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- 89. Envoyées de Miami (Etats-Unis), les plaintes faisant l'objet du présent cas sont contenues dans une communication en date du 15 février 1966, signée par M. Reinaldo Pico Ramón, en sa qualité de secrétaire général de l'Organisation révolutionnaire des transports de Cuba (en exil), et dans une communication en date du 15 mars 1966 émanant des Corporations économiques de Cuba (en exil). Dans une autre lettre, de mars 1966, la première de ces organisations a fait tenir des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Ces trois communications ont été portées à la connaissance du gouvernement dans une communication en date du 5 mai 1966.
- 90. N'ayant pas reçu du gouvernement les observations qu'il lui avait demandées, le Comité a décidé, lors de ses sessions de mai 1966, novembre 1966 et février 1967, d'ajourner l'examen de ce cas.
- 91. Dans des communications en date des 13 juin, 15 novembre et 12 décembre 1966, l'Organisation révolutionnaire des transports de Cuba (O.R.T.) (en exil) a formulé de nouvelles allégations dont le texte a lui aussi été transmis au gouvernement.
- 92. Le gouvernement a formulé ses observations dans une communication en date du fer avril 1967, signée par le représentant permanent de Cuba à Genève.
- 93. Lors de sa session de mai 1967, le Comité a décidé de renvoyer l'examen de ce cas à sa session suivante.
- 94. Cuba a ratifié la convention (ne 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 95. Dans sa plainte du 15 février 1966, l'O.R.T. dénonçait les traitements inhumains infligés à des milliers de travailleurs détenus, de même que l'absence de liberté syndicale et le fait qu'à son avis, les travailleurs cubains ne pouvaient pas élire librement leurs dirigeants. A son propre sujet, l'O.R.T. faisait savoir qu'elle groupait des travailleurs cubains exilés du secteur des transports et qu'elle était affiliée à la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens (C.L.A.S.C.). Dans ses communications postérieures, l'O.R.T. cite des faits concrets et des déclarations des autorités gouvernementales qui tendraient à démontrer le bien-fondé des allégations formulées.
- 96. La plainte que les Corporations économiques de Cuba (en exil) ont adressée au Directeur général du B.I.T le 15 mars 1966 affirme que le gouvernement défend uniquement les intérêts de l'Etat, qu'il attaque ouvertement le droit syndical et qu'il a aboli le régime patronal pour créer l'Etat patron. Cette communication affirme en outre qu'à Cuba le travail est obligatoire, ce qui va ouvertement à l'encontre du droit et de la liberté de négociation collective. A Cuba, les travailleurs intervenaient dans la fixation de leurs salaires - ajoute la communication-, soit directement dans les conventions collectives, soit par l'intermédiaire de leurs représentants dans les commissions tripartites du salaire minimum, mais, en 1960, ces commissions ont été supprimées par le gouvernement, qui a interdit, en 1962, « de réglementer les salaires par voie de conventions collectives, cette attribution revenant à l'Etat »; en 1963 et en 1964, le gouvernement aurait établi le « système communiste de catégories de salaire ». Ces plaignants estiment que les dispositions mentionnées par eux violent diverses conventions internationales du travail sur le travail forcé, le salaire minimum, etc.
- 97. Dans sa réponse du fer avril 1967, le gouvernement conteste aux deux organisations plaignantes la qualité voulue pour présenter à l'O.I.T des plaintes en prétendues violations de la liberté syndicale, mais il fait tenir des observations détaillées sur une partie des questions soulevées dans lesdites plaintes.
- 98. En écartant la plainte présentée par les Corporations économiques de Cuba (en exil), le gouvernement s'en remet, pour les répéter, aux observations sur lesquelles il s'était fondé pour s'opposer, dans le cas no 329, à l'examen par le Comité d'une autre plainte présentée par la même organisation. Le gouvernement estime en outre nécessaire de souligner le caractère tardif et douteux de la plainte présentée par « l'association plaignante ou... ses membres pour la dignité et la défense des droits syndicaux et des conquêtes sociales des travailleurs... ». Selon le gouvernement, les plaignants poursuivent simplement un but de propagande, animés qu'ils sont par le désir de rétablir l'état de choses antérieur au système économique et social actuel.
- 99. Au sujet des plaintes présentées par l'O.R.T., le gouvernement réitère aussi les observations qu'il avait présentées auparavant selon lesquelles les allégations de ce genre « loin de défendre le mouvement syndical dans notre pays, prétendent en réalité amener sur la scène internationale des questions de politique intérieure et idéologiques et même de simples questions de droit pénal ordinaire ». Le gouvernement estime opportun de poser, à titre préalable, la question du « vrai caractère de ladite association et des circonstances qui entourent le début de cette affaire », comme aussi des « mobiles qui animent ceux qui l'ont soulevée ». Il considère que l'O.R.T. n'est pas une organisation professionnelle ou syndicale nationale et encore moins internationale qui puisse avoir un statut consultatif. Il ne s'agit pas non plus, ajoute le gouvernement, d'une action entreprise en dehors du territoire cubain par une organisation qui pourrait avoir existé à Cuba. De l'avis du gouvernement, ces allégations ont été formulées par une entité nouvelle dont les membres ne posséderaient, ni en fait ni en droit, la qualité de travailleurs des transports à Cuba et, de l'avis du gouvernement, ils ne sauraient se prévaloir du caractère d'une organisation professionnelle « afin d'aboutir au but régulier visé par les conventions nos 87 et 98 de l'O.I.T. ». Toujours selon le gouvernement, l'O.R.T. est complètement étrangère aux intérêts des travailleurs des transports et à leurs organisations légitimes, qui groupent, à Cuba, plus de 96 000 travailleurs.
- 100. Le gouvernement estime bon que le Conseil d'administration et le Comité de la liberté syndicale ne se croient pas liés par une définition nationale du concept d'association, mais il entend qu'un tel critère ne peut pas autoriser ces organismes à attribuer ad libitum le caractère d'association professionnelle à tout groupement, quels que soient l'objet, les buts, la nature et la forme de son institution, lui donnant ainsi la possibilité d'entreprendre une action publique universelle à l'encontre des normes constitutionnelles qui fixent la sphère de compétence de l'Organisation internationale du Travail.
- 101. Sur le fond des questions soulevées par les Corporations économiques de Cuba (en exil), le gouvernement repousse, comme absolument fausses, la version des faits et l'interprétation de règlements en matière de travail et en matière sociale présentées par les plaignants. Le gouvernement affirme que depuis son arrivée au pouvoir, le fer janvier 1959, il n'a édicté aucune disposition constitutionnelle qui interdise la grève, qui interdise ou entrave la conclusion de contrats individuels ou collectifs de travail ou qui établisse un système de salaires préjudiciable aux intérêts des travailleurs.
- 102. Sur le fond des questions soulevées par l'O.R.T., le gouvernement repousse également la version des faits donnée dans les plaintes.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- Question préalable concernant la recevabilité des plaintes
- 103 Adoptant la même position que dans des cas antérieurs de dissolution ou de prétendue dissolution de l'organisation plaignante par les autorités, le Comité a estimé recevable, dans son quatre-vingt-troisième rapport, approuvé par le Conseil d'administration, la plainte présentée par les Corporations économiques de Cuba (en exil), qui fait partie du cas no 329. Par conséquent, le Comité estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner de nouveau cet aspect du cas et que la plainte présentée actuellement par les Corporations économiques de Cuba (en exil) est recevable conformément à la procédure en vigueur.
- 104 Le gouvernement déclare, au sujet de l'O.R.T., que cet organisme n'existait pas à Cuba, que ses membres ne sont pas véritablement des travailleurs des transports de ce pays et qu'il s'agit là d'un groupement nouveau constitué à l'étranger.
- 105 En vertu de la procédure en vigueur, seules sont recevables les plaintes qui émanent soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements. En outre, les allégations formulées ne sont recevables que si elles sont soumises par une organisation nationale directement intéressée à la question, par des organisations internationales d'employeurs ou de travailleurs jouissant du statut consultatif auprès de l'O.I.T, ou d'autres organisations internationales d'employeurs ou de travailleurs lorsque ces allégations sont relatives à des questions affectant directement les organisations membres de ces organisations internationales.
- 106 Lorsque, dans le passé, le Comité a considéré comme recevables des plaintes émanant d'organisations syndicales en exil, c'est que ces organisations existaient dans le pays intéressé avant d'avoir estimé devoir s'exiler ou avoir été contraintes de le faire; dans le cas présent, toutefois, l'organisation plaignante parait bien n'avoir jamais eu d'existence à Cuba mais avoir été créée à l'étranger. Dans ces conditions, étant donné les principes relatifs à la recevabilité des plaintes rappelés au paragraphe précédent, le Comité, estimant que l'O.R.T. pourrait difficilement être considérée comme remplissant les conditions exigées par la procédure, considère que les plaintes présentées par cette organisation ne sont pas recevables en vertu de la procédure en vigueur.
- Allégations relatives au droit de négociation collective
- 107 Le Comité constate que le gouvernement se borne à repousser en termes généraux les allégations des Corporations économiques de Cuba (en exil), selon lesquelles la libre conclusion de conventions collectives aurait été supprimée et l'Etat aurait été seul habilité à réglementer les salaires.
- 108 Néanmoins, le Comité constate, en ce qui concerne les conventions collectives, que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a mis en doute, en 1967, la compatibilité de l'article 36 de la loi no 1022, de 1962, selon laquelle le ministère du Travail accordera l'approbation définitive des conventions collectives du travail, avec l'article 4 de la convention no 98, aux termes duquel on devra prendre des mesures pour promouvoir « le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire ».
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 109. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil a toujours attachée à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par Cuba, selon lequel des mesures devront être prises pour encourager et promouvoir l'utilisation la plus large de procédures de négociation volontaire et, sous cette réserve, de décider que les allégations formulées dans le présent cas n'appellent pas un examen plus approfondi.