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Rapport définitif - Rapport No. 49, 1961

Cas no 184 (Haïti) - Date de la plainte: 29-JUIL.-58 - Clos

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  1. 21. Une plainte du 29 juillet 1958 a été soumise à l'O.I.T par la C.I.S.L. Cette plainte ayant été communiquée au gouvernement haïtien le 11 août 1958, celui-ci a fait parvenir ses observations au Bureau par une lettre du 25 septembre 1958.
  2. 22. Saisi du cas à sa vingtième session (novembre 1958), le Comité a estimé qu'il lui serait nécessaire d'obtenir des informations complémentaires tant de l'organisation plaignante que du gouvernement avant de pouvoir formuler ses recommandations au Conseil d'administration. Il a donc décidé d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession desdites informations.
  3. 23. Informés de cette décision du Comité, le gouvernement haïtien et la C.I.S.L ont fait parvenir les informations complémentaires attendues d'eux par deux lettres datées des 8 et 10 janvier 1959. Par une lettre du 5 février 1959, le gouvernement a, en outre, présenté des observations sur les informations complémentaires de la C.I.S.L du 10 janvier 1959, informations qui lui avaient été communiquées par le Directeur général.
  4. 24. Saisi à nouveau du cas lors de sa vingt et unième session (février 1959), le Comité a été en mesure de formuler ses recommandations définitives au Conseil d'administration sur l'ensemble des allégations du cas à l'exception d'une seule. Ces recommandations, ainsi que les raisons qui les ont motivées, figurent dans le trente-troisième rapport du Comité. En ce qui concerne l'allégation dont il ne s'est pas estimé en mesure d'achever l'examen, le Comité, qui a présenté à son sujet un rapport intérimaire, a jugé nécessaire d'obtenir du gouvernement de nouvelles informations complémentaires pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause.
  5. 25. Cette demande d'informations complémentaires ayant été présentée par le Directeur général au gouvernement, celui-ci a fait parvenir sa réponse au Bureau par une lettre du 22 avril 1959.
  6. 26. A sa vingt-deuxième session (mai 1959), pour donner suite à un télégramme du 21 mai 1959 de la C.I.S.L annonçant l'envoi d'informations complémentaires et demandant pour ce motif l'ajournement de l'examen du cas, le Comité a ajourné cet examen à sa session suivante.
  7. 27. Les informations complémentaires annoncées par les plaignants sont parvenues au Bureau par une communication du 27 août 1959 et ont été transmises pour observations au gouvernement haïtien par une lettre du 3 septembre 1959
  8. 28. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre du 30 octobre 1959, cette réponse étant parvenue au Bureau trop tard pour être examinée par le Comité à la vingt-troisième session de celui-ci (novembre 1959), ledit examen a été ajourné à la vingt-quatrième session du Comité.
  9. 29. A sa vingt-quatrième session (février 1960), le Comité a décidé qu'il lui serait nécessaire d'obtenir du gouvernement certains éclaircissements au sujet de plusieurs aspects de l'affaire et d'ajourner l'examen du cas en attendant de recevoir les informations en question, informations qui ont été sollicitées du gouvernement par une lettre du Directeur général du 9 mars 1960.
  10. 30. A sa vingt-cinquième session (mai 1960), le Comité, en l'absence des informations complémentaires sollicitées du gouvernement, a décidé d'ajourner l'examen du cas à sa présente session.
  11. 31. Le gouvernement haïtien a fait parvenir au Bureau les informations demandées par une communication du 23 juin 1960.
  12. 32. Etant donné les explications contenues au paragraphe 24 ci-dessus, le présent document ne porte que sur la seule allégation restée en suspens.
    • Allégation relative aux mesures prises à l'égard de M. Nathanaël Michel, secrétaire général de l'Union nationale des ouvriers d'Haïti (U.N.O.H)

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 33. Dans sa plainte originale, la C.I.S.L allègue que, le 5 janvier 1958, M. Nathanaël Michel, secrétaire général de l'Union nationale des ouvriers d'Haïti (U.N.O.H.), aurait été maintenu en prison sans qu'aucune accusation ait été portée contre lui. Après sa sortie de prison, le 20 janvier 1958, M. Michel aurait été assigné à résidence plusieurs semaines durant. De plus, M. Michel aurait été destitué du poste qu'il occupait comme professeur à l'Ecole des arts et métiers d'Haïti.
  2. 34. Bien que ne le déclarant pas expressément, les plaignants, dans leur communication du 29 juillet 1958, laissent entendre que ces mesures auraient pour origine les activités syndicales de M. Michel et ils estiment, notamment, que la destitution de l'intéressé constitue une violation de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par Haïti, qui dispose à son article 1 que les travailleurs devront bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tous autres moyens en raison de ses activités syndicales.
  3. 35. De son côté, dans sa première réponse du 25 septembre 1958, le gouvernement affirme que M. Michel n'a jamais été inquiété en raison de ses activités syndicales et que les mesures qui l'ont frappé ont pour origine les activités politiques déployées par l'intéressé, qui, de surcroît, se serait rendu coupable de malversations. A l'appui de sa thèse selon laquelle les mesures prises à l'encontre de M. Michel sont étrangères aux activités syndicales de ce dernier, le gouvernement joint en annexe à sa réponse copie d'une lettre adressée à M. Michel par le nouveau président de l'U.N.O.H. Dans cette lettre, il est dit notamment: « Pour des motifs purement politiques, vous avez été arrêté le 15 janvier de cette année, libéré après vingt-deux jours d'incarcération, mais placé en résidence surveillée. Depuis la levée, pour vous et pour d'autres, de cette dernière mesure policière, grâce aux démarches de l'U.N.O.H et de certaines organisations démocratiques, tant nationales qu'internationales, vous avez, pour des raisons qui vous sont personnelles, gardé le maquis. » Et plus loin: les membres du Comité directeur de l'U.N.O.H. « sont disposés à vous aider dans vos démarches pour vous laver de l'accusation de communisme dont vous êtes l'objet ces jours-ci ».
  4. 36. Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité avait été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits. En l'espèce, le Comité avait estimé, lors de son examen du cas en novembre 1958, que, puisque la personne intéressée assumait des responsabilités d'ordre syndical, la mesure qui l'a frappée était susceptible, même si tel n'était pas son but, d'affecter l'exercice des droits syndicaux.
  5. 37. Le Comité a alors rappelé que si, dans le passé, il avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical qui étaient, soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique.
  6. 38. Dans le cas d'espèce, le Comité a noté que le gouvernement s'était abstenu de préciser les activités qui ont provoqué les mesures dont l'intéressé a été l'objet. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que lesdites mesures ont été prises au moment où se tenaient des élections syndicales au sein de l'organisation dont M. Michel était secrétaire général, le Comité a estimé qu'il lui était nécessaire d'obtenir du gouvernement, pour pouvoir se former une opinion en connaissance de cause, des informations plus détaillées quant aux données précises qui ont motivé les mesures incriminées et, particulièrement, aux activités qui sont exactement reprochées à l'intéressé.
  7. 39. Par ailleurs, étant donné l'allégation des plaignants selon laquelle M. Michel aurait été arrêté et détenu sans qu'aucune accusation concrète ait été portée contre lui et le fait que le gouvernement, dans sa réponse du 25 septembre 1958, s'était abstenu de présenter des observations sur cet aspect particulier du cas, le Comité, étant donné l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel toute personne détenue devrait être jugée promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, en particulier lorsque ces personnes sont des syndicalistes, a décidé, en novembre 1958, de demander au gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires sur la procédure suivie lors de l'adoption des mesures dont M. Michel a fait l'objet ainsi que sur les garanties dont cette procédure s'accompagne.
  8. 40. Comme suite à ces diverses demandes d'informations, le gouvernement, dans une communication du 8 janvier 1959, déclarait tout d'abord confirmer les déclarations qu'il avait formulées dans sa première série d'observations datée du 25 septembre 1958. Il signalait en outre que l'U.N.O.H, affiliée à l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs (O.R.I.T.) et à laquelle appartenait M. Michel, a pris part à la conférence de l'O.R.I.T et de la C.I.S.L tenue à Bogota au mois de décembre 1958 en s'y faisant représenter à titre de délégué par M. Fritzner Sainvil, actuellement secrétaire général de I'U.N.O.H en remplacement de M. Michel. Ce délégué - précise le gouvernement -, choisi librement par cette organisation syndicale, a été régulièrement inscrit et a eu une participation normale aux travaux de cette conférence. Or - déclare le gouvernement - il est à remarquer que les doléances relatives à M. Michel ont été soumises à l'O.I.T par la même C.I.S.L.
  9. 41. Répondant plus précisément aux demandes spécifiques formulées par le Comité, le gouvernement, dans sa seconde série d'observations, du 8 janvier 1959, déclarait que les mesures qui ont été prises à l'encontre de M. Michel l'ont été sur la base de dispositions légales adoptées en raison de la situation politique particulière qui régnait en Haïti. Ces dispositions légales - dont le gouvernement joint le texte en annexe à sa communication du 8 janvier 1959 - sont les suivantes:
    • a) arrêté du Conseil militaire du gouvernement du 26 septembre 1957, proclamant la loi martiale sur toute l'étendue du territoire de la République;
    • b) arrêté du Président de la République du 2 mai 1958 déclarant l'état de siège sur tous les points du territoire de la République et suspendant les garanties prévues aux articles 17, 18, 19, 21, 26, 68 et 70 de la Constitution;
    • c) décret du Corps législatif en date du 31 juillet 1958 suspendant les garanties constitutionnelles prévues aux articles 20, 21, 25, 90 (7ème alinéa), 94, 119 et 123 de la Constitution et accordant pleins pouvoirs au chef du Pouvoir exécutif pour une période de six mois.
      • Le gouvernement joignait en outre à sa réponse le texte des garanties constitutionnelles contenues dans les articles de la Constitution nationale mentionnés dans les arrêtés et décret cités ci-dessus.
    • 42. Saisi du cas à sa vingt et unième session (février 1959), le Comité avait constaté qu'il ressortait des textes mêmes cités par le gouvernement que les raisons qui sont à l'origine de leur mise en application devraient être cherchées dans la situation politique troublée traversée par Haïti.
  10. 43. Il avait alors rappelé que, dans les nombreux cas dans lesquels il avait été appelé à examiner des allégations contre des pays qui se trouvaient dans un état de crise politique ou venaient de passer par une période de troubles graves (guerre civile, révolution, etc.), il avait considéré comme nécessaire, en étudiant les diverses mesures prises par les gouvernements, et notamment certaines mesures prises à l'encontre d'organisations syndicales ou de syndicalistes, de tenir compte de telles circonstances exceptionnelles pour se prononcer sur ces allégations quant au fond. Toutefois, dans le cas où le Comité avait été saisi de plaintes concernant de prétendues atteintes portées à la liberté syndicale sous le régime de l'état de siège ou d'exception, ou encore en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, il a toujours estimé - tout en indiquant qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur la nécessité ou sur l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique - qu'il devait examiner les répercussions que cette législation pourrait avoir sur les droits syndicaux.
  11. 44. Tout en s'abstenant donc de se prononcer sur l'aspect politique du régime d'exception en vertu duquel les mesures incriminées ont été prises à l'encontre de M. Michel, le Comité avait tenu à rappeler de nouveau, en février 1959, l'importance qu'il attache au principe selon lequel, d'une part, les procédures de détention doivent s'accompagner de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables; d'autre part, toute personne détenue doit bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible, et il avait recommandé au Conseil d'administration d'attirer sur ces points l'attention du gouvernement haïtien.
  12. 45. En ce qui concerne le cas particulier de M. Nathanaël Michel et les mesures dont celui-ci a été l'objet, le Comité a constaté, à sa session de février 1959, que, si le gouverne ment indiquait en vertu de quels textes législatifs et de quelle procédure ces mesures ont été prises, il s'abstenait toutefois de mentionner les motifs à l'origine desdites mesures. C'est pourquoi il a chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement des informations complémentaires sur ce point.
  13. 46. Répondant à cette dernière demande d'informations complémentaires par une communication du 22 avril 1959, le gouvernement, pour montrer que les motifs des mesures prises à l'encontre de l'intéressé sont totalement étrangers aux fonctions ou aux activités syndicales de ce dernier, fournit la copie d'une lettre confidentielle, du 20 octobre 1958, adressée au secrétaire d'Etat du Travail par la secrétairerie d'Etat de l'Intérieur et de la Défense nationale, dans laquelle il est dit notamment: « M. Nathanaël Michel, ex-secrétaire général de l'U.N.O.H, fut relevé de ses fonctions par les membres de cette organisation pour avoir mis en gage dans un mont-de-piété, propriété de M. Apollon Thézine, un appareil cinématographique, un delco et d'autres articles appartenant à cette association. Biens des mineurs, ces articles ne pouvaient être aliénés ni hypothéqués que sous certaines conditions prévues par la loi. M. Michel n'en tint pas compte. C'est alors qu'il fut révoqué par l'assemblée générale de l'U.N.O.H. Dépité, il voulut donner une cause politique à sa destitution et tenta toutes sortes de manoeuvres pour disloquer l'association. Pour éviter que l'action dangereuse de cet escroc ne porte atteinte à la pérennité de cette institution syndicale, M. Michel fut placé en résidence surveillée à Gressier. »
  14. 47. Cette accusation formulée contre M. Michel par l'U.N.O.H est - affirme le gouvernement - le seul motif de l'intervention de la police du gouvernement contre lui. Le gouvernement ajoute qu'en raison des activités politiques qu'il n'a pas cessé de déployer contre le gouvernement « et qui ont motivé, dans une certaine mesure, les dispositions répressives dont il a été l'objet », M. Michel a jugé opportun de demander asile à l'ambassade du Venezuela, pays dans lequel il s'est ultérieurement rendu.
  15. 48. A sa vingt-deuxième session (mai 1959), le Comité, donnant suite à un télégramme du 21 mai 1959 de la C.I.S.L annonçant l'envoi d'informations complémentaires et demandant pour ce motif que l'examen du cas soit retardé, a ajourné cet examen à une session ultérieure. Les informations complémentaires annoncées par les plaignants sont contenues dans une communication du 27 août 1959.
  16. 49. Par cette communication, les plaignants entendent donner sur l'affaire un certain nombre de précisions qu'ils disent leur avoir été fournies par M. Michel lui-même, des Etats-Unis, où il semblerait qu'il se soit rendu après un bref séjour au Venezuela.
  17. 50. Aux termes des renseignements recueillis par les plaignants, à la suite de la dissolution de nombreuses associations professionnelles décidée après le changement de régime intervenu en juin 1957, l'U.N.O.H aurait lancé une campagne de protestation qui aurait eu comme conséquence, pour MM. Isidore et Michel, respectivement président et secrétaire général de l'U.N.O.H, une convocation à la caserne Dessalines, où l'on aurait menacé de les torturer et de fermer le siège de l'U.N.O.H s'il n'était pas mis un terme à la campagne de protestation lancée par cette organisation.
  18. 51. Dans les observations présentées par le gouvernement au sujet des informations complémentaires fournies le 27 août 1959 par la C.I.S.L, observations qui sont contenues dans une communication en date du 30 octobre 1959, le gouvernement nie formellement qu'il y ait eu, à la suite du changement intervenu dans la présidence de la République, des dissolutions massives de syndicats et il défie les plaignants de lui fournir une liste des organisations qui auraient ainsi été dissoutes. Il affirme en outre que MM. Isidore et Michel n'ont jamais été convoqués à la caserne Dessalines pour être menacés de tortures relativement aux affaires syndicales de l'U.N.O.H et il joint, à l'appui de son assertion à cet égard, le texte d'une déclaration de M. Isidore indiquant que ni ce dernier ni M. Michel n'ont été convoqués à la caserne Dessalines et qu'aucune pression n'a été exercée par les autorités relativement aux affaires syndicales de l'U.N.O.H.
  19. 52. Les plaignants ayant rappelé à nouveau l'arrestation et l'incarcération de M. Michel, le gouvernement renvoie à ses communications précédentes en ce qui concerne les raisons qui ont motivé ces mesures.
  20. 53. Les plaignants rappellent également que M. Michel a été destitué de son poste de professeur à l'Ecole centrale des arts et métiers par le département de l'Education nationale « sous le prétexte - disent-ils - qu'il était démissionnaire d'après les règlements dudit département ». Sur ce point, le gouvernement communique le texte d'une lettre du département de l'Education nationale qui donne les motifs pour lesquels M. Michel a été révoqué de son poste de professeur à l'Ecole centrale des arts et métiers, ces motifs se résumant au fait que l'intéressé s'est abstenu de se présenter à son travail sans avoir obtenu l'autorisation de le faire, entraînant ainsi l'application des règlements établis à l'Education nationale (art. 39), aux termes desquels l'absence prolongée sans motif et sans autorisation préalable peut entraîner la révocation.
  21. 54. Les plaignants allèguent ensuite que la raison pour laquelle M. Michel a été placé en résidence forcée après avoir été relaxé résulterait du refus opposé par lui aux propositions du gouvernement tendant à ce qu'il démissionne de l'U.N.O.H. La C.I.S.L allègue encore qu'en avril 1958, le secrétaire d'Etat au Travail aurait convoqué séparément les dirigeants des organisations affiliées à l'U.N.O.H pour leur demander de prêter leur concours au gouvernement en se désolidarisant du comité directeur de cette organisation.
  22. 55. Dans sa réponse du 30 octobre 1959, le gouvernement nie avoir demandé à M. Michel de démissionner de son poste de secrétaire général de l'U.N.O.H et affirme au contraire s'être toujours abstenu d'intervenir dans l'administration des associations professionnelles. Il nie également avoir jamais convoqué les dirigeants des organisations syndicales affiliées à l'U.N.O.H pour leur demander de prêter leur concours au gouvernement en se désolidarisant du comité directeur de cette organisation.
  23. 56. « Devant la menace du gouvernement de fermer le siège de l'U.N.O.H. - poursuivent les plaignants -, le Comité directeur avait décidé unanimement de placer en lieu sûr les appareils audio-visuels au service de l'U.N.O.H, de crainte qu'ils ne soient confisqués ou détruits par les autorités. C'est ainsi qu'un générateur électrique et un delco, accompagnés des papiers nécessaires, furent confiés à une maison d'affaires. Il resta entendu entre les deux parties que lorsque l'U.N.O.H retirerait ces appareils, elle verserait une somme de 50 dollars au propriétaire de cette maison d'affaires. M. Michel fut accusé, peu après, de s'être rendu coupable de détournements et d'escroquerie au détriment de l'U.N.O.H, mais il est évident qu'il exécuta les directives du Comité de l'U.N.O.H sans en tirer aucun bénéfice personnel. »
  24. 57. Le gouvernement oppose à cette interprétation des faits une version toute différente qu'il étaie de plusieurs pièces émanant respectivement de l'U.N.O.H et de l'agent d'affaires, M. Thézine, propriétaire de la « maison d'affaires ». Il ressort tout d'abord de ces documents qu'en Haïti, l'expression «maison d'affaires» s'applique aux officines des prêteurs sur gages. Il ressort en outre d'un mémorandum rédigé par l'U.N.O.H que M. Michel aurait abusivement utilisé des appareils appartenant au syndicat pour se faire consentir un prêt personnel, conservant de surcroît par devers lui plusieurs autres objets appartenant à l'organisation. Le mémorandum de l'U.N.O.H s'exprime à cet égard en ces termes: « En donnant en gage un appareil de cinéma et un delco appartenant à l'U.N.O.H, M. Nathanaël Michel agissait unilatéralement et à l'insu des autres membres du comité directeur de cette organisation ouvrière. Ce fut une affaire personnelle, dont il a été le seul bénéficiaire. » Par ailleurs, il ressort de la lettre de l'agent d'affaires, M. Thézine, que celui-ci a tenté, en déposant une plainte à la police, de faire arrêter M. Michel pour abus de confiance et escroquerie, car déclare M. Thézine - n'étant pas propriétaire des appareils en question, il n'avait pas le droit de les donner en gage. « A cette époque toutefois - déclare M. Thézine - M. Michel avait déjà gagné le maquis.»
  25. 58. Saisi du cas à sa vingt-quatrième session (février 1960), le Comité a estimé que certains éclaircissements lui seraient encore nécessaires avant qu'il soit en mesure de formuler ses recommandations définitives au Conseil d'administration.
  26. 59. C'est ainsi que le Comité a noté qu'il semblait ressortir de la communication du gouvernement du 30 octobre 1959 que M. Michel aurait fait l'objet d'une mesure de révocation motivée par le fait que l'intéressé se serait abstenu, sans autorisation, de se présenter à son travail à l'Ecole des arts et métiers où il exerçait les fonctions de professeur. Or - avait remarqué le Comité - il ressort des éléments d'information dont il disposait par ailleurs que M. Michel se serait trouvé en prison au moment de sa révocation.
  27. 60. Le Comité a noté, d'autre part que, dans ses observations, le gouvernement déclarait que les actes délictueux dont M. Michel se serait rendu coupable auraient été le seul motif - ou, du moins, le motif essentiel - des mesures dont il a été l'objet, et il s'est demandé pour quelles raisons, dans ce cas, ces mesures avaient été prises en application de procédures d'exception et non en vertu de la procédure pénale de droit commun.
  28. 61. Au nom du Comité, le Directeur général a demandé au gouvernement, par une lettre du 9 mars 1960, de bien vouloir présenter ses observations sur les deux points soulevés ci-dessus. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une communication du 23 juin 1960.
  29. 62. Sur le premier point, le gouvernement renvoie à l'article 21 de la loi du 19 septembre 1952, lequel est ainsi conçu:
    • L'emprisonnement préventif du travailleur, lorsque sa durée n'excède pas quinze jours et lorsqu'il est suivi d'une sentence absolutoire, sera également un cas de suspension du contrat sans responsabilité pour l'employeur ni pour le travailleur.
    • Le travailleur devra aviser l'employeur dans les trois jours suivant celui où a commencé l'emprisonnement de la raison qui l'empêche de se présenter au travail et reprendre son travail dans les deux jours suivant celui où cette circonstance a cessé d'exister; faute par lui de le faire, le contrat sera considéré comme résilié sans qu'aucune des parties encoure une responsabilité. A la demande du travailleur, le directeur de la prison lui délivrera les attestations nécessaires pour faire la preuve des faits visés par cet article.
    • Le gouvernement déclare que M. Michel, au mépris de cet article de la loi, n'a donné à son chef hiérarchique aucun avis de son incarcération, ce qui explique que la Direction générale de l'Education nationale ait appliqué la sanction prévue par l'article 21 de la loi du 19 septembre 1952.
  30. 63. Il semble ressortir des explications fournies par le gouvernement que M. Michel ait négligé de se conformer aux exigences de la loi en s'abstenant de présenter les pièces nécessaires à ses chefs hiérarchiques établissant les raisons de son absence au travail et que, par suite, la Direction générale de l'Education nationale ait pu s'estimer justifiée à faire jouer les dispositions de la loi qui prévoit la résiliation du contrat faute d'une communication de ces pièces.
  31. 64. En ce qui concerne le second point soulevé par le Comité, le gouvernement renvoie tout d'abord à ses déclarations antérieures en la matière et justifie l'application de procédures d'exception au cas de M. Michel par le fait qu'outre certains actes délictueux, l'intéressé se serait rendu coupable d'activités politiques antigouvernementales répréhensibles.
  32. 65. Encore que les explications données par le gouvernement - notamment celles qui sont reproduites aux paragraphes 47 et 64 ci-dessus - restent parfois un peu obscures, il paraît néanmoins ressortir assez nettement de ces explications et des documents qui viennent les appuyer que les causes des mesures prises à l'encontre de M. Michel ont leur origine dans des considérations d'ordre politique, d'une part, et d'autre part, dans des délits de droit commun dont M. Michel se serait rendu coupable. Quoi qu'il en soit, il n'apparaît pas établi que les mesures incriminées soient la conséquence des activités syndicales de celui qui en a été l'objet.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 66. Lorsque, par le passé, le Comité a dû examiner des allégations relatives à des mesures d'arrestation ou autres prises à l'encontre de dirigeants ou de militants syndicaux, il a estimé que la seule question qui se pose est celle de savoir quel a été le véritable motif de ces mesures. Ce n'est que si elles ont été ordonnées en raison des activités syndicales proprement dites des intéressés que l'on peut considérer qu'il y a eu violation de la liberté syndicale.
  2. 67. Par ailleurs, le Comité a noté que les plaignants fondent leur dernière série d'informations complémentaires sur les seules déclarations de M. Michel (voir paragraphe 49 ci-dessus). Le Comité estime, bien que la question de la preuve doive être appréciée dans chaque cas compte tenu des circonstances, qu'une plainte qui n'est fondée que sur les déclarations de la personne directement intéressée est, surtout dans des circonstances particulièrement équivoques comme dans le présent cas, nécessairement sujette à caution et qu'elle ne saurait être considérée comme étayée par des preuves suffisantes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 68. Dans ces conditions, tout en regrettant - s'il est exact que les mesures prises contre M. Michel ont effectivement été motivées par les délits de droit commun qui auraient été commis par l'intéressé - que la procédure pénale régulière n'ait pas été utilisée dans son cas de préférence à une procédure d'exception, et en rappelant à nouveau l'importance qu'il attache au principe selon lequel, d'une part, les procédures de détention doivent s'accompagner de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables, d'autre part, toute personne détenue doit bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible, le Comité estime que les plaignants - dont les allégations en l'occurrence se fondent sur les seules déclarations de la personne mise en cause - n'ont pas apporté la preuve que les mesures incriminées aient constitué, en l'espèce, une atteinte à la liberté syndicale et il recommande au Conseil d'administration de décider, sous réserve des observations rappelées ci-dessus, que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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