ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 99, 1967

Cas no 490 (Colombie) - Date de la plainte: 09-NOV. -66 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 28. Les plaintes figurent dans une communication, en date du 9 novembre 1966, de la Fédération des travailleurs d'Antioquia (FEDETA) et dans une communication du 3 mars 1967 envoyée par l'Action syndicale de Cundinamarca (ASICUN). Copie des deux communications a été transmise au gouvernement, par lettres du 13 janvier 1967 et du 17 mars 1967, respectivement.
  2. 29. Le gouvernement a fait connaître dans une communication en date du 10 avril 1967 ses observations sur la plainte présentée par la FEDETA.
  3. 30. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à diverses mesures législatives

A. Allégations relatives à diverses mesures législatives
  1. 31. La FEDETA a communiqué le 3 novembre 1966 le texte de cinq résolutions approuvées par l'assemblée générale des comités directeurs des syndicats affiliés. La résolution no 1 vise notamment à exprimer l'appui de la FEDETA au Syndicat des travailleurs de l'entreprise Colpet dans un différend relatif au rajustement des salaires et à l'exécution d'une sentence arbitrale. Les résolutions nos. 2 et 3 ont respectivement pour objet de protester contre l'intention attribuée au gouvernement de « dégeler » les loyers qui ont été fixés en 1956, et contre l'intention attribuée à un organisme désigné sous le sigle d'A.N.D.I de bloquer les salaires; ces deux projets auraient été déposés par « des dirigeants patronaux infiltrés dans les centrales ouvrières U.T.C et C.T.C. ». La résolution no 4 a trait à la promulgation de quatre décrets: le décret no 2686, qui, d'après les plaignants, supprimerait la liberté de déplacement, la liberté d'expression orale ou écrite et d'association, le décret no 2687, qui aurait pour objet de désavouer et de démanteler les organisations d'étudiants, le décret no 2688, qui supprimerait « la liberté de réunion et de manifestation du mouvement ouvrier et les divers mouvements d'opposition », et le décret no 989, qui violerait le droit de grève. La résolution no 5 constitue une déclaration de solidarité avec divers syndicats qui auraient présenté des pétitions et qui se seraient heurtés à une attitude intransigeante de la part des employeurs.
  2. 32. Dans sa réponse en date du 10 avril 1967, le gouvernement explique que les résolutions nos 1 et 5 de l'organisation plaignante se réfèrent à des différends du travail qui ont suivi leur cours et qui ont été réglés à la fin de 1966. Les résolutions nos 2 et 3, poursuit le gouvernement, constituent des protestations contre des mesures que le gouvernement n'a pas prises, « et qu'il n'a même pas envisagé de prendre sous la forme alléguée par les plaignants ».
  3. 33. En ce qui concerne la résolution no 4, le gouvernement déclare, notamment, que la possibilité même de diffuser des résolutions de cette nature révèle le climat de liberté qui règne dans le pays, où « le régime juridique en vigueur protège, sans restriction ni distinction, les droits civils et les garanties sociales de tous les citoyens et des organisations constituées par ceux-ci conformément aux lois ». Toujours d'après le gouvernement, les décrets nos 2686, 2687 et 2688 ne constituent en aucune manière des mesures répressives ou faisant obstacle au libre exercice de leurs droits par des personnes privées ou des associations, mais ils se bornent à définir certaines attitudes antisociales et à déterminer les sanctions correspondantes.
  4. 34. En ce qui concerne le décret no 989, le gouvernement déclare que ce texte a été approuvé, après sa promulgation, par l'Union des travailleurs de Colombie (U.T.C.) et par la Confédération des travailleurs de Colombie (C.T.C.), qui sont des « centrales ouvrières représentatives du syndicalisme démocratique colombien ». Il ajoute que les dispositions dudit décret ne sont que l'application du principe de la Constitution, qui garantit le droit de grève et laisse au législateur le soin d'en réglementer l'exercice; que l'application de ce principe n'a entraîné que des avantages sur le plan social, puisque sans méconnaître le droit de grève, il consacre une solution juridique en cas d'arrêt du travail dont la prolongation indéfinie ne peut que causer un préjudice aux travailleurs; et c'est bien le sens que lui ont attribué les organisations syndicales qui se préoccupent véritablement du bien-être et de l'amélioration du sort de leurs adhérents.
  5. 35. Le gouvernement a joint à cette communication le texte des quatre décrets en question, qui ont été publiés au journal officiel. Le décret-loi no 939, du 20 avril 1966, dispose en son article 1 que, lorsqu'une grève se prolonge pendant trente jours sans que les parties parviennent à résoudre le différend qui a provoqué l'arrêt du travail, les travailleurs peuvent, dans les dix jours qui suivent, demander au ministère du Travail de soumettre le différend à la décision d'un tribunal d'arbitrage obligatoire, et que dans ce cas les dispositions légales en vigueur s'appliqueront. La demande d'arbitrage sera décidée, à la suite d'un scrutin secret, à la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise, ou par l'assemblée générale du syndicat ou des syndicats auxquels sont affiliés plus de la moitié des travailleurs. Dans l'intervalle, les parties peuvent poursuivre des conversations directes en vue de parvenir au règlement du litige, etc. L'article 2 dispose que, lorsque ni les parties agissant d'un commun accord ni les travailleurs ne demandent la constitution du tribunal d'arbitrage, le ministère du Travail peut ordonner que ladite instance soit constituée pour prendre une décision sur les revendications qui n'ont pu être résolues selon les autres procédures prévues par la loi. D'après l'article 3, la décision des travailleurs de saisir le tribunal ou la notification de la décision en ce sens prise par le ministère du Travail, comportent l'obligation, pour les travailleurs, de reprendre le travail dans un délai maximum de trois jours.
  6. 36. Le décret no 2686 a pour objet de réprimer les activités des groupes armés qui pourraient opérer dans des régions quelconques du pays; ses dispositions semblent également s'appliquer à tout individu sur lequel pèsent de graves présomptions tendant à prouver qu'il a été associé à des activités subversives déterminées ou qu'il a encouragé ces activités par des déclarations publiques, etc. Le décret no 2687 est exclusivement consacré à l'administration de l'Université nationale et au maintien de l'ordre à l'intérieur de cet établissement. Le décret no 2688 prévoit des sanctions contre quiconque coopère à des actes collectifs déterminés d'agression contre des personnes participant à des réunions dûment autorisées, ou contre les forces militaires ou de police dans l'exercice de leurs fonctions. Parmi les autres types d'infractions sanctionnées par ce décret figurent la possession ou la fabrication de matières incendiaires ou d'explosifs; la participation à des manifestations qui occasionnent des dommages aux bâtiments publics ou l'occupation indue de ces bâtiments; la séquestration de toute personne, etc.
  7. 37. En premier lieu, le Comité estime que les questions traitées dans les résolutions nos 1, 2, 3 et 5 de l'organisation plaignante ne semblent contenir aucun élément relatif à l'exercice de la liberté syndicale et qui appelle un examen au fond. En effet, deux de ces résolutions concernent les mesures qui auraient été envisagées en matière de loyers et de salaires. L'affirmation selon laquelle certains « dirigeants patronaux infiltrés » dans des organisations déterminées de travailleurs auraient donné leur appui à ces projets est hautement imprécise. En tout état de cause, le gouvernement nie avoir adopté les mesures en question et avoir même envisagé de les prendre sous la forme alléguée. Les deux autres résolutions mentionnées concernent des différends du travail déterminés à propos desquels elles ne fournissent pas de renseignements précis pour démontrer qu'au cours de ces différends les droits syndicaux ont été violés. D'après le gouvernement, ces litiges sont déjà réglés.
  8. 38. La suite de la plainte de FEDETA (résolution no 4) concerne la promulgation de quatre décrets dont le texte a été communiqué par le gouvernement. Pour ce qui est de trois de ces décrets, les plaignants n'ont fourni aucun élément qui permette d'établir un rapport entre leurs dispositions respectives et la violation éventuelle des droits syndicaux. En revanche, le décret-loi no 939 contient des dispositions qu'il semble opportun d'examiner à la lumière de certains principes que le Comité a appliqués dans des cas précédents.
  9. 39. Le Comité a toujours soutenu que les faits relatifs à l'exercice du droit de grève relèvent de sa compétence lorsqu'ils portent atteinte à l'exercice des droits syndicaux, et il a indiqué à plusieurs reprises que le droit de grève est normalement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. A ce sujet, le Comité a souligné l'importance qu'il attache, lorsque les grèves sont interdites ou soumises à des restrictions dans les services essentiels, à ce que soient établies des garanties suffisantes pour protéger les intérêts des travailleurs qui se trouvent ainsi privés d'un moyen fondamental de défendre leurs intérêts professionnels'; en outre, le Comité a déjà signalé qu'à ces restrictions devraient correspondre des procédures appropriées, impartiales et rapides de conciliation et d'arbitrage, à toutes les étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer, les sentences arbitrales rendues ayant dans tous les cas force obligatoire pour les deux parties. Le Comité a fait valoir, à ce sujet, que ces principes s'appliquent, non en cas de suppression du droit de grève, mais en cas de restriction de ce droit dans les services essentiels ou dans la fonction publique, et que des garanties appropriées doivent alors être prévues pour protéger les intérêts des travailleurs.
  10. 40. Dans le cas où une législation supprime directement ou indirectement le droit de grève, le Comité se rallie à l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, d'après laquelle une telle interdiction risque de limiter sérieusement les possibilités d'action des organisations syndicales, ce qui est contraire aux principes généralement admis en matière de liberté syndicale.
  11. 41. Or, en vertu de l'article 2 du décret-loi no 939 susmentionné, lorsque ni les parties agissant d'un commun accord ni les travailleurs ne demandent la constitution du tribunal d'arbitrage obligatoire à l'expiration d'un délai de quarante jours après le commencement de la grève, le ministère du Travail peut ordonner que le litige soit soumis au tribunal et, en conséquence, conformément à l'article 3, qu'il soit mis fin à la grève dans les trois jours qui suivent. Cette disposition peut s'appliquer, semble-t-il, même dans le cas où les travailleurs ou leurs syndicats estiment qu'il est nécessaire de poursuivre la grève en vue de défendre leurs intérêts professionnels, et elle vise non seulement des grèves touchant des services essentiels ou la fonction publique se trouvant en cause, mais également tous les autres cas de grèves. Par conséquent, il semble exister un risque que cette prérogative soit exercée de façon à restreindre les possibilités d'action des organisations syndicales, même dans les cas où les services affectés par l'interruption du travail ne sont pas des services essentiels ni ne relèvent de la fonction publique.
  12. 42. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 37 ci-dessus, que les questions soulevées dans les résolutions nos 1, 2, 3 et 5, jointes à la plainte de la Fédération des travailleurs d'Antioquia, n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) de suggérer au gouvernement la possibilité d'examiner de nouveau les dispositions des articles 2 et 3 du décret-loi no 939, du 20 avril 1966, à la lumière des principes et des considérations exposés aux paragraphes 39 à 41 ci-dessus, et d'inviter ledit gouvernement à bien vouloir faire connaître les mesures qu'il envisage adopter à ce sujet.
      • Allégations relatives au licenciement d'affiliés à un syndicat
    • 43. Dans sa communication du 3 mars 1967, l'Action syndicale de Cundinamarca (ASICUN) déclare à ce sujet qu'après avoir été autorisée à licencier une partie de son personnel, l'entreprise Hermega a licencié de préférence les employés affiliés au syndicat des travailleurs de l'entreprise. Les plaignants ont joint à leur plainte copie de diverses communications envoyées aux autorités. Dans l'une d'elles, en date du 18 mai 1965, il est prétendu que l'entreprise dont il s'agit interdit aux responsables du syndicat susmentionné de communiquer entre eux, dans l'entreprise, pendant les heures de travail ou de pause, que l'entreprise ne remet pas au syndicat la fraction des salaires qui doit être décomptée au titre des cotisations syndicales et que les dirigeants de l'entreprise ont promis des avantages aux travailleurs en échange de leur départ du syndicat. Dans une autre des communications susmentionnées, en date du 22 décembre 1966, adressée par l'Action syndicale de Cundinamarca aux autorités compétentes en matière de travail, l'entreprise en question est accusée d'avoir pratiqué une discrimination dirigée contre le syndicat lors des licenciements, en faisant circuler des bruits selon lesquels les travailleurs affiliés au syndicat risquaient d'être licenciés, etc. C'est ainsi que Mme Maria Fainory de Mongui a été licenciée le 21 décembre 1966, sans justification, cinq jours après avoir adhéré au syndicat et un jour après avoir répondu par l'affirmative à une demande de l'administration tendant à vérifier si l'intéressée avait bien adhéré au syndicat.
  13. 44. Dans sa plainte déposée devant l'O.I.T, l'ASICUN déclare également que les organisations syndicales subissent un préjudice du fait de « l'inefficacité des différents services du ministère » qui permettrait aux employeurs de bafouer les droits des travailleurs, et que les fonctionnaires du ministère du Travail font preuve, dans l'accomplissement de leurs fonctions, de partialité en faveur du patronat.
  14. 45. Jusqu'ici, le gouvernement n'a formulé aucune observation sur les faits allégués dans les deux paragraphes qui précèdent. Par conséquent, le Comité serait reconnaissant au gouvernement de bien vouloir lui soumettre ses observations, et il ajourne à cet effet l'examen du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 46. Dans ces conditions, en ce qui concerne l'ensemble du cas, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 37 ci-dessus, que les questions soulevées dans les résolutions nos 1, 2, 3 et 5, jointes à la plainte de la Fédération des travailleurs d'Antioquia, n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les faits allégués relatifs aux dispositions du décret-loi no 939, du 20 avril 1966, de suggérer au gouvernement d'examiner de nouveau les dispositions des articles 2 et 3 dudit décret, à la lumière des principes et des considérations exprimés dans les paragraphes 39 à 41 ci-dessus, et d'inviter ledit gouvernement à bien vouloir faire connaître les mesures qu'il envisage de prendre à ce sujet;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les observations sollicitées du gouvernement au paragraphe 45 ci-dessus.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer