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- 472. La plainte présentée conjointement par la Confédération internationale des syndicats libres (C.I.S.L) et la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C) a été adressée directement à l'O.I.T par télégramme le 27 avril 1962. Dans une communication conjointe du 23 mai 1962, la C.I.S.L et la C.I.S.C ont fourni des informations complémentaires à l'appui de leur plainte. Le gouvernement espagnol a fait parvenir ses observations sur ces deux communications dans une lettre du 31 juillet 1962.
473. Dans leur télégramme du 27 avril 1962, les plaignants allèguent que quarante-sept mineurs ont été détenus à l'occasion d'une grève dans les mines asturiennes et qu'une concentration massive de la police, de la garde civile et de l'armée a servi à intimider les grévistes.
473. Dans leur télégramme du 27 avril 1962, les plaignants allèguent que quarante-sept mineurs ont été détenus à l'occasion d'une grève dans les mines asturiennes et qu'une concentration massive de la police, de la garde civile et de l'armée a servi à intimider les grévistes.- 474. Dans leur communication du 23 mai 1962, qui contient des informations complémentaires, les plaignants allèguent que le 7 avril 1962 les mineurs du puits nommé Nicolasa, de la société minière et sidérurgique Fábrica de Mieres, S.A., à Mieres (Asturies) ont déclenché une grève sur le tas pour protester contre un projet de convention collective qui ne répondait pas à leur demande, et que l'entreprise a réagi en décidant de licencier sept travailleurs du fond, à la suite de quoi le mouvement de grève s'est étendu à toute la région minière des Asturies et aux entreprises métallurgiques de la même région, affectant près de soixante-dix mille travailleurs. Les plaignants ajoutent qu'après trois semaines d'action pacifique de revendications, le gouvernement a laissé entrevoir que les revendications salariales de ces travailleurs seraient partiellement satisfaites, mais qu'en même temps, des renforts considérables de troupe et de police avaient été envoyés dans les Asturies, où l'on avait procédé à de nombreuses arrestations. Toujours selon les plaignants, des mouvements de protestation revendicatrice se sont manifestés au même moment dans les provinces de Guipúzcoa et de Biscaye, mouvements auxquels le gouvernement a réagi en décrétant l'état d'exception dans ces deux provinces et dans les Asturies pour une période de trois mois. Les plaignants ajoutent que le mouvement de grève s'est étendu à d'autres provinces et régions du pays, les travailleurs agricoles des provinces de Cadix et de Murcie, des mineurs des provinces de Cordoue, de Jaén, de Huelva, de Ciudad Real et de León, des travailleurs de l'industrie métallurgique et de l'industrie textile de la Catalogne et de différentes industries de Madrid s'étant à leur tour mis en grève. Ils déclarent que la multiplication des mouvements de grève trouve son origine dans la réaction vigoureuse des travailleurs espagnols devant l'imposition de contrats collectifs qui, négociés à leur insu par l'organisation syndicale verticale, servent en réalité à bloquer leurs salaires et à entraver l'amélioration de leurs conditions de vie. Les plaignants évaluent à cent mille le nombre des grévistes et à un millier le nombre des travailleurs qui ont été victimes des arrestations et des déportations, et déclarent que des amendes ont également été infligées aux grévistes et que d'autres mesures d'intimidation et de violence ont été prises contre ces derniers. Ils allèguent, d'autre part, que, pendant toute la durée des grèves, la Central Nacional Sindicalista a été engagée dans des actions servant la politique du gouvernement contre les grévistes, que son chef, M. José Solis Ruiz, s'est fait le porte-parole des buts du gouvernement et s'est efforcé de persuader les ouvriers de reprendre le travail sans que leurs revendications soient satisfaites, et déclarent qu'à leur avis, il n'existe pas de syndicat authentique qui, soit pendant les périodes de relations industrielles normales, soit dans des situations de conflit industriel, serait en mesure de défendre les droits des travailleurs.
- 475. Tout en reconnaissant, dans sa communication du 31 juillet 1962, que le conflit a commencé dans l'entreprise mentionnée par les plaignants, le gouvernement déclare qu'il n'a pas été provoqué par une opposition à l'établissement d'une convention collective, mais au contraire par le désir de voir cette convention signée et mise en pratique rapidement, et ce parce que les ouvriers de l'industrie métallurgique, dont les salaires sont inférieurs à ceux des mineurs, avaient conclu dans certaines entreprises des conventions collectives qui fixent des salaires plus élevés que ceux que touchent les mineurs de la région et que ces derniers, « s'appuyant sur la tradition qui leur confère une situation supérieure », ont fait valoir la nécessité de l'établissement de nouvelles conventions collectives qui leur fussent favorables. Des négociations furent donc entamées, mais pour qu'elles puissent aboutir à un relèvement des salaires des mineurs, il était indispensable que le prix du charbon fût augmenté au préalable. Le gouvernement ajoute que, bien qu'elle ait été étendue, la grève n'a nullement touché toutes les activités minières et métallurgiques de la région; que dans la province de Cadix, le mouvement de grève s'est limité aux villages voisins de Jerez de la Frontera; que, dans les provinces de Cordoue et de Jaén, il ne s'est produit aucun conflit du travail, que, dans la province de Valence, une seule grève a été déclenchée, à savoir dans une entreprise de Sagunto, où le travail a repris dans les vingt-quatre heures; qu'il est faux de prétendre que les grèves se sont produites dans les mines de mercure d'Almadén (Ciudad Real); que, dans la province de Murcie, la grève n'a consisté qu'en un incident dans deux entreprises industrielles, incident qui, dans les deux cas, a été réglé dans la même journée, et en une grève des travailleurs agricoles de la commune d'Aguilas, laquelle a également été réglée de manière satisfaisante; que l'ampleur des conflits du travail a été très limitée dans la province de Barcelone, qui est la plus industrielle d'Espagne, de même que dans la province de Madrid, où un seul centre de travail a vu ses activités paralysées. Quant au nombre des grévistes, le gouvernement fait remarquer qu'en raison du déroulement échelonné des événements, il est impossible que cent mille travailleurs se soient mis en grève simultanément et que même en tenant compte de tous les arrêts du travail, le nombre total des grévistes n'a pas atteint ce chiffre. Il ajoute que, quand bien même il en aurait été ainsi, ce chiffre ne représenterait même pas 1 pour cent du nombre total des travailleurs espagnols. Dans sa communication, le gouvernement déclare également qu'il est faux de prétendre que des amendes ont été infligées à des travailleurs pour le seul fait d'avoir participé aux grèves et que ce n'est seulement qu'à la suite de délits visés par la loi sur l'ordre public qu'un nombre, du reste limité, d'amendes ont été infligées; que personne n'est détenu sur son ordre pour avoir participé aux grèves et que les quelques arrestations opérées ont été suivies de la remise en liberté immédiate des intéressés, lorsqu'on ne pouvait reprocher à ceux-ci aucune activité délictueuse; qu'au total quatre-vingt-quatorze personnes ont été mises à la disposition des tribunaux compétents, dont vingt-sept ont été inculpées pour activités au sein du Parti communiste et soixante-sept pour activités au sein du Front de libération populaire; que le nombre des personnes mises en résidence surveillée - sans autre limitation de leurs libertés que l'obligation de ne pas quitter leur domicile - est de six, et qu'il convient de souligner que l'action du gouvernement n'a en aucun cas entraîné des dommages corporels et que la reprise du travail n'a jamais été imposée par la force.
- 476. Le gouvernement affirme également qu'aucun soldat n'a été mobilisé à l'occasion des grèves et que « si quelques détachements de police ont été envoyés sur les lieux où elles avaient été déclenchées, cette décision n'a été prise qu'en vue d'en assurer le déroulement pacifique et d'éviter les complications auxquelles aurait pu donner lieu l'intervention de groupes politiques communistes d'agitation». Pour ce qui est de la suspension de certaines garanties constitutionnelles, le gouvernement déclare que, comme dans les autres pays libres, la faculté de prendre une telle mesure lui est reconnue par le droit positif, qu'elle est soumise à une série de formalités qui ont été scrupuleusement observées et qu'il a fait usage de ses pouvoirs exceptionnels d'une manière pondérée.
- 477. En ce qui concerne les activités déployées par l'Organisation syndicale espagnole durant les grèves en question, le gouvernement déclare que l'action de ladite organisation a permis dans bien des cas de canaliser les pétitions des grévistes, voire d'aboutir à l'établissement de nouvelles conventions collectives, dont quelques-unes ont déjà été signées, alors que d'autres sont encore en cours de négociation. A l'appui de cette affirmation, le gouvernement signale que, durant le deuxième trimestre de 1962, c'est-à-dire à partir du mois où le conflit a pris naissance, 429 conventions collectives, visant 571.260 travailleurs, ont été conclues, contre 241 au cours du premier trimestre, et que 659 autres conventions, intéressant 739.048 travailleurs, sont en cours de négociation. Quant aux activités de M. Solis, le gouvernement déclare que l'intéressé était délégué national des syndicats avant d'être nommé ministre et qu'il n'a pas été désigné pour remplir cette dernière fonction parce qu'il était délégué national des syndicats, le cumul des deux charges étant dû à une « circonstance d'ordre essentiellement personnel et de caractère transitoire ». Selon le gouvernement, M. Solis, en même temps qu'il invitait, sans aucune coercition, les travailleurs à reprendre le travail, facilitait, d'autre part, l'ouverture de conversations en vue de l'établissement de nouvelles conventions collectives et agissait en outre au sein du gouvernement en qualité de médiateur, en obtenant notamment que soit officiellement autorisée la hausse du prix du charbon et que le produit de cette hausse soit affecté intégralement à augmenter les salaires des travailleurs intéressés.
- Imposition de conventions collectives
- 478. Si les plaignants et le gouvernement sont d'accord en ce qui concerne l'entreprise où le conflit a pris naissance, ils attribuent à celui-ci des causes diamétralement opposées. Ainsi, alors que les plaignants allèguent que la grève a été déclenchée pour protester contre un projet de convention collective qui ne répondait pas aux revendications des travailleurs et que l'extension du mouvement de grève a été le résultat de la réaction des travailleurs devant l'imposition de conventions collectives négociées à leur insu par l'organisation syndicale verticale, le gouvernement affirme qu'au contraire, la grève a été provoquée par le désir de voir une convention signée et mise en pratique rapidement, et déclare que dans bien des cas l'action syndicale a permis de canaliser les pétitions des grévistes et d'aboutir à l'établissement de nouvelles conventions collectives en relevant à l'appui de son affirmation que le nombre des conventions collectives conclues ou en cours de négociation durant le deuxième trimestre de 1962 est supérieur au chiffre correspondant pour le premier trimestre de la même année. Devant deux déclarations aussi contradictoires quant à l'influence de la conclusion des conventions collectives sur l'origine et l'extension du conflit, le Comité ne peut que rappeler que dans un cas antérieur qui concernait également l'Espagne, il avait eu l'occasion d'examiner d'une manière approfondie les textes législatifs relatifs aux conventions collectives et qu'il avait noté à cette occasion qu'à la suite de la promulgation de la loi sur les conventions collectives, l'autorisation administrative préalable pour entreprendre des négociations collectives et pour conclure des conventions collectives n'était pas nécessaire, qu'une tendance paraissait se faire jour en Espagne vers une plus large utilisation des négociations et des conventions collectives en vue de fixer par ce moyen les conditions de travail et que, selon la déclaration du gouvernement, les autorités - dont l'approbation préalable était nécessaire pour qu'une convention collective pût entrer en vigueur - n'avaient jamais refusé d'approuver le texte des conventions collectives qui leur était soumis. Le Comité avait cependant formulé à cette occasion certaines recommandations qu'il juge approprié de confirmer dans le présent cas. Ainsi, il avait déclaré en l'occurrence que « la nécessité prévue par la loi d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective est contraire au principe même du régime des négociations volontaires, à savoir: que les syndicats doivent se voir reconnaître le droit, par voie de négociations collectives, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit », et suggéré au gouvernement que, « dans ces conditions, il pourrait vouloir envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à sa législation en vue de mettre cette dernière en harmonie avec les principes rappelés plus haut ».
- 479. Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande au Conseil d'administration de signaler de nouveau au gouvernement que:
- a) la nécessité, prévue par la loi, d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective est contraire au principe même du régime des négociations volontaires, à savoir: que les syndicats doivent se voir reconnaître le droit, par voie de négociations collectives, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit;
- b) dans ces conditions, il pourrait vouloir envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à sa législation en vue de mettre cette dernière en harmonie avec les principes rappelés plus haut.
- Mesures prises en vue de réprimer les grèves
- 480. Les allégations des plaignants et la déclaration du gouvernement diffèrent également beaucoup en ce qui concerne l'ampleur des grèves et les mesures que le gouvernement aurait prises pour réprimer celles-ci. Selon les plaignants, la grève se serait développée tout d'abord dans toute la région minière des Asturies et des entreprises métallurgiques de la même région pour s'étendre ensuite aux provinces de Guipúzcoa et de Biscaye, ainsi qu'à d'autres provinces du pays, notamment à celles de Barcelone et de Madrid, où elle aurait touché différents secteurs de l'industrie et de l'agriculture. Toujours selon les plaignants, le nombre des travailleurs en grève dans les différentes régions d'Espagne se serait élevé à une centaine de milliers et le gouvernement aurait déclaré l'état d'exception dans les Asturies et dans les provinces de Guipúzcoa et de Biscaye, et envoyé des renforts de troupe, de garde civile et de police dans les Asturies. Tout en reconnaissant que la grève a été étendue, le gouvernement nie qu'elle ait touché toutes les activités minières et métallurgiques des Asturies et il affirme que, pour ce qui est de son extension à d'autres régions, l'ampleur du mouvement a été bien moins vaste que ne le prétendent les plaignants, et même très limitée dans les provinces de Barcelone et de Madrid, où un seul centre de travail a vu ses activités paralysées, et que, quoi qu'il en soit, le nombre total des grévistes ne représenterait même pas 1 pour cent de l'effectif global des travailleurs espagnols. Le gouvernement nie également que des renforts de troupe aient été envoyés dans la province des Asturies et affirme qu'aucun soldat n'a été mobilisé à l'occasion des grèves et que si quelques détachements de police ont été dépêchés sur les lieux touchés par les grèves, cette décision n'a été prise qu'en vue d'assurer le déroulement pacifique de celles-ci. Il semble que l'on peut déduire de toutes ces informations que si les grèves n'ont pas eu l'ampleur et la gravité que leur donnent les plaignants, elles n'en ont pas moins été suffisamment importantes - et cette importance est reconnue par le gouvernement - pour inciter les autorités compétentes à déclarer l'état d'exception, même si celui-ci a été limité à certaines provinces et proclamé pour une durée relativement courte.
- 481. Le Comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, et il a noté à plusieurs reprises que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense des intérêts professionnels. A cet égard, le Comité a souligné l'importance qu'il attache, lorsque les grèves sont interdites ou sujettes à des restrictions, à ce que des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels et a relevé que les restrictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
- 482. Dans le cas relatif à l'Espagne, mentionné plus haut, le Comité a eu également l'occasion d'examiner des allégations ayant trait à l'interdiction de la grève dans ce pays et il a déclaré à ce propos que la législation espagnole en matière de grève risque d'être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue, ce qui n'est pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale, et suggéré au gouvernement que, dans ces conditions, il voudrait peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à cette législation.
- 483. Dans le présent cas, le Comité estime que, étant donné qu'aucune modification ne semble avoir été apportée à la législation espagnole relative à l'interdiction des grèves depuis la dernière fois qu'il a eu l'occasion d'examiner ce problème à propos d'un autre cas ayant trait à l'Espagne, il doit attirer de nouveau l'attention sur le fait qu'il serait opportun de modifier la législation actuelle à la lumière des principes énoncés ci-dessus.
- 484. Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement d'étudier la possibilité de modifier la législation relative à l'interdiction de la grève, à la lumière des principes énoncés au paragraphe 481.
- Détentions et déportations motivées par la grève
- 485. Les plaignants déclarent que le gouvernement a arrêté et déporté environ un millier de travailleurs et qu'il a également infligé des amendes aux grévistes et pris d'autres mesures d'intimidation et de violence contre ces derniers. Le gouvernement dément que les travailleurs se soient vu infliger des amendes ou aient été arrêtés pour le seul fait d'avoir participé aux grèves; il ajoute que les quelques personnes qui ont été arrêtées et qui n'ont pas été reconnues coupables d'un délit ont été remises en liberté immédiatement, et que les quatre-vingt-quatorze personnes inculpées et les six personnes mises en résidence surveillée l'ont été pour activité au sein du Parti communiste ou du Front de libération populaire.
- 486. Lorsque, dans des cas précédents, les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales en déclarant que les personnes en cause avaient en fait été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations et sur les motifs exacts de celles-ci. Si, dans certains cas, le Comité a conclu que des allégations relatives aux arrestations ou aux détentions de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations établissant de façon suffisamment évidente et précise que les arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec des activités syndicales, mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, qui nuisaient à l'ordre public ou revêtaient un caractère politique.
- 487. Dans le présent cas, le gouvernement se borne à déclarer que les intéressés ont été arrêtés ou mis en résidence surveillée parce que leurs activités communistes ou procommunistes constituaient un délit de subversion politique.
- 488. Le Comité estime que, pour pouvoir se faire une opinion en pleine connaissance de cause et déterminer si les allégations formulées sont justifiées ou non, il serait nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations plus précises sur les motifs qui sont à l'origine de la détention de quatre-vingt-quatorze personnes et la déportation de six autres, notamment des renseignements exacts sur les agissements ou les activités dont ces personnes seraient responsables.
- 489. Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui fournir les informations mentionnées au paragraphe antérieur, et décide d'ajourner en attendant l'examen de cet aspect du cas.
- Intervention du gouvernement dans l'organisation syndicale
- 490. Selon les plaignants, la Central Nacional Sindicalista a été tout au long des grèves engagée dans des actions servant la politique du gouvernement contre les grévistes, et son chef, M. Solis, s'est fait le porte-parole des buts du gouvernement en s'efforçant de persuader les ouvriers de reprendre le travail sans que leurs revendications soient satisfaites. De l'avis des plaignants, il n'existe pas de syndicats authentiques qui, soit pendant des périodes de relations industrielles normales, soit dans des situations de conflits industriels, seraient en mesure de défendre les droits des travailleurs. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'au contraire, l'action de l'organisation syndicale espagnole s'est révélée utile dans bien des cas, qu'elle a permis l'établissement de nouvelles conventions collectives et que M. Solis, délégué national des syndicats, dont la présence au gouvernement en qualité de ministre est due à une circonstance d'ordre essentiellement personnel et de caractère transitoire, en même temps qu'il invitait sans aucune coercition les travailleurs à abandonner « leur attitude d'inactivité » facilitait l'ouverture de négociations en vue de l'établissement de nouvelles conventions collectives et agissait au sein du gouvernement en qualité de médiateur, en obtenant que soit officiellement autorisée la hausse du prix du charbon et que le produit de cette hausse soit affecté intégralement à augmenter les salaires des travailleurs intéressés.
- 491. Le Comité rappelle que, dans un cas antérieur relatif à l'Espagne, il a eu l'occasion d'examiner en détail la question de l'intégration des organisations syndicales à l'appareil de l'Etat, et qu'il avait alors formulé certaines recommandations qu'il estime approprié de répéter une nouvelle fois, étant donné que la structure syndicale en Espagne semble n'avoir pas changé depuis lors.
- 492. Etant donné ce qui précède, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement espagnol sur les recommandations formulées au paragraphe 187 b) et c) de son vingt-septième rapport, telles qu'elles ont été approuvées par le Conseil à sa 137ème session (octobre 1957); ces recommandations étaient ainsi conçues
- 187. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- ....................................................................................................................................................
- b) d'attirer l'attention du gouvernement espagnol sur la contradiction fondamentale entre la législation en vigueur en Espagne et les principes de la liberté syndicale qui sont consacrés par la Constitution de l'O.I.T dans son préambule, la Déclaration de Philadelphie et les conventions sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; de faire un pressant appel auprès du gouvernement pour que celui-ci modifie sa législation afin de la rendre compatible avec ces principes et, en particulier, avec les principes selon lesquels:
- i) les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations;
- ii) ces organisations devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- iii) ces organisations ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
- c) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session, en 1952, dans sa résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, aux termes de laquelle les gouvernements « ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques » et « ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique ».
- Envoi d'une commission d'enquête
- 493. Dans leur communication du 27 avril 1962, les plaignants demandent qu'une commission d'enquête soit envoyée d'urgence en Espagne pour vérifier les mesures de répression que le gouvernement espagnol aurait prises à l'occasion de la grève. Cette de mande a été confirmée par les plaignants dans leur deuxième communication du 23 mai 1962. Dans sa réponse du 31 juillet 1962, le gouvernement déclare que cette prétention, « exprimée en des termes aussi absolus et vexatoires, est inadmissible », et il ajoute qu'« il y a lieu à ce propos de se rappeler le ton bien différent du projet de résolution soumis à la dernière session de la Conférence internationale du Travail, qui suggérait au Conseil d'administration d'envisager l'opportunité d'une extension de la procédure actuelle du Comité de la liberté syndicale, qui pourrait, dans certaines circonstances, être autorisé à « demander au gouvernement intéressé d'inviter des représentants du Comité à procéder sur place à une enquête » ». Le gouvernement ajoute que « ce projet de résolution, sur lequel d'ailleurs la Conférence n'est pas parvenue à se prononcer, est rédigée dans une forme beaucoup plus respectueuse de la souveraineté nationale et offre un contraste frappant avec la recommandation formulée par les plaignants ».
- 494. Le Comité a ajourné l'examen de la possibilité d'une forme quelconque d'enquête en attendant de recevoir les informations complémentaires qu'il a recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement.
495. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
495. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:- a) de signaler au gouvernement que la nécessité, prévue par la loi, d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective est contraire au principe même du régime des négociations volontaires, à savoir: que les syndicats doivent se voir reconnaître le droit, par voie de négociation collective, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit, et de lui suggérer que, dans ces conditions, il pourra vouloir envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à sa législation, en vue de mettre cette dernière en harmonie avec les principes rappelés plus haut;
- b) de signaler au gouvernement - étant donné que le Comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, mais seulement dans ce cas - que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grèves risque d'être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue, et par là de mettre en cause l'exercice des droits syndicaux, et que, dans ces conditions, il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés à cette législation des amendements appropriés, à la lumière des principes énoncés au paragraphe 481;
- c) de prier le gouvernement de lui faire parvenir le plus rapidement possible des informations plus précises sur les motifs qui sont à l'origine de la détention des quatre-vingt-quatorze personnes et la déportation de six autres, notamment des renseignements exacts sur les agissements ou les activités dont ces personnes seraient responsables, et de décider d'ajourner en attendant l'examen de cet aspect du cas;
- d) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement espagnol sur les recommandations qu'il a formulées au paragraphe 187 b) et c) de son vingt-septième rapport, recommandations qui ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 137ème session (octobre 1957) et qui étaient conçues dans les termes suivants
- 187. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- b) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement espagnol sur la contradiction fondamentale entre la législation en vigueur en Espagne et les principes de la liberté syndicale qui sont consacrés par la Constitution de l'O.I.T dans son préambule, la Déclaration de Philadelphie et les conventions sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; de faire un pressant appel auprès du gouvernement pour que celui-ci modifie sa législation afin de la rendre compatible avec ces principes et, en particulier, avec les principes selon lesquels:
- i) les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations;
- ii) ces organisations devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- iii) ces organisations ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
- c) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session, en 1952, dans sa résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, aux termes de laquelle les gouvernements « ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques » et « ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique ».