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Rapport définitif - Rapport No. 112, 1969

Cas no 385 (Brésil) - Date de la plainte: 03-AVR. -64 - Clos

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  1. 58. La présente affaire a déjà fait l'objet de la part du comité de huit rapports intérimaires, respectivement contenus aux paragraphes 133 à 152 de son quatre-vingt-unième rapport, 271 à 277 de son quatre-vingt-troisième rapport, 474 à 491 de son quatre-vingt cinquième rapport, 209 à 233 de son quatre-vingt septième rapport, 215 à 219 de son quatre-vingt-dixième rapport, 177 à 201 de son quatre-vingt-treizième rapport, 121 à 187 de son quatre-vingt-dix-huitième rapport et 99 à 143 de son cent troisième rapport. Tous ces rapports ont été approuvés par le Conseil d'administration.
  2. 59. A la suite du dernier examen du cas auquel le comité a procédé à sa session du mois de février 1968, il ne restait plus en suspens que trois séries d'allégations, toutes les autres ayant fait l'objet de sa part de conclusions définitives. Ce n'est que de ces trois séries d'allégations qu'il sera question dans les paragraphes qui suivent, à savoir allégations relatives à des restrictions apportées à l'exercice du droit de grève, allégations relatives à l'interdiction qui serait faite au Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara de procéder à des élections syndicales et allégations relatives aux abus dont se seraient rendus coupables certains « contrôleurs » chargés de la direction des syndicats.
  3. 60. Chacune des trois séries d'allégations qui viennent d'être mentionnées a fait l'objet de la part du comité et, à sa suite, du Conseil d'administration d'une demande d'observations ou d'information complémentaire à l'adresse du gouvernement. Ces demandes ayant été portées à la connaissance de ce dernier par une lettre en date du 4 mars 1968, le gouvernement y a donné suite par une communication en date du 2 avril 1969.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à des restrictions apportées à l'exercice du droit de grève
    1. 61 Le comité avait, à sa session du mois de mai 1967, recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées à l'exercice du droit de grève, notamment en ce qui concerne la portée de dispositions législatives mentionnées à cet égard par les plaignants.
    2. 62 Dans sa réponse en date du 5 janvier 1968, dont le comité a été saisi à sa session du mois de février 1968, le gouvernement citait une déclaration du Département national du travail ainsi libellée: « Il n'existe au Brésil aucune restriction au droit de grève, mais simplement une réglementation de son exercice, conformément aux intérêts et à la convenance du pays. Comme dans tous les Etats qui se disent civilisés, les abus dans l'exercice de ce droit échappent à la compétence du droit du travail et se transforment en activités antisociales. Et le Brésil dispose aussi de sanctions à l'égard de ce qui est antisocial. »
    3. 63 Tout en prenant note de cette déclaration, le comité a constaté que cette dernière revêtait un caractère très général alors que certaines des allégations des plaignants revêtaient au contraire un caractère spécifique.
    4. 64 C'est pourquoi, tenant compte du fait que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, le comité a estimé, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, qu'il lui serait utile d'obtenir du gouvernement des précisions supplémentaires au sujet des allégations présentées sur ce point par les plaignants.
    5. 65 Le comité a ainsi exprimé le souhait de savoir s'il était exact, comme l'alléguaient les plaignants et comme il lui a paru ressortir du texte même de la loi, que les représentants du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale étaient, en vertu de l'article 8 de la loi no 4330 de 1964, autorisés à être présents lors des assemblées générales réunies en vue du déclenchement éventuel d'une grève et qu'ils étaient habilités à intervenir dans les débats et, dans l'affirmative, quels étaient les buts visés par cette disposition et quelle était sa portée pratique.
    6. 66 D'après les plaignants, notait le comité, les articles 12 et 13 de la loi donnent des activités essentielles une liste tellement vaste que celles-ci s'étendent à presque toutes les activités industrielles. Ayant constaté que la liste des activités essentielles contenue dans la loi no 4330 de 1964 était effectivement étendue, le comité a exprimé le voeu de savoir si, pour les travailleurs ainsi privés d'un important moyen de faire triompher leurs revendications professionnelles, il existait, en compensation, des mécanismes tels que des procédures de conciliation et d'arbitrage impartiales.
    7. 67 Le comité avait donc recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir les indications dont la nature est précisée aux deux paragraphes précédents ainsi que toutes autres indications que le gouvernement pourrait estimer utile de présenter au sujet des allégations analysées aux paragraphes 144 à 151 du quatre-vingt-dix-huitième rapport du comité.
    8. 68 Dans ses observations en date du 2 avril 1969, le gouvernement indique de nouveau, comme il l'avait déjà fait, que le droit de grève est assuré aux travailleurs brésiliens par des dispositions constitutionnelles et régi par une loi spéciale: la loi no 4330 de 1964.
    9. 69 Répondant ensuite spécifiquement à la demande rappelée au paragraphe 65 ci-dessus, le gouvernement indique que l'article 8 de la loi no 4330 de 1964, qui donne effet à une règle formulée à l'article 525 de la Consolidation des lois du travail, a la teneur suivante:
  • A l'exception des délégués du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale spécialement désignés par le ministre ou son représentant, il est interdit à toute personne physique ou morale étrangère à l'organe syndical d'intervenir dans les débats de l'assemblée générale.
    1. 70 « Dans le cadre de la législation - déclare le gouvernement - cette disposition, loin de signifier un acte d'ingérence indu, est conforme à l'obligation imposée au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale par l'article 11 de la loi précitée d'adopter, par le canal du Département national du travail ou des délégations régionales du travail, toutes les mesures voulues pour parvenir à une conciliation entre salariés et employeurs. La présence d'un représentant du ministère, en qualité de simple observateur et sans ingérence dans les travaux de l'assemblée, permet évidemment de dégager les meilleurs éléments et de créer les conditions propices à la conciliation prévue à l'article 11. »
    2. 71 En ce qui concerne la portée pratique de la disposition incriminée, le gouvernement déclare qu'au cours des quatre années écoulées depuis l'entrée en vigueur de la loi il n'a pas été donné effet à ladite disposition; en d'autres termes, il n'a pas été fait usage du droit du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale de se faire représenter aux assemblées générales. « Au contraire - déclare le gouvernement --, le ministère ainsi que les autres autorités brésiliennes se sont tenus à l'écart des assemblées générales des organisations professionnelles, qu'elles soient convoquées pour déclencher une grève ou pour toute autre raison. »
    3. 72 Du texte de la loi cité au paragraphe 69 ci-dessus, il ressort clairement que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a la possibilité de se faire représenter par un délégué aux assemblées générales des syndicats et que ce représentant a le droit d'intervenir dans les débats. D'après les explications fournies par le gouvernement, cette disposition viserait à accorder une sorte d'assistance technique aux syndicats et n'aurait ni pour but ni pour effet de porter atteinte au principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit de se réunir librement dans leurs propres locaux, en dehors de toute autorisation préalable et de tout contrôle des autorités publiques.
    4. 73 Aux yeux du comité, néanmoins, une disposition qui permet la présence dans des réunions syndicales d'un représentant des autorités publiques - à plus forte raison si ce représentant a le droit d'intervenir dans les débats - comporte, même si tel n'est pas son but, le danger d'influencer les délibérations et les décisions prises et, par là, de constituer une ingérence incompatible avec le principe rappelé au paragraphe précédent.
    5. 74 Dans ces conditions, tenant compte du fait que, d'après les déclarations du gouvernement rapportées au paragraphe 71 ci-dessus, la disposition incriminée n'a jamais été appliquée et semble être tombée en désuétude, le comité recommande au Conseil d'administration, après avoir rappelé l'importance du principe mentionné au paragraphe 72, d'inviter le gouvernement à envisager une modification de sa législation de manière à éliminer la disposition en question.
    6. 75 En ce qui concerne les points soulevés au paragraphe 66 ci-dessus, le gouvernement, hormis l'allusion générale à un mécanisme de conciliation mentionné au paragraphe 70, s'abstient de se référer aux demandes qui lui avaient été adressées. Le comité rappelle à ce propos avoir toujours insisté sur l'importance qu'il y a, lorsque les grèves sont interdites ou soumises à des restrictions dans les services essentiels, à ce que soient instituées des garanties adéquates pour protéger les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de faire valoir leurs intérêts professionnels, notamment sous la forme de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, auxquelles les intéressés puissent participer à tous les stades, les sentences arbitrales rendues devant avoir force obligatoire dans tous les cas pour les deux parties.
    7. 76 S'étant reporté aux termes mêmes de la loi no 4330 de 1964, le comité a constaté que des procédures de conciliation et d'arbitrage étaient prévues (art. Il et 23) non seulement pour les services essentiels mais pour toutes les activités. En effet, en vertu de l'article 23 de la loi, si la conciliation échoue, l'affaire est traitée comme un différend collectif aux termes de la Consolidation des lois du travail et soumise à la décision d'un tribunal du travail. Cette disposition qui a pour effet d'empêcher le recours à la grève une fois rendue la décision du tribunal ne semble pas offrir les garanties nécessaires pour éviter que ne puissent être limitées gravement les possibilités d'action des organisations en ce qui concerne la promotion et la défense des intérêts de leurs membres.
    8. 77 Le comité recommande en conséquence au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations qui précédent.
  • Allégations relatives à l'interdiction qui serait faite au Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara de procéder à des élections
    1. 78 Les plaignants alléguaient que les interventions du gouvernement dans la vie des syndicats n'avaient pas pris fin et ils citaient l'exemple du Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara, placé sous contrôle depuis 1964 et auquel le gouvernement interdirait de tenir des élections.
    2. 79 Dans ses observations, le gouvernement rappelle que, sous le régime exceptionnel qu'a connu le Brésil en 1964, quelque cinq cents organisations avaient été placées sous contrôle, parmi lesquelles l'organisation citée par les plaignants. « Cette mesure - déclare le gouvernement - était pleinement justifiée par l'existence d'un mouvement révolutionnaire et l'impérieuse nécessité de prévenir des réactions à l'encontre de l'ordre nouveau qui était institué. » Le gouvernement précise ensuite qu'à l'heure actuelle seules seize organisations restent soumises à un contrôle, parmi lesquelles ne figure pas le Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara.
    3. 80 Ce dernier, indique le gouvernement, « procède de façon tout à fait normale à ses activités d'association, sous la conduite d'un comité directeur élu par ses membres lors d'un scrutin régulier et entré en fonctions conformément aux dispositions de la loi ».
    4. 81 Dans ces conditions, tout en exprimant sa préoccupation du fait qu'il existe encore des organisations sous contrôle, le comité, constatant que le syndicat nommément désigné par les plaignants paraît aujourd'hui fonctionner normalement sous la direction d'un comité exécutif librement élu, recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect de l'affaire.
  • Allégations relatives aux abus dont se seraient rendus coupables certains « contrôleurs » chargés de la direction de syndicats
    1. 82 D'après les plaignants, certains contrôleurs militaires chargés de la direction des syndicats auraient profité de leurs fonctions et de la confiance dont ils jouissaient auprès des autorités pour aliéner des biens appartenant aux syndicats.
    2. 83 Dans ses observations, le gouvernement déclare que l'activité des contrôleurs désignés pour administrer les organisations ou « en régulariser les activités » est régie par un arrêté ministériel qui interdit aux membres des commissions de contrôle des comités exécutifs de se livrer aux actes suivants: « a) achat et vente de biens immeubles; b) achat et vente d'appareils électroménagers ainsi que de machines et d'appareils de bureau; c) achat et vente de véhicules; d) conclusion de contrats d'entreprise; e) embauchage ou licenciement d'employés ou de membres de professions libérales, sauf avec l'autorisation préalable du service local du ministère du Travail; f) cession ou donation de tous biens; g) engagement de dépenses qui ne sont pas comprises dans les interdictions ci-dessus mais qui, par leur montant, peuvent être assimilées à l'un de ces cas; h) emploi des véhicules de l'organisation, sauf dans l'intérêt de celle-ci.»
    3. 84 Le gouvernement poursuit en indiquant que le même texte précise que la perception d'avantages pécuniaires pour l'exercice des fonctions d'administration d'une organisation syndicale dans les conditions ainsi prévues « ne sera justifiée que dans les hypothèses et les limites prévues à l'article 521, paragraphe unique, de la Consolidation des lois du travail, sous réserve de l'autorisation préalable du service local du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale et de l'obligation, pour l'administrateur désigné, d'appartenir à la catégorie professionnelle en cause ».
    4. 85 En terminant, le gouvernement indique que toute infraction à l'arrêté ministériel dont il est question dans les deux paragraphes précédents est punie.
    5. 86 Il semble, au vu des explications fournies par le gouvernement sur cet aspect du cas - qui n'a trait qu'indirectement à la liberté syndicale proprement dite - que la législation nationale comporte des sauvegardes contre les abus qui pourraient être commis par les personnes chargées de l'administration des syndicats placés sous contrôle.
    6. 87 Dans ces conditions, sans revenir sur le principe même du contrôle des syndicats au sujet duquel il a déjà eu l'occasion de formuler son point de vue, le comité recommande au Conseil d'administration d'insister auprès du gouvernement pour que celui-ci veille à ce que les dispositions pertinentes de la législation soient strictement appliquées en cas d'abus de la part des personnes chargées de l'administration des syndicats placés sous contrôle et, sous cette réserve, de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 88. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) tout en exprimant sa préoccupation du fait qu'il existe encore des organisations sous contrôle, de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 81 ci-dessus, qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen des allégations relatives à l'interdiction qui aurait été faite au Syndicat des employés de banque de l'Etat de Guanabara de procéder à des élections;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives aux abus dont se seraient rendus coupables certains «contrôleurs» chargés de la direction de syndicats:
    • i) d'insister auprès du gouvernement pour que celui-ci veille à ce que les dispositions pertinentes de la législation soient strictement appliquées en cas d'abus de la part des personnes chargées de l'administration des syndicats placés sous contrôle;
    • ii) sous cette réserve, de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives à des restrictions apportées à l'exercice du droit de grève, compte tenu du principe selon lequel les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à la compétence du comité dans la mesure où elles affectent la liberté syndicale:
    • i) de rappeler l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit de se réunir librement dans leurs propres locaux, en dehors de toute autorisation préalable et de tout contrôle des autorités publiques;
    • ii) d'inviter le gouvernement, pour les raisons indiquées aux paragraphes 73 et 74 ci-dessus, à envisager la possibilité de modifier sa législation de manière à éliminer la disposition de l'article 8 de la loi no 4330 de 1964 en vertu de laquelle le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a la possibilité de se faire représenter par un délégué aux assemblées générales des syndicats, ce délégué ayant le droit de participer aux débats;
    • iii) d'exprimer l'opinion que la disposition de l'article 23 de la loi no 4330 de 1964 mentionnée au paragraphe 76 ci-dessus, qui a pour effet d'empêcher le recours à la grève une fois rendue la décision du tribunal, ne semble pas offrir les garanties nécessaires pour éviter que ne puissent être limitées gravement les possibilités d'action des organisations en ce qui concerne la promotion et la défense des intérêts de leurs membres.
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