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- 39. La plainte du Congrès des syndicats d'Aden fait l'objet de quatre communications datées respectivement des 20 avril, 21 mai, 21 octobre et 16 novembre 1958. Elle a été appuyée par la Confédération internationale des Syndicats libres dans une communication adressée au B.I.T à la date du 13 juin 1958. Dans une communication en date du 6 février 1959, le gouvernement du Royaume-Uni a fait connaître ses observations au sujet des plaintes précitées.
- 40. La Confédération internationale des syndicats arabes a présenté sa plainte dans deux communications datées du 30 novembre et du 30 décembre 1958, dont copies ont été transmises au gouvernement du Royaume-Uni le 9 janvier 1959. Dans sa communication en date du 6 février 1959, le gouvernement déclare que ses observations au sujet de cette plainte seront présentées dans les plus brefs délais possible.
- 41. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) concernant le droit d'association dans les territoires non métropolitains, 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et il les a déclarées applicables à Aden sans modification.
A. Allégations concernant des rassemblements et des manifestations
A. Allégations concernant des rassemblements et des manifestations
- 42. Il est allégué par le Congrès des syndicats d'Aden qu'à plusieurs reprises, la police a dénié aux travailleurs leur droit de réunion et que ces restrictions ont été imposées afin d'empêcher le bon fonctionnement des syndicats et d'éviter l'établissement d'un esprit de solidarité entre les travailleurs. Le plaignant a annexé à sa communication ce qu'il dit être des copies de lettres pour servir de preuves. Parmi celles-ci figurent: a) la copie d'une lettre adressée par le siège de la police au Congrès des syndicats d'Aden, refusant à l'Association musulmane l'autorisation d'organiser une réunion pour étudier la situation du travail parce qu'un préavis de deux jours seulement avait été donné, et demandant qu'un délai de préavis de dix jours soit observé pour toute demande ultérieure; b) la copie d'une lettre du Congrès des syndicats d'Aden au siège de la police, demandant l'autorisation d'organiser une réunion générale de tous les membres des syndicats sur un terrain de football deux jours plus tard, ainsi que la copie de la réponse du siège de la police, demandant de préciser quelle serait la durée de la réunion envisagée, quels seraient les orateurs et quels sujets ils traiteraient et au nom de qui l'autorisation devrait être libellée le cas échéant.
- 43. Ce plaignant affirme également que des demandes écrites d'autorisation en vue d'organiser des démonstrations pacifiques pour manifester du mécontentement et protester contre la situation générale ont été rejetées. Il produit une copie d'une lettre, datée du 27 juin 1957, qui aurait été envoyée par le siège de la police au Congrès des syndicats d'Aden, accusant réception d'une lettre datée du 24 juin demandant l'autorisation d'organiser un cortège depuis le siège du Congrès des syndicats et déclare, en se référant aux pouvoirs qui lui sont conférés par les Règlements sur le contrôle des cortèges, des réunions et des assemblées: «Je ne suis pas disposé à autoriser l'organisation de ce cortège. » Dans une autre copie d'une lettre, datée du 5 décembre 1957, qui aurait été adressée au Congrès des syndicats d'Aden, le siège de la police accuse réception d'une lettre du 27 novembre demandant «l'autorisation d'organiser une manifestation pacifique le 15 décembre » et déclare: «Je dois vous informer qu'aucune autorisation de ce genre ne peut être accordée. »
- 44. Le gouvernement déclare que, si la police n'a pas le pouvoir d'interdire des réunions de travailleurs dans les locaux d'un syndicat, l'autorisation préalable de la police est nécessaire pour organiser des réunions ou manifestations publiques, en raison de la difficulté de contenir de grandes foules à Aden. Le gouvernement nie qu'aucun refus d'autorisation ait eu pour but de faire obstacle au fonctionnement du mouvement syndical et précise que les restrictions sont imposées uniquement dans l'intérêt de l'ordre public. Pour citer un exemple montrant la nécessité des règlements sur le contrôle des cortèges, réunions et assemblées (lois d'Aden chap. 119, article 45), le gouvernement déclare que, le 9 juillet 1957 (jour qui se situe entre les dates des demandes d'autorisation de cortèges ou de manifestations, dont le rejet est invoqué par les plaignants), un cortège illégal, pour lequel il n'avait pas été demandé de permis, à tenté de prendre d'assaut un poste de police; des dommages importants ont été causés aux biens et aux véhicules, un chef syndicaliste demandant à la foule de se disperser a été hué; au cours des désordres qui ont suivi, trois personnes ont été tuées.
- 45. A l'occasion de nombreux cas qui lui ont été présentés, le Comité a souligné que la liberté des réunions syndicales constituait l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux. Il a souligné également que l'organisation de réunions publiques à des fins purement syndicales constituait certainement un élément important des activités des organisations de travailleurs. Cependant, pour le cas no 62, relatif aux Pays-Bas, le Comité a affirmé que, si le droit d'organiser des réunions syndicales constitue une nécessité fondamentale pour le libre exercice des droits syndicaux, les organisations intéressées doivent se conformer aux dispositions générales de la loi applicables aux réunions publiques en général et valables pour tous les citoyens. Dans le présent cas, le gouvernement affirme qu'en raison de la difficulté de contenir de grandes foules à Aden, il est nécessaire de soumettre toutes les réunions publiques, qu'elles soient ou non organisées par les syndicats, à l'autorisation de la police, la nécessité de cette autorisation étant illustrée par l'exemple d'une foule de manifestants qui a attaqué un poste de police et provoqué des désordres causant la mort de trois personnes. Les réunions dans les locaux des syndicats, en revanche, ne peuvent être l'objet d'aucune restriction. Dans ces conditions, le Comité considère qu'en ce qui concerne l'interdiction des réunions sur un terrain de football des membres de l'Association musulmane et de tous les syndicats, et la «démonstration pacifique en vue de manifester du mécontentement et de protester contre la situation générale », les plaignants n'ont pas suffisamment prouvé que les règlements valables pour toute la collectivité ont été appliqués d'une manière qui dépasse ce qu'on peut raisonnablement estimer nécessaire pour le maintien de l'ordre public. En ce qui concerne l'interdiction d'un cortège à partir du siège du Congrès des syndicats, dans un cas précédent, le Comité a considéré que l'interdiction d'une manifestation sur la voie publique dans les quartiers les plus animés d'une ville, lorsqu'elle fait craindre des désordres, ne doit pas être considérée comme une infraction à l'exercice des droits syndicaux. En considérant les circonstances relatives au présent cas, le Comité considère qu'il devrait en venir à des conclusions identiques.
- 46. En tout état de cause, le Comité recommande que le Conseil d'administration, tout en soulignant que le droit d'organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux, décide que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
- Allégations concernant l'enregistrement des syndicats
- 47. Il est allégué qu'un retard intentionnel, dépassant parfois six mois, est apporté à l'enregistrement des syndicats qui en font la demande, et que le fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats réclame des modifications aux statuts. Les plaignants citent cinq syndicats dont les demandes d'enregistrement, est-il allégué, n'ont toujours pas été satisfaites après l'expiration d'une période de six mois.
- 48. Le gouvernement déclare que les difficultés proviennent de ce que les syndicats qui ont fait ces demandes ne se sont pas conformés aux dispositions de l'Ordonnance sur les syndicats et les différends du travail (lois d'Aden, chap. 152) et des règlements sur l'enregistrement des syndicats. Ces difficultés auraient pu être évitées si les requérants avaient sollicité l'avis du commissaire au Travail, « qui est visible à toute heure ».
- 49. Le gouvernement passe alors à l'étude des cinq cas particuliers soulevés par le plaignant et donne les détails suivants. Le Syndicat des travailleurs de l'aluminium a demandé à être enregistré le 7 mai 1956; il a apporté les modifications nécessaires à ses statuts, qu'il a présentées les 9 juillet 1956 et 11 février 1957, et il a été enregistré le 5 avril 1957. Le Syndicat des travailleurs de l'électricité a fait une demande d'enregistrement le 9 avril 1958, a présenté des modifications à ses statuts le 14 avril, et le fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats lui a adressé des explications détaillées par une lettre du 24 avril 1958; depuis lors, le Comité fondateur du syndicat n'a plus donné signe de vie. Le Syndicat des employés locaux de l'Armée a fait une demande le 15 novembre 1957, mais n'a pas présenté les modifications nécessaires jusqu'au 10 mars 1958; il a été enregistré quatre jours plus tard. Le Syndicat des employés des Etablissements Stanvac a fait une demande le 1er novembre 1957, il y a eu des échanges de correspondance et des consultations au sujet des modifications nécessaires à apporter aux statuts pour se mettre en règle avec la loi, les statuts modifiés ont été finalement soumis aux autorités le 26 février 1958 et l'enregistrement a eu lieu le 3 mars 1958. Enfin, le Syndicat des travailleurs du conditionnement des liquides d'Aden a fait une demande le 14 août 1957 et le commissaire au Travail a donné des avis détaillés aux fondateurs le 29 août 1957. Il n'a été reçu ensuite aucune nouvelle du Syndicat jusqu'au 26 février 1958. Le 27 février, le commissaire au Travail a avisé le fondateur des modifications qu'il était encore nécessaire d'apporter aux statuts pour se mettre en règle avec la loi. Ces statuts ont été soumis le 22 mars 1958 et le syndicat a été enregistré quatre jours plus tard.
- 50. Les syndicats d'Aden sont soumis à l'enregistrement obligatoire. Satisfaction doit être donnée à toute demande d'enregistrement pourvu que les formalités prescrites par l'Ordonnance sur les syndicats et les différends du travail, notamment en matière de constitution et de statut des syndicats, soient respectées. Il n'est nullement allégué que les prescriptions auxquelles doivent se conformer les statuts d'un syndicat soient de nature à assujettir l'enregistrement à des conditions de nature à porter atteinte à la liberté d'association ou au droit des travailleurs de créer des organisations de leur choix sans autorisation préalable. Il est seulement allégué que l'enregistrement a été retardé sans nécessité, et ceci en vue de gêner la formation des syndicats. Le plaignant n'apporte aucun élément, à part le facteur temps, à l'appui de son allégation concernant les intentions qu'il prête aux autorités. Le gouvernement souligne en outre, en donnant de très amples détails, que les retards, dans le cas des cinq syndicats cités par le plaignant, ont été occasionnés uniquement par le temps pris par les fondateurs des syndicats pour se mettre en règle avec les prescriptions légales. Le gouvernement précise que, dans tous les cas, il était possible d'obtenir l'avis du commissaire au Travail et que, chaque fois que les syndicats se sont conformés à ses avis ou à ceux du fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats, ils ont pu se mettre en règle avec les prescriptions concernant les statuts. Il apparaîtrait, d'après les dates fournies par le gouvernement, que l'enregistrement a été effectué très peu de temps après que les statuts eurent été modifiés de manière que la loi soit respectée, sauf dans le cas du Syndicat des travailleurs de l'électricité, qui, semble-t-il, a abandonné la procédure après avoir reçu des avis détaillés de la part du fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats au sujet des modifications nécessaires qu'il devait apporter à ses statuts.
- 51. Dans ces conditions, le Comité considère que les plaignants n'ont pas administré la preuve que les droits syndicaux aient été violés.
- Allégations concernant une intervention de la police
- 52. Le Congrès des syndicats d'Aden allègue que des syndicalistes ont été menacés par la police et qu'un fonctionnaire de la police a demandé un trésorier du Syndicat des travailleurs de l'aluminium si des fonds avaient été recueillis et dépensés. Le 25 mars 1957, le Congrès des syndicats d'Aden a écrit au commissaire au Travail pour protester contre cette intervention.
- 53. Le gouvernement déclare que les enquêtes de police dont il s'agit sont en relation avec le fait qu'un organisme non enregistré, qui avait pris le nom de syndicat, recueillait des sommes d'argent, et qu'il a été établi qu'un certain nombre d'infractions formelles à la réglementation avaient été commises par des membres inexpérimentés du comité fondateur du syndicat. Aucune mesure n'a été prise à ce sujet et la situation a été régularisée par l'enregistrement du syndicat, le 5 avril 1957.
- 54. A l'appui de l'allégation générale concernant des menaces de la police, les plaignants ne présentent de preuve qu'en ce qui concerne des enquêtes de la police au sujet de la collecte de cotisations par les membres du comité fondateur d'un syndicat qui n'étaient pas habilités à les recueillir du fait que, n'ayant pas encore été enregistré, il n'avait pas d'existence juridique en tant que syndicat à la date en question. Malgré cela, aucune mesure n'a été prise au sujet des infractions formelles à la réglementation qui avaient été commises. Dans ces conditions, le Comité considère que les plaignants n'ont présenté aucune preuve d'une violation des droits syndicaux et, par conséquent, recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations concernant un journal syndical
- 55. Le Congrès des syndicats d'Aden allègue, dans sa communication datée du 21 mai 1958, que cette organisation a demandé, le 25 août 1956, l'autorisation de publier un hebdomadaire et que cette autorisation n'a été accordée que douze mois plus tard et, par suite des restrictions habituelles concernant la presse, après que des représentations répétées eurent été faites. Dans une communication ultérieure, datée du 21 octobre 1958, l'organisation proteste contre (des menaces indirectes constantes» dont ce journal a été l'objet de la part du gouvernement.
- 56. D'après le gouvernement, la délivrance des autorisations aux journaux est régie par l'ordonnance sur la presse et l'enregistrement des livres (lois d'Aden, chap. 125). Les services compétents reçoivent de nombreuses demandes, mais le nombre des autorisations est limité. Le gouvernement précise qu'une autorisation a été délivrée pour le journal du Congrès des syndicats d'Aden, « bien qu'il y eût un grand nombre de demandes antérieures sur la liste d'attente ».
- 57. Dans certains cas antérieurs, le Comité a déclaré que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement constitue manifestement l'un des éléments essentiels des droits syndicaux. Il semble qu'à Aden le droit de publier un organe syndical est assujetti, comme pour toute autre publication, à la délivrance d'un permis. A ce propos, le Comité a exprimé l'opinion que l'obligation de demander l'autorisation pour la publication d'un journal syndical, lorsqu'elle résulte de la loi générale applicable à la presse, ne constitue pas en elle-même une atteinte au libre exercice du droit à la publication de journaux syndicaux. Les restrictions que l'existence de cette obligation est de nature à apporter à l'exercice du droit dans tel ou tel cas particulier dépendent essentiellement des conditions qui entourent la délivrance de l'autorisation. Dans le présent cas, le gouvernement ne nie pas que plus de douze mois se sont écoulés avant que l'autorisation demandée par le Congrès des syndicats d'Aden ait été accordée, mais déclare simplement qu'un grand nombre de demandes de ce genre sont reçues chaque année et que peu de permis sont délivrés. Le gouvernement ne donne pas d'autres raisons pour expliquer le retard dans ce cas particulier. Dans ces conditions, le Comité considère que le fait qu'une centrale syndicale nationale soit privée pendant une aussi longue période du droit de publier un journal syndical doit, de toute nécessité, impliquer une certaine violation du droit de ce te centrale à organiser ses activités et à formuler ses programmes. Le Comité, par conséquent, recommande au Conseil, d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit des organisations syndicales d'exprimer leurs opinions par la voie de la presse et sur le fait qu'il est désirable de faire en sorte, lorsque la publication d'un journal syndical est sujette à la délivrance d'une autorisation, que toute demande d'autorisation soit prise en considération selon une procédure accélérée;
- b) de décider que, sous réserve des remarques ci-dessus, et considérant que l'autorisation a été finalement délivrée, un examen plus approfondi de cet aspect de la question serait sans objet.
- Allégations concernant l'ordonnance sur les services essentiels
- 58. Il est allégué par le Congrès des syndicats d'Aden qu'en application de l'ordonnance sur les services essentiels, la plus grande partie des travailleurs du port sont privés de leur droit à la grève, contrairement à la pratique en vigueur en ce qui concerne ces catégories de travailleurs dans les autres parties du globe.
- 59. Le gouvernement déclare que l'ordonnance d'arbitrage pour les services essentiels (lois d'Aden, chap. 57) ne s'applique qu'à un nombre limité de services et qu'il est inexact que la plus grande partie des travailleurs du port se voient refuser le droit à la grève. L'ordonnance s'applique au personnel de la direction du port, qui comprend les équipages des remorqueurs, les pilotes, les équipages des bateaux pilotes, les conducteurs de grues et un petit nombre d'autres travailleurs, la grande majorité des travailleurs du port - ceux chargés du charbonnage, de l'arrimage, de l'approvisionnement d'eau et des autres services - ne sont pas employés par la direction et l'ordonnance ne leur est pas applicable. En ce qui concerne ceux auxquels elle s'applique, l'ordonnance prévoit qu'un travailleur ne doit pas participer à une grève si le différend n'a pas été porté devant le fonctionnaire du service de la main-d'oeuvre et que vingt et un jours ne se sont pas écoulés sans que le différend n'ait été déféré à un tribunal d'arbitrage dûment constitué.
- 60. Aux termes de l'article 5 de l'ordonnance, le fonctionnaire du service de la main-d'oeuvre a le devoir de s'efforcer de concilier les parties en cause dans le différend. Si les parties possèdent leur organisme propre résultant d'une convention collective, le différend doit être déféré à cet organisme. En cas d'échec des négociations, le gouvernement peut porter le différend devant un tribunal d'arbitrage, auquel les employeurs et les organisations de travailleurs intéressées nomment des représentants sur une base paritaire (article 4). Les décisions de ce tribunal lient les deux parties et il en est de même si un accord est réalisé au cours de la procédure de négociation (article 8).
- 61. Comme le Comité l'a observé dans un grand nombre de cas antérieurs, le droit des travailleurs et de leurs organisations à recourir à la grève comme moyen de légitime défense de leurs intérêts professionnels est reconnu d'une manière générale, pourvu que l'exercice de ce droit tienne compte des restrictions temporaires auxquelles il peut être soumis (à savoir: cessation de la grève pendant les instances de conciliation et d'arbitrage auxquelles les parties intéressées peuvent prendre part à tout stade du différend). Dans le présent cas, le Comité considère que cette condition semble bien avoir été remplie par les organismes mis à la disposition des intéressés. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations concernant les piquets de grève
- 62. Il est allégué que, le 25 avril 1958, des piquets de grève pacifiques ont été contraints par la police de quitter leur poste près d'une station de taxis. Le gouvernement déclare que certains agents des syndicats, portant des brassards, ont été invités par un fonctionnaire de la police à aller se placer de l'autre côté de la rue pour permettre aux taxis de circuler librement, mais que le fonctionnaire ne les a pas empêchés de parler aux chauffeurs de taxi et qu'il n'a pas fait obstacle à un piquet de grève légal.
- 63. Le Comité, dans un cas antérieur, a souligné l'importance qu'il attache au principe d'après lequel des piquets de grève agissant en conformité avec la loi ne doivent pas être l'objet d'une intervention des autorités publiques. Dans le présent cas, l'allégation est formulée en termes très vagues et il semble, d'après la réponse du gouvernement, que l'intervention de la police n'ait pas dépassé les limites de ce qui est nécessaire pour assurer la libre circulation des véhicules sur une voie publique. Dans ces conditions, le Comité considère qu'il n'a pas été prouvé que l'intervention incriminée constituait une atteinte au droit à faire pacifiquement le piquet en se conformant à la loi et il recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations concernant des déportations
- 64. Il est allégué par le Congrès des syndicats d'Aden, dans un télégramme daté du 16 novembre 1958, que les autorités ont déporté deux cent cinquante travailleurs, leurs employeurs déclarant qu'ils étaient en surnombre. Le gouvernement se borne à préciser que ces déportations n'étaient liées d'aucune manière à la question du syndicalisme.
- 65. Tout en reconnaissant que les plaignants n'indiquent pas les motifs auxquels ils attribuent les déportations en question et ne font pas la preuve qu'elles étaient liées à l'exercice des droits syndicaux, le Comité serait reconnaissant au gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires concernant la nature des mesures de déportation qui ont été prises, afin de lui permettre de se former une opinion sur le point de savoir si lesdites mesures impliquent des questions relatives aux droits syndicaux.
- Allégations concernant des mesures de sécurité
- 66. Il est allégué par le Congrès des syndicats d'Aden qu'il a été annoncé, dans une émission en langue arabe de la B.B.C de Londres, le 19 avril 1958, que deux navires de guerre et les renforts de troupes britanniques étaient arrivés à Aden, le 18 avril 1958, et qu'ils y resteraient jusqu'à ce que s'écarte la menace de grève générale. Cette déclaration a causé « une réaction psychologique très grave », qui était de nature à menacer la solidarité des travailleurs. Il est allégué, d'autre part, que des fils barbelés ont été posés au milieu de la route principale pour empêcher le cortège de voitures légères accompagnant la délégation du Congrès des syndicats d'Aden auprès du gouvernement et que la police a ordonné aux automobilistes de regagner le siège du Congrès des syndicats; le représentant à Aden de la C.I.S.L aurait assisté à la scène.
- 67. Le gouvernement ne fait aucun commentaire se rapportant particulièrement à ces allégations, qui sont en outre étroitement liées aux événements allégués dans la plainte de la Confédération internationale des syndicats arabes, laquelle fera l'objet d'un examen ultérieur et au sujet de laquelle le gouvernement a exprimé son intention d'adresser ses observations dans le plus bref délai possible. Le Comité, par conséquent, a décidé de demander au gouvernement de fournir ses observations sur cet aspect du cas et de les examiner lorsqu'il sera également en possession des observations du gouvernement sur la plainte de la Confédération internationale des syndicats arabes.
- Allégations concernant des procédés vexatoires
- 68. Il est allégué par le Congrès des syndicats d'Aden que, le 25 avril 1958, cet organisme a déclaré une grève pacifique de vingt-quatre heures, qui a été observée par tous les syndicats affiliés. A la suite de cette grève, il est allégué que des membres du Syndicat des instituteurs ont fait l'objet de menaces dans des circulaires émanant du directeur de l'éducation, et qu'en ce qui concerne les instituteurs qui ont pris part à la grève, il a été décidé de retenir leurs augmentations pendant douze mois et de supprimer une prime d'un mois, tandis qu'un directeur adjoint était rétrogradé. Il est allégué que le commissaire au Travail a eu des entrevues avec les responsables des syndicats de travailleurs de la Direction du port, des postes et téléphones, des travaux publics et des services municipaux et de l'électricité, en vue de les inciter à ne pas participer à la grève générale. Les plaignants produisent ce qu'ils disent être la copie d'une lettre adressée par le Département des travaux publics à un surveillant employé par le Service des eaux, qui avait pris part à la grève, pour l'informer qu'il perdrait une journée de salaire, ainsi que toute augmentation exigible au cours des douze prochains mois.
- 69. Le gouvernement déclare qu'il avait été conseillé aux instituteurs de ne pas prendre part à la grève, laquelle avait été déclenchée pour protester contre la politique du gouvernement en matière d'immigration et non à propos d'un différend syndical.
- 70. Ces allégations, elles aussi, sont étroitement liées aux allégations détaillées concernant la grève du 25 avril 1958, qui est une des questions soulevées dans la plainte de la Confédération internationale des syndicats arabes, au sujet de laquelle le gouvernement a déclaré qu'il adresserait ses observations dans les plus brefs délais possible. Le plaignant allègue, par exemple, que soixante professeurs qui avaient pris part à la grève ont été frappés d'un blâme et privés de leur augmentation annuelle et de leurs allocations trimestrielles. Le Comité, par conséquent, a décidé d'attendre d'avoir reçu les observations du gouvernement au sujet de cette plainte avant de faire ses recommandations sur cet aspect de la plainte du Congrès des syndicats d'Aden.
- Allégations relatives à la politique d'immigration du gouvernement
- 71. Dans sa plainte datée du 30 décembre 1958, la Confédération internationale des syndicats arabes présente d'assez longues observations sur la politique économique appliquée à Aden. Selon le plaignant, l'agitation a eu pour origine la politique appliquée en matière d'immigration de main-d'oeuvre étrangère, le gouvernement ayant négligé de prendre en considération les répercussions sur le marché local de l'emploi, en sorte que la main-d'oeuvre locale qualifiée et spécialisée n'est pas utilisée et que le chômage augmente. Pour ces raisons, les représentants du Congrès des syndicats d'Aden se sont, il y a deux ans, retirés de la liste des membres pouvant être consultés sur les questions d'immigration. Il est allégué que l'administration gouvernementale a entravé les efforts du Congrès des syndicats d'Aden pour améliorer la situation et résoudre quelques problèmes en établissant des relations professionnelles satisfaisantes. Le plaignant résume la thèse du Congrès des syndicats d'Aden en déclarant qu'il reconnaît qu'Aden a besoin d'experts hautement qualifiés, mais que ces experts devraient développer les capacités professionnelles sur le plan local. Il est allégué que la grève du 25 avril 1958 a été due à ce que le gouverneur n'a pas tenu compte des représentations du Congrès des syndicats d'Aden sur ces questions, ainsi qu'à diverses autres erreurs administratives et mesures discriminatoires qui, comme le plaignant l'admet, ne rentrent pas toutes dans la compétence du Comité.
- 72. A l'appui de cette dernière thèse, le plaignant avance certains textes. Le premier est un bulletin ou manifeste publié par le Congrès des syndicats d'Aden aux travailleurs et à ses affiliés à l'occasion de sa première conférence annuelle, le 1er novembre 1957. Ce document déclare que le Congrès des syndicats d'Aden appuie certains syndicats parties à des conflits et expose ensuite ses vues et revendications, particulièrement en ce qui concerne la main-d'oeuvre immigrante et la politique générale de l'emploi du gouvernement. Un deuxième document, ultérieur mais sans date, du Congrès des syndicats d'Aden analyse les raisons de la grève générale du 25 avril 1958. Ce document passe en revue la politique d'immigration du gouvernement, qui, est-il allégué, a causé du chômage et de la misère à Aden et provoqué une augmentation du prix des denrées alimentaires de base. Le document explique ensuite les représentations qui avaient été faites par le Congrès des syndicats d'Aden au gouvernement dans ses efforts pour défendre les intérêts économiques des travailleurs - demandes prévoyant que des experts viendraient à Aden former professionnellement la main-d'oeuvre locale, que l'immigration ne serait pas autorisée afin de pourvoir en temps voulu par des personnes formées par l'Institut technique et par l'Institut commercial d'Aden les postes d'employé, de dactylographe, de cuisinier, de barbier, d'ajusteur, d'électricien, etc.; que des contrôles appropriés des prix soient institués et qu'un bureau de l'emploi sous gestion tripartite soit créé. Il est allégué que c'est le mécontentement causé par le rejet absolu de ces demandes qui fut la cause de la grève du 25 avril 1958.
- 73. Le gouvernement n'ayant pas encore répondu à cette plainte, mais ayant indiqué son intention de le faire, le Comité a ajourné l'examen de ces allégations en attendant de recevoir les observations du gouvernement.
- Allégations relatives aux mesures prises à l'occasion d'un article paru dans un journal syndical
- 74. La Confédération internationale des syndicats arabes allègue que la campagne du Congrès des syndicats d'Aden en faveur des politiques qu'elle préconise a été en partie dictée par un souci de publicité. Le 17 septembre 1958, le vice-président du Congres des syndicats, M. A. K. Soliman, et un membre du bureau de cette organisation, M. H. Salem, ont publié un article dans l'hebdomadaire du Congrès des syndicats (Al-Amal). MM. Sol man et Salem étaient, respectivement, éditeur en chef et propriétaire des presses qui imprimaient le journal. Une traduction de l'article est donnée par les plaignants. Il est intitulé « Corruption dans des administrations» et, après avoir déclaré que les affaires « ne sont pas traitées d'une manière normale» dans la Municipalité, le Bureau d'immigration, les Douanes, le Port « et les tribunaux », l'article décrit les différentes formes de corruption qu'il estime régner à Aden et dit aux citoyens ce qu'ils devraient faire dans une telle situation. MM. Soliman et Salem ont été accusés d'outrage au tribunal et, le 31 octobre 1958, ils furent condamnés chacun à trois mois de prison, bien que, soutient le plaignant, leur article ne mette pas en cause l'autorité judiciaire, mais seulement l'aspect administratif des tribunaux. L'annonce de la décision causa des troubles, des actes de violence et des effusions de sang. Le même jour, le Congrès des syndicats d'Aden déclara une grève générale, mais, selon les plaignants, la situation générale concernant la sécurité, qu'il fut impossible de «tenir en main », et les «actions cruelles » de l'armée firent que la fin de la grève fut décidée le 2 novembre.
- 75. En ce qui concerne également ces allégations, les observations du gouvernement sont en cours de préparation, et le Comité a ajourné son examen jusqu'à ce que lesdites observations lui soient parvenues.
- Allégations concernant les poursuites intentées contre le secrétaire général adjoint da Congrès des syndicats d'Aden
- 76. La Confédération internationale des syndicats arabes allègue que la décision de mettre fin à la grève susmentionnée fut prise après une réunion à laquelle le gouverneur général avait promis à une délégation du Congrès des syndicats d'Aden qu'aucune représailles ne serait exercée contre ses membres. Néanmoins, il est allégué que sept instituteurs furent congédiés et que le secrétaire général adjoint du Congrès des syndicats, M. Hanbala, fut arrêté à 50 yards des bureaux du Congrès des syndicats et maintenu en état d'arrestation préventive sans jugement pendant trois semaines. Il fut ensuite condamné par la Divisional Court à quatre ans de prison pour incitation à émeute et désordre. Le plaignant soutient que les policiers ont tous fait des déclarations contradictoires, que le tribunal n'a pas tenu compte de l'alibi fourni par l'accusé (prouvé par des témoins) et que, dans les quinze minutes qui se sont écoulées entre son départ du tribunal, le 31 octobre, et son arrivée à proximité du Congrès des syndicats, 4 milles plus loin, il n'avait pas pu commettre les délits dont il était accusé.
- 77. Le Comité a ajourné également son examen de ces allégations jusqu'au moment où il aura reçu les observations du gouvernement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 78. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 52 à 54 et 58 à 65 ci-dessus, les allégations concernant l'intervention de la police, l'ordonnance sur les services essentiels et les piquets de grève n'appellent pas un examen plus approfondi;
- b) de décider, tout en insistant sur le fait que le droit d'organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux, que les allégations concernant des réunions et manifestations n'appellent pas, pour les raisons indiquées aux paragraphes 42 à 46 ci-dessus, un examen plus approfondi;
- c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'enregistrement des syndicats, pour les raisons indiquées aux paragraphes 47 à 51 ci-dessus, que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu, en l'occurrence, une atteinte aux droits syndicaux;
- d) en ce qui concerne les allégations relatives à un journal syndical, examinées aux paragraphes 55 à 57 ci-dessus:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au droit des organisations syndicales d'exprimer leur opinion par la voie de la presse et sur le fait qu'il est désirable d'assurer, lorsque la parution d'une publication syndicale doit faire l'objet d'une autorisation préalable, que toute demande d'autorisation de ce genre soit examinée et qu'il y soit répondu selon une procédure rapide;
- ii) de décider, moyennant les réserves ci-dessus, qu'étant donné qu'une autorisation fut en fin de compte délivrée, il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect de la question;
- e) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures de sécurité, aux sanctions, à la politique d'immigration du gouvernement, aux mesures prises en ce qui concerne un article paru dans un journal syndical et aux poursuites intentées contre le secrétaire général adjoint du Congrès des syndicats d'Aden, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport sur ces allégations lorsqu'il aura reçu les observations du gouvernement à leur sujet.