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Rapport intérimaire - Rapport No. 33, 1960

Cas no 184 (Haïti) - Date de la plainte: 29-JUIL.-58 - Clos

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  1. 79. Une plainte en date du 29 juillet 1958 a été déposée directement devant l'O.I.T par la Confédération internationale des syndicats libres. Les plaignants ont été informés, par une lettre en date du 11 août 1958, de leur droit de présenter, dans le délai d'un mois, des informations complémentaires à l'appui de leur plainte.
  2. 80. La plainte a été communiquée au gouvernement haïtien par une lettre en date du 11 août 1958. Le gouvernement a fait parvenir ses observations au Bureau par une communication en date du 25 septembre 1958.
  3. 81. Saisi du cas à sa vingtième session (Genève, novembre 1958), le Comité a estimé qu'il lui serait nécessaire d'obtenir des informations complémentaires, tant de l'organisation plaignante que du gouvernement, avant de pouvoir formuler ses recommandations au Conseil d'administration. Il a donc décidé d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession desdites informations.
  4. 82. Informés de cette décision du Comité, le gouvernement haïtien et la C.I.S.L ont fait parvenir les informations complémentaires attendues d'eux par deux lettres datées respectivement des 8 et 10 janvier 1959. Le gouvernement a, en outre, par lettre du 5 février 1959, présenté des observations sur les informations complémentaires de la C.I.S.L du 10 janvier 1959, informations qui lui avaient été communiquées par le Directeur général.
  5. 83. Haïti a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives aux mesures dont a été l'objet M. Nathanaël Michel, secrétaire général de l'Union nationale des ouvriers d'Haïti
    1. 84 Les plaignants allèguent que, le 5 janvier 1958, M. Nathanaël Michel, secrétaire général de l'Union nationale des ouvriers d'Haïti (U.N.O.H.), aurait été arrêté sans que le gouvernement ait justifié cette mesure et aurait été maintenu en prison sans qu'aucune accusation eût été portée contre lui. Après sa sortie de prison, le 20 janvier 1958, M. Michel aurait été assigné à résidence plusieurs semaines durant. De plus, il aurait été destitué de son poste de professeur à l'Ecole des arts et métiers d'Haïti.
    2. 85 Bien que ne le déclarant pas spécifiquement, les plaignants laissent entendre que ces mesures auraient pour origine les activités syndicales de M. Michel et ils estiment, notamment, que la destitution de l'intéressé constitue une violation de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui stipule, en son article premier, que les travailleurs devront bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tous autres moyens en raison de ses activités syndicales.
    3. 86 De son côté, dans sa réponse datée du 25 septembre 1958, le gouvernement affirme que M. Michel n'a jamais été inquiété en raison de ses activités syndicales et que les mesures qui l'ont frappé ont pour origine les activités politiques déployées par l'intéressé, qui, de surcroît, se serait rendu coupable de malversation. A l'appui de sa thèse selon laquelle les mesures prises à l'encontre de M. Michel sont étrangères aux activités syndicales de ce dernier, le gouvernement joint en annexe à sa réponse copie d'une lettre adressée à M. Michel par le nouveau président de l'U.N.O.H. Dans cette lettre, il est dit notamment: «Pour des motifs purement politiques, vous avez été arrêté le 15 janvier de cette année, libéré après vingt-deux jours d'incarcération, mais placé en résidence surveillée. Depuis la levée pour vous et pour d'autres, grâce aux démarches de l'U.N.O.H et de certaines organisations démocratiques tant nationales qu'internationales, de cette dernière mesure policière, vous avez, pour des raisons qui vous sont personnelles, gardé le maquis. » Et plus loin: les membres du Comité directeur de l'U.N.O.H «sont disposés à vous aider dans vos démarches pour vous laver de l'accusation de communisme dont vous êtes l'objet ces jours-ci».
    4. 87 Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité avait été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits. Dans le cas d'espèce, le Comité avait estimé, lors de l'examen du cas, en novembre 1958, que, puisque la personne intéressée assumait des responsabilités d'ordre syndical, la mesure qui l'a frappée était susceptible, même si tel n'était pas son but, d'affecter l'exercice des droits syndicaux.
    5. 88 Si, dans certains cas antérieurs, le Comité avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient, soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique.
    6. 89 Dans le cas d'espèce, le Comité a noté que le gouvernement s'était abstenu de préciser les activités qui ont provoqué les mesures dont l'intéressé a été l'objet. Il a noté en outre que le seul élément de preuve que le gouvernement avançait pour étayer sa thèse selon laquelle lesdites mesures auraient été étrangères à toute activité syndicale consistait en une lettre émanant d'un membre du Comité directeur de l'U.N.O.H, qui a précisément remplacé le comité dont l'intéressé faisait partie avant d'en être évincé. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que les mesures en question ont été prises au moment où se tenaient des élections syndicales au sein de l'organisation dont M. Michel était secrétaire général, le Comité a estimé qu'il lui était nécessaire d'obtenir du gouvernement, pour pouvoir se former une opinion en connaissance de cause, des informations plus détaillées quant aux données précises qui ont motivé les mesures incriminées et, en particulier, aux activités spécifiques qui sont reprochées à l'intéressé.
    7. 90 Par ailleurs, étant donné l'allégation des plaignants selon laquelle M. Michel aurait été arrêté et détenu sans qu'aucune accusation concrète ait été portée contre lui et le fait que le gouvernement, dans sa réponse du 25 septembre 1958, s'était abstenu de présenter des observations sur cet aspect particulier du cas, le Comité, étant donné l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel toute personne détenue devrait être jugée promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, en particulier lorsqu'il s'agit de syndicalistes, a décidé, en novembre 1958, de demander au gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires sur la procédure suivie lors de l'adoption des mesures dont M. Michel a fait l'objet, ainsi que sur les garanties dont cette procédure est assortie.
    8. 91 Comme suite à ces diverses demandes d'informations, le gouvernement, dans une communication en date du 8 janvier 1959, déclare tout d'abord confirmer les déclarations qu'il avait formulées dans sa première série d'observations datée du 25 septembre 1958. Il signale en outre que l'U.N.O.H, affiliée à l'O.R.I.T et à laquelle appartient M. Michel, a pris part à la récente conférence de l'O.R.I.T et de la C.I.S.L tenue à Bogota au mois de décembre 1958 en s'y faisant représenter à titre de délégué par M. Fritzner Sainvil, actuellement secrétaire général de l'U.N.O.H en remplacement de M. Michel. Ce délégué - précise le gouvernement - choisi librement par cette organisation syndicale, a été régulièrement inscrit et a eu une participation normale aux travaux de cette conférence. Or, déclare le gouvernement, il est à remarquer que les doléances relatives à M. Michel ont été soumises à l'O.I.T par la même C.I.S.L.
    9. 92 Répondant plus précisément aux demandes spécifiques formulées par le Comité, le gouvernement déclare que les mesures qui ont été prises à l'encontre de M. Michel l'ont été sur la base de dispositions légales adoptées en raison de la situation politique particulière qui règne actuellement à Haïti. Ces dispositions légales - dont le gouvernement joint le texte en annexe à sa communication - sont les suivantes:
      • a) arrêté du Conseil militaire de gouvernement, en date du 26 septembre 1957, déclarant la loi martiale sur toute l'étendue du territoire de la République;
      • b) arrêté du Président de la République, en date du 2 mai 1958, déclarant l'état de siège sur tous les points du territoire de la République et suspendant les garanties prévues aux articles 17, 18, 19, 21, 26, 68 et 70 de la Constitution;
      • c) décret du Corps législatif, en date du 31 juillet 1958, suspendant les garanties constitutionnelles prévues aux articles 20, 21, 25, 90 (septième alinéa), 94, 119 et 123 de la Constitution et accordant pleins pouvoirs au chef du Pouvoir exécutif pour une période de six mois.
    10. Le gouvernement joint en outre à sa réponse le texte des garanties constitutionnelles contenues dans les articles de la Constitution nationale mentionnés dans les arrêtés et décret cités ci-dessus.
    11. 93 Des textes mêmes cités par le gouvernement, il ressort que les raisons qui sont à l'origine de leur mise en application doivent être cherchées dans la situation politique troublée traversée par Haïti.
    12. 94 Dans de nombreux cas où le Comité avait été appelé à examiner des allégations contre des pays qui se trouvaient dans un état de crise politique ou venaient de passer par une période de troubles graves (guerre civile, révolution, etc.), il avait considéré comme nécessaire, en étudiant les diverses mesures prises par les gouvernements, y compris certaines mesures à l'encontre d'organisations syndicales ou de syndicalistes, de tenir compte de telles circonstances exceptionnelles pour se prononcer sur ces allégations quant au fond. Toutefois, dans les cas où le Comité avait été saisi de plaintes concernant des atteintes qui auraient été portées à la liberté syndicale sous le régime de l'état de siège ou d'exception, ou encore en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, il a toujours estimé - tout en indiquant qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur la nécessité ou sur l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique - qu'il devait examiner les répercussions que cette législation pourrait avoir sur les droits syndicaux.
    13. 95 Tout en s'abstenant donc de se prononcer sur l'aspect politique du régime d'exception actuellement en vigueur à Haïti, le Comité rappelle à nouveau l'importance qu'il attache au principe selon lequel, d'une part, les procédures de détention doivent s'accompagner de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables, d'autre part, toute personne détenue doit bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible.
    14. 96 En ce qui concerne le cas particulier de M. Nathanaël Michel et les mesures dont celui-ci a été l'objet, le Comité a noté que si le gouvernement indique en vertu de quels textes législatifs et de quelle procédure ces mesures ont été prises, il s'abstient toutefois de mentionner les motifs qui sont à l'origine desdites mesures. Or, ainsi qu'il est rappelé au paragraphe 88 ci-dessus, si, dans le passé, le Comité avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, c'est seulement après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de façon suffisamment précise que ces mesures étaient motivées par des activités extra-syndicales, préjudiciables à l'ordre public ou de nature politique.
    15. 97 Dans ces conditions, le Comité estime nécessaire d'obtenir, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, des informations plus détaillées quant aux données précises qui ont motivé les mesures dont a été l'objet M. Michel et, en particulier, aux activités spécifiques qui sont reprochées à l'intéressé, et d'ajourner l'examen de cet aspect particulier du cas en attendant d'être en possession des informations sollicitées du gouvernement à cet égard.
  • Allégations relatives aux mesures prises contre M. Lyderic Bonaventure, dirigeant du Syndicat des transports
    1. 98 Les plaignants allèguent que M. Lyderic Bonaventure, qui serait d'après eux dirigeant du Syndicat des transports, aurait été arrêté le 20 décembre 1957 et maintenu en prison sans passer en jugement jusqu'à la fin de février 1958, moment auquel il aurait été libéré.
    2. 99 Dans sa réponse datée du 25 septembre 1958, le gouvernement déclare que l'arrestation de M. Bonaventure, lequel a depuis été relâché, a été effectuée pour des raisons politiques et est totalement étrangère à des activités syndicales d'ailleurs inexistantes. Le gouvernement ajoutait en effet que, depuis 1950, M. Bonaventure n'avait appartenu à aucune association professionnelle et n'avait donc eu aucune activité syndicale.
    3. 100 A sa vingtième session (Genève, novembre 1958), le Comité s'est donc trouvé placé devant deux déclarations contradictoires, qui n'étaient ni l'une ni l'autre étayées par des éléments de preuve et le plaçaient dans l'impossibilité de se former une opinion en connaissance de cause.
    4. 101 Dans ces conditions, le Comité s'est reporté à certaines propositions qu'il avait faites et à certaines décisions que le Conseil d'administration avait prises en matière de procédure. Ainsi, à sa 123ème session (Genève, novembre 1953), le Conseil d'administration avait décidé que, si un plaignant ne fournissait pas les précisions nécessaires à l'appui de sa plainte dans le délai d'un mois à compter de la date de l'accusé de réception de la plainte par le Directeur général, il appartiendrait au Comité de décider s'il convenait de prendre d'autres mesures. En outre, dans le rapport qu'il avait présenté à cette même session du Conseil d'administration (neuvième rapport du Comité, 123ème session du Conseil), le Comité avait envisagé la communication aux plaignants, pour observation, des réponses des gouvernements. Tout en reconnaissant que l'on contribuerait à préciser les faits en cause s'il était possible de demander aux plaignants de contrôler les réponses des gouvernements, le Comité avait toutefois estimé qu'une telle procédure soulèverait, en pratique, de nombreuses difficultés. Aussi avait-il considéré que la solution la plus sage consisterait à lui laisser le soin de décider, dans chaque cas d'espèce et compte tenu de toutes les circonstances, si la réponse d'un gouvernement doit être communiquée au plaignant pour observations. Enfin, à sa 123ème session (Genève, novembre 1953), le Conseil d'administration, après avoir examiné les propositions ci-dessus (figurant aux paragraphes 29 à 32 du neuvième rapport du Comité), a décidé que le Comité serait autorisé, sans rendre publiques les réponses des gouvernements, à obtenir du plaignant des informations complémentaires écrites sur les questions relatives aux termes de la plainte qui appelleraient plus de précisions.
    5. 102 Dans le cas d'espèce, étant donné la situation où il se trouvait, le Comité, à sa vingtième session (Genève, novembre 1958), s'est estimé justifié à se prévaloir de la décision ci-dessus du Conseil d'administration et a chargé le Directeur général de demander aux plaignants de bien vouloir fournir des informations plus précises à l'appui de leur allégation, au cas où ils désireraient la maintenir, et de préciser notamment pendant quelle période et dans quelles conditions M. Bonaventure a été dirigeant du Syndicat des transports.
    6. 103 Cette demande d'informations complémentaires a été portée à la connaissance de la C.I.S.L par une lettre en date du 2 décembre 1958. Les plaignants ont fait parvenir leur réponse par une communication datée du 10 janvier 1959.
    7. 104 Dans cette réponse, les plaignants déclarent tout d'abord maintenir leur allégation. Ils indiquent ensuite qu'étant donné, d'une part, les circonstances qui règnent en Haïti, d'autre part, le fait que leur envoyé, M. Romualdi, s'est vu refuser l'entrée du territoire haïtien, la possibilité pour la C.I.S.L de fournir au Comité des informations complémentaires se trouve très limitée.
    8. 105 Les plaignants rappellent ensuite que, dans la plainte déposée par eux le 29 juillet 1958, ils demandaient au Conseil d'administration d'effectuer une enquête en vue d'évaluer la mesure dans laquelle les droits syndicaux étaient respectés à Haïti. A leurs yeux, une telle enquête apparaissait comme d'autant plus essentielle «qu'il n'existe à l'heure actuelle - pour reprendre les termes de la dernière communication des plaignants - aucun autre moyen de vérifier les faits avec exactitude ».
    9. 106 En ce qui concerne le cas spécifique de M. Bonaventure, la seule information certaine que la C.I.S.L soit à même de fournir est que l'intéressé était, en 1949, époque du congrès tenu à La Havane par la Confédération interaméricaine du travail, président du Syndicat des transports d'Haïti. Pour le reste, la seule indication fournie par la C.I.S.L est que, (c à la connaissance de M. Romualdi », qui, au dire même des plaignants n'a pas pu se rendre dans le pays, M. Bonaventure était encore dirigeant du Syndicat des transports au moment de son arrestation en décembre 1957.
    10. 107 Il paraît ressortir, tant des déclarations générales des plaignants que des observations qu'ils présentent relativement au cas particulier de M. Bonaventure, que les informations dont ils font état pour baser leurs allégations n'ont pas pu être vérifiées par eux. En ce qui concerne la position de M. Bonaventure en particulier, la seule information positive que la C.I.S.L soit à même de donner remonte à 1949. A cela, le gouvernement opposait dans sa première réponse déjà, une déclaration formelle selon laquelle M. Bonaventure aurait cessé d'avoir une activité syndicale quelconque depuis 1950. En outre, par une communication en date du 5 février 1959 contenant les observations du gouvernement sur les informations complémentaires des plaignants, celui-ci fournit copie d'une lettre du syndicat dont il s'agit, attestant que M. Bonaventure, dirigeant de ce syndicat de 1947 à 1950, a cessé de l'être à partir de cette dernière date. Cette lettre indique que M. Sylvestre a dirigé ce syndicat de 1950 à 1952 et fournit la liste et la composition des divers comités directeurs qui se sont ensuite succédé à la tête du syndicat jusqu'à 1959.
    11. 108 Dans ces conditions, notant, d'une part, que, tant dans sa plainte originale que lors de l'occasion ultérieure de l'étayer qui lui a été donnée, la C.I.S.L n'a formulé, au sujet du cas de M. Bonaventure, que des allégations dont elle n'a pas été à même de démontrer le bien-fondé; notant, d'autre part, que, d'après les dernières informations fournies par le gouvernement, M. Bonaventure paraît bien, contrairement à ce qu'alléguaient les plaignants, avoir cessé d'occuper toute fonction au sein du Syndicat des transports depuis 1950; le Comité estime qu'il n'a pas été apporté de preuve tendant à montrer que les mesures prises à l'encontre de M. Bonaventure aient constitué une atteinte à la liberté syndicale et, pour cette raison, recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives à une intervention du gouvernement dans des élections syndicales
    1. 109 Il est allégué que, grâce à deux élections rapprochées, tenues dans des conditions suspectes, les dirigeants du mouvement syndical haïtien auraient été écartés de la scène syndicale. « Si - déclarent les plaignants - comme on peut le supposer, une intervention du gouvernement était à l'origine de l'organisation et du résultat de ces élections, elle constituerait une violation de l'article 3 de la convention no 87, stipulant que les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. »
    2. 110 Ces deux élections, tenues les 16 avril et 30 juin 1958, ont renouvelé le Comité directeur de l'U.N.O.H. D'après les plaignants, elles auraient été irrégulières en raison, d'une part, de l'absence de M. Nathanaël Michel, secrétaire général de l'organisation, d'autre part, du fait qu'une partie seulement des organisations membres auraient été présentes.
    3. 111 Dans sa réponse, le gouvernement déclarait n'être jamais intervenu, ni directement ni indirectement, dans les élections qui ont abouti au renouvellement du comité directeur de l'U.N.O.H. Il joignait à sa réponse le texte du procès-verbal de la séance du 30 juin 1958 de l'U.N.O.H qui, sans apporter la preuve que le gouvernement se serait abstenu d'exercer une pression quelconque à l'occasion des élections, laisse apparaître que les raisons qui ont motivé le renouvellement du comité directeur auraient été que les membres de l'ancien comité se seraient rendus coupables de malversation; de ce procès-verbal, il semble découler en outre que la majorité des syndicats membres de l'organisation auraient été représentés.
    4. 112 A sa vingtième session (Genève, novembre 1958), le Comité s'est donc trouvé placé, d'une part, devant une déclaration formelle du gouvernement selon laquelle celui-ci se serait abstenu d'intervenir en quoi que ce soit dans les élections syndicales en question, d'autre part, devant des allégations de la C.I.S.L qui, selon les termes mêmes de la plainte, ne paraissaient être fondées que sur des soupçons.
    5. 113 Dans ces conditions, en application de la procédure rappelée au paragraphe 101 ci-dessus et étant donné l'impossibilité où il s'est trouvé de se former une opinion avec les seuls éléments dont il disposait, le Comité, ici encore, a chargé le Directeur général d'obtenir des plaignants, au cas où ils désireraient maintenir leur allégation, des informations plus précises et plus détaillées à l'appui de cette dernière.
    6. 114 Les plaignants - on l'a dit - ont répondu par une lettre en date du 10 janvier 1959, qui contenait tout d'abord des observations d'ordre général analysées aux paragraphes 104 et 105 ci-dessus.
    7. 115 Les plaignants déclarent ensuite maintenir leur allégation en ce qui concerne l'intervention qui aurait eu lieu lors d'élections syndicales et ils s'expriment à cet égard notamment en ces termes: « Nous tenons de sources que nous devons considérer comme étant dignes de foi que des fonctionnaires du gouvernement se sont efforcés de corrompre certains dirigeants syndicaux afin de les induire à provoquer des changements dans la direction de l'Union nationale des ouvriers d'Haïti. Ainsi, un dirigeant syndical s'est vu offrir un voyage aux Etats-Unis. »
    8. 116 Le Comité estime que tant la plainte originale - qui paraissait n'être fondée que sur des soupçons - que les informations complémentaires que les plaignants ont eu l'occasion de fournir sont conçues en des termes éminemment vagues et ne permettent pas de conclure qu'il y ait eu, en l'occurrence, une atteinte à la liberté syndicale. Dans ces conditions, il recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives à des violations de la liberté syndicale sur le plan international
    1. 117 Les plaignants allèguent que M. Romualdi, représentant de la C.I.S.L, se rendant à Haïti pour y enquêter sur la situation syndicale du pays, se serait vu, à son arrivée à l'aéroport, le 7 juillet 1958, refuser l'entrée du territoire par les autorités de police, qui l'auraient contraint à se rembarquer sur-le-champ dans un avion en partance pour les Etats-Unis.
    2. 118 Le gouvernement ne conteste pas que les faits allégués aient pu se produire. Il rappelle cependant qu'au moment de la visite du représentant de la C.I.S.L, le pays traversait une période politiquement troublée, que cette circonstance avait nécessité l'adoption de mesures sévères de contrôle et de sécurité et que ces mesures avaient été appliquées automatiquement à M. Romualdi comme elles l'étaient à n'importe qui. Le gouvernement laisse entendre toutefois que, s'il avait connu le but de la visite du représentant de la C.I.S.L et en avait été prévenu, il aurait fait en sorte que ces incidents n'aient pas lieu. A l'appui de cette déclaration, le gouvernement rappelle également que le représentant de la C.I.S.L a, dans le passé, eu plusieurs fois l'occasion de se rendre à Haïti et qu'il y a chaque fois été reçu officiellement par les autorités gouvernementales et, singulièrement, par le département du Travail et du Bien-être social.
    3. 119 Le Comité estime, au vu des éléments dont il dispose, qu'il n'est pas établi, en l'occurrence, que le principe selon lequel les organisations nationales de travailleurs doivent avoir le droit de maintenir librement des contacts avec les organisations professionnelles internationales auxquelles elles sont affiliées, ait été violé intentionnellement.
    4. 120 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration, tout en attirant l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe rappelé ci-dessus, de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
  • Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux venus accueillir le représentant de la C.I.S.L.
    1. 121 Les plaignants allèguent que tous les dirigeants syndicaux qui s'étaient portés à la rencontre de M. Romualdi, à l'aérogare de Port-au-Prince, auraient été arrêtés. De son côté, le gouvernement affirme formellement qu'aucun des dirigeants syndicaux qui ont été à l'aéroport pour accueillir le représentant de la C.I.S.L n'a été arrêté.
    2. 122 Le Comité s'est trouvé placé devant deux déclarations contradictoires qui n'étaient ni l'une ni l'autre étayées par des éléments de preuve. Le Comité a noté toutefois que les plaignants basaient leur accusation sur des informations de seconde main qui ne présentaient pas de force probante suffisante. Ils s'exprimaient en effet en ces termes: « Une lettre adressée par deux anciens ministres haïtiens à l'éditeur du journal The New York Times et publiée dans ce journal à la date du 15 juillet 1958, fait savoir que tous les dirigeants syndicaux qui avaient été à l'aéroport à la rencontre du représentant de la C.I.S.L furent arrêtés sur-le-champ. » Les plaignants déclarent qu'ils ignorent s'ils ont été relâchés ou non.
    3. 123 Dans ces conditions, étant donné, d'une part, le manque de précision des allégations formulées par les plaignants et le caractère des informations sur lesquelles elles se fondent, et étant donné, d'autre part, les déclarations formelles du gouvernement, le Comité, tenant compte du fait que l'organisation plaignante n'a pas cru devoir sur ce point faire usage de son droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de sa plainte, estime que cette organisation n'a pas apporté la preuve que des mesures aient effectivement été prises à l'encontre des syndicalistes en question et recommande au Conseil d'administration de décider, pour cette raison, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 124. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider pour les raisons indiquées respectivement aux paragraphes 98 à 108, 109 à 116 et 121 à 123 ci-dessus, que les allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de M. Lyderic Bonaventure, à une intervention du gouvernement dans les élections syndicales et à l'arrestation de dirigeants syndicaux venus accueillir le représentant de la C.I.S.L n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de décider, tout en attirant l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations nationales de travailleurs doivent avoir le droit de maintenir librement des contacts avec les organisations professionnelles internationales auxquelles elles sont affiliées, que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 117 à 120 ci-dessus, les allégations relatives à des violations de la liberté syndicale sur le plan international n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • c) de rappeler, tout en s'abstenant de se prononcer sur l'aspect politique du régime d'exception actuellement en vigueur à Haïti, l'importance qu'il attache au principe selon lequel d'une part, les procédures de détention doivent s'accompagner de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables, d'autre part, toute personne détenue doit bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures prises contre M. Nathanaël Michel, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport sur la question lorsqu'il sera en possession des informations attendues du gouvernement.
      • (Signé) Paul RAMADIER, Président. Genève, 4 mars 1959.
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