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- 47. Le comité a déjà examiné la présente affaire à ses sessions du mois de mai 1967, du mois de novembre 1967 et du mois de novembre 1968. Il a présenté à ces occasions des rapports intérimaires qui ont été respectivement approuvés par le Conseil d'administration à ses 169ème session (juin 1967), 170ème session (novembre 1967) et 173ème session (novembre 1968).
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 48. A l'occasion de son dernier examen du cas, le comité a rappelé que le gouvernement avait été prié d'indiquer si les dispositions découlant du décret royal no 280 du 21 avril 1967 étaient ou non toujours en vigueur et d'exposer avec précision les règles qui, en droit et en pratique, gouvernent la procédure suivie devant les tribunaux militaires, le droit pour les travailleurs de créer les organisations de leur choix et le droit de grève. Il a rappelé également que le gouvernement avait été prié en outre de présenter des observations précises sur les allégations analysées aux paragraphes 481 à 483 du cent unième rapport du comité et qui portaient notamment sur le fait que les autorités auraient contraint des responsables syndicaux à renoncer aux activités qu'ils exerçaient en tant que tels, sur l'intervention du gouvernement dans l'organisation des syndicats, en ce qui concerne en particulier la composition de leurs organes de direction, et sur le fait que les syndicats existants ne seraient que des instruments du régime.
- 49. Les observations fournies par le gouvernement en réponse à ces demandes d'information, observations qui sont contenues dans trois communications datées des 23 mai, 29 mai et 1er juin 1968, ont été analysées en détail dans les paragraphes 260 à 278 du cent huitième rapport du comité.
- 50. Dans ces observations, le gouvernement déclarait que la promulgation du décret royal no 280 n'avait pas eu pour effet d'abolir les garanties prévues par la Constitution, mais uniquement de permettre aux autorités d'ignorer certaines d'entre elles si les circonstances le justifiaient; que, hormis les organisations dissoutes, lesquelles, au dire du gouvernement, étaient contrôlées par les communistes, les organisations de travailleurs fonctionnaient normalement; que les travailleurs avaient le droit de créer les organisations de leur choix; que les syndicats n'étaient pas « sous les ordres du gouvernement »; que ceux-ci étaient libres de convoquer des réunions; que le droit de grève avait été virtuellement rétabli; que la question de la liberté de la presse, enfin, serait réglementée par la loi et que la censure avait été levée pour plusieurs journaux et périodiques.
- 51. En ce qui concerne les tribunaux militaires, le gouvernement indiquait que la procédure suivie devant ces tribunaux était presque identique à celle suivie devant les tribunaux ordinaires en ce qu'elle se fondait sur les mêmes principes (audience publique, droits de la défense, droit de recours).
- 52. En ce qui concerne les arrestations effectuées, le gouvernement affirmait que personne n'avait été arrêté en raison de ses activités syndicales et ajoutait que, d'ailleurs, plusieurs mesures de clémence avaient été prises et plusieurs personnes remises en liberté.
- 53. Le gouvernement indiquait ensuite que l'article 10 de la Constitution (antérieure), relatif à la protection du droit de libre réunion, avait été remis en vigueur en ce qui concerne l'exercice de ce droit par les membres des organisations professionnelles, de même que l'article 11 sur la protection du droit d'association « en ce qui concerne la satisfaction des intérêts professionnels par le libre exercice de ce droit ». Le gouvernement déclarait en outre que le droit de s'associer des fonctionnaires et des employés des personnes morales de droit public pouvait faire l'objet de certaines restrictions et précisait que la grève était interdite à ces catégories de travailleurs.
- 54. Le gouvernement déclarait enfin qu'il avait été prévu par décret-loi que les biens des organisations professionnelles qui avaient été dissoutes seraient, sur décision des tribunaux de première instance, dévolus à des organisations professionnelles, fédérations ou centres ouvriers poursuivant des buts similaires.
- 55. A sa session du mois de novembre 1968, le comité a été saisi en outre d'une communication en date du 30 octobre 1968 du gouvernement contenant une nouvelle série d'observations. Jugeant toutefois que cette communication lui était parvenue trop tardivement pour lui permettre de l'examiner quant au fond, le comité a décidé d'en reporter l'examen à sa session suivante.
- 56. Toujours à sa session de novembre 1968 et sans se prononcer à ce stade sur le fond de l'affaire, le comité a relevé que les questions évoquées dans le cas (indépendance du mouvement syndical, dévolution des biens des organisations dissoutes, droits syndicaux des fonctionnaires, etc.) posaient de nombreux problèmes susceptibles de mettre en cause les principes de la liberté syndicale et le respect par la Grèce des obligations découlant pour elle de la ratification des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 57. A ce propos, le comité a relevé que, dans son rapport général, la Commission de l'application des conventions et recommandations, lors de la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, tenue au mois de juin 1968, avait déclaré estimer qu'il existait de graves divergences dans l'application par la Grèce de la convention no 87 et avait constaté que les garanties prévues dans cette convention n'avaient pas été rétablies. Le comité a noté que la commission avait regretté cette situation « qui met en cause certains droits fondamentaux des travailleurs » et avait attiré l'attention de la Conférence sur le cas de la Grèce en exprimant l'espoir que des mesures urgentes seraient prises par le gouvernement pour garantir la pleine jouissance des droits en question.
- 58. Le comité a noté enfin également que des plaintes au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT avaient été déposées par un certain nombre de délégués à la 52ème session de la Conférence au sujet de l'observation par la Grèce des conventions nos 87 et 98, que ces plaintes portaient sur divers aspects des allégations dont il avait été saisi et que la question de la suite qu'il convenait de leur donner serait examinée par le Conseil d'administration à sa 173ème session (novembre 1968).
- 59. A ladite session, le Conseil d'administration a décidé de transmettre les plaintes en question au gouvernement et de prier celui-ci de présenter ses observations à leur endroit avant le 15 janvier 1969. Ces observations ont été adressées au Directeur général par une communication en date du 14 janvier 1969 émanant du gouvernement hellénique; le Conseil d'administration en sera saisi à sa 174ème session.
- 60. En ce qui concerne la communication en date du 30 octobre 1968 du gouvernement, dont le comité avait décidé de reporter l'examen, celle-ci reprend les explications qui avaient déjà été fournies antérieurement par les autorités helléniques en y apportant certaines précisions.
- 61. Ainsi, le gouvernement réaffirme que le mouvement syndical grec jouit d'une indépendance complète, que les organisations professionnelles fonctionnent librement conformément à leurs statuts et que les biens syndicaux bénéficient d'une protection adéquate. Il indique de nouveau que les syndicats ont la possibilité de convoquer des assemblées et précise que nombre d'entre eux ont procédé à l'élection de leurs nouveaux organes de direction.
- 62. Le gouvernement déclare ensuite que la presse quotidienne et périodique est libre et non assujettie à la censure; il précise qu'en ce qui concerne notamment la presse syndicale, celle-ci n'a jamais été soumise à la censure.
- 63. En ce qui concerne la dissolution de certaines organisations professionnelles, le gouvernement affirme que la raison des mesures de dissolution réside uniquement dans le fait que les organisations visées « avaient dévié de leurs buts statutaires et s'occupaient de buts politiques ». Il précise que, depuis la remise en vigueur des articles 10 et 11 de l'ancienne Constitution, aucune dissolution de syndicat n'a eu lieu.
- 64. En ce qui concerne les arrestations qui ont été effectuées, le gouvernement déclare une fois encore que personne n'a été arrêté en raison de ses activités syndicales et que les cent vingt-deux syndicalistes arrêtés « sont détenus comme dangereux pour l'ordre public et la sûreté nationale ».
- 65. Le gouvernement affirme enfin qu'« il n'est pas exact que des syndicalistes ont été forcés à renoncer à leur activité ».
- 66. Dans sa communication du 30 octobre 1968, le gouvernement apporte encore les précisions suivantes. Il indique en particulier que la nouvelle Constitution nationale, « rédigée sur la base des modèles les plus progressifs et adaptée à la réalité grecque », prévoit en son article 18 que «les Hellènes ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes », et, en son article 19, qu'ils « ont le droit de s'associer en observant les lois, qui ne peuvent toutefois en aucun cas soumettre ce droit à une autorisation préalable de l'autorité administrative ». Le gouvernement précise que les articles 18 et 19 de la Constitution seront appliqués en ce qui concerne les organisations professionnelles dès la mise en vigueur de la Constitution, c'est-à-dire lorsque la procédure engagée devant la Cour de cassation à la suite des recours déposés concernant la non-validité du référendum sera achevée.
- 67. « D'autre part - déclare le gouvernement - dans le désir d'adapter la législation grecque concernant les organisations professionnelles aux dispositions des conventions internationales du travail et aux suggestions de la Commission d'experts, nous avons procédé à la promulgation du décret royal no 667 de 1968 portant codification de la législation en vigueur sur les organisations professionnelles. » Le texte dudit décret était joint à la communication du gouvernement.
- 68. En ce qui concerne enfin la compétence des tribunaux militaires, le gouvernement s'exprime en ces termes: « Après la promulgation du décret royal du 29 mai 1968 concernant la remise en vigueur des articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 en ce qui concerne les organisations professionnelles et l'ordonnance de l'Etat-major général, il a été disposé que les commandants militaires n'ont aucune compétence pour s'ingérer dans les affaires des organisations poursuivant des buts professionnels. Il a été d'ailleurs fixé que l'ordonnance de l'Etat-major général datant du 1er septembre 1967 et promulguée en vertu de la loi sur l'état de siège de même que toutes les autres ordonnances similaires ne sont plus en vigueur pour autant qu'elles s'opposent à la protection constitutionnelle du droit des organisations professionnelles à se réunir et s'associer, toute compétence des tribunaux militaires en la matière étant supprimée. »
- 69. Il est certaines questions évoquées dans l'affaire au sujet desquelles le comité se trouve placé en face de déclarations contradictoires selon qu'elles proviennent des plaignants ou du gouvernement et sur lesquelles il lui est difficile de se prononcer. Il en est ainsi notamment des allégations relatives aux arrestations de syndicalistes, à la dissolution d'organisations professionnelles, à la liberté de la presse syndicale, à l'indépendance du mouvement syndical.
- 70. Sur d'autres aspects du cas, cependant, les éléments dont il dispose permettent au comité, sinon d'arriver à des conclusions définitives, du moins de présenter certaines observations. Il en est ainsi en particulier des points relatifs aux droits syndicaux des fonctionnaires et à la dévolution des biens des syndicats dissous.
- 71. D'autres questions enfin relèvent d'une situation qui n'est pas encore stabilisée et sur laquelle le comité ne saurait à ce stade exprimer d'opinion. On songe en particulier ici à la nouvelle Constitution hellénique qui, selon les informations à la disposition du comité, n'est pas encore entrée intégralement en application effective.
- 72. En ce qui concerne les points évoqués au paragraphe 69 ci-dessus et sans entrer dans le fond de l'affaire, le comité ne croit pas inutile de rappeler les principes qui l'ont toujours guidé lorsqu'il a eu à connaître de situations analogues.
- 73. En matière d'arrestation de syndicalistes, le comité tient à rappeler de la sorte l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de crimes de droit commun que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 74. En matière de dissolution d'organisations de travailleurs, le comité croit devoir insister sur le principe contenu à l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Grèce, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
- 75. En ce qui concerne la liberté de la presse syndicale, le comité tient à faire valoir, comme il l'a toujours fait, que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux.
- 76. En ce qui concerne enfin l'indépendance du mouvement syndical et à toutes fins utiles, le comité croit devoir rappeler les termes de la résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session (1952) et aux termes de laquelle « il est indispensable de préserver, dans chaque pays, la liberté et l'indépendance du mouvement syndical afin de mettre ce dernier en mesure de remplir sa mission économique et sociale indépendamment des changements politiques qui peuvent survenir »; lorsque les syndicats décident d'entreprendre une action politique permise par la loi, ils doivent faire en sorte que cette action ne soit pas « de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays »; de même, « lorsqu'ils s'efforcent d'obtenir la collaboration des syndicats pour l'application de leur politique économique et sociale, les gouvernements devraient avoir conscience que la valeur de cette collaboration dépend dans une large mesure de la liberté et de l'indépendance du mouvement syndical, considéré comme facteur essentiel pour favoriser le progrès social, et ils ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques. Ils ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales du syndicat en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique. »
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 77. En ce qui concerne les points évoqués au paragraphe 70 ci-dessus et, en premier lieu, la question des droits syndicaux des fonctionnaires, le comité a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle le droit de s'associer des fonctionnaires et des employés des personnes morales de droit public pouvait faire l'objet de certaines restrictions en précisant que la grève était interdite à ces catégories de travailleurs (voir paragr. 53 ci-dessus).
- 78. A cet égard, le comité tient à rappeler que l'article 2 de la convention no 87 entend consacrer le principe de la non-discrimination en matière syndicale et que la formule « sans distinction d'aucune sorte », contenue dans cet article, signifie que la liberté syndicale est reconnue sans discrimination d'aucune sorte tenant à l'occupation, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, à la nationalité, aux opinions politiques, etc., non seulement aux travailleurs du secteur privé de l'économie, mais aussi aux fonctionnaires et aux agents des services publics en général.
- 79. En ce qui concerne les restrictions à l'exercice du droit de grève, le comité croit devoir rappeler que s'il peut être admis que la grève soit interdite ou soumise à certaines restrictions, notamment dans la fonction publique et dans les services essentiels, il importe que ces restrictions ou cette interdiction soient assorties de garanties adéquates pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels et que des mécanismes de conciliation et une procédure impartiale d'arbitrage soient établis à cet effet, dont les sentences soient obligatoires dans tous les cas pour les deux parties, ces sentences, une fois rendues, devant en outre être appliquées rapidement et intégralement.
- 80. En ce qui concerne la dévolution des biens des organisations syndicales dissoutes, point qui est également évoqué au paragraphe 70 ci-dessus, le comité a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle il avait été prévu par décret-loi que les biens des organisations en question seraient, sur décision des tribunaux de première instance, dévolus à des organisations professionnelles, fédérations ou centres ouvriers poursuivant des buts similaires (voir paragr. 54 ci-dessus).
- 81. Le comité a noté également que, sur ce point, le gouvernement apportait les précisions suivantes (voir paragr. 277 et 278 du cent huitième rapport). En vertu de la loi obligatoire no 434 du 29 mai 1968, il est stipulé « que les biens de chacun des syndicats ouvriers professionnels dissous en vertu des dispositions de la loi sur l'état de siège par l'autorité militaire sont dévolus par l'ordre mentionné comme suit: a) à une autre association de la même catégorie professionnelle siégeant au même endroit, suivant le même objectif, ou, en cas d'absence d'une telle association, à une autre visant un but pareil; h) en cas de manque d'une telle association, à l'organisation professionnelle locale ou similaire d'un degré supérieur à laquelle était affilié le syndicat dissous (fédération, centre ouvrier) ou, si le syndicat n'était pas affilié à une telle organisation, à la Confédération générale du travail de Grèce ». C'est le tribunal de première instance du lieu du siège du syndicat dissous qui décide laquelle des associations remplissant les conditions ci-dessus doit être considérée comme successeur du syndicat dissous en examinant à cet effet, notamment, la situation économique de chacune, « leurs possibilités quant à la réalisation des buts poursuivis par le syndicat dissous ainsi que la parenté des buts statutaires ».
- 82. Dès son premier rapport, le comité a signalé que la protection des fonds syndicaux contre les abus qui pourraient en être faits était une question qui méritait de retenir toute son attention. Lorsqu'il a eu à connaître de cas de saisie ou de confiscation des fonds syndicaux, le comité s'est inspiré du critère, universellement accepté, selon lequel, en cas de dissolution d'une organisation, ses biens doivent être placés provisoirement en dépôt et répartis, en définitive, entre les membres de l'organisation dissoute ou transférés à l'organisation qui lui succède.
- 83. Dans le cas d'espèce, le comité constate que les biens des syndicats dissous - et dissous à la suite d'une mesure autoritaire du gouvernement - n'ont pas été répartis entre leurs membres et qu'il n'est pas prévu qu'ils le seront.
- 84. Au contraire, une loi, promulguée pour la circonstance, prévoit que les tribunaux de première instance attribueront les biens des syndicats dissous dans les conditions que l'on connaît à des organisations définies par la loi. Ces organisations couvrent l'ensemble de la hiérarchie de la structure syndicale hellénique actuelle et vont du syndicat de base pour aboutir, à défaut des échelons intermédiaires, à la Confédération générale du travail de Grèce, qui est nommément désignée dans la loi (voir paragr. 71 ci-dessus).
- 85. Certes, aux termes de cette loi, on paraît considérer que les organisations auxquelles sont dévolus les biens des syndicats dissous sont les « successeurs » de ces derniers. Il apparaît toutefois au comité que, par cette expression, il ne faut pas entendre les syndicats qui, en fait, prennent uniquement « la suite » des syndicats dissous, mais bien ceux qui poursuivent les buts pour lesquels les premiers se sont volontairement constitués et les poursuivent dans le même esprit. Or, pour des raisons qu'il n'est pas possible au comité de déterminer avec certitude, les syndicats dissous l'ont été par un acte gouvernemental; de plus, l'organisation à laquelle les biens des syndicats dissous sont dévolus de par la loi est, en dernière analyse, précisément celle dont on allègue qu'elle serait inféodée aux autorités (voir paragr. 483 du cent unième rapport).
- 86. Sans se prononcer d'une manière définitive sur cet aspect du cas, le comité estime que la solution adoptée en la matière par le gouvernement est susceptible d'ouvrir la porte à des abus et, de toute manière, ne paraît pas compatible avec le principe mentionné au paragraphe 82 ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 87. En ce qui concerne l'ensemble du cas, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de réaffirmer l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de crimes de droit commun que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- b) d'insister sur l'importance du principe contenu à l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Grèce, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
- c) de rappeler que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux;
- d) de rappeler l'importance qu'il convient d'attacher à la résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session (Genève, 1952) et aux termes de laquelle « il est indispensable de préserver, dans chaque pays, la liberté et l'indépendance du mouvement syndical afin de mettre ce dernier en mesure de remplir sa mission économique et sociale indépendamment des changements politiques qui peuvent survenir »; lorsque les syndicats décident d'entreprendre une action politique permise par la loi, ils doivent faire en sorte que cette action ne soit pas « de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays »; de même, « lorsqu'ils s'efforcent d'obtenir la collaboration des syndicats pour l'application de leur politique économique et sociale, les gouvernements devraient avoir conscience que la valeur de cette collaboration dépend dans une large mesure de la liberté et de l'indépendance du mouvement syndical, considéré comme facteur essentiel pour favoriser le progrès social, et ils ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques; ils ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales du syndicat en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique »;
- e) de rappeler que l'article 2 de la convention no 87 entend consacrer le principe de la non-discrimination en matière syndicale et que la formule « sans distinction d'aucune sorte », contenue dans cet article, signifie que la liberté syndicale est reconnue sans discrimination d'aucune sorte tenant à l'occupation, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, à la nationalité, aux opinions politiques, etc., non seulement aux travailleurs du secteur privé de l'économie, mais aussi aux fonctionnaires et aux agents des services publics en général;
- f) de rappeler que, dans les cas, notamment dans la fonction publique et dans les services essentiels, où la grève est interdite ou soumise à certaines restrictions, il importe que cette interdiction ou ces restrictions soient assorties de garanties adéquates pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels et que des mécanismes de conciliation et une procédure impartiale d'arbitrage soient établis à cet effet, dont les sentences soient obligatoires dans tous les cas pour les deux parties, ces sentences, une fois rendues, devant en outre être appliquées rapidement et intégralement;
- g) d'insister sur la nécessité d'une protection adéquate des fonds syndicaux et de rappeler à cet égard le critère universellement accepté selon lequel, en cas de dissolution d'une organisation, ses biens doivent être placés provisoirement en dépôt et répartis, en définitive, entre les membres de l'organisation dissoute ou transférés à l'organisation qui lui succède, dans le sens où cette expression doit être entendue et qui est précisé au paragraphe 85 ci-dessus.