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Rapport définitif - Rapport No. 112, 1969

Cas no 560 (Maroc) - Date de la plainte: 19-JUIL.-68 - Clos

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  1. 118. La présente affaire consiste en allégations selon lesquelles M. Mohamed Abdelkader Awab, membre du bureau national de l'Union marocaine du travail et délégué des travailleurs du Maroc à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail (Genève, juin 1968), aurait été arrêté et condamné à un an de prison pour avoir diffusé, dans l'organe de l'Union marocaine du travail (UMT) L'Avant-garde, le texte de l'intervention qu'il avait prononcée en séance plénière de la Conférence. Saisi une première fois du cas à sa session du mois de novembre 1968, le comité, ayant pris note des observations présentées par le gouvernement à son sujet, avait estimé que des informations complémentaires lui seraient nécessaires pour pouvoir présenter ses conclusions en connaissance de cause et il avait notamment recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants. Saisi une nouvelle rois de l'affaire à sa session du mois de février 1969, le comité a pris connaissance du texte du jugement qui lui avait été fourni par le gouvernement et a abouti aux conclusions qui sont résumées ci-après.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 119. Le comité a constaté, au vu du jugement rendu en première instance, que M. Awab avait effectivement été condamné à un an de prison ferme. Il avait en conséquence recommandé au Conseil d'administration d'exprimer sa sérieuse préoccupation devant l'arrestation et la condamnation de M. Awab qui, « selon les éléments dont on dispose, paraissent bien être la conséquence du discours que l'intéressé avait prononcé en séance plénière de la 52ème session de la Conférence, mesures qui paraissent mettre en cause la liberté de parole des délégués à la Conférence ainsi que les immunités qui garantissent cette liberté ».
  2. 120. Le comité avait constaté en outre qu'appel de la décision rendue en première instance avait été interjeté tant par le prévenu que par le ministère public. Il avait donc, avant de formuler ses recommandations définitives au Conseil d'administration, recommandé à celui-ci de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte du jugement d'appel concernant le cas de M. Awab lorsque ce jugement aurait été rendu ainsi que le texte des considérants de ce dernier.
  3. 121. Le comité avait enfin rappelé qu'au cours des débats qui s'étaient instaurés sur la question, lors de la 173ème session du Conseil d'administration (novembre 1968), le Vice-président travailleur du Conseil d'administration, au nom de son groupe, avait fait une déclaration où, d'une part, tant du point de vue de la liberté syndicale qu'à celui de la liberté de parole des délégués à la Conférence, il déplorait les faits évoqués dans l'affaire, d'autre part, il se référait à la résolution concernant l'action de l'Organisation internationale du Travail dans le domaine des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la liberté syndicale, adoptée par la Conférence à sa 52ème session, en lançant un appel au gouvernement marocain pour que celui-ci envisage de donner effet au paragraphe 4 g) de la résolution en question, qui porte sur l'amnistie ou la grâce des syndicalistes arrêtés ou condamnés.
  4. 122. La demande d'information complémentaire dont il est question au paragraphe 120 ci-dessus a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 10 mars 1969. Dès le 17 mars 1969, l'UMT a informé télégraphiquement le Directeur général que la condamnation de M. Awab avait été confirmée par la Cour d'appel de Rabat, information qui a également paru dans la presse. Par une communication en date du 20 mai 1969, le gouvernement a transmis le texte du jugement rendu par la Cour d'appel de Rabat, d'où il ressort effectivement que la condamnation à un an de prison de M. Awab a été confirmée, l'intéressé ayant été reconnu coupable des délits de diffusion et de publication de fausses nouvelles et d'accusations calomnieuses visant à troubler la sécurité publique.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 123. En conclusion, le comité croit devoir reprendre les observations que lui avaient suggérées les examens du cas auxquels il avait antérieurement procédé en constatant tout d'abord que l'affaire parait mettre en cause l'importante question de la liberté de parole et en rappelant à cet égard que la Déclaration de Philadelphie, qui fait partie intégrante de la Constitution de l'OIT, affirme que « la liberté d'expression... est une condition indispensable d'un progrès soutenu ».
  2. 124. Il rappelle que l'article 40 de la Constitution de l'Organisation prévoit que les délégués à la Conférence devront jouir des « immunités qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation ».
  3. 125. Il rappelle en outre que, de son côté, la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, à laquelle le Maroc est partie, prévoit à l'article V, section 14, qu « en vue d'assurer aux représentants des membres des institutions spécialisées aux réunions convoquées par elles une complète liberté de parole et une complète indépendance dans l'accomplissement de leurs fonctions, l'immunité de juridiction en ce qui concerne les paroles ou les écrits ou les actes émanant d'eux dans l'accomplissement de leurs fonctions continuera à leur être accordée, même après que le mandat de ces personnes aura pris fin ». La section 17 du même article de la convention, selon laquelle cette disposition n'est pas opposable aux autorités de l'Etat dont la personne est ressortissante ou dont elle est ou a été le représentant, ne semble pas tenir suffisamment compte du cas particulier des représentants employeurs et travailleurs aux réunions de l'Organisation internationale du Travail, et l'on peut se demander si, à la lumière du principe général posé par l'article 40 de la Constitution, des mesures ne devraient pas être envisagées pour assurer une protection complète en ce qui concerne ces personnes.
  4. 126. Par ailleurs, le comité relève qu'il est constant que les délégués des organisations d'employeurs et de travailleurs à la Conférence abordent dans leurs interventions des questions qui, directement ou indirectement, intéressent l'Organisation et il émet l'opinion que le fonctionnement de la Conférence risquerait d'être considérablement entravé et la liberté de parole des délégués des organisations d'employeurs et de travailleurs paralysée si ceux-ci devaient être sous la menace de poursuites pénales qui, directement ou indirectement, seraient fondées sur le contenu de leurs interventions à la Conférence.
  5. 127. Le comité tient enfin à souligner que le droit pour les délégués à la Conférence d'exprimer librement leur point de vue sur les questions du ressort de l'Organisation implique le droit pour les délégués des organisations d'employeurs et de travailleurs de porter leurs interventions à la connaissance de leurs mandants dans leurs pays respectifs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 128. Au vu de ce qui précède et étant donné que les questions évoquées dans l'affaire sont étroitement rattachées au fonctionnement de la Conférence, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que la Conférence soit saisie du problème général du droit des délégués à la Conférence de s'exprimer librement sur les questions de la compétence de l'Organisation et des immunités qui leur sont nécessaires à cet effet.
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