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- 4. Le Conseil d'administration se rappellera que le comité est saisi depuis longtemps d'allégations relatives à la violation de la liberté syndicale au Portugal au sujet desquelles il a à plusieurs reprises fait rapport au Conseil d'administration. De nouveaux éléments étant survenus depuis son dernier rapport au Conseil d'administration, le comité a jugé opportun de reprendre l'examen de ces allégations.
- 5. Les allégations ont été soumises à l'origine au comité par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans une communication en date du 23 mai 1961. Le gouvernement portugais y a répliqué tout d'abord dans une communication datée du 10 octobre 1961 et a présenté un certain nombre d'autres observations dans des communications en date des 26 mars 1963, 28 janvier 1964 et 23 janvier 1968, respectivement. Le comité a examiné la plainte à ses sessions de mai 1962, de mai 1963, de février 1964 et de mai 1968. Au moment où le comité a été saisi de la plainte, le Portugal n'avait ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Toutefois, le Portugal a ratifié en 1964 la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1969.
- 6. Indépendamment de l'allégation générale selon laquelle de nombreuses dispositions de la législation portugaise sont contraires à l'esprit et à la lettre des conventions nos 87 et 98, la plainte contenait plusieurs sous-allégations concernant certains aspects du système du syndicalisme au Portugal. En voici l'essentiel:
- a) aux termes de la législation qui était alors en vigueur, un seul syndicat pouvait être légalement constitué par branche professionnelle et par région;
- b) les syndicats devaient remplir, afin de pouvoir obtenir pour leurs statuts l'homologation ministérielle - qui seule peut accorder aux syndicats une existence légale -, des conditions telles qu'elles restreignaient fortement le droit d'organisation;
- c) le comité de direction d'un syndicat devait être homologué par le ministre des Corporations avant que l'élection pût être considérée comme légalement valable, et même lorsqu'un comité de ce genre avait été homologué par le ministre, il pouvait encore être remplacé par des personnes désignées par le gouvernement;
- d) les syndicats pouvaient être suspendus ou dissous pour diverses raisons, notamment pour avoir suscité des grèves ou des suspensions d'activité, par simple décision d'une autorité administrative;
- e) le ministre des Corporations pouvait obliger les travailleurs à verser une cotisation au seul syndicat autorisé à exister par région et par branche professionnelle, et cela même si les intéressés n'étaient pas syndiqués;
- f) le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'établir librement des conventions collectives était gravement compromis du fait, en particulier, que les conventions, une fois établies, étaient soumises aux fins de révision à un organisme officiel (l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale) et du fait également qu'avant d'entrer en vigueur elles devaient être homologuées par le ministre des Corporations;
- g) un syndicat ne pouvait pas s'affilier à une organisation de caractère international ni nommer des représentants à une manifestation ou à un congrès international sans l'autorisation du gouvernement;
- h) les grèves et les lock-out étaient illicites au Portugal et des peines étaient prévues pour les personnes coupables de ces " délits ", i) le droit d'association était refusé aux travailleurs aborigènes dans les " provinces portugaises d'outre-mer ".
- 7. Depuis le dernier examen du cas par le comité en mai 1968, un certain nombre de modifications ont été apportées au système du syndicalisme au Portugal par la promulgation, le 16 mai 1969, du décret-loi no 49058. Ce décret révise divers textes antérieurs que le comité avait examinés. Il a apporté certaines modifications au décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, qui constitue le texte de base de la législation portugaise sur les syndicats, et il a abrogé en outre -en ce qui concerne les syndicats- plusieurs décrets subsidiaires: no 31946, du 31 mars 1942; no 32820, du 2 juin 1943; no 23340, du 12 décembre 1933; no 25116, du 12 mars 1935; no 27228, du 23 novembre 1936, et no 42522, du 23 septembre 1959. D'autre part, le décret-loi no 49212 a, promulgué le 8 août 1969, introduit certaines modifications au régime applicable en matière de négociation collective, de conciliation et d'arbitrage, et abroge les décrets no 36173, du 6 mars 1947, no 32749, du 15 avril 1943, et no 44784, du 7 décembre 1962, ainsi que la législation complémentaire.
- 8. Dans ces conditions, le comité reprendra les diverses questions soulevées dans les allégations ayant trait au système du syndicalisme au Portugal et dans ses " provinces d'outre-mer ". Il examinera tout d'abord l'allégation générale relative à la non-observation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Il passera ensuite à l'examen des diverses allégations de la manière suivante: en premier lieu, l'allégation originale sera répétée et suivie de la réponse du gouvernement; en second lieu viendront les conclusions dégagées par le comité sur la base de la législation originale et des informations présentées par le gouvernement, telles qu'elles ressortent de ses premiers rapports sur le sujet; en troisième lieu, le comité examinera la mesure dans laquelle la nouvelle législation a modifié le système en vigueur précédemment; en quatrième lieu, le comité énoncera, le cas échéant, ses conclusions fondées sur la nouvelle législation.
- Allégations relatives à la non-observation de conventions internationales du travail
- 9. Comme il est dit plus haut, le Portugal n'avait ratifié, au moment où le comité a été saisi de la plainte, ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. A titre d'introduction à ses allégations concernant la législation syndicale au Portugal et dans les territoires portugais non métropolitains, la CISL a affirmé que de nombreuses dispositions de cette législation sont contraires à l'esprit et à la lettre de ces conventions et demande à l'OIT de bien vouloir en appeler au gouvernement du Portugal pour que celui-ci modifie sa législation et l'inviter à ratifier les instruments en question.
- 10. Lorsque la question est venue devant le comité pour la première fois en 1962, le gouvernement, dans sa réponse, a considéré comme tout à fait déplacé, pour un plaignant, d'attaquer la législation portugaise sur la base d'une convention non ratifiée.
- 11. Le comité, dans ses observations sur cette partie du cas, a relevé que, s'il était vrai que le Portugal n'avait pas ratifié les deux conventions en question, ce pays était néanmoins tenu par les dispositions, de caractère plus général, de la Déclaration de Philadelphie, qui fait partie intégrante de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail. L'article 1 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, tel qu'il a été modifié à Montréal en 1946, dispose que l'existence de l'Organisation se justifie par la réalisation des buts et objectifs énoncés dans la Déclaration, qui reconnaît " ... l'obligation solennelle pour l'Organisation internationale du Travail de seconder la mise en oeuvre parmi les différentes nations du monde de programmes propres à réaliser... la reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d'oeuvre pour l'amélioration continue de l'organisation de la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l'élaboration et à l'application de la politique sociale et économique ". Dans ces conditions, le comité, comme il l'a fait dans un certain nombre de cas précédents, considère " qu'il devrait, en prenant la responsabilité d'appliquer ces principes qui lui a été confiée, être guidé dans sa tâche en s'inspirant entre autres des dispositions en rapport avec ces principes que la Conférence a approuvées et incorporées dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui permettent d'établir une base de comparaison lorsqu'il s'agit d'examiner telle ou telle allégation, et plus particulièrement lorsque les Membres de l'Organisation sont tenus, en vertu de l'article 19, alinéa 5 e), de la Constitution, de faire rapport au Directeur général du Bureau international du Travail, à des périodes appropriées, selon ce que décidera le Conseil d'administration, sur l'état de leur législation et sur la pratique concernant la question qui fait l'objet de la convention, en précisant dans quelle mesure on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toute disposition de la convention, par voie législative, par voie administrative, par voie de contrats collectifs ou par toute autre voie, et en exposant quelles difficultés empêchent ou retardent l'application de telles conventions ". Ainsi, tout en reconnaissant que le Portugal n'était pas lié par les dispositions desdites conventions, le comité avait estimé devoir examiner les allégations qui sont en rapport avec ces conventions et qui ont été formulées dans le présent cas, en vue de vérifier le bien-fondé des faits et de faire rapport au Conseil d'administration.
- 12. Le gouvernement du Portugal a ratifié, en 1964, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; le décret-loi no 45758, promulgué le 12 juin 1964, donne effet aux dispositions de cet instrument. Aussi, lorsque le comité a repris l'examen du cas en mai 1968, a-t-il borné ses observations à la question soulevée par la non-ratification, par le Portugal, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
- 13. A cet égard, le gouvernement fait valoir que, comme le prévoit la Constitution de l'OIT, la convention no 87, tout en méritant le plus grand respect de la part du Portugal, n'a toujours pour lui, du fait qu'il ne l'a pas ratifiée, que le caractère d'une recommandation et " ne l'oblige pas à introduire dans sa législation nationale des normes qui correspondent à cet instrument international, bien qu'il ait le devoir d'exposer au Conseil d'administration, à des périodes appropriées, quelles difficultés l'empêchent de ratifier ladite convention ".
- 14. Le gouvernement a reconnu que le principe de la liberté syndicale est contenu dans la Constitution de l'OIT depuis que la Déclaration de Philadelphie fait partie intégrante de cette dernière, et que peut-être on peut admettre que l'Organisation est compétente pour examiner les allégations relatives à la violation de ce principe, même lorsque lesdites allégations ne concernent pas des infractions résultant de la ratification des conventions de liberté syndicale.
- 15. Le gouvernement a affirmé cependant que si l'on ne veut pas retirer toute signification juridique à l'acte de ratifier la convention no 87, il semble que l'on ne saurait confondre le principe affirmé dans la Constitution de l'OIT et les normes détaillées que contient ladite convention.
- 16. En conclusion, le gouvernement a exprimé l'opinion que si la liberté d'association, en tant que règle générale, doit s'imposer à tous les Etats Membres, il pourra exister des différences de conception quant à la méthode à suivre pour atteindre le but visé.
- 17. Tout en reconnaissant que la non-ratification, par le Portugal, de la convention no 87 a pour effet de ne pas entraîner pour ce pays les mêmes obligations que s'il était partie à cet instrument, le comité a tenu à rappeler qu'en matière de liberté syndicale c'est précisément pour compléter les mécanismes de contrôle prévus pour veiller à l'application des conventions ratifiées qu'a été institué le mécanisme spécial dont le Comité de la liberté syndicale est un des rouages et qui - partant du principe selon lequel, " en ce qui concerne les droits syndicaux, l'Organisation internationale du Travail a pour fonction de contribuer à l'application effective du principe général de la liberté d'association, qui est l'une des principales sauvegardes de la paix et de la justice sociale " - est habilité à examiner les plaintes déposées en la matière contre les Etats Membres de l'Organisation, que ceux-ci aient ou n'aient pas ratifié les conventions relatives à la liberté syndicale.
- 18. Dans ces conditions et compte tenu du fait que le gouvernement avait présenté ses observations sur le fond de l'affaire, le comité a jugé approprié d'examiner les allégations dans cet esprit afin de faire rapport sur la question au Conseil d'administration.
Examen de l'affaire quant au fond
Examen de l'affaire quant au fond- a) Limitation du nombre des organisations syndicales qui peuvent être constituées
- l. Allégations et réponse du gouvernement
- 19. Il a été allégué que la législation portugaise ne reconnaît qu'un seul syndicat légalement constitué par branche professionnelle et par région, ce qui est contraire à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes duquel " les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations ".
- 20. Dans sa réponse, le gouvernement a exprimé l'avis que la législation portugaise n'était en aucune façon unique à cet égard et que, dans plusieurs autres pays, il y avait d'importantes restrictions quant au nombre des syndicats pouvant être créés. Dans quelques pays, il y a un modèle unique: un seul syndicat par entreprise, un syndicat par branche d'industrie et, sur le plan national, un conseil central des syndicats, qui est l'organe dirigeant de l'ensemble du mouvement. Dans un autre Etat, il ne peut y avoir qu'une organisation d'ouvriers et une organisation d'employés par entreprise; dans quelques autres pays, l'enregistrement peut être refusé à un syndicat si ses membres peuvent s'affilier à une organisation déjà enregistrée et représentant la même profession.
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 21. Lorsque le comité a traité cet aspect du cas à sa session de mai 1962, il a examiné les dispositions pertinentes de la législation portugaise et, en particulier, les articles 1 à 5, 7 et 13 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933.
- 22. La situation existant en vertu de la législation citée plus haut peut être résumée comme suit. Les articles 1 et 3 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, disposent que des syndicats nationaux - groupant cent membres au moins, à moins que le gouvernement n'autorise un chiffre inférieur - peuvent être constitués dans chaque district, mais que l'Etat ne reconnaît qu'un seul syndicat par catégorie professionnelle et par district. Les syndicats nationaux (leurs sections, d'après l'article 5, ne peuvent faire usage d'aucun droit, si ce n'est par l'intermédiaire des syndicats nationaux) ont le monopole légal du droit de représentation, dans le district, des intérêts professionnels de leur catégorie (art. 13), aussi bien de leurs affiliés que des non-affiliés, et peuvent participer au système de relations professionnelles établi par la loi. Cette disposition semblerait non seulement limiter " la reconnaissance " à une seule organisation, mais aussi écarter toute possibilité de création, dans la catégorie professionnelle et dans le district intéressés, de toute organisation possédant la moindre caractéristique d'un syndicat.
- 23. Lorsque le comité a examiné ces dispositions, il a constaté que la situation existant au Portugal ne saurait être comparée à celle qui règne dans quelques autres pays où l'enregistrement est volontaire, bien qu'assorti d'importants avantages en matière de représentation des travailleurs, ce qui n'interdit pas la création ainsi que le maintien en existence d'organisations non inscrites.
- 24. En ce qui concerne la situation existant dans des pays où, comme au Portugal, l'enregistrement n'est pas volontaire, le comité a noté que lorsque la Commission d'experts de l'OIT pour l'application des conventions et recommandations avait examiné une situation de ce genre, elle avait fait observer qu'" il existe une différence fondamentale, vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection syndicale, entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont, en général, avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative. "
- 25. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et celui de s'affilier à ces organisations, ainsi que sur le fait qu'à son avis les dispositions du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, interdisant la reconnaissance de plus d'un syndicat par branche professionnelle et par district, sont incompatibles avec ce principe.
- 26. Lorsque le comité a examiné de nouveau cet aspect du cas, à sa session de mai 1968 z, il était saisi de la communication du gouvernement en date du 23 janvier 1968, contenant un certain nombre d'observations détaillées relatives à l'allégation en question.
- 27. Dans sa réponse, le gouvernement rappelait que l'affiliation aux syndicats n'est pas obligatoire au Portugal et que cette affiliation n'est limitée par aucune considération d'ordre idéologique ou social; que les syndicats sont toujours constitués sur l'initiative des travailleurs et qu'ils auront nécessairement l'orientation que les affiliés leur donneront. Le gouvernement estime en outre qu'il n'y aurait violation du principe de la liberté syndicale que si l'affiliation était obligatoire ou que si les syndicats n'admettaient que les travailleurs d'une orientation déterminée.
- 28. Le gouvernement poursuivait en disant que l'article 3 du décret-loi no 23050, qui prévoyait qu'un seul syndicat serait reconnu par catégorie professionnelle et par district, n'est plus actuel ". En effet, déclare le gouvernement, le décret-loi no 27228, de 1936, a permis la constitution de syndicats englobant plusieurs districts et, depuis sa promulgation, des dizaines de syndicats ont été créés, dont la base est très différente de celle du district.
- 29. Le gouvernement citait ensuite certaines des recommandations adoptées par le troisième Colloque national du travail, tenu en 1963, où il est question de l'utilité d'une restructuration et d'un regroupement des syndicats trop faibles, d'un assouplissement des concepts de " profession " et de " catégorie professionnelle ", d'une possibilité de faire représenter les professions non organisées par les syndicats existants, etc. Le gouvernement a déclaré que, conformément à cette orientation et grâce à la grande souplesse des dispositions législatives en cause, de nombreux syndicats cherchent désormais à se " restructurer ", avec l'entière approbation du gouvernement.
- 30. Le gouvernement soulignait ensuite que, malgré les dispositions du décret-loi no 23050, on a toujours reconnu qu'une même profession peut être représentée, dans la même région, par plus d'un syndicat, selon la branche d'activité économique à laquelle elle se rattache. A titre d'exemple, le gouvernement a cité le cas des employés de bureau de l'industrie de la laine qui se sont affiliés au syndicat de ladite industrie et non à ceux des employés de bureau, bien qu'il existe de tels syndicats dans les régions intéressées.
- 31. Le gouvernement attirait également l'attention sur le fait que l'existence de syndicats n'a pas empêché la constitution d'autres associations de travailleurs dans les mêmes régions chaque fois que les intéressés l'ont jugé opportun; ainsi, la création, en 1965, de l'Association des infirmières et infirmiers portugais n'a suscité aucune opposition bien qu'il existât déjà un syndicat correspondant.
- 32. Le comité a conclu des explications fournies par le gouvernement en ce qui concerne cet aspect du cas qu'une certaine libéralisation du régime s'était fait jour, du moins était envisagée. Cette libéralisation paraissait s'être manifestée par une application moins rigoureuse des dispositions du décret-loi n, 23050 en ce que des syndicats ont pu être constitués sur une autre base que celle du district; elle paraissait s'être traduite également dans le fait qu'une même profession a pu, dans la même région, être représentée par plus d'un syndicat; elle paraissait se manifester encore par la plus grande souplesse des concepts de " profession " et de " catégorie professionnelle " préconisée par le Colloque national du travail de 1963.
- 33. Le comité a pris note de cette tendance à une évolution, mais il a estimé qu'il ne semblait pas que l'on pût déduire des explications fournies par le gouvernement que la promulgation du décret-loi no 27228 ait eu pour conséquence l'abrogation, soit du décret-loi no 23050 dans son ensemble, soit de son seul article 3. Si l'on se reporte, en effet, au texte du décret-loi no 27228, on constate qu'en vertu de l'article unique constituant ce décret-loi " le sous-secrétaire d'Etat aux Corporations et à la Prévoyance sociale pourra autoriser la création de syndicats nationaux pour des zones de deux districts ou plus lorsque l'on constate qu'il n'est pas possible d'organiser certaines professions d'une autre façon ". De ce dernier membre de phrase, il ressort que ce n'est qu'en cas d'impossibilité d'organiser une profession selon la règle du syndicat unique par district qu'il pourra être dérogé à cette règle.
- 34. Le comité a estimé que si son interprétation de la situation était exacte, il ne semblait pas qu'il y ait lieu de modifier les conclusions auxquelles il était arrivé dans son 65ème rapport, à savoir qu'un système selon lequel seul un syndicat peut être reconnu par district et par profession n'est pas compatible avec le principe, généralement admis, selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de créer les organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 35. Le décret-loi no 49058, promulgué le 28 mai 1969, apporte un certain nombre de modifications aux dispositions du décret-loi no 23050 qui concernent cet aspect du cas. Alors que l'article 1 original du décret-loi no 23050 restreignait la qualité de syndicat national aux groupements de plus de cent personnes exerçant la même profession, la nouvelle rédaction est muette quant au nombre minimum de personnes et ne précise pas non plus que les intéressés doivent exercer la même profession: elle permet, au contraire, à un syndicat national de grouper (en sus des travailleurs appartenant à la même profession) des personnes exerçant une profession connexe ou apparentée.
- 36. En outre, alors qu'aux termes de l'ancien article 3 du décret-loi il était absolument interdit de créer plus d'un syndicat par district et par catégorie professionnelle, le nouvel article 3 autorise un syndicat à représenter plus d'une profession pour le même district ou permet à deux syndicats, voire davantage, de représenter la même catégorie professionnelle dans le même district. Cette possibilité, toutefois, est subordonnée dans les deux cas au respect d'un certain nombre de conditions, dont la plus importante est l'agrément de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale (c'est-à-dire la section du ministère des Corporations qui s'occupe des questions de travail). En outre, les dispositions de l'ancien article 3, qui restreignait le champ de recrutement des syndicats à un seul district et exigeait que le syndicat ait son siège dans le chef-lieu du district, ont été remplacées par celles du nouvel article 3, lequel prévoit que " la structure, le domaine professionnel et le ressort territorial des syndicats seront tels qu'ils sont fixés dans leurs statuts, en harmonie avec ceux des autres organisations faisant partie de la même corporation et conformément aux besoins des professions intéressées ".
- 37. D'autre part, le nouvel article 4 dispose que les syndicats nationaux doivent avoir une dimension et une capacité financière suffisantes pour qu'ils puissent s'acquitter des fonctions que le présent décret-loi et leurs statuts leur confient. Selon le paragraphe 1 dudit article, lorsque certaines catégories de travailleurs ne peuvent constituer des syndicats autonomes conformément aux critères énoncés dans le corps de l'article 4 (dont il a été question ci-dessus), ces travailleurs s'affilieront à l'organisation qui représente la catégorie la plus proche de la leur et formeront en son sein une section professionnelle.
- 4. Conclusions
- 38. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note des modifications suivantes introduites dans la législation:
- i) les dispositions de l'article 1 du décret-loi no 23050, aux termes desquelles un syndicat ne pouvait être créé que par plus de cent travailleurs exerçant la même profession, ont été abrogées;
- ii) les dispositions de l'article 3 ont été modifiées de façon à permettre aux syndicats d'avoir un ressort territorial dépassant les limites du district;
- iii) l'article 3 a été modifié en outre de façon à permettre à un syndicat de représenter plus d'une catégorie professionnelle dans le même district ou à deux syndicats, voire davantage, de représenter la même catégorie professionnelle dans le même district;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que, de l'avis du comité, pour donner effet au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer des organisations de leur choix et celui de s'affilier à ces organisations sans autorisation préalable, il serait nécessaire de prendre les mesures suivantes:
- i) supprimer les dispositions de l'article 3 en vertu desquelles l'agrément d'un organisme gouvernemental doit être obtenu avant qu'un syndicat puisse représenter plus d'une catégorie professionnelle dans le même district ou que deux syndicats, voire davantage, puissent représenter la même catégorie professionnelle dans le même district;
- ii) éliminer les restrictions mises aux syndicats par l'article 4, aux termes duquel seuls peuvent exister légalement des syndicats ayant une dimension et une capacité financière d'un niveau minimum.
- b) Obligation de soumettre les statuts des syndicats à l'approbation des autorités
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 39. Les plaignants alléguaient qu'en vertu du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, les règlements et statuts des syndicats doivent être approuvés par le ministre des Corporations, qui seul peut accorder aux syndicats une existence légale; de même, la demande d'approbation de statuts ou de modifications aux statuts existants doit être accompagnée d'un rapport de l'institut national du travail et de la prévoyance sociale indiquant si les statuts sont susceptibles d'approbation ou s'ils ne doivent être approuvés qu'après modification. Les plaignants alléguaient également qu'en vertu de ce décret-loi, les statuts des syndicats doivent contenir l'engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale, la renonciation expresse à toute forme d'activité, intérieure ou extérieure, contraire aux intérêts de la nation portugaise, une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et une renonciation à la lutte des classes. De l'avis des plaignants, ces dispositions sont contraires au paragraphe 1 de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
- 40. Le gouvernement déclarait dans sa réponse que l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale ne fait que vérifier si les statuts sont conformes à la législation et si la nouvelle organisation est financièrement viable. Si c'est le cas, l'approbation n'est pas refusée, et si elle l'était, les intéressés auraient encore la possibilité de faire un recours devant les tribunaux. Tous les syndicats qui existaient alors au Portugal, poursuivait le gouvernement, avaient élaboré leurs statuts en toute liberté; le droit du ministre d'approuver les statuts ne comporte pas la faculté d'y apporter des modifications. Le contrôle effectué pour s'assurer que les statuts et règlements d'un syndicat de travailleurs sont conformes aux dispositions législatives correspond aux formalités exigées dans plusieurs pays, dont certains ont ratifié la convention en question; de l'avis du gouvernement portugais, les formalités prévues par les Etats dans leur législation et leurs règlements en ce qui concerne la création et le fonctionnement des syndicats sont compatibles avec les dispositions de la convention tant qu'elles ne portent pas atteinte aux garanties prévues par ladite convention.
- 41. Le gouvernement estimait que les dispositions relatives aux éléments qui, selon les déclarations des plaignants, doivent figurer dans les statuts des syndicats ne font que donner effet à certains principes acceptés, qui n'influent en rien sur la liberté syndicale.
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 42. Au début de la partie de son rapport consacrée à cet aspect du cas, le comité a relevé que s'il " est arrivé, par le passé, à conclure qu'une disposition aux termes de laquelle les statuts des syndicats doivent se conformer à des exigences de la législation nationale ne constitue pas une violation du principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer leurs statuts et leurs règlements administratifs en toute liberté, il l'a fait uniquement après avoir acquis la certitude que ces exigences légales ne portaient pas elles-mêmes atteinte au principe de la liberté syndicale et, en outre, que l'approbation des statuts par l'autorité compétente n'était pas laissée au pouvoir discrétionnaire de ladite autorité ". A la lumière de l'observation précitée, le comité a examiné les dispositions pertinentes du décret-loi no 23050.
- 43. L'article 8 du décret-loi no 23050 était ainsi conçu à l'origine:
- Les syndicats nationaux ne seront considérés comme constitués et n'auront une existence légale qu'après approbation des statuts par le Sous-secrétariat des corporations et de la prévoyance sociale; ils dépendront directement de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale et seront soumis, en ce qui concerne l'ordre public, aux autorités administratives. Le bulletin dudit institut fera connaître l'approbation des statuts qui aura lieu par voie d'ordonnance. Toute modification aux statuts ne sera également valable qu'après approbation par l'autorité supérieure.
- Paragraphe unique. - Un registre spécial des syndicats nationaux sera tenu à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale et, dans ce registre, seront consignés tous les faits les plus importants de la vie de chaque syndicat ainsi que de ses diverses sections.
- Les articles de 15 à 18 du décret-loi avaient la teneur suivante:
- Art. 15. Les statuts des syndicats nationaux contiendront obligatoirement:
- a) le nom du syndicat, l'indication de son siège et de ses buts;
- b) un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise;
- c) une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes;
- d) les modalités et conditions d'admission des membres, leurs droits et obligations, les cas donnant lieu à exclusion ainsi que la procédure d'exclusion, les versements auxquels les membres sont tenus et la date desdits versements ainsi que les avantages qui leur sont assurés;
- e) les règles relatives à la création de sections, à leur fonctionnement et à leur contribution aux dépenses du syndicat, cette contribution ne pouvant en aucun cas être supérieure à 50 pour cent du montant des cotisations perçues par la section;
- f) le mode de désignation du comité de direction et ses attributions;
- g) les règles relatives à la constitution et au fonctionnement des assemblées générales, à la constitution et aux attributions du bureau de l'assemblée, à l'exercice du droit de vote et à la procédure de modification des statuts;
- h) la procédure de liquidation en cas de dissolution du syndicat.
- ......................................................................................................................................................
- Art. 16. La demande d'approbation des statuts de nouveaux syndicats sera formulée sous forme de requête signée par cinq membres fondateurs au moins jouissant de tous leurs droits et devra être accompagnée de deux exemplaires des statuts, dont l'un devra être signé par tous les membres fondateurs et mentionner leurs domiciles respectifs ainsi que les locaux et entreprises où ils exercent leur profession.
- 1. Les requêtes et documents visés au présent article seront remis directement au Sous-secrétariat des corporations et de la prévoyance sociale ou, contre reçu, au gouvernement civil du district où le syndicat doit être créé. Dans ce dernier cas, le gouverneur civil les fera parvenir immédiatement au sous-secrétariat des Corporations et de la Prévoyance sociale en y ajoutant tous les renseignements qu'il jugera nécessaires.
- 2. La demande d'autorisation pour les sections prévues à l'article 5 sera formulée sous forme de requête signée par le président du comité de direction du syndicat intéressé et par trois membres fondateurs au moins jouissant de tous leurs droits et sera accompagnée de deux exemplaires du règlement de la section projetée, dont l'un sera signé par tous les membres fondateurs dans les mêmes conditions que pour l'autorisation de syndicats.
- Art. 17. La demande d'approbation des modifications de statuts sera formulée sous forme de requête signée par le comité de direction et devra être accompagnée de deux exemplaires des modifications projetées, dont l'un sera signé par les membres du comité, et d'une copie certifiée conforme du procès-verbal de l'assemblée générale dans laquelle les modifications ont été votées, avec l'indication du nombre des membres qui ont pris part au vote et la liste des membres existants.
- Art. 18. La requête prévue à l'article 16 sera soumise pour décision, accompagnée d'un rapport de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale indiquant:
- 1) s'il y a dans les statuts des clauses contraires aux dispositions du Statut du travail national, du présent décret-loi ou des lois générales;
- 2) si les statuts sont susceptibles d'être approuvés ou s'ils ne doivent l'être qu'après certaines modifications;
- 3) si les requérants et les membres fondateurs exercent d'une façon effective une profession spécialisée et si l'organisation syndicale est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté.
- 44. Le comité a constaté que les alinéas a), d), f), g) et h) de l'article 15 cité ci-dessus énumèrent un certain nombre de formalités que les syndicats règlent normalement dans leurs statuts et qui ne sauraient en soi être considérées comme restreignant le droit des syndicats d'élaborer librement leurs statuts. L'alinéa e), toutefois, exige du syndicat qu'il limite les versements qui lui sont faits par ses sections à 50 pour cent des cotisations que celles-ci perçoivent. Or la question des sommes qu'un syndicat doit recevoir de ses sections est normalement réglée par le syndicat lui-même, à son gré, dans ses statuts. Bien que le comité n'ait pas été appelé à se prononcer sur une disposition de ce genre dans le cas des sections d'un syndicat, il a exprimé l'avis qu'une restriction imposée par la loi du montant qu'une fédération peut recevoir des syndicats qui lui sont affiliés peut paraître contraire au principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'organiser leur gestion et leur activité et celles des fédérations qu'elles constituent.
- 45. Le comité a également constaté que, selon l'article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050 cité plus haut, le rapport présenté par l'Institut au ministre ne porte pas seulement sur ce point; il doit également indiquer " si l'organisation syndicale projetée est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté ". Comme le décret n'établit aucun critère en la matière, il semblerait que le ministre ait toute latitude pour prendre sa décision sur la base du rapport présenté par un organisme qui est, en fait, une section du ministère.
- 46. Le comité a relevé en outre qu'aux termes des alinéas b) et c) de l'article 15 du décret-loi no 23050, cité plus haut, les statuts des syndicats doivent contenir l'engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale, la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise et une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes.
- 47. De l'avis du comité, la question qui se pose ici est de savoir si ces dispositions donnent simplement effet à un certain nombre de principes acceptés qui n'affectent pas la liberté syndicale - ainsi que le gouvernement l'affirme - ou si elles peuvent impliquer une certaine subordination des syndicats à la politique économique du gouvernement. C'est le critère que le comité a appliqué lorsqu'il a examiné des dispositions présentant quelque analogie avec celles-ci dans un autre cas. Si la situation est telle que le gouvernement le soutient, on peut se demander pourquoi il a été nécessaire de promulguer ces dispositions. La question de savoir si, en fait, elles impliquent une subordination des syndicats à la politique du gouvernement peut s'éclairer par référence à d'autres dispositions du décret. Comme on l'a déjà fait observer, la formation d'un syndicat est approuvée seulement après que l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale a signalé dans un rapport que l'organisation syndicale projetée est, entre autres choses, favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté (art. 18, paragr. 3, du décret-loi no 23050). L'article 9 du décret-loi dispose sans équivoque que " les syndicats nationaux doivent subordonner leurs intérêts respectifs aux intérêts de l'économie nationale ". Selon l'article 20, qui figure sous le chapitre " Dissolution des syndicats nationaux ", l'approbation des statuts sera retirée dans l'éventualité, notamment, où les syndicats " ne rempliraient pas convenablement les fonctions dont ils ont été ou dont ils viendraient à être chargés ", point sur lequel les autorités compétentes paraissent avoir toute latitude pour se prononcer comme elles l'entendent. Lorsque le décret est entré en vigueur, les autorités ont été habilitées en vertu de l'article 24, paragraphe 1 - ici encore à leur entière discrétion -, lorsqu'il existe deux associations professionnelles dans la même profession dans un district déterminé, à accorder priorité à l'une d'elles - l'autre devant alors se dissoudre - après avoir pris en considération les activités passées de l'association et de " l'affinité de ses dispositions statutaires antérieures " avec le décret. Il découle forcément de tout ce qui précède que les dispositions de l'article 15, alinéas b) et c), du décret, de même que les autres dispositions citées, impliquent l'acceptation expresse par les syndicats, dans leurs statuts, d'une situation dans laquelle leur liberté d'agir dans l'intérêt de leurs membres est subordonnée à la politique économique du gouvernement.
- 48. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il estimait que:
- ......................................................................................................................................................
- i) les restrictions apportées par l'article 15 e) du décret-loi no 23050 au droit des syndicats de fixer eux-mêmes la proportion des cotisations versées à leurs filiales qui sera remise au syndicat principal ne sont pas compatibles avec le principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts et règlements et d'organiser leur gestion, ainsi que leurs activités;
- ii) une situation qui subordonne l'existence légale d'une organisation syndicale à l'approbation des statuts syndicaux par l'autorité administrative, tout en imposant comme condition que ladite autorité, à sa discrétion, s'assurera que l'existence de l'organisation projetée se justifie du point de vue des intérêts économiques et sociaux de la communauté - situation qui semble subsister en vertu des dispositions du décret-loi no 23050 - n'est pas compatible avec le principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales " sans autorisation préalable ";
- iii) pour les raisons indiquées ci-dessus, les dispositions de l'article 15 b) et c) du décret-loi no 23050 ne sont pas compatibles avec les principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et la législation nationale ne devant pas être de nature, ou ne devant pas être appliquée, de façon à compromettre la jouissance réelle de ce droit.
- 49. Lorsque le comité a réexaminé cette partie du cas en 1968, il était saisi d'un certain nombre d'observations présentées par le gouvernement portugais à propos de cet aspect de la plainte ainsi que d'un texte proposé pour remplacer les dispositions de l'article 15 auxquelles le comité avait fait grief dans son 65ème rapport.
- 50. Dans ses observations, le gouvernement déclarait avoir donné son accord de principe à un nouveau texte de l'article 15 du décret-loi no 23050 qui lui avait été présenté par les organismes chargés de donner suite aux conclusions des colloques nationaux du travail. En outre, le gouvernement déclarait que la rédaction proposée répondait à ses yeux de manière satisfaisante à l'observation formulée au sujet du droit des syndicats de déterminer la part des cotisations qu'ils doivent recevoir de leurs sections et d'organiser librement leur gestion et leurs activités.
- 51. Tel qu'il était cité par le gouvernement, le texte proposé pour remplacer les dispositions précitées de l'article 15 du décret-loi no 23050 avait la teneur suivante:
- Les statuts contiendront obligatoirement les règles nécessaires à l'organisation du syndicat et à la réalisation de ses objectifs, notamment celles qui concernent:
- a) le nom de l'organisation, l'indication de son siège et de ses buts;
- b) la structure du syndicat, le mode de désignation des organes de direction et leur compétence;
- c) l'administration de l'organisme et sa comptabilité;
- d) les modalités d'admission des membres, leurs droits et obligations et les sanctions applicables en cas de non-exécution des obligations statutaires;
- e) droits d'admission, contributions, procédure pour la révision périodique de celles-ci et délais de paiement;
- f) création, fonctionnement et dissolution des sections locales, sections féminines, délégations et groupes par profession ou par activité;
- g) système de consultation des délégués;
- h) organisation des écoles professionnelles et des services;
- i) activités culturelles;
- j) procédure de dissolution du syndicat.
- 52. Le comité a noté que le nouveau projet ne contenait plus les dispositions de l'article 15 du décret-loi no 23050 sur lesquelles le comité avait appelé l'attention dans son 65ème rapport, et il a exprimé l'avis que la suppression de ces clauses pourrait représenter une amélioration par rapport au régime antérieur. Il a donc recommandé au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir qu'il sera tenu compte de cet avis lors de l'adoption du texte final destiné à remplacer le libellé existant de l'article 15 du décret-loi no 23050.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 53. Le comité constate que le décret no 49058 a modifié l'article 15 conformément au projet qu'il avait examiné dans son 105ème rapport. En revanche, l'article 9, qui prévoit que les intérêts des syndicats sont subordonnés à ceux de l'économie nationale, et l'article 18, paragraphe 3, qui prescrit que, pour obtenir l'approbation de ses statuts, il faut que l'organisation syndicale projetée soit favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté, restent en vigueur.
- 4. Conclusions
- 54. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note des modifications suivantes apportées à l'article 15 du décret-loi no 23050:
- i) suppression de l'alinéa e), qui portait qu'un syndicat ne pouvait se faire verser par ses sections plus de 50 pour cent des cotisations perçues par elles;
- ii) suppression des alinéas b) et c), qui demandaient l'insertion, dans les statuts des syndicats, d'un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise, ainsi que la reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il serait nécessaire, à son avis, pour donner effet aux principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur activité et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, la législation nationale ne devant porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte à l'exercice effectif de ce droit, de prendre encore les mesures suivantes:
- i) supprimer les dispositions de l'article 9 du décret-loi no 23050 aux termes desquelles " les syndicats nationaux doivent subordonner leurs intérêts respectifs aux intérêts de l'économie nationale ";
- ii) supprimer les dispositions de l'article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050, selon lesquelles les statuts d'un syndicat ne peuvent être approuvés que sur le vu d'un rapport de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale indiquant que l'organisation syndicale projetée " est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté ".
- c) Restrictions mises au droit des syndicats d'élire leurs représentants
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 55. Les plaignants ont allégué que, conformément au décret no 25116, du 12 mars 1935, la nomination des membres du comité de direction élu d'un syndicat doit être homologuée par le ministre des Corporations, tandis que le décret no 32820, du 31 mars 1942, habilite le gouvernement à désigner, pour des " raisons graves et dûment justifiées ", une commission administrative pour remplacer le comité élu.
- 56. Le gouvernement a admis dans sa réponse l'existence de ces dispositions, qu'il explique de la façon suivante. La disposition concernant l'homologation du comité de direction a pour objet, en premier lieu, de vérifier la régularité de la procédure d'élection et, en second lieu, d'éviter que les syndicats ne passent sous le contrôle du Parti communiste ou d'autres groupes qui se proposeraient de violer les principes constitutionnels ou de recourir à la force pour atteindre des objectifs politiques. L'usage de la faculté de désigner des commissions administratives s'est inspiré, déclare le gouvernement, du souci d'" éviter les irrégularités dans la vie administrative des organisations professionnelles ", la désignation d'une telle commission constituant une mesure exceptionnelle et temporaire, tout abus de pouvoir pouvant faire l'objet d'un recours.
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 57. En examinant les thèses du gouvernement, le comité a relevé qu'il avait souligné à plusieurs reprises l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté. La question de l'obligation de faire homologuer les résultats des élections par une autorité administrative doit être examinée à la lumière de ce principe. Il existe, dans plusieurs pays, des dispositions législatives aux termes desquelles un fonctionnaire indépendant des autorités publiques - par exemple un préposé à l'enregistrement des syndicats - peut prendre des mesures, sous réserve d'un recours aux tribunaux, en cas de plainte ou de motifs raisonnables de supposer qu'une élection syndicale est contraire aux statuts de l'organisation intéressée ou entachée d'irrégularités; ici encore, les irrégularités de cet ordre peuvent donner lieu à une action devant les tribunaux ordinaires. Cependant, c'est une situation bien différente de celle qui se présente lorsqu'il est dit, en termes généraux, que l'élection ne peut être valable qu'après avoir été homologuée par les autorités administratives.
- 58. Le comité a fait observer que, selon le gouvernement, le décret no 25116 a pour objet de vérifier la régularité de la procédure d'élection et d'éviter le contrôle des syndicats par des partis ou des groupements politiques subversifs. En l'absence de critères législatifs évidents, il semble toutefois que la latitude des autorités ne connaisse pas de limite.
- 59. La deuxième question était celle que pose la disposition du décret no 32820, du 31 mars 1942, qui autorise le gouvernement à désigner une commission administrative pour remplacer le comité élu en cas de " raisons graves et dûment justifiées ".
- 60. Le comité a estimé que ces dispositions ont une portée extrêmement vaste et paraissent laisser aux autorités administratives la faculté de destituer le comité de direction d'un syndicat chaque fois qu'elles estiment, à leur discrétion, avoir " des raisons graves et dûment justifiées "; ces dispositions ne peuvent aucunement être comparées avec celles qui, dans certains pays, permettent aux tribunaux d'invalider une élection pour des motifs précisés par la loi. Il s'agit ici d'un pouvoir illimité conféré aux autorités publiques. Le comité avait déjà exprimé l'avis que la destitution de dirigeants syndicaux par une autorité administrative, même en raison d'une activité politique illégale, constitue une procédure susceptible de permettre des abus et de porter atteinte au droit généralement reconnu des organisations d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité. Dans un autre cas, le comité a estimé que la désignation, par le gouvernement du pays en cause, de personnes chargées d'administrer la Confédération générale du travail, à titre de mesure jugée nécessaire par suite de la corruption de l'administration des syndicats, semblerait " en période normale... incompatible avec la liberté syndicale".
- 61. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité, et de déclarer incompatibles avec ledit principe les dispositions du décret no 25116, du 12 mars 1935, qui subordonnent les résultats des élections syndicales à l'homologation du gouvernement, comme celles du décret no 32820, du 31 mars 1942, qui autorisent le gouvernement à désigner des commissions administratives pour remplacer les comités élus des syndicats.
- 62. Lorsque le comité a examiné de nouveau cette partie du cas en 1968 a, il l'a fait à la lumière d'un certain nombre de nouvelles observations présentées par le gouvernement portugais dans sa communication en date du 23 janvier 1968.
- 63. Le gouvernement faisait observer, tout d'abord, que le décret-loi no 25116 mentionné par les plaignants, qui prévoit l'obligation de faire homologuer par le ministre des Corporations et de la Prévoyance sociale les élections effectuées dans les syndicats, ne mentionne cette obligation que brièvement en son article 3, et il indiquait que la disposition législative qui établit l'obligation de la sanction ministérielle pour les élections syndicales est en réalité le paragraphe 5 de l'article 15 du décret-loi no 23050. C'est donc à cette disposition - poursuivait le gouvernement - que le troisième Colloque national du travail se réfère lorsque, dans l'une de ses conclusions, il recommande au gouvernement de modifier le système établi " de manière à le rendre plus compatible avec l'autonomie et l'efficacité des organisations ".
- 64. Le gouvernement déclarait qu'il avait été donné suite à cette recommandation dans deux projets élaborés par une nouvelle loi sur les syndicats qui modifiaient substantiellement le régime existant en supprimant, notamment, l'obligation de l'homologation ministérielle. Selon ces projets, déclarait le gouvernement, la vérification des pouvoirs se fera, dans chaque syndicat, par des commissions élues par l'assemblée générale de l'organisation même, et il est prévu un recours en justice contre les décisions de ces commissions.
- 65. Même si, comme le disait le gouvernement, l'intervention administrative n'avait, en vertu du système en vigueur, qu'un but de vérification de la régularité des élections, le comité a estimé qu'il serait hautement préférable, ainsi qu'on l'envisageait désormais, que cette vérification soit effectuée par des organes élus par l'assemblée générale des syndicats, avec possibilité de recours devant les tribunaux contre les décisions prises par ces organes.
- 66. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir que la réforme envisagée en matière d'élections syndicales interviendrait dans un proche avenir et qu'il serait tenu compte de l'avis exprimé ci-dessus.
- 67. En ce qui concerne la deuxième question, concernant la désignation, par le gouvernement, de comités de direction pour remplacer, dans certains cas, les comités élus par les syndicats, le gouvernement déclarait avoir fait procéder à des études visant à modifier le décret-loi no 32820 de 1942. Il était proposé dans ces études que les seuls cas où les syndicats pourraient être gérés par des commissions nommées par le gouvernement " soient ceux où leurs organes de gestion auraient été suspendus par décision judiciaire ".
- 68. A cet égard, le gouvernement citait le texte d'un projet de nouvel article 21 du décret-loi no 23050 en vertu duquel " sont personnellement responsables de la violation des dispositions de la législation ou des statuts les membres des organismes de gestion, qui peuvent être destitués à la suite d'une action intentée devant les tribunaux du travail par tout affilié ou par le ministère public "; en vertu de ce projet, " le juge peut, sur demande du plaignant ou du ministère public, décider la suspension des organismes de gestion pour la durée du procès "; le projet prévoyait enfin que " tant que durera la suspension, qui ne pourra excéder le temps nécessaire à de nouvelles élections, le syndicat sera géré par une commission de trois à cinq membres ". Le gouvernement déclarait, en outre, que la manière de nommer les membres des commissions provisoires était à l'étude.
- 69. Le comité a noté que rien de définitif n'avait encore été décidé à cet égard et il a donc estimé devoir attendre pour se prononcer.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 70. Le comité note que le décret-loi no 49058 abroge le décret-loi no 25116, sur lequel reposait la plainte originale, tout en apportant certaines modifications à l'article 15 du décret-loi no 23050, qui constituait, de l'avis du gouvernement, la véritable base juridique du système d'homologation ministérielle des élections syndicales.
- 71. Ainsi, l'article 15, paragraphe 5, du décret-loi no 23050, aux termes duquel " l'élection du comité de direction des syndicats nationaux... ne sera validée qu'après approbation du sous-secrétariat des Corporations et de la Prévoyance sociale ", a disparu du nouveau libellé de l'article 15. Le système de contrôle ministériel direct a été remplacé, en vertu de la nouvelle législation, par un système selon lequel les syndicats eux-mêmes déterminent si les candidats qui se présentent aux élections remplissent ou non les diverses conditions d'éligibilité prescrites par la loi, avec la possibilité d'un recours auprès d'un tribunal du travail contre les décisions de l'organisme désigné pour vérifier les titres des candidats.
- 72. De façon plus précise, les paragraphes pertinents du nouvel article 15 disposent ce qui suit:
- 5. La vérification des conditions d'éligibilité (aux effets des dispositions des paragraphes précédents) sera faite par une commission désignée par le bureau de l'assemblée générale parmi les membres qui n'exercent pas de fonctions de direction dans le syndicat et qui, de l'avis du bureau, répondent aux conditions énoncées dans les paragraphes en question. La composition de la commission sera affichée au siège du syndicat et communiquée, dans le délai de cinq jours à compter de la désignation, à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale aux fins du paragraphe 8 du présent article.
- 6. La Commission de vérification, lorsqu'elle l'estime nécessaire ou à la demande de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, devra exiger des candidats la preuve des conditions d'éligibilité par la production de documents délivrés par l'autorité compétente. Tout membre du syndicat ou l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale pourra soumettre à la commission tous les documents qu'il jugera utiles pour établir l'éligibilité ou l'inéligibilité d'un candidat.
- 7. La Commission de vérification enverra à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, au plus tard dix jours avant la date prévue pour l'élection, la liste des candidats qui se présentent aux élections et ses observations à cet égard.
- 8. Les décisions de la Commission de vérification et celles du bureau de l'assemblée générale qui concernent la composition de la commission, ainsi que les résultats des élections, pourront être contestées, avec effet suspensif, par tout membre du syndicat ou par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, par une action intentée devant le tribunal du travail compétent, conformément aux dispositions du Code de procédure du travail relatives à la contestation des décisions des assemblées générales.
- 73. En ce qui concerne le remplacement, par des personnes désignées par le gouvernement, d'organismes directeurs élus, le décret-loi no 49058 abroge le décret-loi no 32820 (soit le texte sur la base duquel la plainte originale avait été présentée) et substitue un nouveau libellé à l'ancien article 21 du décret-loi no 23050.
- 74. Selon le nouvel article 21, il est prévu, pour la suspension et la destitution de membres de l'organe de direction d'un syndicat, que tout membre du syndicat ou l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale peut intenter une action auprès du tribunal du travail compétent. Pareille action ne peut être fondée que sur une violation, par l'intéressé, des dispositions de la nouvelle législation (décret-loi no 49058), et plus particulièrement de l'article 20 et de l'article 10, lequel prévoit notamment que les syndicats s'acquitteront de leurs activités au niveau national tout en respectant les intérêts supérieurs de la nation et le bien commun. L'article 7 dispose que si, à la suite de suspensions ou de destitutions effectuées conformément à ce qui est dit dans les paragraphes précédents, l'organe de direction d'un syndicat est réduit à moins de la moitié des membres qu'il doit avoir, le syndicat pourra être géré, jusqu'à ce que de nouvelles élections aient eu lieu ou que les membres du comité de direction suspendus conformément aux termes du paragraphe 5 aient été réintégrés dans leurs fonctions, par une commission de gestion chargée des fonctions des différents organismes (syndicaux) et nommée par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale parmi les membres du syndicat. En vertu du paragraphe 8, la commission nommée par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale organisera de nouvelles élections dans le délai de six mois au maximum et, lorsque la commission a été nommée à la suite de suspensions décidées conformément aux dispositions du paragraphe 5, le délai (c'est-à-dire la période de six mois) commence à courir à compter du jour où la moitié des membres de l'organe de direction ont été privés de leur charge par décision judiciaire.
- 4. Conclusions
- 75. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note des changements apportés à la législation, mentionnés ci-après:
- i) le décret-loi no 25116 a été abrogé et l'article 15, paragraphe 5, du décret-loi no 23050 a été modifié, l'ancien système d'homologation ministérielle des résultats des élections syndicales étant remplacé par un système de vérification des conditions d'éligibilité des candidats par des commissions de vérification élues lors des assemblées générales des syndicats;
- ii) le décret-loi no 32820 a été abrogé et l'article 21 du décret-loi no 23050 a été modifié, l'ancien système, qui permettait de substituer aux organes de direction élus des syndicats des personnes désignées par le gouvernement, étant remplacé par un nouveau système prévoyant la suspension et la destitution de membres des organes de direction par voie d'action en justice;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'opportunité des mesures suivantes:
- i) pour éviter le risque de limiter gravement le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, les plaintes présentées aux tribunaux du travail par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, conformément au paragraphe 8 du nouvel article 15, pour contester les résultats d'élections syndicales ne devraient pas avoir pour effet - avant l'achèvement des procédures judiciaires - de suspendre la validité desdites élections;
- ii) pour éviter un risque analogue en ce qui concerne le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, ainsi que le droit des syndicats d'organiser leur administration et leurs activités, il serait nécessaire de supprimer les dispositions contenues dans le nouvel article 10 qui prescrivent le respect " des intérêts supérieurs de la nation et du bien commun ", sur la base desquelles les tribunaux du travail doivent décider si la conduite de responsables syndicaux justifie leur destitution, étant donné que lesdites dispositions sont rédigées en termes si larges qu'elles ne peuvent fournir de critères précis pour les décisions judiciaires.
- d) Suspension et dissolution d'organisations syndicales par voie administrative
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 76. Les plaignants alléguaient que toute organisation de travailleurs qui s'écartait des fins en vue desquelles elle avait été créée, qui ne se conformait pas à ses statuts, qui ne fournissait pas au gouvernement ou aux organismes de droit public les renseignements qui lui étaient demandés sur des questions de sa spécialité, qui suscitait ou encourageait des grèves ou des suspensions d'activité, etc., pouvait être dissoute par le retrait de l'approbation de ses statuts, sur décision des autorités compétentes (art. 20 du décret-loi no 23050).
- 77. Dans sa réponse, le gouvernement a fait valoir que, si les syndicats devaient prendre place dans un certain cadre déterminé par la législation, ce n'était pas pour se soustraire à cette même obligation une fois constituée. Selon le gouvernement, toute décision officielle pouvait faire l'objet d'un recours auprès des tribunaux - ce qu'un syndicat avait déjà fait avec succès -, de sorte que la dissolution s'effectuerait, en dernière analyse, par voie judiciaire.
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 78. Le texte intégral de l'article 20 du décret-loi no 23050 était le suivant au moment où le comité a été saisi de la plainte:
- Art. 20. L'approbation des statuts sera retirée aux syndicats nationaux qui se détourneraient des fins en vue desquelles ils ont été créés, qui ne se conformeraient pas à leurs statuts, qui ne fourniraient pas au gouvernement ou aux organismes de droit public les renseignements qui leur seront demandés sur des questions de leur spécialité, qui ne rempliraient pas convenablement les fonctions dont ils ont été ou dont ils viendraient à être chargés, qui susciteraient ou encourageraient des grèves ou suspensions d'activité ou qui contreviendraient aux dispositions du présent décret-loi, sans préjudice de la responsabilité personnelle des organismes de gestion et de toutes autres sanctions applicables.
- 79. Lorsqu'il a examiné les allégations présentées, le comité a indiqué que, dans de très nombreux cas a, il avait souligné l'importance qu'il attachait au principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne devaient pas être susceptibles de suspension ou de dissolution par voie administrative. Le comité a également rappelé que, dans un cas portant sur une question de suspension d'un syndicat, il était parvenu à la conclusion que, lorsque des mesures de suspension étaient prises par l'autorité administrative, il pouvait exister un danger d'arbitraire apparent, même si ces mesures étaient provisoires, limitées dans le temps et suivies d'une action judiciaire. Le comité a estimé que la faculté réservée au gouvernement par la législation portugaise allait cependant bien- au-delà, étant donné qu'en l'occurrence la seule voie de recours ouverte au syndicat était d'interjeter appel auprès des tribunaux d'une décision de dissolution administrative - voie dans laquelle le syndicat pourrait même se trouver dans l'impossibilité de s'engager, dans l'éventualité d'une dissolution " immédiate " par mesure administrative dans l'un des cas visés à l'article 10 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933.
- 80. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il avait toujours attachée au principe selon lequel les organisations d'employeurs et de travailleurs ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative, et d'exprimer l'avis que les dispositions des articles 10 et 20 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, n'étaient pas compatibles avec ce principe.
- 81. Lorsque le comité a réexaminé cette allégation en 1968, il était saisi du texte d'un projet de nouvel article 20 du décret-loi no 23050, transmis par le gouvernement dans sa communication du 23 janvier 1968. Le texte proposé énumérait les causes possibles de dissolution d'un syndicat, c'est-à-dire, soit une résolution prise dans ce sens par l'assemblée générale des syndicats, soit la constatation que l'organisation a exercé des activités contraires à la loi. Dans ce dernier cas, ajoutait le gouvernement, le projet prévoyait aussi que, pour la durée de l'enquête, le tribunal pourrait décider la suspension des organismes de gestion. Le gouvernement déclarait en outre que la procédure de dissolution était à l'étude.
- 82. Encore que le nouveau système envisagé parût à première vue constituer une certaine amélioration par rapport à ce qui existait à l'époque, le comité, constatant que rien de définitif n'avait encore été décidé dans le domaine considéré, a estimé devoir attendre pour se prononcer.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 83. Le décret-loi no 49058 apporte un certain nombre de modifications aux dispositions du décret-loi no 23050 visant la question de la suspension et de la dissolution des organisations syndicales par voie administrative.
- 84. Le nouveau texte de l'article 10 du décret-loi no 49058 ne contient plus de dispositions sur la dissolution " immédiate " des syndicats par l'autorité administrative.
- 85. Le nouveau texte de l'article 20 prévoit qu'une organisation syndicale peut être dissoute soit par une résolution prise dans ce sens par son assemblée générale, soit par la décision du Conseil corporatif lorsque l'organisation en question s'écarte de la fin pour laquelle elle a été instituée ou lorsqu'elle n'est pas en mesure de s'acquitter des obligations imposées par la loi. Le paragraphe 1 prévoit que la résolution de l'assemblée générale peut être contestée et qu'il peut être recouru de la décision du Conseil corporatif auprès du Tribunal administratif suprême. Le paragraphe 2 prévoit que la dissolution d'un syndicat national implique la liquidation et le partage de ses biens. Le paragraphe 3 dispose que, si la suspension de la résolution contestée ou de la mise à exécution de la décision contre laquelle il est recouru n'a été ni demandée ni refusée, le juge du tribunal du travail chargé de la procédure de liquidation devra limiter l'activité des liquidateurs à la conservation des biens du syndicat jusqu'à décision définitive.
- 86. Le comité note d'après ces diverses dispositions que la situation, en regard de la législation actuelle, semble être la suivante: un syndicat peut être dissous soit par décision de son assemblée générale, soit par le Conseil corporatif. Contre la décision de ce dernier organisme, qui est une entité officielle, il peut être recouru devant le Tribunal administratif suprême. Pendant le déroulement de la procédure d'appel, un liquidateur est désigné. Il peut être demandé que l'exécution de la décision faisant l'objet de l'appel soit suspendue. Si pareille requête n'est pas formulée ou si elle est rejetée, les activités normales du syndicat sont suspendues. Il semble, par conséquent, d'après la législation actuelle, qu'une autorité non judiciaire (le Conseil corporatif) puisse encore prendre des mesures équivalant à suspendre des organisations syndicales.
- 4. Conclusions
- 87. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note des modifications apportées à l'article 10 du décret-loi no 23050, dont les dispositions sur la dissolution " immédiate " des syndicats par voie administrative ont été supprimées;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, pour assurer une meilleure application du principe selon lequel les organisations syndicales ne doivent pas être dissoutes ou suspendues par voie administrative, il serait nécessaire de modifier le nouvel article 20 du décret-loi no 23050 dans le sens suivant: Toute décision prise par une autorité non judiciaire telle que le Conseil corporatif et visant à dissoudre un syndicat ne pourra prendre effet que lorsque le délai d'appel sera écoulé sans qu'un appel contre cette décision ait été effectivement interjeté, ou lorsque la décision considérée aura été confirmée par un jugement du tribunal.
- e) Cotisations syndicales obligatoires
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 88. Les plaignants alléguaient que le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, permettait au ministre des Corporations de rendre la cotisation obligatoire pour certaines catégories de travailleurs, même si ceux-ci n'étaient pas syndiqués.
- 89. Le gouvernement portugais a déclaré qu'il était de pratique courante que les travailleurs appartenant à des catégories professionnelles organisées, même s'ils n'étaient pas syndiqués, versent au syndicat une contribution d'un montant égal à celui de la cotisation des membres dudit syndicat, puisque tous les travailleurs récoltaient les fruits de l'activité syndicale et que les conventions collectives s'appliquaient à toutes les catégories intéressées; les cotisations étaient perçues directement par le syndicat, sans l'intervention des pouvoirs publics.
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 90. Lorsqu'il a été appelé à examiner ces allégations pour la première fois, le comité a rappelé qu'il avait eu, dans un cas antérieur, à examiner la question de la déduction obligatoire des cotisations syndicales en vertu de la législation. Tout en exprimant l'avis général que les divers systèmes de subvention aux organisations de travailleurs avaient des conséquences toutes différentes selon la forme qu'ils revêtaient, le comité n'avait pas formulé de conclusions définitives sur ce point, car, dans le cas d'espèce, subsistaient deux facteurs absents du cas en cours d'examen: en effet, les travailleurs pouvaient, néanmoins, sur leur demande, être exemptés du paiement de la cotisation et, en tout état de cause, le système allait être modifié de façon que les questions de ce genre puissent être réglées par voie de négociation collective.
- 91. Le comité avait également été appelé à examiner des cas dans lesquels la retenue des cotisations syndicales ou d'autres formes de clauses de sécurité syndicale avaient été instituées non pas en vertu de la législation, mais par voie de négociation collective, ou du fait d'une pratique subsistant entre les deux parties. Dans ces cas, le comité avait refusé de retenir les allégations formulées, en se fondant sur l'opinion, exprimée dans le rapport de la Commission des relations professionnelles instituée par la Conférence internationale du Travail en 1949, selon laquelle la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ne devait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale, de telles questions relevant de la réglementation et de la pratique nationales.
- 92. En fait, on pouvait citer de nombreux pays dont la législation interdisait certaines formes de clauses de sécurité syndicale, comme de nombreux pays dont la législation autorisait de telles clauses, soit expressément, soit du fait qu'il n'existait aucune disposition à cet effet. Cependant, la situation changeait du tout au tout lorsque la législation imposait la sécurité syndicale - soit en rendant l'affiliation obligatoire, soit en prévoyant le versement de cotisations syndicales dans des conditions telles que ce caractère d'obligation existait en fait.
- 93. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations avait jugé incompatible avec les principes contenus dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, une situation dans laquelle un individu se voyait refuser toute possibilité de choix entre différentes organisations, la législation n'autorisant l'existence que d'une seule organisation dans sa branche professionnelle; en fait, de telles dispositions créaient, par voie législative, un monopole syndical qu'il convenait de distinguer, d'une part, des clauses et pratiques de sécurité syndicale et, d'autre part, des situations dans lesquelles les organisations syndicales de base se groupaient volontairement en une seule fédération ou confédération. Un tel monopole syndical existait au Portugal en vertu de la législation (voir paragr. 22 à 28 ci-dessus). Par conséquent, il semblait que l'obligation légale de cotiser à ce monopole syndical, indépendamment de toute affiliation, vînt consacrer et renforcer davantage ce monopole.
- 94. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait qu'à son avis le pouvoir - que le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, conférait au ministre compétent - d'obliger tous les travailleurs d'une branche professionnelle intéressée à verser des cotisations au syndicat national unique, dont la constitution était autorisée par branche professionnelle et par district, n'était pas compatible avec le principe selon lequel les travailleurs devaient avoir le droit de s'affilier aux organisations " de leur choix ".
- 95. Lorsque le comité a réexaminé cet aspect du cas dans son 105ème rapport, il avait à sa disposition un certain nombre d'observations complémentaires formulées par le gouvernement dans sa communication du 23 janvier 1968.
- 96. Dans ses observations, le gouvernement attirait l'attention sur le fait que l'article 2 du décret-loi no 29931, qui permettait au ministère des Corporations de rendre obligatoire la cotisation syndicale pour certaines catégories de travailleurs, stipulait que cette obligation ne serait décrétée que " lorsque les circonstances le justifient ". Le gouvernement précisait que, dans la plupart des cas, l'usage de cette faculté avait dépendu de la conclusion préalable de conventions collectives, " la décision gouvernementale n'étant pas autre chose que la formule légale nécessaire pour donner effet à des normes établies par convention ".
- 97. Le gouvernement ajoutait que cette politique avait permis de maintenir les cotisations de très nombreux syndicats à un niveau très bas, tout en leur donnant, sans aucun subside, les revenus et l'indépendance dont ils avaient besoin pour exercer dûment leurs fonctions.
- 98. On ne voyait pas, du reste - poursuivait le gouvernement -, dans quelle mesure la cotisation obligatoire portait atteinte au principe de la liberté syndicale, du moment qu'elle ne s'accompagnait jamais de l'obligation de s'affilier au syndicat qui, elle, aurait été contraire à ce principe. Le gouvernement expliquait qu'il lui semblait immoral que le syndicat défendît les intérêts de tous les travailleurs, par exemple lorsqu'il concluait pour tous une convention collective dans laquelle étaient prévues de meilleures conditions de salaire et de travail, et qu'il ne fût soutenu que par les contributions de quelques-uns. " Si tous doivent en retirer un profit, tous aussi doivent en partager les charges. "
- 99. Sans entendre se prononcer sur la valeur de l'argumentation avancée par le gouvernement dans le paragraphe précédent, le comité a tenu à faire remarquer que, dans les pays où il existait plusieurs syndicats, la cotisation obligatoire, imposée par la loi, pouvait assumer le caractère d'un impôt si elle devait être versée au bénéfice d'un syndicat déterminé qui se trouverait ainsi favorisé par rapport aux autres, et équivaloir, dans certaines circonstances, à une violation des principes de la liberté syndicale. Certes, là où il existait un monopole syndical - comme c'était le cas au Portugal, où le syndicat national unique autorisé par branche professionnelle et par district était doté du privilège de représenter tous les salariés, syndiqués ou non, et de conclure en leur nom des conventions collectives -, la cotisation obligatoire pouvait évidemment apparaître comme un corollaire logique du système. C'était ce système, toutefois, que le comité avait jugé n'être pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 100. Ce que le comité avait entendu faire valoir, en effet, lorsqu'il avait examiné cet aspect du cas dans son 65 me rapport, c'était que l'obligation légale de cotiser à un monopole syndical, indépendamment de toute affiliation, avait pour effet de consacrer et de renforcer davantage ledit monopole, lequel, par définition, relevait d'un système contraire au principe selon lequel les travailleurs devaient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix, ainsi que celui de s'y affilier.
- 101. Les explications fournies par le gouvernement ne faisant pas apparaître de changement dans la situation analysée dans le 65ème rapport du comité, celui-ci a recommandé au Conseil d'administration de confirmer sur ce point les conclusions auxquelles il avait alors abouti et qui sont citées au paragraphe 97 ci-dessus.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 102. En ce qui concerne cet aspect du cas, le comité note tout d'abord que le décret-loi no 49058 n'apporte aucune modification au décret-loi no 29931, qui permet au ministre des Corporations de rendre obligatoire la cotisation syndicale pour certaines catégories de travailleurs, même si ceux-ci ne sont pas syndiqués. Toutefois, ce texte modifie, dans une certaine mesure, les dispositions du décret-loi no 23050 concernant le champ de recrutement et le ressort territorial des syndicats nationaux: d'après la nouvelle législation, il est possible, dans une certaine mesure, que les travailleurs aient le choix entre deux ou plusieurs syndicats dans le même district. Toutefois, ainsi que le comité l'a déjà relevé en examinant les allégations relatives aux restrictions apportées au nombre de syndicats pouvant être constitués, l'ancien système du syndicat national unique par branche professionnelle et par district ne peut être modifié qu'avec l'accord d'un service officiel (en l'occurrence, l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale), d'où il résulte que le gouvernement conserve le contrôle des syndicats à cet égard. Ainsi, dans le cas où le service officiel intéressé refuserait d'autoriser la constitution d'un nouveau syndicat, la situation au regard des cotisations obligatoires serait la même que sous le système précédemment en vigueur.
- 4. Conclusions
- 103. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, pour assurer une application plus complète du principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et d'y adhérer, il serait nécessaire de modifier le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, dans le sens d'une suppression de l'obligation imposée à tous les travailleurs de la catégorie visée de verser des cotisations à un syndicat national unique qui aurait été autorisé à se constituer dans une branche professionnelle et dans un district donnés.
- f) Contrôle des négociations collectives et homologation des conventions collectives par l'autorité gouvernementale
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 104. Il était allégué que des délégués de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale contribuaient " à l'élaboration des conventions collectives en dirigeant les négociations et la rédaction des clauses " et que l'institut recevait, " aux fins de révision, les projets de conventions collectives "; enfin, que les conventions devaient être homologuées par le ministre des Corporations (décret-loi no 23048, du 23 septembre 1933). Les plaignants estimaient que ces dispositions étaient contraires à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 105. Le gouvernement portugais avait précisé que les organisations de travailleurs et d'employeurs jouissaient de la plus grande liberté en matière de négociation collective et que l'intervention de l'institut avait pour but de faciliter les négociations, son rôle consistant à expliquer et à concilier, surtout lorsqu'il s'agissait de secteurs dans lesquels les syndicats étaient moins développés; l'institut cherchait, en particulier, à amener les organisations d'employeurs à améliorer les conditions de travail. Quant à l'homologation des conventions collectives par le ministre, le gouvernement déclarait: " elle doit uniquement permettre de sauvegarder les intérêts supérieurs de l'économie nationale, intérêts qui doivent évidemment conditionner la liberté de négociation ".
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 106. Lorsque le comité a examiné cet aspect du cas pour la première fois, il a rappelé que, dans un certain nombre de cas, il avait souligné l'importance qu'il avait toujours attachée au fait que le droit de négocier librement avec les employeurs à propos des conditions de travail constituait un élément essentiel de la liberté syndicale, ainsi qu'au principe selon lequel les autorités publiques devaient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats de chercher,,par voie de négociation collective ou par tout autre moyen licite, à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent ou à en entraver l'exercice légal.
- 107. Les allégations soulevaient deux questions: l'ingérence dans le processus de négociation et la nécessité d'une homologation officielle des conventions.
- 108. S'agissant de la première, il était nécessaire de se reporter aux articles pertinents du décret-loi no 36173, du 6 mars 1947, relatif aux conventions collectives.
- 109. Les articles 25 à 28 de ce décret-loi sont ainsi conçus:
- Art. 25. Les directions des organismes coopératifs sont compétentes pour négocier et conclure les conventions collectives auxquelles ceux-ci sont parties.
- Paragraphe unique. En ce qui concerne les associations patronales (grémios), la négociation et la conclusion des conventions sont subordonnées à l'approbation du conseil général intéressé ou, à défaut, de l'assemblée générale.
- Art. 26. Les services d'action sociale et les délégations de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale doivent collaborer à l'élaboration des conventions collectives en dirigeant les négociations et la rédaction des clauses.
- Art. 27. Les projets de conventions seront remis à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, sur papier libre et en trois exemplaires, aux fins de révision par les soins de la deuxième division, qui consultera respectivement la première et la troisième division sur les matières en relation avec l'organisation corporative et la prévoyance.
- Art. 28. L'original du texte définitif des conventions sera écrit sur papier timbré et remis à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, accompagné d'une copie sur papier libre, après avoir été signé par les parties contractantes.
- 110. Il convenait de noter que, d'après l'article 26 du décret-loi, l'institut devait " collaborer à l'élaboration des conventions collectives en dirigeant les négociations et la rédaction des clauses " et que, de son côté, l'article 27 disposait que les projets de toutes les conventions seraient remis à l'institut " aux fins de révision ". Aucune disposition ne semblait limiter l'intervention de l'institut aux cas dans lesquels les parties qui négociaient un accord sollicitaient sa médiation, ou à ceux qui donnaient lieu à un différend du travail; l'article 26 semblait au contraire rendre cette intervention obligatoire dans toutes les négociations collectives. Le gouvernement soutenait que son intervention ne visait qu'à faciliter les négociations et la conciliation des parties. Il semblait, toutefois, évident qu'en collaborant obligatoirement à diriger " les négociations et la rédaction des clauses ", l'institut était tenu de s'assurer que les dispositions du décret-loi no 36173 et d'autres décrets-lois pertinents étaient respectées au cours des négociations, en effet, aux termes des dispositions de l'article 2 du décret-loi no 23053, du 23 septembre 1933, portant création de l'institut, celui-ci avait pour objet d'" assurer l'application des lois... de caractère social... conformément à l'esprit de rénovation politique, économique et sociale de la nation portugaise". Il semblait donc que, parmi ces dispositions de caractère social dont l'institut était tenu d'assurer l'application, figuraient l'article 8 a) du décret-loi no 36713, aux termes duquel étaient expressément exclues des conventions " les clauses qui contiendraient quoi que ce soit de contraire au droit, réservé à l'Etat, de coordonner et de réglementer au degré supérieur la vie économique de la nation et de surveiller l'observation des lois sociales ", l'article 32 du décret-loi no 23048, du 23 septembre 1933, promulguant le Statut du travail, qui dispose que le contrat collectif de travail " conclu " entre les syndicats et les associations d'employeurs " est l'expression de la solidarité existant entre les différents éléments de chacune des branches de l'activité économique, tout en subordonnant les intérêts des parties aux exigences supérieures de l'économie nationale ", et l'article 5 du décret-loi no 23049, du 23 septembre 1933, qui dispose que, pour tout ce qui a trait à la discipline du travail et aux salaires, les associations patronales obligatoires " dépendent directement du sous-secrétariat des Corporations et de la Prévoyance sociale ".
- 111. L'intervention de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale semblait donc viser essentiellement à garantir que les parties engagées dans une négociation subordonnent leurs intérêts à la politique économique nationale du gouvernement, que celle-ci recueille ou non leur agrément: il y avait là une situation qui n'était pas compatible avec les principes généralement acceptés, selon lesquels les organisations de travailleurs et d'employeurs devaient avoir le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leurs programmes, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et la législation nationale ne devant être de nature ou ne devant être appliquée de façon à compromettre la jouissance de ce droit.
- 112. Il était allégué, en second lieu, que l'accord définitif ne prenait effet qu'une fois homologué par le ministre des Corporations, homologation qui, selon le gouvernement portugais, visait uniquement à " sauvegarder les intérêts supérieurs de l'économie nationale, qui doivent évidemment conditionner la liberté de négociation ".
- 113. L'article 29 du décret-loi no 36173 dispose que " la validité des conventions est subordonnée à leur homologation par le sous-secrétaire d'Etat aux Corporations et à la Prévoyance sociale ".
- 114. Le comité avait appelé l'attention sur un cas à propos duquel il avait fait observer que la nécessité d'une approbation préalable des autorités officielles pour la mise en vigueur d'une convention collective semblait contraire à tout régime de négociations volontaires prévu par la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et qu'elle impliquait, de la part des autorités publiques, une possibilité d'intervention incompatible avec le principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs devaient avoir le droit d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques devaient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Dans un autre cas, le comité, notant qu'en vertu de la législation les conventions collectives, après leur conclusion, devaient être soumises à l'approbation des autorités compétentes et que les conventions n'entraient pas en vigueur si elles n'étaient pas approuvées, avait recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur l'incompatibilité d'une telle disposition, en temps normal, avec le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.
- 115. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- a) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée aux principes selon lesquels:
- i) les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- ii) la libre négociation des conditions de travail par les organisations de travailleurs et les employeurs et organisations d'employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale;
- iii) les syndicats devraient avoir le droit de chercher à améliorer, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- iv) des mesures appropriées aux conditions générales doivent être prises, au besoin, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait que, de l'avis du Conseil d'administration, la législation prévoyant l'intervention, dans les négociations collectives, de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale et soumettant les conventions collectives à l'approbation des autorités publiques n'était pas compatible avec les principes énoncés aux alinéas i), ii), iii) et iv) ci-dessus.
- ......................................................................................................................................................
- 116. Lorsque le comité a réexaminé cet aspect du cas dans son 105ème rapports, il avait à sa disposition un certain nombre d'observations formulées par le gouvernement dans sa communication du 23 janvier 1968.
- 117. Le gouvernement indiquait que, du fait de la ratification de la convention no 98, les normes de cet instrument avaient force de loi au Portugal. " Dans ces conditions - ajoutait-il -, la ratification aurait pour effet d'abroger toute prescription législative intérieure qui serait inconciliable avec lesdites normes. "
- 118. Le gouvernement déclarait également qu'en fait, avant même que la convention fût ratifiée, la législation portugaise avait été profondément modifiée de façon à " éviter tout conflit avec l'instrument international ".
- 119. Le gouvernement mentionnait une série de textes législatifs d'où il ressortait que " l'application et le perfectionnement des contrats et des accords collectifs, ainsi que leur interprétation et leur intégration ", relevaient de la compétence exclusive de " commissions corporatives ", organismes tripartites, établis par les contrats eux-mêmes et dans lesquels les représentants des travailleurs et des employeurs étaient obligatoirement en nombre égal.
- 120. Le gouvernement signalait toutefois " la présence dans ces commissions d'un représentant de l'Etat, soit le délégué de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale ", chargé d'orienter la rédaction des clauses des conventions collectives. Cependant - ajoutait le gouvernement -, " cette orientation technique, purement arbitrale et qui sert de soutien, ne peut être imposée à l'accord auquel parviendraient les parties contractantes ".
- 121. Il paraissait ressortir des explications présentées par le gouvernement et des textes législatifs mentionnés par lui qu'une certaine libéralisation se fût fait jour par rapport au régime en vigueur au moment du dépôt de la plainte et que l'intervention de l'Etat en matière de négociations collectives fût moins directe qu'elle ne l'était auparavant. Le comité a constaté cependant que cette intervention subsistait et il a exprimé l'avis que l'" orientation " de la part du représentant de l'autorité publique, lors de la rédaction des clauses des conventions collectives, si elle ne revêtait pas exclusivement le caractère d'une aide technique, ne paraissait pas être dans l'esprit de la convention no 98. Cette opinion semblait devoir être renforcée si l'on songeait qu'en vertu du décret-loi no 43179, du 23 septembre 1960, mentionné par le gouvernement dans ses observations, les commissions corporatives non seulement comptaient un représentant de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, mais que ce représentant était président desdites commissions (art. 1 et 26).
- 122. Le comité a recommandé en conséquence au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que l'intervention d'un représentant de l'autorité publique dans la rédaction des conventions collectives telle qu'elle était prévue par la législation portugaise n'était pas dans l'esprit de la convention no 98, dont l'article 4 prévoit le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre employeurs et travailleurs, et d'appeler sur ce qui précède l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- 123. S'agissant de l'homologation des conventions collectives, le gouvernement déclarait estimer qu'elle était " indispensable en vue du registre et de la publication nécessaires ". " Pour terminer - indiquait le gouvernement -, il faut remarquer que, lors de l'homologation ministérielle, on ne peut jamais remplacer ou modifier les textes sur lesquels les parties se sont librement mises d'accord. "
- 124. Le comité a pris note des indications fournies par le gouvernement, d'où il paraissait ressortir que l'homologation des conventions collectives n'était qu'une simple formalité consistant à " enregistrer " ladite convention. Avant de se prononcer cependant sur cet aspect de l'affaire, le comité souhaitait savoir si l'homologation pouvait être refusée; dans l'affirmative, dans quelles conditions et pour quels motifs; enfin, s'il existait des voies de recours contre le refus d'homologation.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 125. Le comité note que, si le décret-loi no 49058 ne traite pas des questions examinées antérieurement, le décret-loi no 49212 a apporté certaines modifications à la législation relative aux négociations et aux conventions collectives. Ce décret-loi a abrogé le décret-loi no 36173, mais il ne mentionne pas les décrets-lois nos 23048, 23049, 23053 et 43179 auxquels il est fait référence ci-dessus.
- 126. En ce qui concerne les aspects analysés, la nouvelle législation comporte les dispositions ci-après. En premier lieu, s'agissant de l'intervention d'un représentant de l'autorité publique pendant l'élaboration d'une convention collective, l'article 14 du décret-loi no 49212 dispose qu'à défaut d'accord entre les parties l'organisme corporatif convoquera lesdites parties en vue d'une conciliation et sollicitera, s'il le juge opportun, la collaboration de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale. L'article 25 prévoit que l'institut pourra octroyer aux parties à la conclusion ou à la révision d'une convention collective l'assistance nécessaire, notamment sur le plan juridique et en ce qui concerne l'étude et l'analyse des statistiques et indices d'évolution du coût de la vie.
- 127. En second lieu, s'agissant de l'homologation des conventions collectives, l'article 24 dispose tout d'abord que les projets de conventions, ainsi que les demandes d'adhésion, les projets de modifications, les procès-verbaux d'instances de conciliation et les sentences arbitrales seront soumis à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale; il prévoit ensuite que, pour produire effet, les conventions collectives, modifications, etc., devront être homologuées par le ministre des Corporations et de la Prévoyance sociale. A propos de ces dispositions, il y a lieu de citer également l'article 3 qui prévoit que les conventions collectives et les sentences arbitrales ne pourront en aucune manière porter atteinte au droit réservé à l'Etat de coordonner et de réglementer, en tant qu'autorité supérieure, la vie économique de la nation, de contrôler l'observation des lois sociales et d'adopter toute réglementation nécessaire en matière d'activité économique.
- 128. Le comité note que la nouvelle législation semble avoir diminué le rôle imparti à l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale au stade de la discussion d'une convention collective, limitant ce rôle, en particulier, à des conseils juridiques et techniques donnés aux parties.
- 129. En revanche, en ce qui concerne l'homologation des conventions collectives, le comité note que les dispositions du décret-loi no 49212 ne semblent pas avoir modifié la situation antérieure décrite aux paragraphes 110 et 113 ci-dessus. En effet, le texte de l'article 3 de ce décret-loi est pour l'essentiel identique à celui de l'article 8 du décret-loi no 36173, et le texte de l'article 24 du décret-loi no 49212 est analogue, pour ce qui est de la validité des conventions collectives, à l'article 29 du décret-loi abrogé. Par ailleurs, les dispositions des décrets-lois nos 23053, 23048 et 23049, mentionnés au paragraphe 110, ne semblent pas avoir été modifiées.
- 4. Conclusions
- 130. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter qu'en vertu du décret-loi no 49212 l'intervention obligatoire de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, dans l'élaboration des conventions collectives, la direction des négociations et la rédaction des clauses, a été remplacée par une intervention facultative pouvant être demandée par l'organisme corporatif et destinée à octroyer, en particulier, une assistance de caractère juridique et technique aux parties;
- b) de signaler à l'attention du gouvernement que le décret-loi no 49212 n'a pas modifié la situation antérieure en ce qui concerne la nécessité de l'homologation ministérielle pour l'entrée en vigueur d'une convention collective, et d'inviter une fois de plus le gouvernement à bien vouloir indiquer si le ministre compétent peut refuser ladite homologation et, dans l'affirmative, dans quelles conditions et pour quels motifs, et s'il existe des voies de recours contre le refus d'homologation.
- g) Restrictions du droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 131. Les plaignants ont allégué qu'un syndicat ne peut pas s'affilier à une organisation de caractère international, ni nommer des représentants à un congrès ou à une manifestation internationale, sans l'autorisation du gouvernement, sous peine de dissolution immédiate et, pour les membres de son comité de direction, de la perte des droits civiques pendant deux ans.
- 132. Le gouvernement a fait valoir qu'il serait contradictoire de chercher à éviter, sur le plan intérieur, des infiltrations de caractère antinational par des partis ou des groupements politiques subversifs et d'autoriser, sur le plan international, l'affiliation à des organisations qui pourraient conduire à des résultats analogues; il a déclaré que la condition imposée constitue non une interdiction, mais une restriction, telle qu'il en existe dans un certain nombre d'autres pays.
- 2. Conclusions adoptées parle comité à ses sessions antérieures
- 133. L'article 10 du décret-loi no 23050 énonce notamment qu'il est interdit aux syndicats nationaux de s'affilier à des organismes quelconques de caractère international ou de se faire représenter à des manifestations ou à des congrès internationaux sans l'autorisation du gouvernement.
- 134. En examinant cet aspect du cas, le comité a rappelé qu'il avait souligné à plusieurs reprises l'importance qu'il attache au droit des organisations de travailleurs et d'employeurs de s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs, droit qui est consacré à l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Dans un cas, la question qui se posait était précisément, comme dans le cas présent, celle de la nécessité d'obtenir l'autorisation du gouvernement pour l'affiliation des organisations de travailleurs à des organisations internationales de travailleurs. Dans ce cas-là, le Conseil d'administration, sur la recommandation du comité, avait suggéré au gouvernement de réexaminer, à la lumière des principes formulés dans la convention susmentionnée, certains aspects de la législation nationale, y compris les dispositions relatives à l'affiliation à des organisations internationales, en vue de ratifier ladite convention. Dans un autre cas, le comité avait relevé que la législation nationale ne saurait être appliquée de manière à porter atteinte au principe selon lequel les organisations syndicales doivent pouvoir s'affilier librement à des organisations internationales de travailleurs - droit que le comité a déclaré être " presque universellement reconnu".
- 135. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales ont le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et d'exprimer l'avis que la subordination d'unetelle affiliation à l'autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec ce principe.
- 136. Lorsque le comité a réexaminé cet aspect du cas dans son 105ème rapport s, il était saisi d'un certain nombre d'observations formulées par le gouvernement dans sa communication du 23 janvier 1968.
- 137. Dans ses observations, le gouvernement ne faisait pas allusion à la question de l'affiliation des syndicats à des organisations professionnelles internationales, ne mentionnant que la représentation " dans des organisations ou des congrès internationaux ". Il indiquait que cette représentation n'est pas interdite, mais qu'elle dépend de l'autorisation du gouvernement.
- 138. Mentionnant l'état le plus récent de la législation nationale, le gouvernement déclarait: " Considérant que la structure de l'organisation professionnelle portugaise assure une représentation internationale plus efficace lorsque celle-ci se fait par l'intermédiaire des organismes supérieurs qui réunissent les syndicats, la législation prévoit expressément que ladite représentation appartient aux organismes en question (corporations) et, dans ces cas, il n'est fait mention d'aucune autorisation préalable. "
- 139. Rien, dans les observations du gouvernement, ne laissait apparaître que la situation en matière d'affiliation des syndicats et des organisations internationales de travailleurs ou de participation aux travaux des réunions de ces dernières ait changé par rapport à ce que le comité avait constaté dans son 65ème rapport.
- 140. Dans ces conditions, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de confirmer les conclusions précitées.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 141. Le comité note que le décret-loi no 49058 a remplacé l'article 10 du décret-loi no 23050 par un nouveau texte, dont voici le libellé:
- 10. Les syndicats exercent leur activité sur le plan national en respectant les intérêts supérieurs de la nation, le bien commun, la loi et la fonction qui leur revient dans l'organisation corporative.
- Paragraphe unique. L'affiliation des syndicats à des organismes internationaux groupant des travailleurs de la même catégorie ou leur représentation à des réunions ou autres manifestations internationales seront assurées directement, ou par l'entremise des organismes corporatifs supérieurs dont ils font partie, selon ce qui sera considéré comme le plus opportun et moyennant l'assentiment de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale.
- 142. Le comité fait observer que ce nouveau texte, s'il prévoit que l'affiliation des syndicats à des organisations internationales ou leur représentation sur le plan international peuvent être assurées directement, ou par l'intermédiaire d'organismes corporatifs supérieurs, ne modifie pas la substance de la législation antérieure, de sorte que les syndicats doivent toujours obtenir l'approbation d'un organisme gouvernemental (en l'occurrence l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale) avant de pouvoir s'affilier légalement à des organisations internationales ou de prendre part à des manifestations ou à des réunions internationales.
- 4. Conclusions
- 143. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il serait, à son avis, nécessaire, afin de donner plein effet au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales doivent avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, de supprimer les dispositions du nouvel article 10 subordonnant l'exercice de ce droit au pouvoir discrétionnaire de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale.
- h) Interdiction des grèves d'après la législation portugaise
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 144. Les plaignants ont allégué que le décret-loi no 23870, du 18 mai 1934, interdit les grèves et les lock-out et prévoit les peines dont sont passibles les personnes coupables de ces " délits ". Entre octobre 1959 et février 1970, ont-ils déclaré, quarante-huit travailleurs ont été condamnés pour " délit de grève ", à des peines d'emprisonnement allant de cinq mois à cinq ans, tandis que le 7 avril 1961 quatorze ouvriers ont été condamnés à trois mois de prison et à la suspension de leurs droits politiques durant trois ans pour avoir déclenché une grève dans les mines de pyrite, à Aljustrel, dans la province d'Alentejo; après jugement, ces quatorze ouvriers ont été relâchés, car ils avaient déjà passé un an en prison.
- 145. Le gouvernement a déclaré qu'à sa connaissance les conventions sur la liberté syndicale ne contiennent pas de directives en matière de grève et que la législation portugaise prévoit, pour le règlement des conflits du travail, des moyens pacifiques qui ont été systématiquement mis en oeuvre jusqu'ici. En conclusion, le gouvernement a déclaré que l'on étudiait l'adoption de dispositions complémentaires donnant aux travailleurs " des garanties plus efficaces encore, pour ce qui est de leurs revendications sociales, que celles qu'ils ont actuellement ".
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 146. Lorsqu'il a examiné cette allégation dans son 65ème rapport, le comité a indiqué qu'il avait toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux $, et qu'il avait noté à plusieurs reprises a que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense des intérêts professionnels. A cet égard, le comité avait souligné l'importance qu'il attache, lorsque les grèves sont interdites ou sujettes à des restrictions, à ce que des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels, tout en relevant que les restrictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
- 147. Dans le cas particulier, la situation était telle que les grèves et les lock-out étaient entièrement interdits et réprimés par le décret-loi no 23870, du 18 mai 1934 s. Ainsi, la participation à une grève était punie d'une amende de 50 à 1 000 escudos ou d'une peine d'emprisonnement de douze mois au plus; si l'acte était réputé avoir été commis à des fins politiques, le coupable était passible d'une peine de relégation de trois à huit ans et d'une amende de 2 000 escudos au plus. Si la grève avait pour objet d'influer sur les décisions des autorités publiques, la peine applicable était celle de l'emprisonnement de deux à quatre ans. En cas de récidive, la personne ayant commis l'infraction était passible du maximum de la peine.
- 148. Des tribunaux du travail ont été créés par le décret-loi no 24363, du 15 août 1934, et tous les différends du travail sont obligatoirement soumis à la juridiction des tribunaux en question, qui ont des fonctions de conciliation et d'arbitrage. Leurs décisions ont force obligatoire, mais il peut être fait appel devant le Tribunal suprême administratif.
- 149. Le comité a toutefois constaté que le gouvernement a déclaré que l'adoption de dispositions complémentaires en vue d'accroître les garanties accordées aux travailleurs était à l'étude. Le comité a donc estimé qu'au lieu d'examiner quant au fond la procédure appliquée présentement pour le règlement des différends au Portugal, il serait préférable d'attendre le résultat de cette étude et de recommander au Conseil d'administration, à ce stade, d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes qu'il faut, à son avis, avoir présents à l'esprit à ce sujet.
- 150. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- a) de prendre note, en ce qui concerne les moyens de règlement des conflits prévus par la législation portugaise, de la déclaration du gouvernement selon laquelle est à l'étude l'adoption de dispositions complémentaires qui donnent aux travailleurs des garanties plus efficaces encore, pour ce qui est de leurs revendications sociales, que celles qu'ils ont actuellement;
- b) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que le droit de grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations, et sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel, lorsque les grèves sont restreintes ou interdites, ces restrictions ou interdictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'un système d'arbitrage indépendant et impartial;
- c) d'exprimer l'espoir que le gouvernement tiendra pleinement compte de ce principe lors de l'examen de la situation qui, selon ses déclarations, a présentement lieu en vue d'adopter des dispositions complémentaires relatives aux moyens de règlement des conflits, et de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de tout fait nouveau en la matière.
- ......................................................................................................................................................
- 151. Lorsque le comité a réexaminé cet aspect du cas dans son 105ème rapport, il était saisi d'un certain nombre d'observations formulées par le gouvernement dans sa communication du 23 janvier 1968.
- 152. Au sujet de cet aspect de l'affaire, le gouvernement commençait par indiquer qu'il est tout à fait partisan du principe énoncé dans la deuxième partie du paragraphe b) des conclusions précitées. Il déclarait ensuite que, conformément à de nouvelles dispositions, les conseils des corporations (ou du moins de certaines d'entre elles) étaient chargés " de traiter les questions d'intérêt général pour la branche d'activité, ainsi que pour les travailleurs, dans le cadre des attributions de la corporation qui rendent celle-ci compétente en matière de conciliation, tant que d'autres organismes ne seront pas constitués ".
- 153. Le gouvernement a fait valoir que ce système constitue un moyen rapide " et qui assure la participation des intéressés " pour la solution des conflits collectifs. Il admettait, cependant, que ledit système puisse être encore perfectionné et il indiquait que la possibilité d'attribuer les fonctions de conciliation à d'autres organes des corporations était à l'étude.
- 154. D'après le gouvernement, la législation actuelle accorde aux travailleurs et aux entreprises la possibilité de demander à un organe paritaire des corporations, s'ils le désirent, " la conciliation et l'arbitrage nécessaires ".
- 155. Le gouvernement ajoutait qu'il s'était efforcé, par la promulgation de lois sociales avancées, d'éliminer le plus possible les causes d'éventuels conflits collectifs. Il déclarait qu'au cours des dernières années aucun conflit pouvant être qualifié de " conflit collectif " et imposant " l'adoption de mesures autres que les moyens normaux de conciliation " ne s'était produit.
- 156. Le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prendre note des informations fournies par le gouvernement au sujet des méthodes de règlement des conflits du travail et de prier ce dernier de bien vouloir le tenir au courant de toute évolution de la situation en la matière.
- 3. Portée des modifications introduites par la nouvelle législation
- 157. Le comité note que le décret-loi no 49058 ne concerne pas cet aspect du cas. D'autre part, le décret-loi no 49212 impose l'arbitrage obligatoire lorsque, en cas d'échec de la négociation collective et de la conciliation, l'une quelconque des parties le demande.
- 4. Conclusions
- 158. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler une fois de plus l'attention du gouvernement sur le fait que le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations est, à son avis, un moyen légitime de défendre leurs intérêts professionnels et qu'il serait par conséquent nécessaire de modifier la législation actuelle, le décret-loi no 23870 en particulier, qui interdit toute grève.
- i) Le droit d'association des travailleurs aborigènes dans les " provinces portugaises d'outremer "
- 1. Allégations et réponse du gouvernement
- 159. Il était dit dans la plainte que la législation métropolitaine sur les syndicats s'applique aux provinces d'outre-mer, mais uniquement aux personnes de descendance européenne et aux assimilados. D'après les plaignants, les chiffres du recensement publiés en 1958 montrent qu'il existait, en Angola, en Mozambique et dans les autres " provinces d'outre-mer ", 131 022 Européens, 96 207 assimilados et 10 690 451 autres habitants. Le décret-loi no 39660, du 20 mai 1954, dispose, selon les plaignants, que les non-assimilés, c'est-à-dire plus de 99 pour cent de la population non européenne, n'ont pas le droit de s'affilier à une organisation syndicale.
- 160. Le gouvernement a déclaré, dans sa réponse, que le Statut des indigènes a été abrogé et que " la population portugaise se trouve désormais tout entière soumise à une même législation politique, cela sans distinction de race, de religion ou de tradition culturelle prédominante ".
- 2. Conclusions adoptées par le comité à ses sessions antérieures
- 161. Lorsque le comité a examiné pour la première fois cet aspect du cas, il a relevé que, selon le décret-loi no 39660, du 20 mai 1954, relatif à la liberté syndicale, " tous les citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques " sont autorisés à constituer des associations, sous réserve des conditions énoncées dans le décret-loi et de l'approbation des statuts par les autorités publiques. Ce décret-loi est encore en vigueur. Le Statut des indigènes, qui a été abrogé, constituait le décret-loi no 39666, du 20 mai 1954 également. Le comité ayant considéré que la situation légale n'était pas claire, il a recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement d'expliquer dans quelle mesure, à la suite de l'abrogation du Statut des indigènes, les populations aborigènes des " provinces d'outre-mer " jouissent maintenant du droit de créer des syndicats et de s'y affilier aux termes de la législation et si elles peuvent exercer ce droit dans la pratique.
- 162. Lorsque le cas a été réexaminé par le comité à sa session du mois de mai 1963, il était saisi d'une communication du gouvernement, en date du 26 mars 1963, dans laquelle celui-ci indiquait que, par suite de l'abrogation du Statut des indigènes le 6 septembre 1961, la législation sociale, qui n'était applicable auparavant qu'aux autres personnes que celles qui sont classées comme indigènes, est devenue applicable ipso jure à tous les travailleurs des " provinces d'outre-mer ". Le gouvernement attirait également l'attention sur le fait que les termes " indigènes " et " personnes indigènes " ne sont pas synonymes, le Statut des indigènes ayant été appliqué seulement en vue de protéger ceux dont le statut impliquait une situation de responsabilités réduites et que, dans la pratique, le statut, même avant son abrogation, n'était pas appliqué aux nombreuses personnes indigènes dont la culture et le niveau social permettaient d'appliquer entièrement le droit portugais public ou privé. Le Code du travail rural, du 27 avril 1962, s'applique aux relations de travail sans distinction de sexe, de race, d'origine ou de condition sociale. Le gouvernement a déclaré en outre que les dispositions législatives précédentes excluant les " indigènes " de l'application du décret-loi no 23050 sur les syndicats nationaux n'ont plus de signification et que la disposition de base concernant la liberté d'association contenue à l'article 8, paragraphe 14, de la Constitution portugaise, ainsi que les dispositions du décret-loi no 23050 concernant les syndicats nationaux, sont maintenant en vigueur pour tous les travailleurs des " provinces d'outre-mer ", indépendamment de leur origine, de leur race ou de leur condition sociale. Il est donc évident, concluait le gouvernement, que le droit dont jouissent tous les habitants des " provinces d'outre-mer " de constituer légalement des syndicats et d'y adhérer peut être effectivement exercé dans la pratique.
- 163. Sur la recommandation du comité, le Conseil d'administration a pris note de cette déclaration du gouvernement.
- 3. Mesure dans laquelle la législation sur les syndicats est appliquée dans les a provinces portugaises d'outre-mer "
- 164. Le comité désire rappeler, à ce stade, que la situation de tous les travailleurs des " provinces portugaises d'outre-mer " à l'égard de la législation sur les syndicats, telle qu'elle a été exposée plus haut sur la base des informations fournies par le gouvernement, a été confirmée par la commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT pour examiner la plainte déposée contre le gouvernement du Portugal au sujet de l'observation de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, lorsqu'elle a invoqué " l'absence de tout élément de discrimination raciale dans la législation relative aux syndicats et dans leur structure formelle ".
- 165. Il résulte de cette situation légale que les changements apportés à la législation sur les syndicats par le décret-loi no 49058 et le décret-loi no 49212 concernent également tous les travailleurs des " provinces d'outre-mer ", de sorte que les conclusions du comité relatives aux allégations énumérées ci-dessus, sous a) à h), sont également applicables aux organisations de travailleurs de ces territoires.
- 166. Toutefois, bien que la législation sur les syndicats soit désormais la même dans la métropole que dans les " provinces d'outre-mer ", l'état de fait, en ce qui concerne l'application de cette législation dans lesdits territoires, n'est pas encore clair. A ce propos, le comité désire attirer l'attention sur un passage du préambule du projet de décret-loi no 49058, qui mentionne, en termes généraux, " certaines difficultés ayant surgi entre-temps dans l'application pratique de divers textes concernant directement ou indirectement le droit syndical, ainsi que les problèmes découlant de l'extension, aux provinces d'outre-mer, de certains textes fondamentaux sur les relations de travail, de l'abrogation du Statut des indigènes et de l'extension du ressort de certains syndicats aux provinces d'outre-mer ".
- 167. A ce sujet, le comité fait également observer que la commission susmentionnée, instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, avait indiqué, tout en précisant qu'elle n'était pas en mesure de présenter un tableau complet de la situation, qu'elle avait la nette impression que " les syndicats existants ne représentent pas efficacement, en fait, les travailleurs africains".
- 4. Conclusions
- 168. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de rappeler que, par suite de l'abrogation du Statut des indigènes le 6 septembre 1961:
- i) la notion de " travailleurs indigènes " a disparu de la législation portugaise;
- ii) tous les travailleurs des "provinces portugaises d'outre-mer", sans distinction, sont couverts par la même législation syndicale que celle qui est applicable à la métropole;
- b) de souligner que toutes les recommandations contenues dans le présent rapport s'appliquent ipso facto, sans distinction, aux " provinces portugaises d'outre-mer ";
- c) d'insister sur le fait que, pour compléter la garantie de l'égalité devant la loi dans les questions syndicales, des mesures devraient être prises afin d'offrir des possibilités réelles à tous les travailleurs des " provinces portugaises d'outre-mer " de créer des organisations de leur propre choix, de s'y affilier et de participer pleinement au mouvement syndical.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- Conclusions générales
- 169 Le comité tient à rappeler, à ce stade, que le gouvernement a déclaré, dans sa communication du 23 janvier 1968, qu'il était " disposé à fournir tout autre élément qui pourrait encore être considéré comme utile et à faciliter toute appréciation directe que le Comité de la liberté syndicale pourrait vouloir porter sur la réalité sociale du Portugal ". A sa 172ème session (mai juin 1968), le Conseil d'administration a pris note avec intérêt de cette déclaration du gouvernement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 170. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) au sujet des allégations relatives à la limitation du nombre des organisations syndicales qui peuvent être constituées:
- 1) de prendre note des modifications suivantes introduites dans la législation:
- i) les dispositions de l'article 1 du décret-loi no 23050, aux termes desquelles un syndicat ne pouvait être créé que par plus de cent travailleurs exerçant la même profession, ont été abrogées;
- ii) les dispositions de l'article 3 ont été modifiées de façon à permettre aux syndicats d'avoir un ressort territorial dépassant les limites du district;
- iii) l'article 3 a été modifié en outre de façon à permettre à un syndicat de représenter plus d'une catégorie professionnelle dans le même district ou à deux syndicats, voire davantage, de représenter la même catégorie professionnelle dans le même district;
- 2) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que, de l'avis du comité, pour donner effet au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer des organisations de leur choix et celui de s'affilier à ces organisations sans autorisation préalable, il serait nécessaire de prendre encore les mesures suivantes:
- i) supprimer les dispositions de l'article 3 en vertu desquelles l'agrément d'une autorité publique doit être obtenu avant qu'un syndicat puisse représenter plus d'une catégorie professionnelle dans le même district ou que deux syndicats, voire davantage, puissent représenter la même catégorie professionnelle dans le même district;
- ii) éliminer les restrictions mises aux syndicats par l'article 4, aux termes duquel seuls peuvent exister légalement des syndicats ayant une dimension et une capacité financière d'un niveau minimum;
- b) au sujet des allégations relatives à l'obligation de soumettre les statuts des syndicats à l'approbation des autorités:
- 1) de prendre note des modifications suivantes apportées à l'article 15 du décret-loi no 23050:
- i) suppression de l'alinéa e), qui portait qu'un syndicat ne pouvait se faire verser par ses sections plus de 50 pour cent des cotisations perçues par elles;
- ii) suppression des alinéas b) et c), qui demandaient l'insertion dans les statuts des syndicats d'un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise, ainsi que la reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes;
- 2) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il serait nécessaire, à son avis, pour donner effet aux principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur activité et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, la législation nationale ne devant porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte à l'exercice effectif de ce droit, de prendre encore les mesures suivantes:
- i) supprimer les dispositions de l'article 9 du décret-loi no 23050, aux termes desquelles: " les syndicats nationaux doivent subordonner leurs intérêts respectifs aux intérêts de l'économie nationale ";
- ii) supprimer les dispositions de l'article 18, paragraphe 3, du décret-loi no 23050, selon lesquelles les statuts d'un syndicat ne peuvent être approuvés que sur le vu d'un rapport de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale indiquant que l'organisation syndicale projetée " est favorable aux intérêts économiques et sociaux de la communauté ";
- c) au sujet des allégations relatives aux restrictions mises au droit des syndicats d'élire leurs représentants:
- 1) de prendre note des changements apportés à la législation, mentionnés ci-après:
- i) le décret-loi no 25116 a été abrogé et l'article 15, paragraphe 5, du décret-loi no 23050 a été modifié, l'ancien système d'homologation ministérielle des résultats des élections syndicales étant remplacé par un système de vérification des conditions d'éligibilité des candidats par des commissions de vérification élues lors des assemblées générales des syndicats;
- ii) le décret-loi no 32820 a été abrogé et l'article 21 du décret-loi no 23050 a été modifié, l'ancien système, qui permettait de substituer aux organes de direction élus des syndicats des personnes désignées par le gouvernement, étant remplacé par un nouveau système prévoyant la suspension et la destitution de membres des organes de direction par voie d'action en justice;
- 2) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'opportunité des mesures suivantes:
- i) pour éviter le risque de limiter gravement le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, les plaintes présentées aux tribunaux du travail par l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, conformément au paragraphe 8 du nouvel article 15, pour contester les résultats d'élections syndicales ne devraient pas avoir pour effet - avant l'achèvement des procédures judiciaires - de suspendre la validité desdites élections;
- ii) pour éviter un risque analogue en ce qui concerne le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, ainsi que le droit des syndicats d'organiser leur administration et leurs activités, il serait nécessaire de supprimer les dispositions contenues dans le nouvel article 10, qui prescrivent le respect " des intérêts supérieurs de la nation et du bien commun ", sur la base desquelles les tribunaux du travail doivent décider si la conduite de responsables syndicaux justifie leur destitution, étant donné que lesdites dispositions sont rédigées en termes si larges qu'elles ne peuvent fournir de critères précis pour les décisions judiciaires;
- d) au sujet des allégations relatives à la suspension et à la dissolution d'organisations syndicales par voie administrative:
- 1) de noter les modifications apportées à l'article 10 du décret-loi no 23050, dont les dispositions sur la dissolution " immédiate " des syndicats par voie administrative ont été supprimées;
- 2) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, pour assurer une meilleure application du principe selon lequel les organisations syndicales ne doivent pas être dissoutes ou suspendues par voie administrative, il serait nécessaire de modifier le nouvel article 20 du décret-loi no 23050 dans le sens suivant: Toute décision prise par une autorité non judiciaire telle que le Conseil corporatif et visant à dissoudre un syndicat ne pourra prendre effet que lorsque le délai d'appel sera écoulé sans qu'un appel contre cette décision ait été effectivement interjeté, ou lorsque la décision considérée aura été confirmée par un jugement du tribunal;
- e) au sujet des allégations relatives aux cotisations syndicales obligatoires:
- - d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis, pour assurer une application plus complète du principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et d'y adhérer, il serait nécessaire de modifier le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, dans le sens d'une suppression de l'obligation imposée à tous les travailleurs de la catégorie visée de verser des cotisations à un syndicat national unique qui aurait été autorisé à se constituer dans une branche professionnelle et dans un district donnés;
- f) au sujet des allégations relatives au contrôle des négociations collectives et à l'homologation des conventions collectives par l'autorité gouvernementale:
- 1) de noter qu'en vertu du décret-loi no 49212 l'intervention obligatoire de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, dans l'élaboration des conventions collectives, la direction des négociations et la rédaction des clauses, a été remplacée par une intervention facultative pouvant être demandée par l'organisme corporatif et destinée à octroyer, en particulier, une assistance de caractère juridique et technique aux parties;
- 2) de signaler à l'attention du gouvernement que le décret-loi no 49212 n'a pas modifié la situation antérieure en ce qui concerne la nécessite de l'homologation ministérielle pour l'entrée en vigueur d'une convention collective, et d'inviter une fois de plus le gouvernement à bien vouloir indiquer si le ministre compétent peut refuser ladite homologation et, dans l'affirmative, dans quelles conditions et pour quels motifs, et s'il existe des voies de recours contre le refus d'homologation;
- g) au sujet des allégations relatives aux restrictions du droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs:
- - de recommander au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'il serait à son avis nécessaire, afin de donner plein effet au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales doivent avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, de supprimer les dispositions du nouvel article 10 subordonnant l'exercice de ce droit au pouvoir discrétionnaire de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale;
- h) au sujet des allégations relatives à l'interdiction des grèves d'après la législation portugaise:
- - de recommander au Conseil d'administration d'appeler une fois de plus l'attention du gouvernement sur le fait que le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations est, à son avis, un moyen légitime de défendre leurs intérêts professionnels et qu'il serait par conséquent nécessaire de modifier la législation actuelle, le décret-loi no 23870 en particulier, qui interdit toute grève;
- i) au sujet des allégations relatives au droit d'association des travailleurs aborigènes dans les " provinces portugaises d'outre-mer ":
- 1) de rappeler que, par suite de l'abrogation du Statut des indigènes le 6 septembre 1961:
- i) la notion de " travailleurs indigènes " a disparu de la législation portugaise;
- ii) tous les travailleurs des " provinces portugaises d'outre-mer ", sans distinction, sont couverts par la même législation syndicale que celle qui est applicable à la métropole;
- 2) de souligner que toutes les recommandations contenues dans le présent rapport s'appliquent ipso facto, sans distinction, aux " provinces portugaises d'outre-mer ";
- 3) d'insister sur le fait que, pour compléter la garantie de l'égalité devant la loi dans les questions syndicales, des mesures devraient être prises afin d'offrir des possibilités réelles à tous les travailleurs des " provinces portugaises d'outre-mer " de créer des organisations de leur propre choix, de s'y affilier et de participer pleinement au mouvement syndical.
- Genève, 25 février 1970. (Signé) Roberto AGO, Président.