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Rapport intérimaire - Rapport No. 90, 1966

Cas no 335 (Pérou) - Date de la plainte: 10-MAI -63 - Clos

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  1. 188. Le Comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de novembre 1965, à l'occasion de laquelle il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 417 à 460 de son quatre-vingt-cinquième rapport, que le Conseil d'administration a approuvé à sa 163ème session (novembre 1965). Le présent rapport se réfère uniquement aux trois séries d'allégations dont l'examen était resté en suspens et au sujet desquelles certaines informations complémentaires avaient été demandées au gouvernement au paragraphe 460 du rapport précité.
  2. 189. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives aux conditions exigées pour la constitution d'un syndicat

A. Allégations relatives aux conditions exigées pour la constitution d'un syndicat
  1. 190. Dans leur communication en date du 3 juin 1963, les plaignants soutenaient que les dispositions des articles 7 et 9, alinéa b), du décret présidentiel no 009 du 3 mai 1961 sur l'organisation des syndicats ne sont pas conformes aux normes de la convention no 87. L'article 7 du décret fixe à vingt le nombre minimum de personnes requis pour la constitution ou le maintien d'un syndicat et dispose en outre que les travailleurs des entreprises occupant cinq personnes ou un nombre de travailleurs plus élevé, mais inférieur au nombre minimum, pourront élire un délégué chargé de les représenter devant leur employeur et devant les autorités. L'article 9, alinéa b), prévoit que les membres d'un syndicat de travailleurs doivent appartenir à l'entreprise ou travailler dans la même branche d'activité.
  2. 191. Dans ses observations, le gouvernement a exposé les raisons pratiques pour lesquelles un nombre minimum est fixé, en ajoutant toutefois que la loi n'empêche pas les travailleurs non syndiqués de se faire représenter aux fins de formuler des réclamations et de conclure des conventions collectives.
  3. 192. Avant de formuler ses conclusions au sujet de ces allégations, le Comité avait estimé nécessaire de demander au gouvernement de lui faire savoir si les travailleurs des centres de travail groupant moins de vingt personnes peuvent se joindre à ceux d'autres centres de travail pour créer un syndicat et, dans l'affirmative, à quelles conditions (paragr. 460 d) du quatre-vingt-cinquième rapport).
  4. 193. En réponse à cette demande, le gouvernement déclare, dans sa communication du 19 janvier 1966, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 7 du décret en question, les travailleurs des centres de travail occupant cinq personnes ou plus peuvent élire, au scrutin secret et à la majorité, un délégué chargé de les représenter devant l'employeur et les autorités. Le gouvernement ajoute que les « organismes de base » ainsi constitués peuvent se grouper dans la même branche d'activité, comme c'est le cas du Syndicat unifié des travailleurs des autobus, qui est formé par les « organismes de base » existant dans les entreprises de ce secteur qui emploient moins de vingt travailleurs.
  5. 194. Lors de l'examen d'un cas antérieur, dans lequel la législation du pays en question fixe à cinquante le nombre minimum des membres requis pour constituer un syndicat et dispose qu'« aucun travailleur n'adhérera à un syndicat autre que celui qui est constitué par les travailleurs au service du gouvernement ou de l'entreprise privée qui l'occupe », le Comité s'en est remis en partie au critère exprimé par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations selon lequel la création d'un syndicat peut être gênée considérablement ou même rendue impossible lorsque la législation fixe le nombre minimum des membres d'un syndicat à un niveau manifestement trop élevé (cinquante, par exemple). Dans le présent cas, le nombre minimum de vingt membres fixé par la législation péruvienne ne semble pas exagéré ni, par conséquent, constituer en soi un obstacle à la constitution d'un syndicat.
  6. 195. Cela dit, le Comité prend note du fait que les travailleurs des centres de travail où sont occupées plus de cinq mais moins de vingt personnes peuvent se joindre à ceux d'autres centres de travail de la même branche d'activité aux fins de constituer un syndicat. Le Comité constate toutefois que les informations fournies par le gouvernement ne précisent pas si les travailleurs des entreprises occupant cinq personnes ou moins ont le droit d'appartenir à un syndicat. Le décret présidentiel no 009 ne semble pas définir la situation de ces travailleurs. A cet égard, le Comité estime qu'il est nécessaire de se référer à la disposition contenue dans l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui dispose que les travailleurs, « sans distinction d'aucune sorte », ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
  7. 196. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si les travailleurs des entreprises en question peuvent se joindre à ceux d'autres entreprises pour constituer un syndicat, ou s'affilier à un syndicat existant et, dans l'affirmative, à quelles conditions.
    • Allégation relative à la qualité personnelle de la fonction de dirigeant syndical
  8. 197. Les plaignants ont fait valoir que la disposition de l'article 10 du décret présidentiel n, 009, en vertu de laquelle la qualité de membre ou de dirigeant d'un syndicat est strictement personnelle et ne peut être transférée ou déléguée à aucun titre, entrave le fonctionnement des syndicats, étant donné qu'elle rend impossible tout mandat et oblige les dirigeants à faire des voyages coûteux à Lima pour s'occuper personnellement des formalités relatives aux affaires du syndicat.
  9. 198. Dans sa communication du 19 janvier 1966, le gouvernement déclare que la disposition contenue dans l'article 10 précité est fondée sur la nécessité de protéger les droits des membres de chaque syndicat, car nul n'est mieux à même de les représenter que la personne qui a été désignée à cet effet. Le gouvernement précise également que l'article en question a été élargi par le décret présidentiel no 12 du 21 août 1962, dont il communique la teneur. Selon l'article 1 de ce décret, la représentation des travailleurs en cas de revendications ou de réclamations collectives formulées par ceux-ci auprès des employeurs ou des autorités administratives de la branche d'activité incombe exclusivement:
    • a) au syndicat intéressé;
    • b) à défaut, aux représentants désignés par la moitié plus un des travailleurs de l'entreprise ou de plusieurs entreprises exerçant le même genre d'activité;
    • c) à l'organisation du degré immédiatement supérieur; si la revendication ou la réclamation concerne les travailleurs de plusieurs entreprises exerçant le même genre d'activité...;
    • d) à l'organisation du troisième degré, si la réclamation intéresse des entreprises dont les activités sont différentes...
  10. 199. Aux termes de l'article 3 du décret présidentiel no 12 précité, la fonction consultative que l'organisation syndicale de niveau supérieur doit remplir devant les autorités administratives du travail doit être exercée sans préjudice de la représentation directe des travailleurs prévue par le même décret.
  11. 200. Il est précisé, dans les considérants du décret susmentionné, que, pour faciliter la solution des problèmes des travailleurs, il importe de garantir l'intervention directe des intéressés eux-mêmes dans les revendications ou réclamations et que cette intervention directe rendra plus efficace « l'apport d'informations et d'expérience nécessaires ». D'autre part, le gouvernement relève que l'article 11 du décret présidentiel no 009, modifié par le décret présidentiel no 021 du 21 décembre 1962, prévoit la possibilité d'une représentation par des mandataires, puisqu'il dispose qu'aux fins de l'enregistrement, le Comité directeur provisoire ou le mandataire de celui-ci, investi de pouvoirs spéciaux, présentera la demande y relative à l'autorité du travail.
  12. 201. Il semblerait que les dispositions adoptées par le gouvernement ont trait à des différends et à des réclamations dans lesquels le syndicat doit normalement être représenté directement par les dirigeants élus conformément à ses statuts. D'autre part, la disposition mentionnée par les plaignants à l'appui de leur plainte prévoit simplement que la qualité de dirigeant syndical est personnelle et ne peut être déléguée. Il semble évident au Comité que si toutes ces dispositions ou l'une quelconque d'entre elles étaient appliquées de telle sorte que les organisations syndicales soient dans l'impossibilité d'utiliser les services d'experts - par exemple d'experts en questions industrielles, d'avocats ou de mandataires qui puissent les représenter dans les questions de formalités juridiques ou administratives - qui ne soient pas nécessairement les dirigeants élus, cela mettrait gravement en question la compatibilité de ces dispositions avec l'article 3 de la convention no 87, qui dispose que les organisations syndicales ont notamment le droit d'organiser leur gestion et leur activité. Toutefois, le Comité constate que les plaignants n'ont pas fourni de précisions ni de preuves qui démontrent qu'il en est ainsi.
  13. 202. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider, tout en insistant une fois encore sur l'importance qu'il convient d'attacher à la disposition de l'article 3 de la convention no 87, qui est citée au paragraphe 201, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives au congédiement de dirigeants syndicaux
  14. 203. Les plaignants alléguaient en dernier lieu que, par suite de la promulgation du décret présidentiel no 009, les dirigeants des organisations syndicales qui existaient déjà, mais qui ne réunissaient pas les conditions fixées par ledit décret, étaient privés de leurs privilèges syndicaux, et qu'on était en train de les congédier.
  15. 204. Dans sa communication précitée, le gouvernement déclare en substance qu'aux termes de la Constitution péruvienne, les lois n'ont pas un caractère rétroactif et que, par conséquent, les dispositions d'une loi ne peuvent affecter d'aucune manière les droits acquis auparavant. A cet égard, le gouvernement se réfère à l'existence, dans le pays, d'organismes syndicaux dont la capacité de mandataire n'a pas été affaiblie par la promulgation du décret présidentiel no 009. Le gouvernement dément que les licenciements mentionnés par les plaignants aient eu lieu et il relève que la résolution présidentielle no 23 D.T du 18 février 1957 - dont l'article 1 dispose que, durant la soumission d'un cahier de revendications et les négociations qui en résultent et tant que se font sentir les effets immédiats de la résolution ou de l'accord ayant mis fin aux réclamations en question, les représentants des travailleurs ne pourront être licenciés que pour les motifs prévus à l'article 294 du Code du commerce et des dispositions complémentaires - est toujours en vigueur. Ces motifs sont la fraude ou l'abus de confiance, l'accomplissement, par l'employé, de transactions commerciales pour son propre compte sans que celles-ci aient été portées expressément à la connaissance du patron ou sans l'accord de celui-ci, et le manquement grave au respect et à la considération dus à ce dernier, aux membres de sa famille ou aux personnes placées sous son autorité. De même, la résolution présidentielle no 27 du 20 avril 1957, qui interdit de licencier les dirigeants d'un syndicat en formation, est, elle aussi, toujours en vigueur.
  16. 205. S'il avait été démontré que les licenciements dont les plaignants font état dans leur plainte ont été provoqués par les activités syndicales des dirigeants syndicaux intéressés et par l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ayant privé ces derniers de la protection contre le congédiement pour les motifs indiqués, cela aurait pu mettre gravement en question la compatibilité de cette nouvelle loi avec la disposition de l'article 1, paragraphe 2 b), de la convention no 98, selon laquelle la protection adéquate dont doivent bénéficier les travailleurs contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. Le Comité constate toutefois que les plaignants n'ont pas fourni de précisions à l'appui de leur plainte, telles que, par exemple, les noms des dirigeants qui auraient été congédiés pour le motif allégué ou les circonstances dans lesquelles ces congédiements auraient eu lieu.
  17. 206. Dans ces conditions, et pour les motifs exposés aux paragraphes 203 à 205 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider, tout en insistant une fois encore sur l'importance qu'il convient d'attacher à la disposition susmentionnée de l'article 1, paragraphe 2 b), de la convention no 98, qu'il serait sans objet pour lui de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 207. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) pour ce qui est de l'allégation relative à la qualité personnelle de la fonction de dirigeant syndical, et tout en insistant une fois encore sur l'importance qu'il convient d'attacher à la disposition de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui dispose que les organisations syndicales ont le droit d'organiser leur gestion et leur activité, de décider, étant donné que les plaignants n'ont pas fourni d'éléments de preuve suffisants à l'appui de leur plainte, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) pour ce qui est des allégations relatives au congédiement de dirigeants syndicaux, et tout en insistant une fois encore sur l'importance qu'il convient d'attacher à la disposition de l'article 1, paragraphe 2 b), de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, selon laquelle la protection adéquate dont doivent bénéficier les travailleurs contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales, de décider, pour les motifs exposés aux paragraphes 203 à 205 ci-dessus, qu'il serait sans objet pour lui de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
    • c) pour ce qui est des conditions exigées pour la constitution d'un syndicat, de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si les travailleurs des entreprises qui occupent cinq personnes ou moins peuvent se joindre à ceux d'autres entreprises pour constituer un syndicat, ou s'affilier à un syndicat existant et, dans l'affirmative, à quelles conditions;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées à l'alinéa c) du présent paragraphe.
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