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Rapport intérimaire - Rapport No. 108, 1969

Cas no 519 (Grèce) - Date de la plainte: 28-AVR. -67 - Clos

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  1. 256. Le comité a déjà examiné la présente affaire à ses sessions du mois de mai et du mois de novembre 1967. Il a présenté à ces occasions des rapports intérimaires qui ont été respectivement approuvés par le Conseil d'administration à ses 169ème session (mai-juin 1967) et 170ème session (novembre 1967).

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 257. A l'issue de son dernier examen du cas, lors duquel il a rappelé que la Grèce avait ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, le comité a formulé ses conclusions définitives sur certains aspects de l'affaire et, sur d'autres, a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires.
  2. 258. Ainsi, le gouvernement a été prié d'indiquer si les dispositions découlant du décret royal no 280, du 21 avril 1967, étaient ou non toujours en vigueur et d'exposer avec précision les règles qui, en droit et en pratique, gouvernent la procédure suivie devant les tribunaux militaires, le droit pour les travailleurs de créer les organisations de leur choix et le droit de grève. Le gouvernement a été prié également de présenter des observations précises sur les allégations analysées aux paragraphes 481 à 483 du cent unième rapport du comité et qui portaient notamment sur le fait que les autorités auraient contraint des responsables syndicaux à renoncer aux activités qu'ils exerçaient en tant que tels, sur l'intervention du gouvernement dans l'organisation des syndicats, en ce qui concerne en particulier la composition de leurs organes de direction, et sur le fait que les syndicats existants ne seraient que des instruments du régime.
  3. 259. Les informations ci-dessus ont été sollicitées du gouvernement par une lettre en date du 23 novembre 1967; celui-ci a répondu par une communication en date du 23 mai 1968 - parvenue trop tardivement pour permettre au comité de l'examiner quant au fond à sa session du mois de mai 1968 -, complétée par des communications datées des 29 mai et ter juin 1968.
  4. 260. Dans sa communication du 23 mai 1968, le gouvernement, comme il l'avait déjà fait précédemment, déclarait que la suspension de certaines dispositions constitutionnelles avait été décrétée uniquement pour prévenir les dangers que le communisme faisait courir au pays. C'est pour la même raison, ajoutait-il, que le décret royal no 280 a été promulgué. Le gouvernement insistait cependant sur le fait que ces mesures revêtaient un caractère essentiellement temporaire et qu'elles avaient été dictées par une situation exceptionnelle.
  5. 261. Le gouvernement déclarait ensuite qu'il avait fait élaborer un projet de constitution nationale sur lequel les citoyens avaient été invités à donner leur avis au moyen de cartes postales spéciales ou par la voie de la presse.
  6. 262. En ce qui concerne les conséquences du décret royal no 280, le gouvernement déclarait que la promulgation de ce texte n'avait pas eu pour effet d'abolir les garanties prévues par la Constitution, mais uniquement de permettre aux autorités d'ignorer certaines d'entre elles si les circonstances le justifiaient. Hormis les organisations qui ont été dissoutes en vertu du décret royal no 280 - et qui, au dire du gouvernement, étaient des organisations contrôlées par les communistes qui entendaient s'en servir pour renverser par la force le régime existant -, les organisations de travailleurs, déclarait le gouvernement, fonctionnent normalement conformément à leurs statuts.
  7. 263. Le gouvernement citait ici plusieurs articles de ce qui n'était alors que le projet de constitution, articles qui prévoyaient la liberté de réunion et d'association, cette dernière sans autorisation préalable, ainsi que la responsabilité de l'Etat pour la protection du travail intellectuel et manuel et le progrès matériel et moral des travailleurs. Il citait également le projet de constitution en ce qu'il prévoyait que chacun pourrait exprimer son opinion par la voie de la presse ou autrement, sous réserve du respect des lois.
  8. 264. En ce qui concerne la liberté de la presse, le gouvernement déclarait que la question serait réglementée par la loi. Dès à présent, ajoutait-il, la censure a été levée pour plusieurs journaux et périodiques et elle ne subsiste que dans une mesure aussi restreinte que possible.
  9. 265. En ce qui concerne les tribunaux militaires, le gouvernement donnait les explications suivantes. Les fonctions des cours martiales sont prévues par l'article 97 de la Constitution (ancienne). Ces tribunaux sont composés d'officiers et de juges de la justice militaire. Outre les cours martiales, la loi d'urgence de 1912 prévoit l'institution de cours martiales extraordinaires en cas de crise nationale. De telles cours ont été créées en vertu des décrets royaux nos 281 et 298 de 1967. Ces cours sont présidées par des juges réguliers, le ministère public relevant également des tribunaux ordinaires.
  10. 266. Le gouvernement précisait que la procédure des cours martiales était presque identique à celle suivie par les tribunaux ordinaires et se fondait sur les mêmes principes (audience publique, droits de la défense, droit de recours). Il indiquait en outre que les cours martiales siégeaient rarement.
  11. 267. En ce qui concerne la liberté syndicale proprement dite, le gouvernement affirmait que les travailleurs avaient le droit de créer les organisations de leur choix. Il indiquait à cet égard que, depuis le 21 avril 1967, un nombre considérable de syndicats avaient été constitués dans l'ensemble du pays. Le gouvernement déclarait en outre que le droit de grève était virtuellement rétabli et que plusieurs arrêts du travail s'étaient déjà produits.
  12. 268. En ce qui concerne les arrestations effectuées, le gouvernement affirmait une fois de plus que personne n'avait été arrêté en raison de ses activités syndicales et que toutes les personnes arrêtées l'avaient été parce qu'elles s'étaient rendues coupables soit de délits relevant du Code pénal ordinaire, soit de délits contre le régime existant. Le gouvernement ajoutait que les personnes accusées passaient en jugement aussi rapidement que possible. Il signalait enfin certaines mesures de clémence; ainsi, disait-il, une amnistie a été accordée pour certains délits commis avant et après le 21 avril 1967, les prisonniers accusés de ces délits ayant été relâchés.
  13. 269. Le gouvernement déclarait ensuite qu'il n'était pas exact, comme on l'avait prétendu, que les syndicats soient « sous les ordres directs du gouvernement ». Le gouvernement indiquait qu'en ce qui concerne notamment la Confédération générale du travail de Grèce (C.G.T.G.) le comité exécutif de cette dernière avait été élu librement en juillet 1966 et qu'il se trouvait toujours en fonction. Le comité exécutif de la C.G.T.G, poursuivait le gouvernement, a défini la position de cette organisation à l'égard du gouvernement dans une résolution unanime exprimant son désir de rester aux côtés des autorités. « Il estime en effet - disait le gouvernement - que cette attitude est dans l'intérêt de la nation, du peuple, des classes travailleuses et des activités syndicales, et il a donc autorisé le secrétaire général de la confédération à agir dans ce sens. Cette prise de position du comité exécutif a été approuvée par la suite par toutes les organisations membres de la C.G.T.G, dans des résolutions qui ont été elles-mêmes ratifiées par une écrasante majorité des classes travailleuses organisées. »
  14. 270. En ce qui concerne le fonctionnement des organisations, le gouvernement déclarait que celui-ci était libre, fondé sur les statuts syndicaux et la législation en vigueur. Il indiquait que la possibilité existait de convoquer des assemblées générales et qu'un grand nombre d'organisations de travailleurs avaient déjà procédé à des élections pour désigner de nouveaux organes de direction à l'expiration du mandat des comités directeurs précédents. Un total de mille cent organisations du premier degré auraient ainsi élu leurs organes de direction dans l'ensemble du pays.
  15. 271. Le gouvernement déclarait également que les syndicats, agissant dans les limites de leur compétence, avaient participé à la signature de conventions collectives de travail et de quatre-vingt-trois décisions d'arbitrage. Il signalait, d'autre part, que plus de dix mille réunions de travailleurs avaient eu lieu.
  16. 272. Le gouvernement relevait enfin que le régime instauré le 21 avril 1967 exécutait « un programme très complet en matière de politique sociale, prenant constamment des mesures pour améliorer les conditions de travail et pour élever le niveau de vie des classes travailleuses ». « Au moyen des conventions collectives - poursuivait le gouvernement - et des décisions arbitrales mentionnées ci-dessus, il a augmenté les traitements et les salaires de 12 pour cent en moyenne alors que, pendant la même période, le coût de la vie, au lieu de s'élever, a diminué de 3,7 pour cent en ce qui concerne l'indice général et de 5,2 pour cent pour les denrées alimentaires, la baisse moyenne étant de 4,1 pour cent. »
  17. 273. Par un télégramme du 29 mai 1968, complété par une communication portant la même date, le gouvernement indiquait qu'un décret royal avait été promulgué, en vertu duquel l'article 10 de la Constitution antérieure, relatif à la protection du droit de libre réunion, avait été remis en vigueur en ce qui concerne l'exercice de ce droit par les membres des organisations professionnelles d'ouvriers et d'employés; par ce même décret royal, poursuivait le gouvernement, s'est trouvé remis en vigueur l'article 11 de la Constitution sur la protection du droit d'association « en ce qui concerne la satisfaction des intérêts professionnels par le libre exercice de ce droit ».
  18. 274. D'autre part, déclarait le gouvernement, un décret-loi a été approuvé, par lequel il est prévu que les biens des organisations professionnelles qui ont été dissoutes seront, sur décision des tribunaux de première instance, dévolus à des organisations professionnelles, fédérations ou centres ouvriers poursuivant des buts similaires.
  19. 275. « Le gouvernement - était-il dit dans la communication du 29 mai 1968 - a été amené à prendre ces décisions car, de même que l'opinion publique, il a depuis longtemps constaté que le libre exercice du droit de réunion et du droit d'association de la part des travailleurs et des organisations professionnelles en général, loin de provoquer des désordres ou des dangers du point de vue social, répondait aux intérêts professionnels et syndicaux bien conçus, aussi bien qu'à l'intérêt social. »
  20. 276. Par une communication en date du fer juin 1968, le gouvernement, sur les points mentionnés aux paragraphes 273 et 274 ci-dessus, a apporté les précisions suivantes. Tout en confirmant que les articles 10 et 11 de la Constitution avaient été remis en vigueur, le gouvernement indiquait que le droit de s'associer des fonctionnaires et des employés des personnes morales de droit public pouvait, en vertu d'une loi, faire l'objet de certaines restrictions. Il précisait en outre que la grève était interdite aux fonctionnaires et aux employés des personnes morales de droit public.
  21. 277. En ce qui concerne la dévolution des biens des syndicats dissous, le gouvernement indiquait qu'en vertu de la loi obligatoire no 434, du 29 mai 1968, il était stipulé « que les biens de chacun des syndicats ouvriers professionnels dissous en vertu des dispositions de la loi sur l'état de siège par l'autorité militaire sont dévolus par l'ordre mentionné comme suit: a) à une autre association de la même catégorie professionnelle siégeant au même endroit, suivant le même objectif, ou, en cas de manque d'une telle association, à une autre visant à un but pareil; b) en cas de manque d'une telle association, à l'organisation professionnelle locale ou similaire d'un degré supérieur à laquelle était affilié le syndicat dissous (fédération, centre ouvrier) ou, si le syndicat n'était pas affilié à une telle organisation, à la Confédération générale du travail de Grèce ».
  22. 278. C'est le tribunal de première instance du lieu du siège du syndicat dissous qui décide laquelle des associations remplissant les conditions ci-dessus doit être considérée comme successeur du syndicat dissous en examinant à cet effet, notamment, la situation économique de chacune, « leurs possibilités quant à la réalisation des buts poursuivis par le syndicat dissous ainsi que la parenté des buts statutaires ».
  23. 279. Outre les informations contenues dans les paragraphes qui précèdent, le gouvernement a fourni de nouvelles observations dans une communication en date du 30 octobre 1968, reçue le 1er novembre 1968. Le comité estime que ces observations lui sont parvenues trop tardivement pour lui permettre de les examiner quant au fond, et considère devoir en reporter l'examen à sa session suivante.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 280. Il est utile de mentionner ici que la question de l'application de la convention no 87 en Grèce a fait l'objet d'une discussion détaillée pendant la 52ème session de la Conférence générale en juin 1968, notamment au sein de la Commission de l'application des conventions et recommandations, et qu'en conclusion la commission a «regretté de constater qu'aucun progrès n'a été accompli pour assurer l'application de la convention, et elle a exprimé l'espoir que les mesures nécessaires seraient prises sans aucun retard ». Il convient de noter également que le représentant gouvernemental de la Grèce à la commission a déclaré notamment: « De nombreuses mesures ont été prises par le gouvernement en vue de rétablir toutes les libertés constitutionnelles. Ces libertés seront entièrement rétablies à partir du 1er septembre 1968. »
  2. 281. Dans son rapport général, la commission a déclaré estimer qu'il existait de graves divergences dans l'application par la Grèce de la convention no 87. Elle a constaté que les garanties prévues dans la convention n'avaient pas été rétablies, regretté cette situation qui met en cause certains droits fondamentaux des travailleurs et attiré l'attention de la Conférence sur le cas de la Grèce en exprimant l'espoir que des mesures urgentes seraient prises par le gouvernement pour garantir la pleine jouissance des droits en question. En séance plénière de la Conférence, le délégué gouvernemental de la Grèce a déclaré considérer cette - conclusion de la commission comme profondément regrettable $.
  3. 282. Le comité a noté également que des plaintes au titre de l'article 26 de la Constitution de l'O.I.T avaient été déposées par un certain nombre de délégués à la 52ème session de la Conférence au sujet de l'observation par la Grèce des conventions nos 87 et 98, que ces plaintes portent sur divers aspects des allégations dont il avait été saisi et que la question de la suite qu'il convenait de leur donner serait examinée par le Conseil d'administration à sa session du mois de novembre 1968.
  4. 283. Par la suite, dans deux télégrammes datés respectivement des 30 et 31 juillet 1968, la Confédération internationale des syndicats libres et la Fédération internationale des ouvriers sur métaux ont formulé des allégations selon lesquelles deux nouveaux dirigeants syndicaux, MM. Papagéorgiou et Papaioannou, auraient été arrêtés. Les mêmes allégations ont été formulées par la Fédération internationale des travailleurs des industries chimiques et assimilées dans une communication du 27 août 1968.
  5. 284. Ces allégations ayant été portées à la connaissance du gouvernement, celui-ci a présenté les observations suivantes dans une communication en date du 5 septembre 1968. Les syndicalistes en question n'ont pas été arrêtés, mais invités à se présenter « pour donner des renseignements ayant trait à la sécurité nationale et à l'activité illégale déployée par des organisations communistes ».
  6. 285. La mise en liberté des intéressés ayant été confirmée par un télégramme du 1er août 1968 de la Confédération internationale des syndicats libres, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre cet aspect particulier de l'affaire et recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  7. 286. En ce qui concerne les autres questions évoquées dans l'affaire (indépendance du mouvement syndical, dévolution des biens des organisations dissoutes, droits syndicaux des fonctionnaires, etc.), de nombreux problèmes sont susceptibles de se poser, mettant en cause les principes de la liberté syndicale et le respect par la Grèce des obligations qu'elle a contractées en ratifiant les conventions nos 87 et 98. Etant donné toutefois que les dernières observations du gouvernement ont été reçues trop tardivement, le comité recommande au Conseil d'administration d'ajouter l'examen des aspects du cas qui viennent d'être mentionnés à sa prochaine session.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 287. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 285 ci-dessus, que les allégations relatives à l'arrestation des dirigeants syndicaux Papagéorgiou et Papaioannou n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 286 ci-dessus, d'ajourner à sa prochaine session l'examen des autres aspects de l'affaire dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi.
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