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Rapport définitif - Rapport No. 79, 1965

Cas no 346 (Argentine) - Date de la plainte: 15-AVR. -63 - Clos

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  1. 12. La plainte du Syndicat des travailleurs des postes et télécommunications de Mar del Plata est contenue dans une communication en date du 15 avril 1963, adressée au Secrétaire général des Nations Unies. Conformément à la procédure en vigueur, ce dernier a transmis cette plainte à l'O.I.T par lettre du 6 juin 1963. La plainte a été communiquée au gouvernement, qui a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 3 décembre 1963.
  2. 13. Le Comité a examiné la plainte ainsi que les observations du gouvernement à sa réunion de février 1964 et il a décidé de demander certains renseignements supplémentaires au gouvernement et d'ajourner, entre-temps, l'examen du cas dans son ensemble.
  3. 14. Le gouvernement a fait parvenir les renseignements qui lui avaient été demandés dans une lettre datée du 27 mai 1964.
  4. 15. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 16. Dans leur communication, les plaignants allèguent qu'à la suite d'un conflit - marqué par une grève - qui aurait opposé le Syndicat des travailleurs des postes et télécommunications de Mar del Plata au secrétariat d'Etat des communications en raison des retards apportés au versement des traitements mensuels du personnel de l'administration des postes et télécommunications, celle-ci aurait congédié vingt-cinq employés syndiqués de l'Office central de Mar del Plata ayant participé à la grève. Aux yeux des plaignants, cette mesure serait arbitraire. Elle s'appuierait en effet sur les dispositions de l'article 37, a), du décret no 6666/57 (Statut du personnel civil de la Nation) qui portent sur les absences injustifiées des agents des services publics. Or, en vertu de l'article 14 bis de la Constitution nationale, les absences pour cause de grève ne sauraient être considérées comme injustifiées. Les plaignants joignent à leur communication la liste des noms des vingt-cinq personnes qui auraient été licenciées à Mar del Plata. Ils ajoutent que, dans l'ensemble du pays, 1 845 travailleurs auraient ainsi été licenciés.
  2. 17. Dans sa réponse en date du 3 décembre 1963, le gouvernement admet que des retards, dus aux difficultés économiques que connaissait le pays, ont été apportés au paiement des traitements des fonctionnaires de l'Etat. Il signale toutefois que le personnel des télécommunications a été à cet égard parmi les moins défavorisés, le secrétariat aux Finances ayant autorisé, pour le paiement des traitements de ces catégories de fonctionnaires, l'utilisation de rentrées qui auraient normalement dû être versées directement au Trésor.
  3. 18. Le gouvernement indique également qu'au début du mois d'août 1962 une commission intersyndicale groupant des représentants de l'Association argentine des télégraphistes et radiotélégraphistes (A.A.T.R.A) et de la Fédération des ouvriers et des employés des postes et télécommunications (F.O.E.C.Y.T) a entamé des négociations avec des fonctionnaires du secrétariat d'Etat des communications en vue de trouver une solution à la question du versement des traitements du mois de juillet. A la suite de ces négociations, les deux centrales syndicales en question ont, par la voie de la presse, informé les divers syndicats de base qu'ils devraient s'abstenir de recourir à la grève à partir du 13 août 1962, un arrangement ayant été conclu pour que les traitements en retard soient payés à partir du 22 du même mois. C'est alors qu'un groupe isolé de fonctionnaires des télégraphes aurait cessé de travailler sans avoir donné de préavis. Le mouvement s'étendit et le gouvernement donna l'ordre aux organisations syndicales de ne pas avoir recours à des actions de force. La grève s'étant poursuivie, le gouvernement retira la personnalité syndicale aux deux centrales mentionnées ci-dessus.
  4. 19. Dès le début du mouvement, affirme le gouvernement, la grève n'a été que partielle, 50 pour cent seulement des travailleurs y ayant participé et ce pourcentage s'étant bientôt réduit à 20 pour cent. Voyant que la grève n'était pas bien suivie, la F.O.E.C.Y.T décida de mettre un terme au mouvement. L'A.A.T.R.A adopta la même attitude peu après. Dans ces conditions, la personnalité syndicale fut de nouveau accordée à ces deux organisations. En ce qui concerne les licenciements, le gouvernement déclare que ceux-ci ont été opérés en vertu de l'article 37, a), du décret no 6666/57, qui prévoit que les absences injustifiées dépassant dix jours, consécutifs ou non, constituent un motif de licenciement. Le gouvernement ajoute que la majorité des personnes en question s'étaient rendues coupables d'absences injustifiées dépassant le nombre de jours prévus par l'article mentionné ci-dessus et qu'un grand nombre de ces absences avaient été enregistrées avant le conflit.
  5. 20. Le Comité rappelle qu'il a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux.
  6. 21. En ce qui concerne le conflit, le Comité a noté, à sa réunion de février 1964, qu'après diverses péripéties - négociations, accord, grève, retrait de la personnalité syndicale, arrêt de la grève, restitution de la personnalité syndicale - les choses semblent être rentrées dans l'ordre. Dans ces conditions, il a estimé qu'il n'y avait pas lieu pour lui de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
  7. 22. En ce qui concerne la plainte proprement dite, le Comité a noté qu'alors que les plaignants invoquaient l'article 14bis de la Constitution pour faire valoir que la mesure de licenciement prise avait un caractère illégal, le gouvernement s'appuyait sur les dispositions du décret n, 6666/57 pour justifier cette même mesure. En vertu de l'article 14bis de la Constitution « la loi... devra assurer aux travailleurs... une protection contre le congédiement arbitraire... » et « ... les différents syndicats professionnels... auront le droit de grève... ». De son côté, l'article 37, a), du décret no 6666/57 prévoit parmi les motifs de licenciement plus de dix jours consécutifs ou non d'absence injustifiée au cours de l'année.
  8. 23. Le Comité a été d'avis qu'il paraissait évident que les jours d'absence résultant d'une grève légale ne sauraient, étant donné les dispositions de l'article 14 bis de la Constitution, être considérés comme des jours d'absence injustifiée au sens de l'article 37, a), du décret n, 6666/57. Par ailleurs, si l'on entendait invoquer cette dernière disposition, il convenait que fût clairement établi que la mesure prise était totalement indépendante de toute considération autre que le fait qu'une faute avait été commise, en ce qui concerne les jours d'absence injustifiée, par ceux qui en avaient été l'objet.
  9. 24. Or le Comité a estimé qu'il ne ressortait pas clairement des déclarations du gouvernement que les mesures de licenciement qui avaient frappé les vingt-cinq travailleurs mentionnés par les plaignants étaient étrangères à la grève. Le fait que le gouvernement ait invoqué un argument supplémentaire selon lequel la majorité des travailleurs frappés s'étaient d'ailleurs antérieurement déjà rendus coupables de plus de dix jours d'absence injustifiée tendait même à prouver le contraire. En tout cas, cela laissait sans explication valable la mesure prise à l'encontre de la minorité des travailleurs en cause. D'autre part, comme on l'a déjà vu plus haut, ce n'est qu'en cas de grève légale que l'article 14bis de la Constitution peut être valablement invoqué. Il ne ressortait pas clairement de la réponse du gouvernement si le mouvement de grève était illégal parce que la grève avait été déclenchée contrairement au mot d'ordre des centrales syndicales ou parce qu'aucun préavis déterminé n'avait été donné.
  10. 25. Dans ces circonstances, le Comité a décidé, à sa réunion de février 1964, de demander certains renseignements supplémentaires au gouvernement. Il a donc prié le gouvernement de bien vouloir indiquer pour chacun des travailleurs licenciés - dont les noms ont été fournis par les plaignants - quels étaient les motifs exacts de la mesure qui les avait frappés, de préciser si la grève en question était considérée par lui comme étant illégale et, dans l'affirmative, en vertu de quelles dispositions législatives ou autres.
  11. 26. Dans sa réponse en date du 27 mai 1964, le gouvernement affirme que, comme il l'avait déjà signalé dans des cas antérieurs, il s'agissait également de personnel exerçant des tâches dans des services publics dépendant de l'Etat, pour lequel l'exercice du droit de grève est soumis aux limitations universellement reconnues par la législation et la pratique internationales ainsi que par le Comité de la liberté syndicale lui-même. Le gouvernement rappelle également que, comme l'a constaté le Comité à plusieurs reprises, le principe général, en vertu duquel le droit de grève est normalement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels, souffre des restrictions dans divers cas, soit dans les services essentiels, soit dans la fonction publique. Dans de tels cas, le Comité a signalé l'importance qu'il attache à l'existence de procédures permettant de garantir la solution pacifique de conflits de cet ordre, de telle sorte que les travailleurs qui se voient privés de ce moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels que constitue la grève légale puissent compter sur des garanties appropriées.
  12. 27. Le gouvernement indique que les employés des postes et des télégraphes doivent s'abstenir, en tant que fonctionnaires de l'Etat, d'avoir recours à des actions de force telles que celle à laquelle a participé une minorité d'employés. En cas de conflit, il existe une procédure régie par le décret no 8946, en date du 3 septembre 1962, dans lequel il est tenu compte des recommandations que le Comité a formulées lors de l'examen du cas no 172 concernant l'Argentine. L'article 14 de ce décret stipule que les différends qui risquent, directement ou indirectement, de suspendre, interrompre, paralyser ou arrêter les services publics essentiels doivent être dans tous les cas soumis à l'arbitrage. En pareil cas, si les arbitres désignés par les parties ne se mettent pas d'accord, le tiers arbitre sera tiré au sort parmi les personnes figurant sur la liste de juges de la Cour suprême de justice de la Nation. L'article 15 dispose que seront réputées illégales les grèves qui touchent les services publics essentiels visés à l'article précédent. Dans ce dernier, les services de communications figurent parmi les services publics essentiels.
  13. 28. En ce qui concerne les licenciements auxquels les plaignants font allusion dans leur plainte, le gouvernement déclare expressément « que le conflit n'a donné lieu à aucun licenciement de personne ». Cela signifie que nul n'a été congédié en raison de ses activités syndicales, mais en vertu de violations graves du Statut du personnel civil de la Nation. Les agents de l'Etat disposent de tous les moyens légaux pour défendre leurs droits, tels que protection juridique, recours, annulation.
  14. 29. Enfin, le gouvernement informe le Comité que le Secrétaire des communications a rendu publique, au mois de mai 1964, la nouvelle de la réintégration de tous les employés qui avaient été renvoyés en vertu des dispositions du Statut du personnel civil de la Nation.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 30. Le Comité prend note avec intérêt des déclarations du gouvernement en ce qui concerne l'application du décret no 8946, de 1962, en vertu duquel les conflits dans les services publics essentiels sont soumis à un tribunal indépendant. Il note également que le gouvernement insiste sur le fait que les travailleurs ont été congédiés non en raison du conflit, mais parce qu'ils avaient violé les dispositions du Statut du personnel civil de la Nation. Cependant, compte tenu des considérations faisant l'objet du paragraphe 13 ci-dessus, il semblerait que le gouvernement ait pris des mesures à l'encontre des participants d'une grève en se fondant non sur une violation de la réglementation en matière de conflits dans les services publics essentiels, mais sur le fait que ces participants s'étaient rendus coupables d'absences dépassant le nombre de jours prévus par le Statut et que, dans la majorité des cas, ces absences avaient été enregistrées avant le conflit. Cela signifie que si formellement les mesures semblent avoir constitué une sanction pour violation du Statut, prise indépendamment de la grève, elles étaient en fait liées directement au mouvement de force.
  2. 31. Le Comité estime que, pour des questions de ce genre, il doit aller au-delà de l'aspect formel des mesures prises et examiner le problème sur le fond ainsi que ses conséquences pour les travailleurs et les organisations touchées. Or, même si la manière de procéder, en ce qui concerne les licenciements, pouvait, dans certains cas, constituer une discrimination à l'encontre des travailleurs, motivée par leurs activités syndicales, le Comité est conscient du fait que, conformément au décret no 8946, les conflits dans les services publics essentiels doivent être dans tous les cas soumis à un tribunal d'arbitrage, les travailleurs n'ayant pas le droit d'avoir recours à la grève. De ce fait, le mouvement aurait été illégal et l'on ne saurait donc considérer que le gouvernement a pris des mesures discriminatoires à l'encontre de travailleurs qui exerçaient légalement des activités syndicales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 32. D'autre part, le gouvernement a fait savoir qu'entre-temps, il avait procédé à la réintégration de tous les employés qui avaient été licenciés en vertu des dispositions du Statut du personnel civil de la Nation. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de ce fait et de décider que ce cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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