme aux normes internationales en vigueur en la matière, ce qui serait une chose inadmissible.
  26. 303. La convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, dispose, en son article:
  27. 1. Les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi.
  28. 2. Une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de:
  29. a) subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat ;
  30. ......................................................................................................................................................
  31. Les normes du Code du travail mentionnées dans la plainte, ainsi que par le gouvernement dominicain, ne paraissent pas contraires à la disposition précitée de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
  32. Allégations relatives au droit de grève
  33. 304. La Confédération internationale des syndicats libres affirme que, lorsqu'un syndicat a décidé de déclencher une grève, il doit fournir des justifications de cette décision au secrétariat d'Etat au Travail. La grève ne peut être déclarée que quinze jours après la date de cette notification. Le syndicat doit prouver que la grève a pour objet exclusif « la solution d'un différend économique » (article 374 du Code). Dans sa réponse, le gouvernement déclare que le pouvoir législatif, dans l'exercice de ses attributions souveraines, a décidé de réglementer le droit de grève et de limiter ce droit aux cas de conflits d'ordre économique. Cette réglementation n'a pas été l'objet d'observations dans les rapports antérieurs du Comité de la liberté syndicale. De plus, la République dominicaine n'est pas la seule nation qui ait soumis ce droit à une réglementation de cet ordre « dans l'accomplissement du devoir élémentaire qui incombe à tout gouvernement de veiller au maintien de la paix et de l'ordre public ». L'obligation de donner un préavis à la déclaration d'une grève et le droit qui appartient aux seuls tribunaux de l'autoriser n'entraînent pas de violation des droits syndicaux.
  34. 305. Le Comité de la liberté syndicale, dans une série de cas antérieurs, a eu l'occasion de se prononcer sur divers aspects du droit de grève. Dans le cas no 28 (Royaume-Uni-Jamaïque), le Comité a déclaré que « le droit de grève et celui d'organiser des réunions syndicales sont des éléments essentiels du droit syndical... ». Le droit de grève est, en général, considéré comme une partie intégrante du droit général reconnu aux travailleurs et à leurs organisations de défendre leurs intérêts économiques et le Comité a attiré l'attention de divers gouvernements sur ce principe et sur le fait que « si la loi peut restreindre provisoirement les grèves... jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage aient été épuisés, une telle attitude du gouvernement devrait s'accompagner des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives », aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
  35. 306. Le Code Trujillo du travail réglemente le droit de grève au titre II (De la grève) du livre VI de la façon suivante:
  36. 368. La grève est la suspension volontaire du travail concertée et réalisée collectivement par les travailleurs pour la défense de leurs intérêts communs.
  37. 369. La grève doit se limiter au seul fait de la suspension du travail.
  38. Les actes de coercition, les actes de violence physique ou morale commis contre les personnes, les dommages causés aux biens, ou tout autre acte ayant pour objet de créer le désordre ou d'enlever à la grève son caractère pacifique sont punis des peines prévues au présent Code ou dans d'autres lois et peuvent entraîner la déclaration d'illégalité de la grève.
  39. 370. Est interdite la grève dans les services publics d'utilité permanente.
  40. 371. Sont des services publics d'utilité permanente aux fins de l'application de l'article 370:
  41. 1) les services fournis à l'Etat, au district de Santo-Domingo ou à une commune;
  42. 2) les services de communications;
  43. 3) les services de transports;
  44. 4) la vente de denrées alimentaires sur les marchés;
  45. 5) les services de distribution d'eau;
  46. 6) les services de distribution de gaz ou d'électricité pour l'éclairage et les usages domestiques;
  47. 7) les services pharmaceutiques, hospitaliers et les services de santé;
  48. 8) la vente de combustible pour les transports.
  49. Cette énumération n'a pas un caractère limitatif.
  50. Elle s'étend à tout autre service qui ne saurait être suspendu sans préjudice pour la santé publique ou l'économie nationale.
  51. 372. En cas de grève constituant une infraction aux dispositions de l'article 370, le pouvoir exécutif peut assumer la direction et l'administration des services suspendus, durant le temps nécessaire pour éviter un préjudice à l'économie nationale, et prendre toutes les dispositions voulues pour rétablir ces services et garantir leur fonctionnement.
  52. 373. A un caractère légal, la grève dont l'objet exclusif est la solution d'un différend économique dans l'entreprise où les travailleurs prêtent leurs services.
  53. Sont, en conséquence, illégales les grèves suivantes:
  54. 1) les grèves fondées sur les motifs politiques ;
  55. 2) les grèves fondées sur des motifs de pure solidarité avec d'autres travailleurs.
  56. Sont également illégales les grèves déclenchées par infraction aux dispositions de l'article 374, ainsi que celles qui se prolongent après l'expiration du délai légal prévu pour la reprise du travail ordonnée par le juge compétent.
  57. 374. Pour déclencher la grève, les travailleurs doivent justifier devant le secrétariat d'Etat au Travail:
  58. 1) qu'elle a pour objet exclusif la solution d'un différend économique ;
  59. 2) que la solution de ce différend économique a été recherchée sans succès par les procédures de conciliation administrative et que, ni les parties ni l'une d'entre elles n'ont désigné d'arbitres ou n'ont notifié en temps utile la désignation de ces arbitres, conformément aux dispositions de l'article 636 ;
  60. 3) que la grève a été votée par plus de 60 pour cent des travailleurs de l'entreprise ou des entreprises intéressées ;
  61. 4) que les services affectés par la grève ne sont pas de la nature de ceux qui sont indiqués à l'article 371.
  62. La grève ne peut être déclarée moins de quinze jours après la date de la notification adressée par les représentants du syndicat au secrétariat d'Etat au Travail pour fournir les justifications susvisées.
  63. Nulle grève ne peut être votée avant l'expiration du délai assigné pour la dénonciation d'une convention collective de travail.
  64. Dans les quarante-huit heures du dépôt de la notification, le secrétariat d'Etat au Travail avisera l'employeur en lui remettant une copie.
  65. 375. La grève déclarée après l'accomplissement des formalités visées à l'article 374 produit les effets suivants:
  66. 1) elle confère aux travailleurs la faculté de réclamer la protection des autorités du travail et de la police pour l'exercice pacifique de leurs droits ;
  67. 2) elle suspend les travaux de l'entreprise, sous réserve des dispositions de l'article 376.
  68. 376. Pendant toute la durée de la grève, l'employeur peut exiger que les travailleurs, que le département du Travail ou l'autorité locale exerçant ses fonctions jugeront nécessaires, exécutent les travaux indispensables pour la sécurité et la conservation des machines, des centres de travail et des matières premières.
  69. 377. Les effets visés à l'article 375 prennent fin:
  70. 1) par cessation de la grève pour un motif quelconque;
  71. 2) par l'ouverture de la procédure d'arbitrage.
  72. La procédure d'arbitrage est réputée ouverte à la date de notification de l'ordonnance visée à l'article 640.
  73. 378. La grève ne met pas fin au contrat de travail.
  74. Elle en suspend seulement l'exécution.
  75. Après la fin de la grève, la reprise des travaux sera soumise aux dispositions de l'article 53.
  76. 379. La grève illégale met fin, sans qu'il en résulte de responsabilité pour l'employeur, aux contrats conclus avec les travailleurs ayant participé à la grève.
  77. Au cas où de nouveaux contrats de travail seraient passés, soit avec les mêmes travailleurs, soit avec une partie d'entre eux, les conditions de travail seront les mêmes qui étaient applicables avant le début de la grève, à moins que l'employeur n'accepte ou n'offre des conditions plus favorables aux travailleurs.
  78. 307. En l'espèce, il semble que deux questions distinctes se posent au Comité les restrictions apportées au droit de grève dans les services essentiels qui sont analogues aux restrictions déjà examinées par le Comité dans des cas antérieurs et les dispositions de l'article 374, qui semble s'appliquer dans toutes les grèves.
  79. 308. En ce qui concerne l'interdiction des grèves dans « les services publics d'utilité permanente », le Comité, conformément à la pratique suivie par lui à l'occasion des cas antérieurs, recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement de la République dominicaine sur l'importance qu'il attache dans les cas où les grèves sont interdites dans des occupations essentielles, à assurer des garanties adéquates pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs, ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels.
  80. 309. Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a reconnu qu'une notification préalable aux autorités administratives et l'obligation d'avoir recours à des procédures de conciliation et d'arbitrage dans les différends collectifs avant de déclencher une grève figurent dans les législations d'un nombre important de pays et que des dispositions de cette sorte, lorsqu'elles sont raisonnables, ne sauraient être considérées comme constituant une atteinte à la liberté syndicale. Dans le cas d'espèce, le Comité estime que l'effet cumulatif de toutes les diverses dispositions des articles 368 à 379 du Code Trujillo du travail, notamment la disposition selon laquelle un syndicat doit, avant de déclencher une grève, justifier le caractère économique du différend auprès d'une autorité gouvernementale, disposition qu'il pourra être difficile de distinguer en pratique d'une obligation d'obtenir une autorisation préalable du gouvernement pour déclencher une grève, revient à méconnaître le droit de grève et recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité qu'il y aurait pour lui à réexaminer la question.
  81. Allégations concernant l'approbation préalable des conventions collectives du travail
  82. 310. La Confédération internationale des syndicats libres allègue que, d'après l'article 104 du Code dominicain, pour qu'une convention collective du travail puisse être mis en vigueur, il faut qu'elle ait l'approbation du département du Travail. De son côté, le gouvernement déclare qu'il n'existe pas d'uniformité dans la réglementation internationale en la matière puisque les dispositions de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et de la recommandation sur les conventions collectives, 1951, ne formulent que des directives. Toute convention collective du travail doit respecter les règles d'ordre public adoptées précisément pour protéger les travailleurs. C'est pourquoi les autorités administratives compétentes, avant de permettre la mise en vigueur d'une convention collective, exercent un contrôle sur ces dispositions, pour éviter la violation des règles d'ordre public. L'approbation préalable prévue par l'article 104 du Code Trujillo du travail n'a pour objet que de vérifier si un projet de convention collective est contraire ou non « aux normes d'ordre public qui protègent les droits des travailleurs ». D'autre part, en cas de désapprobation, il est toujours possible de recourir aux tribunaux, ce recours étant à la disposition de la partie qui se considère lésée. L'article 104 du Code n'est donc pas contraire à la disposition de l'article 4 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  83. 311. Les conventions collectives sur les conditions de travail, c'est-à-dire les contrats collectifs, sont soumises par la législation dominicaine à diverses conditions de forme et, ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 3 de l'article 104 du Code, à l'approbation « des organismes les plus représentatifs des patrons et des travailleurs, ainsi qu'à celle du département du Travail ». Sont considérés, d'après les articles 96 à 99 du même document juridique, comme syndicats « les plus représentatifs » les organismes enregistrés et, en ce qui concerne les travailleurs, ceux qui représentent plus de 60 pour cent des ouvriers de l'entreprise. Tout travailleur intéressé, membre d'un syndicat, qui a signé une convention collective, peut formuler une opposition motivée contre l'approbation de cette convention en la présentant par écrit aux autorités administratives. Le département du Travail, tenant compte de la documentation soumise et après avoir entendu les parties intéressées, donnera son approbation à la convention ou la refusera (articles 105 et 106). Selon le gouvernement, il est possible de recourir devant les autorités judiciaires contre le refus d'approbation. Sur le plan international, l'article 4 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par la République dominicaine, déclare simplement que « des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs d'une part, et les organisations de travailleurs d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ».
  84. 312. Compte tenu de la disposition ci-dessus figurant dans la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, il y a lieu d'estimer que la nécessité d'une approbation préalable de la part du département du Travail pour la mise en vigueur d'une convention collective pourrait constituer, dans certaines circonstances, une mesure contraire au développement et à la promotion de procédures de négociation collective prévues par ladite convention. D'ailleurs, bien que le refus de l'approbation administrative puisse faire l'objet d'un recours en justice, le système même d'une approbation administrative préalable est contraire à tout le régime de négociations volontaires prévu par la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par la République dominicaine. Le Comité, dans le cas no 102 (Union sud-africaine), a souligné l'importance qu'il y a à reconnaître que « les syndicats devraient avoir le droit, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ». Dans ces conditions, même en tenant compte du fait que la législation dominicaine prévoit un recours en justice en cas de refus d'approbation administrative à l'égard d'une convention collective, le Comité considère que les dispositions des articles 105 et 106 du Code du travail de la République dominicaine impliquent la possibilité d'une intervention des autorités publiques dans des procédures de négociation collective (activité typiquement syndicale), intervention incompatible avec l'article 3 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et l'article 4 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiées par la République dominicaine. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer sur ce point l'attention de la Commission d'experts ainsi que celle du gouvernement de la République dominicaine, afin que celui-ci envisage la possibilité de réexaminer la question.
  85. Allégations concernant l'annulation de l'enregistrement et la dissolution des syndicats
  86. 313. La Confédération internationale des syndicats libres allègue, comme preuve de l'absence de liberté syndicale, les dispositions du Code du travail de la République dominicaine qui permettent d'annuler l'enregistrement des syndicats par sentence judiciaire et de les dissoudre s'ils se livrent à des activités étrangères à leurs fins légales (article 356). Pour sa part, le gouvernement déclare que la législation dominicaine en ce domaine est conforme à la disposition de l'article 4 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui interdit la dissolution ou la suspension « par voie administrative ».
  87. 314. Les articles 352 à 356 du Code du travail règlent la question de la dissolution des syndicats et de l'annulation de leur enregistrement. Les syndicats peuvent se dissoudre pour les causes prévues par leurs statuts ou, à défaut de dispositions des statuts à cet égard, par résolution de l'assemblée générale. La fermeture définitive d'une entreprise entraîne de plein droit la dissolution du syndicat de l'entreprise. « L'enregistrement du syndicat peut être annulé par décision des tribunaux lorsque le syndicat se livre à des activités étrangères à ses fins légales » (article 356). L'annulation de l'enregistrement a pour conséquence de rendre nuls de plein droit tous les actes postérieurs du syndicat qui fait l'objet de cette sanction. L'article 4 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la République dominicaine, déclare que « les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative ».
  88. 315. Dans le cas antérieur relatif à la République dominicaine, le Comité de la liberté syndicale a eu l'occasion de se prononcer sur ce point. Dans son cinquième rapport, le Comité a constaté qu'« il semble ressortir de ces articles qu'un syndicat n'est pas sujet à suspension ou à dissolution par voie administrative». En outre, « le Comité a pris acte avec satisfaction de l'assurance formelle donnée par le représentant de la République dominicaine que les organisations de travailleurs ne peuvent être dissoutes par voie administrative. Il a de même noté que les dispositions du Code du travail actuellement en vigueur relatives à la suspension et à la dissolution des organisations syndicales offrent aux intéressés toutes les garanties d'une procédure judiciaire normale ». Dans son sixième rapport, le Comité a repris ses conclusions antérieures en ajoutant qu'il désirait « souligner toute l'importance qu'il attache à ce que ces dispositions soient intégralement appliquées ». Dans ces conditions, compte tenu du fait que les allégations se rapportent uniquement à une question de droit pur qui a été déjà examinée, le Comité, sous réserve des observations présentées au paragraphe 301 ci-dessus concernant la possibilité d'une interprétation abusive de l'article 314 du Code du travail et de la loi no 1443 du 14 juin 1947, réitère ses conclusions antérieures et recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  89. Allégations concernant la non-application de recommandations antérieures du Comité de la liberté syndicale
  90. 316. Dans sa communication du 7 janvier 1957, la Confédération internationale des syndicats libres allègue qu'il n'a pas été donné suite aux conclusions formulées par le Comité de la liberté syndicale dans l'examen du cas no 3 (République dominicaine). L'organisation plaignante résume les diverses étapes du cas no 3, signalant « la déception et le regret du mouvement syndical libre en présence du fait que l'affaire dominicaine demeure en suspens depuis plusieurs années, alors même que le gouvernement de la République dominicaine a prouvé, en se refusant à tenir l'engagement qu'il avait pris de recevoir sur son territoire une mission de l'O.I.T, son intention de persévérer dans la même voie et de ne reconnaître aucune valeur aux assurances données à l'O.I.T en ce qui concerne l'exercice de la liberté syndicale dans la République dominicaine ». La C.I.S.L se réfère aux paragraphes 1022 à 1028 du sixième rapport du Comité dans lesquels celui-ci déplore « que le gouvernement de la République dominicaine se soit refusé à donner son agrément à l'envoi d'une mission... chargée d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur en matière de droit syndical ». Il a pris note de la situation légale appliquée actuellement à cet égard dans la République dominicaine et des assurances formelles données par le gouvernement que les organisations de travailleurs ne peuvent être dissoutes administrativement; que rien ne s'oppose à ce que la Confédération des travailleurs dominicains adhère à une organisation internationale de travailleurs et que le gouvernement a l'intention de ratifier la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. La C.I.S.L indique que la ratification est intervenue avec quatre années de retard et que, malgré les assurances formelles données par le gouvernement, « les travailleurs peuvent adhérer uniquement à des syndicats agréés par le gouvernement, dont les dirigeants ne sont pas élus librement par les travailleurs et ne représentent donc pas ces derniers ».
  91. 317. Le gouvernement fait observer que la nouvelle communication de la C.I.S.L n'apporte rien de nouveau et récapitule simplement les conclusions antérieures du Comité. Le fait que la ratification de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, est intervenue récemment ne doit pas faire oublier que les principes qu'elle contient ont été proclamés depuis 1941 par la législation intérieure dominicaine.
  92. 318. Dans ces conditions, considérant que la communication du 7 janvier 1957 adressée par la Confédération internationale des syndicats libres se borne à résumer les conclusions antérieures du Comité sans soumettre d'allégations concrètes quelconques qui n'aient été examinées antérieurement ou dans le présent rapport, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 319. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, sous réserve des observations faites au paragraphe 315 ci-dessus, que les allégations relatives à la reconnaissance des syndicats, à la dépendance des syndicats à l'égard du gouvernement, à l'annulation de l'enregistrement de syndicats et à la dissolution de ces syndicats se rapportent pour une part à la législation dont le Conseil d'administration avait constaté l'abrogation, en 1951, dans le cas no 3, et pour une part aux dispositions législatives que le Conseil, dans le cas no 3, avait jugées satisfaisantes sous réserve que les employeurs et les travailleurs aient bien le droit, en pratique, de constituer les organisations de leur choix et d'y adhérer en pleine liberté ; en ce qui concerne les allégations relatives à ces dernières dispositions législatives, il n'existe aucune allégation de fait concernant la façon dont elles ont été appliquées ;
    • b) de noter que la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ont maintenant été ratifiées par la République dominicaine et que les autres allégations relatives au fait qu'il n'aurait pas été donné suite aux recommandations faites par le Comité dans le cadre du cas no 3 sont trop vagues pour pouvoir être examinées ;
    • c) en ce qui concerne l'interdiction faite aux syndicats de participer à une action politique, d'attirer l'attention du gouvernement dominicain sur le fait que l'article 314 du Code du travail peut donner lieu à des interprétations incompatibles avec la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la République dominicaine, et sur le fait que l'application de la loi no 1443 du 14 juin 1947 peut également être incompatible avec la convention, et d'attirer l'attention sur ce point de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations ;
    • d) de décider que les allégations relatives au droit de ne pas s'associer, examinées aux paragraphes 302 et 303 ci-dessus, n'appellent pas un examen plus approfondi ;
    • e) d'attirer l'attention du gouvernement de la République dominicaine sur l'importance qu'il attache, lorsque la grève est interdite dans les services essentiels, à ce que soient assurées des garanties adéquates pour sauvegarder les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un droit essentiel à la défense de leurs intérêts professionnels ;
    • f) de noter que l'effet cumulatif des diverses dispositions des articles 368 à 379 du Code Trujillo du travail, notamment la disposition selon laquelle un syndicat doit, avant de déclencher une grève, justifier le caractère économique du différend devant une autorité gouvernementale, disposition qu'il pourra être difficile de distinguer en pratique d'une obligation d'obtenir une autorisation préalable du gouvernement pour déclencher une grève, revient à méconnaître le droit de grève, et d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité pour lui de réexaminer la question ;
    • g) en ce qui concerne les dispositions du Code du travail qui prévoient une autorisation préalable des autorités au sujet des conventions collectives, d'attirer l'attention du gouvernement de la République dominicaine sur l'article 3 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et sur l'article 4 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui toutes deux ont été ratifiées par la République dominicaine, afin que celui-ci envisage la possibilité de réexaminer la question ; le Comité recommande également au Conseil d'administration d'attirer sur ce point l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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