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Rapport intérimaire - Rapport No. 93, 1967

Cas no 385 (Brésil) - Date de la plainte: 03-AVR. -64 - Clos

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  1. 177. La présente affaire a déjà fait l'objet de la part du Comité de cinq rapports intérimaires respectivement contenus aux paragraphes 133 à 152 de son quatre-vingt-unième rapport, 271 à 277 de son quatre-vingt-troisième rapport, 474 à 491 de son quatre vingt-cinquième rapport, 209 à 233 de son quatre-vingt-septième rapport et 215 à 219 de son quatre-vingt-dixième rapport.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 178. La seule partie des plaintes restant actuellement en suspens présente un double aspect: un aspect général portant sur l'arrestation ou la condamnation de dirigeants syndicaux et un aspect particulier ayant trait au cas propre de M. Riani.
  2. 179. En ce qui concerne le premier aspect, deux séries d'allégations ont été formulées: l'une par la Fédération syndicale mondiale selon laquelle quarante-sept dirigeants syndicaux auraient été arrêtés, l'autre par la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens selon laquelle quatre dirigeants syndicaux auraient été condamnés à de longues peines de détention (dix-huit, quinze et dix ans).
  3. 180. Au sujet des allégations de la Fédération syndicale mondiale, le Comité a noté les informations du gouvernement selon lesquelles, sur les quarante-sept dirigeants nommément désignés par la F.S.M, onze avaient été libérés sans qu'aucune accusation ait été retenue contre eux, quinze faisaient l'objet d'une enquête mais restaient en liberté, neuf étaient à l'étranger, quatre étaient en fuite et trois se trouvaient en détention préventive en attendant de passer en jugement.
  4. 181. Le Comité a donc recommandé au Conseil d'administration de prendre note des informations fournies par le gouvernement et de prier ce dernier de bien vouloir le tenir au courant de l'évolution de la situation en ce qui concerne les intéressés en lui faisant notamment parvenir le texte des jugements éventuellement rendus ainsi que celui de leurs attendus.
  5. 182. Dans les diverses communications qu'il a adressées depuis au B.I.T, le gouvernement ne fait allusion qu'au cas d'une seule des personnes mentionnées par la F.S.M.; il s'agit de M. Ziller, vice-président de la C.O.N.T.E.C et membre du Comité exécutif de la F.S.M, au sujet duquel le gouvernement indique qu'étant en fuite il a été condamné par contumace à trente ans d'emprisonnement en joignant le texte du jugement rendu par la justice militaire de Belo Horizonte, jugement dont il ressort que l'intéressé a été reconnu coupable de crime contre la sécurité nationale.
  6. 183. Le Comité recommande en conséquence au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de la situation des autres dirigeants non libérés nommément désignés par la F.S.M dans sa communication du 7 décembre 1964 et au sujet desquels le gouvernement avait déjà fourni certaines informations dans sa communication du 22 juin 1965.
  7. 184. Au sujet des allégations de la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens portant sur la condamnation des dirigeants Antonio Faria Lopez, Fausto Drumond, José Boggione et Alberto José dos Santos, le Comité a noté les informations du gouvernement selon lesquelles la justice militaire de Belo Horizonte avait jugé ces personnes pour des crimes contre la sécurité nationale et les avait condamnées à des peines diverses de détention. Ayant noté également, d'après les informations du gouvernement, que les accusés avaient fait appel devant le Tribunal supérieur militaire, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui communiquer le texte des jugements rendus tant en première instance qu'en appel.
  8. 185. Par une communication en date du 24 mai 1966, le gouvernement a transmis au Bureau le texte du jugement rendu en première instance en ce qui concerne les quatre dirigeants syndicaux dont il est question au paragraphe précédent. De ce jugement, il ressort que M. Faria Lopez a été condamné à dix-huit ans de prison, M. Drumond à quinze ans, M. Boggione à quinze ans et M dos Santos à dix ans, tous quatre pour avoir tenté de renverser l'ordre politique et social établi par la Constitution avec l'aide matérielle et financière d'un Etat étranger ou d'une organisation étrangère ou internationale.
  9. 186. Par une autre communication, en date du 22 juin 1966, le gouvernement a fait savoir qu'en appel la peine de MM. Faria Lopez, Drumond et Boggione a été réduite à un an par le Tribunal supérieur militaire et que, ayant purgé leur peine, ces trois personnes ont été remises en liberté. Quant à M dos Santos, il a été acquitté en appel par ce même tribunal et également remis en liberté.
  10. 187. Bien que le gouvernement, alors que la demande lui en avait été faite, n'ait pas fourni le texte du jugement de deuxième instance dont il est question ci-dessus, le Comité considère que, les quatre dirigeants mis en cause ayant aujourd'hui recouvré leur liberté, il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
  11. 188. Toutefois, avant de recommander au Conseil d'administration de prendre acte de la libération des intéressés, le Comité note que l'un de ceux-ci a été jugé innocent en en deuxième instance et que les trois autres ont vu leur peine réduite dans des proportions très considérables.
  12. 189. A ce propos, le Comité tient à rappeler que, dans plusieurs cas antérieurs, il avait signalé que la détention par les autorités de syndicalistes dans le cas desquels il n'a été trouvé, par la suite, aucun motif de condamnation était susceptible d'entraîner des restrictions aux droits syndicaux. Le cas de M dos Santos est l'illustration d'une semblable situation. Dans les trois autres cas, la réduction à un an de peines qui avaient été tout d'abord fixées à dix-huit ans pour l'un des intéressés et à quinze ans pour les deux autres démontre de façon évidente que les charges finalement retenues contre eux n'ont pas de rapport avec celles qui avaient originairement pu motiver leur première condamnation. Si l'on songe que l'arrestation des quatre personnes en question remonte au mois de mars 1964 et que le jugement de seconde instance a été rendu le 21 juin 1966, on perçoit qu'une détention ainsi prolongée puisse entraîner des restrictions aux droits syndicaux.
  13. 190. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de prendre note de la libération des dirigeants mentionnés par la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens, mais de signaler à l'attention du gouvernement que l'arrestation ou la détention de syndicalistes contre lesquels il ne peut être trouvé, par la suite, de motif de condamnation ou dont la détention a duré en fait plus longtemps que la peine à laquelle ils ont été condamnés sont de nature à entraîner des restrictions aux droits syndicaux.
  14. 191. En ce qui concerne le cas particulier de M. Riani, on se souviendra que celui-ci revêtait un double aspect: en premier lieu, M. Riani se trouvant être dirigeant syndical, et des mesures ayant été prises contre lui, il incombait au Comité et au Conseil d'administration de déterminer s'il y avait eu, en l'occurrence, atteinte aux droits syndicaux; en second lieu, une question particulière se posait du fait que M. Riani, au moment des événements objets de la plainte, avait la qualité de membre adjoint du Conseil d'administration et que les mesures prises contre lui l'avaient empêché de remplir ses fonctions en tant que tel.
  15. 192. Sur le second point, le Comité a déjà formulé des observations, lesquelles ont été approuvées par le Conseil d'administration.
  16. 193. Sur le premier point, la situation était la suivante: M. Riani avait été condamné à dix-sept ans de réclusion par le Conseil de justice de la IVème région militaire pour subversion à l'ordre public. Le Comité, à sa session du mois de mai 1966, avait noté que le gouvernement avait fourni le texte du jugement rendu par l'instance qui vient d'être mentionnée, que M. Riani avait fait appel, que le ministère public s'était prononcé en faveur d'une révision partielle du jugement et d'une condamnation de l'intéressé à dix ans de réclusion au lieu de dix-sept, enfin que le gouvernement se proposait de fournir le texte du jugement rendu en seconde instance. Le texte de ce dernier jugement a été adressé par le gouvernement au B.I.T par une communication en date du 14 septembre 1966.
  17. 194. Du texte de ce jugement, rendu le 11 juillet 1966 par le Tribunal supérieur militaire, il ressort essentiellement: que, d'une part, ce tribunal a estimé que le crime défini par l'article 2 (IV) de la loi no 1802/53, pour lequel M. Riani avait été condamné en première instance, ne peut pas être réputé avoir été commis si la personne accusée ne s'est pas effectivement engagée dans des activités visant clairement et délibérément à changer l'ordre politique et social de la nation, que, d'autre part, cependant, l'incitation des masses à l'action directe assortie de violences, l'instigation à la paralysie des services publics, la préparation d'une telle paralysie ou la contribution à sa réalisation, ou les directives données dans le but de parvenir à cette fin sont, en elles-mêmes, des délits qui doivent être punis en tant que tels; qu'enfin et en conséquence le jugement de première instance est modifié, que la base législative des délits commis est corrigée et que la peine de M. Riani est réduite de dix-sept à sept ans de réclusion.
  18. 195. Plus précisément, le Tribunal a considéré que M. Riani, à la fois membre du Parlement et dirigeant syndical, avait profité de sa situation et d'une « période où les conditions étaient anormales en raison du système de gouvernement introduit par l'ex-Président » pour prêcher publiquement l'action directe et la violence en vue de renverser l'ordre social et politique établi, qu'il avait incité les masses à faire un usage abusif et criminel des grèves en vue de paralyser les services d'utilité publique, et qu'il s'était livré à une propagande politique intensive et violente dans des discours, à des réunions, par voie de circulaires syndicales et lors de manifestations syndicales.
  19. 196. Aux yeux du Tribunal, toutes ces actions, bien que perpétrées en préparation du crime majeur prévu par l'article 2 (IV) de la loi no 1802/53 (voir paragr. 194 ci-dessus), pour lequel M. Riani avait été condamné en première instance, ne pouvaient être considérées comme un commencement d'exécution de ce crime ni, par conséquent, être punies comme tel. Lesdites actions, cependant, étant des délits en elles-mêmes, c'est pour les avoir commises et avouées que M. Riani a été condamné par le Tribunal à sept ans de prison en application de l'article 66 du Code pénal militaire.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 197. Il paraît bien ressortir, tant des explications fournies par le gouvernement que des textes de jugements à la disposition du Comité, que les raisons qui ont motivé la peine encourue par M. Riani ne résident pas dans les activités proprement syndicales de l'intéressé, mais bien dans des activités de caractère politique dépassant, de l'avis de ce tribunal, le cadre d'activités syndicales normales. Le Comité n'estime pas devoir ou pouvoir se prononcer sur cette appréciation du Tribunal ni sur la peine infligée par le Tribunal en raison de cette appréciation.
  2. 198. En ce qui concerne la procédure suivie, le Comité a noté, d'après les explications fournies à cet égard par le gouvernement, que le Tribunal supérieur militaire brésilien faisait partie intégrante du système judiciaire brésilien, dont il était l'organe le plus ancien, et qu'il offrait certaines garanties telles que le droit de défense. Le Comité estime néanmoins que lorsque ses décisions s'appliquent à un civil, une telle juridiction présente un caractère spécial.
  3. 199. Par ailleurs, alors qu'en toute circonstance il est du devoir du Comité et du Conseil d'administration de veiller à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux, ce devoir est plus impérieux encore lorsqu'il s'agit de dirigeants syndicaux qui sont de surcroît membres ou membres adjoints du Conseil d'administration et lorsque les mesures dont ils ont été l'objet les ont empêchés de remplir leurs fonctions. Or, bien que M. Riani n'ait plus aujourd'hui la qualité qui était la sienne au moment des événements dont il est question dans la présente affaire, il n'en reste pas moins qu'il était, lorsque ces événements se sont déroulés, membre adjoint du Conseil d'administration.
  4. 200. C'est pourquoi, eu égard aux considérations qui sont énoncées dans les deux paragraphes précédents, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de tout changement qui pourrait éventuellement survenir dans la situation de M. Riani.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 201. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de la situation des dirigeants syndicaux non libérés nommément désignés par la Fédération syndicale mondiale dans sa communication du 7 décembre 1964 et au sujet desquels le gouvernement a déjà fourni certaines informations dans ses communications des 22 juin 1965 et 24 mai 1966;
    • b) de prendre note de la libération des dirigeants syndicaux mentionnés par la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens dans sa communication du 4 octobre 1965;
    • c) de signaler à l'attention du gouvernement que l'arrestation ou la détention de syndicalistes contre lesquels il ne peut être trouvé, par la suite, de motif de condamnation ou dont la détention a duré en fait plus longtemps que la peine à laquelle ils ont été condamnés sont de nature à entraîner des restrictions aux droits syndicaux;
    • d) de noter qu'après la déclaration du ministère public indiquant qu'il était en faveur de la réduction de dix-sept à dix ans de la peine infligée à M. Riani en première instance, le jugement rendu le 11 juillet 1966 par le Tribunal supérieur militaire du Brésil a réduit cette peine à sept ans de réclusion;
    • e) d'insister une fois encore sur l'importance qu'il convient d'attacher à ce que, lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun, les intéressés soient jugés dans les plus brefs délais possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, et selon une procédure assortie de toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière;
    • f) de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de tout changement qui pourrait éventuellement survenir dans la situation de M. Riani;
    • g) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement.
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