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Rapport intérimaire - Rapport No. 101, 1968

Cas no 514 (Colombie) - Date de la plainte: 03-AVR. -67 - Clos

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  1. 453. Les plaintes ont été présentées par des lettres, datées respectivement du 3 avril 1967 et du 5 juin 1967, de la Fédération syndicale mondiale et de la Fédération départementale des travailleurs du Tolima (FEDETTOL). Par une communication du 16 mai 1967, la F.S.M a envoyé des informations complémentaires sur la question. De plus, par une communication reçue le 30 juin 1967, six fédérations syndicales, qui ont participé à la création de la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (C.S.T.C.), exprimaient leur solidarité avec les plaignants. Le gouvernement colombien, dans une lettre du 14 août 1967, formulait ses observations sur les questions soulevées dans les plaintes.
  2. 454. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 455. Les allégations contenues dans les plaintes se rapportent en premier lieu au fait qu'il y a eu effraction des locaux du syndicat, où ont été commis certains actes, entre autres la destruction des archives et la confiscation de documents légaux. En second lieu, les plaintes allèguent l'arrestation arbitraire d'un certain nombre de responsables syndicaux. Enfin, la C.S.T.C s'est vu refuser la personnalité juridique.
    • Allégations relatives à la violation des locaux syndicaux
  2. 456. Dans sa communication du 3 avril 1967, la F.S.M déclare qu'il y a eu, le 10 mars 1967, une vaste action de répression contre le mouvement ouvrier et populaire, sous prétexte d'une prétendue subversion nationale. Les bureaux des fédérations syndicales départementales et de plusieurs organisations syndicales de base auraient été forcés, leurs archives et leurs bibliothèques pillées, et l'on aurait même confisqué leurs documents légaux.
  3. 457. Etant donné que le gouvernement colombien n'a formulé aucune observation sur ces points précis, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer ses remarques à ce propos.
    • Allégations relatives à l'arrestation arbitraire de responsables syndicaux
  4. 458. La F.S.M, dans sa communication du 3 avril 1967, déclare que le gouvernement a arrêté et mis en prison, sans mandat, de nombreux dirigeants syndicaux, dont trente-quatre sont nommément désignés dans la plainte. La communication de la FEDETTOL fait état, en termes plus généraux, de l'incarcération de cinq cents dirigeants des syndicats pétroliers et paysans pour le seul motif d'avoir formulé, pour les membres de leurs organisations, les revendications que tout syndicat a le droit et le devoir de conquérir.
  5. 459. En ce qui concerne ces allégations, le gouvernement explique les arrestations par l'existence, en Colombie, d'un mouvement insurrectionnel et par les activités de celui-ci.
  6. 460. Le gouvernement ajoute que toutes ces arrestations ont eu lieu conformément aux procédures en vigueur, toutes les formalités habituelles étant remplies, et qu'il a scrupuleusement respecté, aussi bien lors de leur arrestation que dans leur détention, la dignité des personnes visées.
  7. 461. Le gouvernement poursuit en faisant remarquer que certaines des personnes arrêtées n'ont été détenues que de vingt-quatre à quarante-huit heures, d'autres de trois à huit jours, et que la plus longue incarcération n'a guère duré plus d'un mois.
  8. 462. Le Comité rappelle avoir fait observer, à propos de cas précédents, où étaient alléguée la détention préventive de responsables ou de membres de syndicats, que les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties juridiques appropriées; et que la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme, et spécialement le droit qu'a toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. Notant toutefois que le gouvernement déclare que tous les détenus ont été libérés et que toutes les procédures régulières ont été appliquées, le Comité ne juge pas nécessaire de poursuivre l'examen de cette question.
  9. 463. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
    • Allégation relative au refus de la personnalité juridique à la C.S.T.C.
  10. 464. Les plaignants allèguent que le ministère du Travail, par l'arrêté no 0475 du 14 mars 1967, a refusé la personnalité juridique à la C.S.T.C, et cela contrairement aux dispositions de la Constitution nationale et du Code du travail, et en violation flagrante du principe généralement admis selon lequel les organisations syndicales peuvent se constituer en fédérations nationales.
  11. 465. La demande de reconnaissance aurait été faite pour la première fois lors d'un congrès constitutif de la Confédération, et le gouvernement aurait à ce moment refusé d'accorder la personnalité juridique. Une deuxième demande aurait été formulée à la suite d'un congrès tenu en juillet 1966. Les plaignants déclarent qu'ils avaient répondu à toutes les conditions mises à l'octroi de la personnalité juridique, y compris la communication au ministère du Travail de toute la documentation nécessaire. Selon eux, le refus d'octroyer la personnalité juridique à la C.S.T.C serait réellement motivé par des considérations idéologiques, fondées notamment sur les rapports de la police politique.
  12. 466. Les plaignants déclarent que, dans le décret no 0596 du 10 avril 1967, qui confirme le décret du 14 mars 1967, le gouvernement fonde sa décision sur le fait que l'Etat ne saurait reconnaître une organisation dont les membres commettent des actes contraires à l'ordre et à la loi; cela, disent les plaignants, se rapporterait à l'arrestation de certains dirigeants syndicalistes, mentionnée aux paragraphes 458 à 461 ci-dessus. Les plaignants soutiennent que la demande d'octroi de la personnalité juridique avait été présentée en juillet 1966, et que le ministre était tenu par le Code du travail de répondre dans les quinze jours; or le gouvernement n'aurait rendu sa décision que le 14 mars 1967 Selon les plaignants, c'est pendant cette période, c'est-à-dire entre la date à laquelle le gouvernement aurait dû répondre et celle du décret no 0475, qu'il a procédé aux arrestations évoquées dans le décret pour motiver le refus de la personnalité juridique; c'est là, soutiennent les plaignants, une preuve manifeste de violation des droits syndicaux.
  13. 467. Dans sa communication, le gouvernement déclare qu'il a refusé la personnalité juridique à la C.S.T.C d'abord parce que celle-ci n'avait pas rempli les conditions posées par l'article 422 du Code du Travail, et aussi parce qu'elle avait violé l'article 417 de ce même code dans ses projets de statut.
  14. 468. Le gouvernement donne aussi les autres raisons, citées dans le décret, de ne pas octroyer la personnalité juridique à la C.S.T.C. Il est dit dans le décret no 0475 que, selon les rapports présentés par les organismes de sécurité de l'Etat, les buts de la C.S.T.C sont contraires aux fonctions que la loi reconnaît aux associations syndicales, et violent l'interdiction énoncée à l'article 379(d) du Code du travail; cet article dispose qu'il sera interdit aux syndicats de toute nature d'encourager ou de soutenir des campagnes ou des mouvements tendant à méconnaître, collectivement ou de la part de chaque adhérent en particulier, les principes légaux ou les actes de l'autorité légitime. Le décret ajoute que certains membres du Comité exécutif et des organismes affiliés à la C.S.T.C sont en détention car on les soupçonne d'activités contraires à l'ordre public.
  15. 469. Devant les assertions contradictoires des plaignants, selon lesquels toutes les conditions légales de reconnaissance étaient remplies, et du gouvernement, selon qui les dispositions des articles 417 et 422 du Code du travail n'étaient pas respectées, le Comité juge nécessaire un complément d'information sur cette partie de la plainte. Le Comité ne dispose en outre pas d'éléments suffisants sur les autres motifs, mentionnés au paragraphe 468 ci-dessus, du refus de la personnalité juridique.
  16. 470. Le Comité recommande en conséquence au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des renseignements plus détaillés sur les violations des articles 417 et 422 du Code du travail par la C.S.T.C et sur les diverses activités qui, aux termes du décret no 0475, constitueraient une raison supplémentaire de refuser à la C.S.T.C l'octroi de la personnalité juridique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 471. Dans ces conditions, et en ce qui concerne l'ensemble du cas, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons énoncées au paragraphe 462 ci-dessus, que les allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer ses observations sur les allégations relatives à la violation de locaux syndicaux;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives au refus de la personnalité juridique à la C.S.T.C, de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des renseignements plus détaillés sur la violation des articles 417 et 422 du Code du travail par la C.S.T.C et sur les diverses activités qui, aux termes du décret no 0475 du 14 mars 1967, constitueraient une raison supplémentaire de refuser d'octroyer la personnalité syndicale à la C.S.T.C.;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les observations et informations demandées dans les alinéas b) et c) ci-dessus.
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