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- 289. La plainte a été présentée dans une communication en date du 21 septembre 1967 adressée par la Fédération syndicale mondiale (F.S.M.); elle a été appuyée par l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction dans une lettre datée du 4 octobre 1967; ces deux communications ont été adressées au Secrétaire général des Nations Unies, qui les a transmises à l'O.I.T.
- 290. Le gouvernement a communiqué ses observations par une lettre datée du 5 avril 1968.
- 291. L'Indonésie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a ratifié, par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 292. Dans sa communication du 21 septembre 1967, la F.S.M formule certaines allégations d'ordre général sur les mesures répressives prises par le gouvernement à l'égard des syndicats et des organisations démocratiques ainsi qu'à l'égard de patriotes indonésiens; ces mesures comprendraient le refus des libertés démocratiques et des droits syndicaux, le plaignant déclarant à ce propos que le SOBSI, la plus grande organisation syndicale du pays, a été particulièrement touché. A l'heure actuelle, quelque cinquante-cinq mille personnes seraient emprisonnées par suite de cette politique de répression. Un grief essentiel du plaignant est que, toujours dans le cadre de cette politique, M. Njono, ancien président de l'organisation syndicale indonésienne SOBSI et ancien vice-président de la F.S.M, aurait été condamné à mort en février 1966 par un tribunal militaire spécial et son recours en grâce rejeté. L'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction, dans sa communication du 4 octobre 1967, évoque au même propos le cas de M. Sudarno Heru, membre de son comité directeur et dirigeant des travailleurs de la construction et de l'irrigation en Indonésie, dont elle dit ignorer le sort.
- 293. Dans sa communication du 5 avril 1968, le gouvernement déclare que, par décision du 5 juillet 1966, le Congrès consultatif du peuple, organe suprême de l'Etat, a approuvé la décision présidentielle du 12 mars 1966 par laquelle le Parti communiste, ses filiales et ses syndicats étaient tous dissous et déclarés illégaux. Selon le gouvernement, cette décision était fondée sur les preuves, établies par plusieurs tribunaux, que le Parti communiste, ses filiales et ses syndicats avaient inspiré le coup d'Etat manqué du 30 septembre 1965 et y étaient mêlés. Le gouvernement conclut en soulignant que les droits des autres organisations politiques et syndicales, qui ne s'étaient pas livrées à des activités nuisibles à l'intérêt de l'Etat, n'ont pas été affectés par ladite décision.
- Allégations relatives à la répression contre les syndicats
- 294. Le comité note que les plaignants ont formulé en termes très vagues leurs allégations relatives aux mesures répressives qu'auraient prises le gouvernement contre les syndicats. En fait, ces allégations n'abordent que d'une façon très générale le refus des droits syndicaux, indiquant toutefois que l'organisation syndicale indonésienne SOBSI a été particulièrement affectée. Le gouvernement, en réponse à cette allégation, déclare que certains syndicats ont été dissous par une décision prise le 5 juillet 1966 par le Congrès consultatif du peuple.
- 295. Le comité tient à rappeler que, conformément à la procédure en vigueur, il n'a pas pour attributions de formuler des conclusions d'ordre général relatives à la situation syndicale dans des pays déterminés sur la base de généralités, mais simplement de juger la valeur des allégations spécifiques formulées. Dans le cas présent, cependant, le comité a reçu du gouvernement, en ce qui concerne ces allégations, des informations plus détaillées qui indiquent que certains syndicats ont été dissous. Le comité limitera donc son examen à cet aspect des allégations.
- 296. Selon les informations susdites, le Congrès consultatif du peuple, par décision du 5 juillet 1966, a approuvé la décision présidentielle du 12 mars 1966 tendant à dissoudre les syndicats affiliés au Parti communiste. Le comité tient à souligner à cet égard l'importance qu'il attache au principe communément accepté, et énoncé à l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, selon lequel les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative. Comme l'a souligné le comité à l'occasion d'un cas précédent, toute décision de suspendre ou de dissoudre une telle organisation doit être confirmée par une décision de justice. Le comité a notamment fait remarquer qu'une dissolution opérée par décret équivaudrait à ce que l'organisation qui en serait l'objet n'ait pas bénéficié de toutes les garanties dont est assortie une procédure judiciaire régulière et s'inscrirait, par conséquent, en violation du principe précité a.
- 297. Le comité tient également à souligner que parmi les éléments essentiels de la liberté syndicale figure le droit pour les organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, droit qui est énoncé à l'article 3 de la convention no 87.
- 298. En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note du fait que certains syndicats ont été dissous par suite de la décision prise par le Congrès consultatif du peuple le 5 juillet 1966;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée aux principes communément reconnus selon lesquels les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative et ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action.
- Allégations relatives à la condamnation et à l'incarcération de certaines personnes
- 299. Le plaignant fait état de l'arrestation de quelque cinquante-cinq mille personnes par suite de la politique de répression du gouvernement. Il n'est cependant donné aucune autre indication sur ces personnes ou sur le rapport existant entre leur arrestation et la violation des droits syndicaux, sauf en ce qui concerne la condamnation à mort de M. Njono, ancien président de l'organisation syndicale indonésienne SOBSI et ancien vice-président de la F.S.M, et en ce qui concerne M. Sudarno Heru, membre du comité directeur de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction, et dirigeant des travailleurs de la construction et de l'irrigation d'Indonésie.
- 300. Le comité note que le gouvernement n'a pas répondu spécifiquement aux allégations relatives à M. Njono et à M. Sudarno Heru, mais qu'il fait allusion en termes généraux à la dissolution du Parti communiste et de ses filiales et syndicats, et au fait qu'ils ont été déclarés organisations illégales. A cet égard, le comité tient à rappeler le principe établi dans les procédures d'examen des plaintes pour atteintes prétendument portées à l'exercice des droits syndicaux et selon lequel, lorsque des allégations précises ont été formulées, le comité ne peut considérer comme satisfaisantes des réponses de gouvernements qui ne s'en tiennent qu'à des généralités. Le comité tient de plus à rappeler plusieurs cas antérieurs dans lesquels les gouvernements semblaient considérer comme une réponse suffisamment fondée le fait de déclarer en termes généraux que la détention des syndicalistes était due à des activités illégales ou subversives et non à des activités syndicales; le comité avait en ces occasions estimé que le point de savoir si les faits pour lesquels les condamnations et les emprisonnements ont été prononcés relèvent du droit commun ou politique, ou doivent être considérés comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux, ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle manière que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant. En conséquence, le comité, notant qu'il s'agit de questions intéressant la vie humaine et la liberté des personnes, recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer d'urgence ses observations sur les cas de M. Njono et de M. Sudarno Heru.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 301. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives à la répression contre les syndicats:
- i) de prendre note du fait que certains syndicats ont été dissous par suite de la décision prise par le Congrès consultatif du peuple le 5 juillet 1966;
- ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée aux principes communément reconnus selon lesquels les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative et ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action;
- b) en ce qui concerne les allégations relatives à la condamnation et à l'emprisonnement de certaines personnes, de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer d'urgence ses observations sur les cas de M. Njono et de M. Sudarno Heru;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les observations demandées au gouvernement.
- Genève, 29 mai 1968. Roberto AGO, président.