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Rapport intérimaire - Rapport No. 56, 1961

Cas no 224 (Grèce) - Date de la plainte: 15-FÉVR.-60 - Clos

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  1. 165. Le présent cas a déjà été examiné par le Comité à ses vingt-cinquième, vingt-sixième et vingt-septième sessions (mai 1960, novembre 1960 et février 1961). A l'issue des deux premières, le Comité a soumis au Conseil d'administration des rapports intérimaires contenus respectivement aux paragraphes 138 à 153 de son quarante-septième rapport, et 266 à 281 de son quarante-neuvième rapport; le quarante-septième rapport a été approuvé par le Conseil d'administration lors de sa. 145ème session (27-28 mai 1960), et le quarante-neuvième rapport, lors de sa 147ème session (15-18 novembre 1960).
  2. 166. Telle qu'elle avait été examinée par le Comité en ces deux occasions antérieures, la plainte de la Fédération panhellénique de l'électricité et des entreprises d'utilité publique comprenait deux séries d'allégations: la première avait trait à l'arrestation et à la déportation de M. Nicolas Charaghionis, ex-secrétaire général de l'organisation plaignante; la seconde portait, avec des allégations spéciales à l'appui, sur la situation générale du syndicalisme en Grèce.
  3. 167. En ce qui concerne cette deuxième série d'allégations, le Comité, après avoir pris connaissance de la plainte et de la réponse du gouvernement, avait estimé que les plaignants n'avaient pas apporté la preuve qu'il ait existé un lien entre ce qu'ils avançaient et le libre exercice des droits syndicaux; en conséquence, il avait recommandé au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelait pas de sa part un examen plus approfondi.
  4. 168. A sa session de février 1961, le Comité avait décidé d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession, d'une part, de certaines informations complémentaires annoncées par le gouvernement au sujet de l'allégation restée en suspens; d'autre part, des observations du gouvernement sur de nouvelles allégations formulées par les plaignants et qui venaient de lui être communiquées.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à l'arrestation et à la déportation de M. Nicolas Charaghionis, ex-secrétaire général de la Fédération panhellénique de l'électricité et des entreprises d'utilité publique
    1. 169 En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à la déportation de M. Nicolas Charaghionis, ex-secrétaire général de la Fédération panhellénique de l'électricité et des entreprises d'utilité publique, le Comité, à ses vingt-cinquième et vingt-sixième sessions (mai et novembre 1960), avait constaté qu'à l'affirmation des plaignants qui prétendaient que les mesures prises à l'encontre de M. Charaghionis étaient la conséquence des activités syndicales déployées par ce dernier, le gouvernement opposait que lesdites mesures avaient un caractère exclusivement politique et qu'elles avaient été prises en raison d'activités illégales de l'intéressé totalement étrangères à ses activités syndicales.
    2. 170 Le Comité avait tout d'abord rappelé l'opinion exprimée par lui dans plusieurs cas antérieurs, selon laquelle l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et ne visant pas à restreindre les droits syndicaux comme tels peuvent néanmoins toucher l'exercice de ces droits; il avait rappelé, d'autre part, que, si, par le passé, il avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants ou de dirigeants syndicaux ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical qui étaient soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique. Le Comité avait ensuite constaté que, dans ses diverses réponses, le gouvernement s'abstenait de préciser de quelque manière que ce soit les activités ayant provoqué les mesures dont l'intéressé a été l'objet; c'est pourquoi il avait estimé qu'il lui serait nécessaire, pour pouvoir se former une opinion en connaissance de cause, d'obtenir du gouvernement des informations plus détaillées quant aux raisons précises ayant motivé les mesures incriminées, ainsi, en particulier, qu'aux activités reprochées à l'intéressé, et il avait fait dans ce sens des recommandations au Conseil d'administration.
    3. 171 Sur ces points, le gouvernement donnait, dans une communication du 3 février 1961, les informations suivantes. M. Charaghionis, militant communiste de longue date, a abusé de sa position syndicale pour faire une intense propagande politique auprès des travailleurs et pour recruter des militants communistes. Loin de constituer une activité syndicale normale, l'action de l'intéressé équivalait à une conspiration contre l'Etat. Condamné plusieurs fois pour ces activités et chaque fois mis en sursis dans l'espoir qu'il reprendrait une attitude conforme aux lois, M. Charaghionis s'est obstiné dans ses efforts pour réorganiser le parti communiste clandestin. Pour ces raisons, M. Charaghionis a finalement fait l'objet d'une mesure de déportation prise par les autorités compétentes, savoir, les comités de sécurité publique.
    4. 172 Il semble ressortir des explications fournies par le gouvernement que M. Charaghionis a eu, en effet, une activité politique dépassant nettement le cadre syndical et que la mesure qui l'a frappé a son origine dans ladite activité et non dans l'action syndicale proprement dite déployée par l'intéressé.
    5. 173 Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve que la mesure dont M. Charaghionis a été l'objet ait eu pour origine l'activité syndicale de celui-ci, et pour cette raison, il recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect particulier du cas n'appelle pas, de sa part, un examen plus approfondi.
    6. 174 En ce qui concerne maintenant la procédure suivie lors de l'adoption des mesures incriminées, savoir, celles des comités de sécurité publique, le Comité a rappelé, à sa session de novembre 1960, qu'il avait déjà eu à connaître de cas mettant en cause la procédure en question. A ces occasions, il avait estimé que, dans la mesure où lesdits comités ont été institués à des fins exclusivement politiques, il ne lui appartenait pas de se prononcer sur leur institution ni sur la procédure suivie devant ces comités, selon laquelle certaines personnes peuvent être déportées pour avoir commis des actes contraires à l'ordre public ou à la sécurité de l'Etat. Tout en reconnaissant qu'une telle procédure a pu être motivée par la situation de crise qu'a connue la Grèce à l'époque de la guerre civile - situation dont il a eu à plusieurs reprises l'occasion de tenir compte lors de l'examen d'allégations dont il a été antérieurement saisi -, le Comité, à sa réunion de novembre 1960, a néanmoins attiré, une fois encore, l'attention du gouvernement sur l'intérêt qu'il y aurait à entourer cette procédure de toutes les sauvegardes voulues pour garantir qu'elle ne puisse être utilisée en vue de porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux et sur l'importance qu'il attache à ce que les syndicats puissent poursuivre librement leur action de défense des intérêts professionnels de leurs membres.
    7. 175 Dans sa communication du 3 février 1961, le gouvernement déclarait n'avoir rien à ajouter à ce qu'il avait dit précédemment au sujet du fonctionnement des comités de sécurité. Il indiquait toutefois que « le fonctionnement légitime desdits comités » avait été discuté en séance plénière du Conseil d'Etat, lequel a déclaré que ce fonctionnement était conforme aux lois et aux dispositions de la Constitution. Le gouvernement ajoutait qu'une copie de la décision du Conseil d'Etat serait adressée au Bureau.
    8. 176 A sa vingt-huitième session (février 1961), le Comité, estimant que ce texte serait susceptible de lui apporter d'utiles éléments d'appréciation, a décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas en attendant d'être en sa possession.
    9. 177 Le gouvernement a fait parvenir le texte de la décision du Conseil d'Etat par une communication du 17 avril 1961. Cette décision, prise à la suite d'un recours déposé par une personne qui avait été déportée par décision d'un comité de sécurité, conclut en effet, comme le dit le gouvernement, à la légitimité de l'existence et du fonctionnement de ces comités. Elle n'apporte par contre aucun élément nouveau quant au caractère de ces organismes, mais confirme, au contraire, ce que le Comité avait cru pouvoir constater lors de son examen des cas mentionnés plus haut en ce qu'elle indique que les déportations décidées par les comités de sécurité « ne constituent pas une peine présupposant un délit perpétré et susceptible de peine, mais une mesure administrative de prévention pour l'ordre public et la sécurité».
    10. 178 Dans ces conditions, le Comité estime qu'il n'y a pas lieu pour lui de modifier les conclusions auxquelles il avait abouti sur ce point à plusieurs reprises et qu'il avait confirmées une fois encore à l'occasion de l'examen du présent cas, auquel il a procédé lors de sa session du mois de novembre 1960 (voir paragraphe 174 ci-dessus).
  • Allégations relatives à l'arrestation et à la déportation d'autres dirigeants syndicaux
    1. 179 Par deux communications des 13 et 27 janvier 1961, l'organisation plaignante a formulé de nouvelles allégations aux termes desquelles quelque vingt autres dirigeants syndicaux - dont elle donne les noms et qualité - auraient été arrêtés et déportés sans jugement en raison de leurs activités syndicales.
    2. 180 Dans sa réponse du 15 avril 1961, qui contient ses observations au sujet de cette nouvelle série d'allégations, le gouvernement affirme que toutes les personnes mentionnées par les plaignants ont été déportées pour des raisons exclusivement politiques et, partant, totalement étrangères à la qualité ou à l'activité syndicale de ceux que de telles mesures ont frappés. Il s'abstient toutefois de donner de précision quelconque quant aux actes spécifiques dont les intéressés se seraient rendus coupables et qui auraient motivé leur déportation.
    3. 181 Dans ces conditions, conformément à la pratique qu'il a toujours suivie et qui est rappelée au paragraphe 170 ci-dessus, le Comité estime, pour qu'il puisse se prononcer en connaissance de cause, qu'il lui serait nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations plus précises quant aux motifs exacts qui sont à l'origine de la mesure de déportation qui a frappé les vingt personnes mentionnées par les plaignants et quant, pour chacune d'entre elles, aux activités spécifiques qui leur sont reprochées. En attendant d'être en possession de ces informations, le Comité a décidé d'ajourner son examen de cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 182. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 169 à 178 ci-dessus et sous réserve des observations qui y sont contenues, les allégations relatives à l'arrestation et à la déportation de M. Charaghionis n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à la déportation d'autres dirigeants syndicaux, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires mentionnées au paragraphe 181 ci-dessus.
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