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Rapport définitif - Rapport No. 71, 1963

Cas no 317 (Norvège) - Date de la plainte: 10-DÉC. -62 - Clos

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  1. 13. La plainte de la Société norvégienne des pharmaciens est contenue dans une communication en date du 10 décembre 1962 adressée directement à l'O.I.T. Cette plainte ayant été transmise au gouvernement pour observations, ce dernier a fait parvenir sa réponse par une communication en date du 29 avril 1963.
  2. 14. La Norvège a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (no 87), de même que la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (no 98).

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 15. Les plaignants déclarent que la convention collective sur les salaires et les conditions d'emploi qui avait été conclue entre la Société norvégienne des pharmaciens et l'Association norvégienne des pharmaciens est venue à expiration le 3 septembre 1962 et que, depuis cette date, aucun accord ne s'étant fait relativement à une nouvelle convention collective, tous les membres de la Société norvégienne des pharmaciens, employés dans des pharmacies, ont donné leur congé à partir de cette date. Après un certain nombre de réunions tenues au ministère des Affaires municipales et du Travail et après qu'une médiation publique eut été tentée sans succès, les plaignants allèguent qu'ils auraient été informés que le gouvernement, contrairement à la pratique habituelle, avait l'intention de prendre un arrêté interdisant à la Société norvégienne des pharmaciens de provoquer une grève et prévoyant que le différend serait soumis à l'arbitrage obligatoire du Conseil national des salaires. Malgré les protestations de la Société norvégienne des pharmaciens, un arrêté aurait effectivement été adopté lors d'une réunion du Conseil royal tenue le 28 septembre 1962, arrêté aux termes duquel, d'une part, le conflit sera réglé par le Conseil national des salaires, d'autre part, il est interdit de déclencher ou de soutenir une grève ou un lock-out dans le but de résoudre le conflit.
  2. 16. Aux yeux des plaignants, une telle attitude gouvernementale est en contradiction avec l'esprit de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (no 98), et ils font valoir à l'appui de leur thèse les arguments suivants:
    • Nous savons que la convention no 98 n'interdit pas expressément aux autorités des pays Membres de refuser aux travailleurs le droit de grève et de prescrire qu'un conflit doit être réglé par l'arbitrage obligatoire. Mais il est clairement disposé dans la convention que des mesures appropriées doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les travailleurs. Nous croyons comprendre que c'est le droit de grève qui, dans tous les pays, maintient en vigueur le système des négociations volontaires et que si les autorités interviennent pour interdire une grève et prescrire l'arbitrage obligatoire, il est évident que le mécanisme de négociation volontaire n'est pas encouragé, mais qu'il est au contraire détruit. Tel serait certainement le cas si les conflits d'une organisation devaient être ainsi réglés de manière répétée. Les employeurs n'auraient aucune raison d'entamer réellement et pleinement des négociations s'ils savaient, d'expérience, que les autorités interdiraient la grève. Les négociations poursuivies dans des conditions de ce genre seraient une pure dérision et les travailleurs seraient, en réalité, tenus de se soumettre aux termes dictés par une institution publique. La situation est particulièrement grave pour les membres de notre société, vu qu'en Norvège les diplômés en pharmacie n'ont pas le droit de s'établir ou de reprendre une pharmacie; selon un système de droits concessionnaires personnels, ils doivent avoir travaillé pendant environ vingt-cinq ans au service de propriétaires de pharmacie avant de pouvoir prendre une pharmacie à leur compte.
  3. 17. Dans sa réponse, le gouvernement constate que la plainte est fondée sur le fait que, de l'avis de la Société norvégienne des pharmaciens, les autorités n'auraient pas rempli l'obligation que leur impose l'article 4 de la convention no 98, lequel est ainsi conçu:
    • Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs d'une part, et les organisations de travailleurs d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.
    • Selon le gouvernement, cette disposition ne fait nullement obligation aux Etats Membres qui ont ratifié la convention de renoncer, en toutes circonstances, à interdire une grève, si une telle interdiction leur paraît nécessaire. En conséquence, le gouvernement estime que la plainte est infondée en ce qu'elle met en cause la convention no 98.
  4. 18. Le gouvernement poursuit néanmoins en indiquant que la législation norvégienne en matière de différends du travail repose sur le principe essentiel qui donne aux parties à des conventions collectives la charge d'assurer la paix sociale. Ce n'est que dans des cas tout à fait exceptionnels - déclare le gouvernement - que les différends du travail ne sont pas résolus sur une base volontaire, soit par des négociations directes, soit avec l'assistance des autorités publiques préposées à la médiation; les parties ont en principe le droit de recourir à un arrêt du travail dans les conflits d'intérêts lorsque les autorités préposées à la médiation ont eu la possibilité de tenter une conciliation dans le cadre des délais légaux; mais les autorités suprêmes du royaume n'ont pas renoncé à la possibilité d'agir lors de conflits du travail compromettant des intérêts essentiels de la collectivité.
  5. 19. Le gouvernement précise que, selon la législation norvégienne, une telle intervention dans le droit de grève doit se faire par l'adoption d'une loi spéciale par le Parlement ou, si celui-ci n'est pas en session, au moyen d'un arrêté temporaire pris par le Roi aux termes de l'article 17 de la Constitution nationale. La promulgation d'une loi spéciale n'est jamais recommandée sans étude approfondie des intérêts en jeu. Le gouvernement n'a pas avantage à restreindre les possibilités d'action des organisations professionnelles, mais il faillirait à son devoir d'autorité administrative suprême du pays s'il devait toujours ignorer les répercussions fâcheuses que peuvent avoir certains arrêts du travail.
  6. 20. Or - déclare le gouvernement - si l'on tient compte du fait que les pharmacies fournissent des médicaments et des préparations pharmaceutiques aux hôpitaux et aux services de santé non hospitaliers aussi bien qu'aux particuliers, les conséquences du conflit en cause risquaient d'être graves. Bien que les plaignants estiment que, grâce à des exemptions qu'ils se disaient disposés à accorder, ces conséquences eussent été moins grandes qu'on aurait pu le craindre, le gouvernement persiste à considérer que l'arrêt des livraisons de médicaments aurait en très peu de temps des répercussions très sérieuses sur le service de santé, propres à menacer la vie et la santé de la population.
  7. 21. Le gouvernement précise que plusieurs tentatives ont été effectuées personnellement par le médiateur national et par le ministre des Affaires municipales et du Travail pour éviter un arrêt du travail, mais que ces tentatives n'ont rencontré aucun succès. De plus, déclare le gouvernement, la Société norvégienne des pharmaciens a refusé d'accepter un arbitrage volontaire.
  8. 22. C'est pour ces raisons et dans ces conditions que, conformément à l'article 17 de la Constitution, a été pris le 28 septembre 1962, par décret royal, l'arrêté temporaire interdisant la grève projetée et prévoyant le règlement du conflit par voie d'arbitrage obligatoire.
  9. 23. Le gouvernement signale en terminant que le différend a été soumis au Conseil national des salaires, organisme permanent d'arbitrage créé en vertu de la loi du 19 décembre 1952; « ce conseil tripartite de sept membres - déclare le gouvernement - est composé de façon à offrir les meilleures possibilités d'arriver à des solutions tenant raisonnablement compte des salaires et des conditions de travail prévalant dans les autres secteurs économiques du pays ».

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 24. Dans d'assez nombreux pays, au cas où un arrêt du travail affecte le fonctionnement de services essentiels, le gouvernement est habilité à prendre des mesures destinées à protéger la communauté contre la pénurie de nourriture, de médicaments, d'eau, de carburants, d'électricité, etc. Le Comité a lui-même pleinement admis la notion de services essentiels et a reconnu le principe selon lequel, dans des circonstances données, le droit de grève pouvait, dans de tels services, faire l'objet de certaines restrictions. En particulier, dans un cas intéressant le Royaume-Uni (Kenya), le Comité a estimé que la restriction partielle et temporaire du droit de grève dans des services essentiels en vue de permettre le règlement d'un conflit sans que la communauté ait trop à en souffrir ne constituait pas une atteinte aux droits syndicaux.
  2. 25. S'il a admis que les grèves puissent, dans certaines circonstances, être interdites ou sujettes à restrictions, le Comité a toutefois souligné l'importance qu'il attache, lorsque cela est la cas, à ce que des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels et a relevé que les restrictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
  3. 26. Dans le cas d'espèce, l'arbitrage est confié au Conseil national des salaires. Ce conseil est composé d'un président et de six membres; le président et quatre membres sont nommés par la Couronne; un membre représente les intérêts des travailleurs et un autre ceux des employeurs; en outre, à l'occasion de chaque conflit, chacune des parties au différend désigne un membre au Conseil.
  4. 27. Il résulte ainsi de l'examen du cas par le Comité que l'arrêté interdisant la grève et imposant un arbitrage a été pris en application de dispositions constitutionnelles, que cet arrêté constitue une mesure exceptionnelle revêtant un caractère tout à fait temporaire, que ladite mesure a été prise après qu'eurent été épuisées les tentatives de conciliation et après que les plaignants eurent refusé de se soumettre à un arbitrage volontaire, que le mode d'arbitrage imposé - de par la composition de l'organe chargé d'y procéder - paraît offrir les garanties d'impartialité nécessaires, enfin, que la décision des autorités semble bien avoir été dictée par le seul souci de protéger la communauté contre les conséquences d'un conflit risquant de mettre en péril la santé et même la vie des membres de cette communauté.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 28. Dans ces conditions, estimant que la mesure temporaire prise par le gouvernement n'est pas de nature à porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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