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Rapport définitif - Rapport No. 78, 1965

Cas no 339 (Maroc) - Date de la plainte: 06-JUIN -63 - Clos

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  1. 43. La plainte de l'Union générale des travailleurs du Maroc (U.G.T.M.) est contenue dans une communication en date du 6 juin 1963, adressée directement à l'O.I.T.; elle a été complétée par une communication en date du 19 juin 1963. La plainte originale a été communiquée au gouvernement pour observations par une lettre en date du 19 juin 1963, et les informations complémentaires venues l'appuyer, par une lettre en date du 24 juin 1963. Par une communication en date du 9 septembre 1963, le gouvernement a fait savoir qu'il procédait à une enquête sur les faits évoqués par les plaignants et qu'il en porterait les résultats à la connaissance de l'O.I.T dès que ceux-ci seraient connus. Les observations complètes du gouvernement sont contenues dans deux communications datées respectivement des 30 mai et 19 août 1964.
  2. 44. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié par contre la convention (ne 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 45. Les plaignants allèguent en termes généraux que, ne jouissant pas des faveurs du gouvernement, l'U.G.T.M serait l'objet, en la personne de ses militants et de ses dirigeants, d'une vague de terrorisme destinée à affaiblir cette organisation.
  2. 46. A l'appui de cette affirmation de caractère général, les plaignants font état d'un certain nombre d'événements précis qui, dans leur esprit, seraient directement liés à la qualité d'affilié ou de dirigeant de l'U.G.T.M de ceux qui en auraient été les victimes.
  3. 47. Ainsi, il est allégué que M. Moulay Bouib, secrétaire général des mines de la région de Marrakech, et M. Abdelaziz et Kohen, membre du Bureau central de l'U.G.T.M et secrétaire général de la Fédération autonome de l'enseignement officiel, auraient été emprisonnés. Sans autrement donner de précisions, notamment quant à la qualité des intéressés, les plaignants formulent en outre les allégations suivantes: dans la région de Marrakech, Smaïl ben Rahal et Fatima Bent Jilali auraient été assassinés respectivement par le caïd Khalil et le cheikh Abdelkader; dans la région de Rabat, l'enfant Ibraim ben Mohamed aurait été assassiné par l'armée; dans la région de Had-Kourt, Mohamed ben Rkia aurait été assassiné par le caïd Chorfi; dans la région de Talmest, Mohamed ben Miloud aurait été assassiné par la gendarmerie; dans la région d'Ouled Sidi ben Daoud, Sajia Mohamed ben Abdelmalek aurait été assassiné par le caïd Saïd Laydi et Kharbouch Ahmed ben Brahim tué au cours de la répression d'une grève; dans la tribu de Charada, Mohamed ben Allal aurait été assassiné par un commando de quatre inconnus; dans la tribu d'Al Amr, enfin, une personne que les plaignants appellent Tahar aurait été assassinée par le caïd Idrissi.
  4. 48. Dans ses observations, le gouvernement donne des explications sur chacun des cas individuels mentionnés par les plaignants.
  5. 49. En ce qui concerne M. Moulay Bouib, le gouvernement déclare que l'intéressé, qui travaillait à la mine d'Erdouz dans la province de Marrakech, a été condamné par le tribunal du Sadad du Cercle d'Amizmiz pour détournement de matériel appartenant à l'entreprise qui l'employait; le gouvernement précise que la personne en question n'appartenait à aucun syndicat.
  6. 50. En ce qui concerne M. Abdelaziz et Kohen, le gouvernement affirme que cette personne n'a jamais été inquiétée en raison de son activité syndicale. Ayant été arrêtée pour atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat, elle a été remise en liberté peu après sur ordre du tribunal militaire.
  7. 51. Au sujet du cas de Smaïl ben Rahal et Fatima Bent Mali, le gouvernement fournit les précisions suivantes : le 17 mai 1963, à l'occasion des élections législatives, le caïd des Beni Ameur, cercle d'El Kélaa des Srarhna, accompagné du Cheikh des Ouled Saïd, a fait une tournée des bureaux de vote pour s'assurer de leur bon fonctionnement, ayant été informé que des meneurs de l'Istiglal menaçaient de créer des incidents; à l'entrée du douar Mejjat, ayant rencontré Smaïl ben Rahal, responsable local de l'Istiglal, il l'a fait monter dans sa jeep pour prévenir toute action inconsidérée de sa part; c'est alors qu'un groupe évalué à environ 200 personne a assailli la voiture en réclamant la restitution de Smaïl ben Rahal; le caïd a été lapidé; certains manifestants ont essayé de s'emparer du fusil automatique du caïd et, au cours de la mêlée, une balle est partie atteignant Smaïl ben Rahal ainsi que Fatima Bent Mali qui se trouvait par hasard à ses côtés. L'enquête officielle - déclare le gouvernement - a conclu à un accident.
  8. 52. En ce qui concerne l'enfant Ibrahim ben Mohamed, le gouvernement déclare que l'enquête menée par le gouverneur de la province de Rabat a établi qu'aucun enfant de ce nom n'avait été tué dans le cercle de Rabat.
  9. 53. Sur le cas de Mohamed ben Rkia, le gouvernement fournit les explications suivantes le 13 mai 1963, à l'occasion des élections législatives, des incidents mettant aux prises des partisans de diverses tendances politiques ont éclaté au douar Sidi Kacem Harrouch, cercle de Souk et Arba, province de Rabat. Parmi les trois principaux fauteurs de troubles se trouvait Mohamed ben Rkia. Pour rétablir l'ordre, le caïd de Had-Kourt a envoyé sur les lieux un groupe de mokhaznis avec mission de rechercher les trois meneurs en question. A leur arrivée sur les lieux, les mokhaznis ont été attaqués à coups de bâton, fourche et couteau, tandis qu'on essayait de mettre le feu à leur camion. Un des mokhaznis a eu l'épaule brisée et s'est fait voler son mousqueton, quatre autres ont été blessés grièvement. Cerné par la foule qui voulait le mettre à mal, le brigadier commandant le groupe de mokhaznis a tiré une rafale de mitraillette pour se dégager, atteignant mortellement Mohamed ben Rkia. Les mokhaznis sont parvenus à se retirer après d'énormes difficultés.
  10. 54. En ce qui concerne Mohamed ben Miloud, le gouvernement indique qu'à la suite des élections législatives le quotidien El Alain, du parti de l'Istiglal, a fait paraître un article annonçant la découverte dans l'oued Tensift près de Talmest du cadavre de Mohamed ben Miloud. Le journal attribuait la responsabilité de cette mort à la gendarmerie de Talmest. Or - déclare le gouvernement - il s'est avéré que le cadavre découvert n'était pas celui de Mohamed ben Miloud, lequel est toujours en vie et habite au douar Saadla. Le gouvernement ajoute en terminant qu'il n'existe pas à Talmest de syndicat U.G.T.M.
  11. 55. Sur le cas de Sajia Mohamed ben Abdelmalek, le gouvernement déclare que l'enquête effectuée par le gouverneur de la province de Casablanca a permis d'établir que, d'après les renseignements parvenus à la Gendarmerie royale, une réunion clandestine ayant pour but d'organiser le déclenchement d'actes de violence et de troubles devait avoir lieu le 28 mai 1963 au domicile de Sajia Mohamed. A la date indiquée, le 2ème Maghzen mobile ainsi que le commandant de la section de la Gendarmerie royale de Settat ont encerclé la maison de l'intéressé à l'intérieur de laquelle huit personnes se trouvaient réunies. Alors que les forces de l'ordre tentaient de s'approcher de la maison, ses occupants ont ouvert le feu sur elles. Au cours de la riposte, Sajia Mohamed a été blessé; il devait succomber à l'hôpital de Casablanca où il avait été transporté.
  12. 56. En ce qui concerne Kharbouch Ahmed ben Brahim, le gouvernement précise tout d'abord que l'intéressé était délégué du syndicat U.M.T et non de l'U.G.T.M. Il déclare ensuite qu'il est décédé à la suite d'incidents ayant opposé des militants U.M.T à ceux du syndicat U.S.T.L dans le village de Hattane, où il n'existe pratiquement pas d'adhérents à l'U.G.T.M.
  13. 57. Le gouvernement confirme que Mohamed ben Allal a bien trouvé la mort, mais il précise qu'il s'agit d'un crime de droit commun dont les auteurs, Mohamed ben El Fater et Ahmed ben Mohamed ben El Hadj, ont été arrêtés à Sidi Kacem par la gendarmerie et déférés au tribunal régional de Rabat.
  14. 58. En ce qui concerne le cas de la personne que les plaignants appellent Tahar, le gouvernement déclare qu'il s'agit sans doute en réalité d'un nommé Kabbour ben M'Bark, tribu Ameur du douar Lakbir, cercle de Safi. L'intéressé - poursuit le gouvernement -, convoqué à plusieurs reprises par le caïd pour l'examen d'un litige, avait refusé de comparaître. Un jour, voyant arriver au douar le cheikh accompagné d'un mokhazni, il a pris la fuite et s'est jeté dans une citerne, où il a péri. Le gouvernement précise que la personne en question n'adhérait à aucun syndicat.
  15. 59. Aux affirmations des plaignants - qui sont rédigées en termes généraux et ne sont étayées par aucune précision quant à la qualité des personnes en cause ou aux circonstances dans lesquelles les événements évoqués se seraient déroulés -, le gouvernement oppose, à propos de chacun des faits allégués, des explications des plus circonstanciées.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 60. De ces explications, il ressort assez nettement que la cause des arrestations opérées et des décès survenus est étrangère à l'exercice des droits syndicaux. Nombreuses, parmi les personnes citées, sont celles qui ne sont pas dirigeants syndicaux ni même affiliées à un syndicat; les événements ayant entraîné mort d'homme consistent soit en des crimes de droit commun, soit en des accidents survenus lors de troubles ou d'émeutes, dont il est difficile d'établir la responsabilité et qui ont souvent revêtu un caractère politique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 61. Dans ces conditions, ayant pris connaissance des allégations formulées et des observations du gouvernement à leur endroit, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve que les événements évoqués par eux aient constitué des atteintes à l'exercice des droits syndicaux et il recommande en conséquence au Conseil d'administration de décider que le cas, dans son ensemble, n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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