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Rapport intérimaire - Rapport No. 127, 1972

Cas no 632 (Brésil) - Date de la plainte: 08-JUIN -70 - Clos

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  1. 198. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de février 1971, à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 127 à 143 de son 122e rapport, lequel a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 182e session (mars 1971). Dans ce rapport, certaines informations complémentaires ont été sollicitées du gouvernement, étant entendu que le comité ferait de nouveau rapport lorsqu'il aurait reçu lesdites informations.
  2. 199. Le gouvernement a fait parvenir deux nouvelles communications concernant l'affaire, datées respectivement des 18 et 20 octobre 1971.

A. Allégations relatives à M. Olavo Hansen

A. Allégations relatives à M. Olavo Hansen
  1. 200. Le comité se souviendra que les allégations relatives à M. Olavo Hansen avaient été formulées par la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC) dans une communication en date du 8 juin 1970, par la Confédération mondiale du travail (CMT) dans une communication en date du 17 juin 1970 et par la Fédération syndicale mondiale (FSM) dans une communication en date du 19 juin 1970. Le gouvernement avait fait parvenir ses observations par une communication du 27 octobre 1970. Les plaignants soutiennent qu'un syndicaliste de Sáo Paulo, Olavo Hansen, a été arrêté en même temps que seize de ses camarades, tandis qu'ils participaient à la célébration du 1er mai, officiellement autorisée, sur le terrain de sport « Maria Zelia » à Sáo Paulo. Il est allégué, en outre, que Hansen aurait été soumis à des interrogatoires prolongés par la police politique (DEOPS) et fait l'objet de sévices tels que, après avoir réintégré sa cellule, il ne pouvait même plus se tenir debout. Durant quelques jours, il est demeuré étendu sur son grabat, incapable de se lever, de parler, ou même d'uriner. Le 13 mai, son cadavre a été retrouvé à proximité du musée d'Ipiranga: le corps était couvert de lésions et de contusions, conséquences des tortures brutales qui lui avaient été infligées. Son décès, dont l'acte a été dressé le 9 mai 1970, n'a été notifié à sa famille que le 13 mai de la même année (soit le jour où le cadavre a été découvert).
  2. 201. Deux des organisations plaignantes (la CMT et la CLASC) demandent que l'OIT constitue une commission d'enquête chargée d'effectuer une investigation au Brésil en raison des violations graves et répétées de la liberté syndicale et des droits de l'homme que connaît ce pays.
  3. 202. Le gouvernement, dans sa communication du 27 octobre 1970, a répondu aux allégations des plaignants relatives à M. Olavo Hansen. La réponse consiste, pour l'essentiel, en un résumé du rapport dont a été saisi le juge instructeur au sujet de l'enquête menée par le parquet pour déterminer les causes du décès d'Olavo Hansen. D'après ce document, Olavo Hansen et d'autres personnes ont été arrêtés le 1er mai 1970, au Parc des sports de « Vila Maria Zelia », et une enquête de police a été ordonnée contre eux pour atteinte à la sécurité de l'Etat, plus précisément pour avoir distribué des tracts subversifs. Selon le gouvernement, Hansen était un élément militant de l'aile trotskyste qui avait déjà été traduit en 1964 devant la justice militaire et était en contact avec des personnes inculpées d'atteinte à la sécurité nationale; en outre, il était un des responsables du journal Frente Operaria (organe du Parti ouvrier révolutionnaire travailliste).
  4. 203. Le gouvernement déclare également que, après avoir passé par le 1er bataillon de police, puis par l'Operação Bandeirantes (OBAN), Hansen a été entendu le 4 mai 1970 par le Département de l'ordre politique et social (DEOPS). M. Dias, chargé des interrogatoires préliminaires, a alors constaté qu'il « ne montrait pas avoir subi de sévices ou de mauvais traitements de quelque sorte que ce soit ».
  5. 204. Toujours selon le gouvernement, le 8 du même mois Hansen, se sentant mal, a demandé la présence d'un médecin et a été examiné par le Dr Ciscato (médecin de la polyclinique du DEOPS), qui a décidé son transfert à l'hôpital militaire de Sáo Paulo, où il a été hospitalisé et assisté comme il se devait. Hansen est décédé le lendemain matin vers les 6 heures (9 mai), le médecin de l'hôpital militaire ayant indiqué comme causa mortis une insuffisance rénale due à une poussée aiguë d'une affection chronique. Il ressort du procès-verbal d'autopsie, établi le même jour, que l'examen interne du cadavre a donné un résultat négatif des points de vue anatomo-pathologique et médico-légal. Cependant, un examen du contenu de l'estomac et de prélèvement du sang et du foie aux fins d'analyse toxicologique s'est révélé positif en ce qui concerne l'insecticide « Parathion ».
  6. 205. Le gouvernement relève en outre que, à la veille de son arrestation, Hansen travaillait à l'entreprise Industria Agro-Pecuaria, laquelle utilise des engrais et des insecticides, le produit « Parathion » figurant dans la formule de certains de ces insecticides. S'il n'a pas été établi que, au moment de l'arrestation, l'intéressé était porteur d'une certaine quantité de « Parathion », la police a été d'avis qu'il aurait pu en receler dans ses vêtements ou dans son corps. De plus, note le gouvernement, le Dr Ciscato, appelé pendant la nuit du 8 mai à examiner l'intéressé, a déclaré que celui-ci lui avait dit qu'il avait souffert de troubles rénaux il y a de nombreuses années et qu'il était en traitement. Selon ce médecin, le décès devait être attribué à l'insuffisance rénale du patient.
  7. 206. Le gouvernement déclare, en conclusion, que l'enquête ordonnée pour éclaircir les circonstances de la mort d'Olavo Hansen a montré que la cause la plus probable du décès était une intoxication provoquée par l'insecticide « Parathion », tout portant à croire que l'intéressé, lors de son arrestation, avait sur lui une certaine quantité de ce poison, ou qu'il souffrait déjà d'une intoxication chronique qui a été à l'origine de son insuffisance rénale. Le gouvernement soutient, en conséquence, que, du moment que Hansen souffrait de cette affection avant d'avoir été admis à l'hôpital militaire et qu'il y reçut les soins médicaux nécessaires, le décès était dû à des circonstances naturelles si bien qu'il ne pouvait être imputable à des tiers.
  8. 207. Le comité a signalé à sa session de février 1971 que dans les cas de ce genre, où il est allégué que le décès d'une personne a une incidence directe sur l'exercice des droits syndicaux, le comité a toujours souligné que l'institution immédiate, par le gouvernement intéressé, d'une enquête impartiale était particulièrement indiquée pour éclaircir les faits et déterminer les responsabilités. En l'occurrence, il est apparu au comité, d'après la réponse du gouvernement, qu'une enquête avait eu lieu, qui avait permis de conclure que le décès d'Olavo Hansen ne pouvait être attribué à des tiers.
  9. 208. Le comité, cependant, a cru devoir relever que, si l'enquête a établi que Hansen était décédé le 9 mai 1970 par suite d'une intoxication provoquée par le produit « Parathion », à un moment où l'intéressé souffrait déjà de troubles rénaux, le gouvernement n'a pas fait de commentaires ou d'observations au sujet de l'allégation selon laquelle le corps de la victime a été retrouvé, couvert de contusions et d'hématomes, à proximité du musée d'Ipiranga, le 13 mai 1970, soit le jour où le décès a été notifié à la famille. Le comité a estimé qu'il devrait disposer d'informations complémentaires du gouvernement pour être à même de formuler des conclusions sur la plainte.
  10. 209. En ce qui concerne la demande présentée par la CLASC, le 8 juin, et par la CMT, le 17 juin 1970, en vue de l'envoi au Brésil, par l'OIT, d'une commission d'enquête chargée de constater sur place les incessantes et graves violations de la liberté syndicale et des droits de l'homme que connaît ce pays, le comité a estimé qu'il serait prématuré de faire des recommandations en ce qui concerne ces demandes avant que le gouvernement ait eu l'occasion de fournir ses informations complémentaires.
  11. 210. Dans ces conditions, le comité a recommandé au Conseil d'administration:
    • a) de prier le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur les procédures suivies lors de l'interrogatoire de M. Olavo Hansen;
    • b) de demander au gouvernement de communiquer ses observations au sujet des allégations selon lesquelles le cadavre d'Olavo Hansen a été retrouvé, couvert de contusions et d'hématomes, à proximité du musée d'Ipiranga le 13 mai 1970, avec le texte de la décision du tribunal et des attendus.
  12. 211. Dans sa nouvelle communication du 20 octobre 1971, le gouvernement se borne à signaler que, conformément aux renseignements déjà fournis antérieurement, M. Olavo Hansen a été détenu en raison de ses activités subversives, prévues par la loi, et non pour ses activités syndicales. Le gouvernement répète que M. Olavo Hansen est décédé à l'hôpital militaire général de Sáo Paulo, ce qui, à ses yeux, retire tout fondement aux allégations mentionnées au paragraphe précédent.
  13. 212. Au vu de cette communication, qui ne répond pas pleinement à ce qui avait été demandé, le comité estime nécessaire d'attirer l'attention du gouvernement sur l'observation suivante, contenue dans son 1er rapport: « Le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et le comité est convaincu que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux. »
  14. 213. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni les éléments d'information qui lui avaient été demandés au sujet de certaines allégations précises formulées par les plaignants, le mettant ainsi dans l'impossibilité de jeter la lumière sur les circonstances du cas et de présenter sur lui ses conclusions en pleine connaissance de cause.
  15. 214. Dans ces conditions, étant donné la contradiction qui existe entre les allégations formulées et les indications données par le gouvernement, le comité a décidé de demander aux plaignants toutes précisions et tous éléments de preuve disponibles en ce qui concerne le décès de M. Hansen et la découverte de son cadavre.
  16. 215. En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de regretter que le gouvernement se soit abstenu de fournir les éléments d'information qui lui avaient été demandés au sujet d'allégations de la plus grande gravité;
    • b) de noter que le comité a décidé de solliciter des plaignants l'envoi des informations complémentaires mentionnées au paragraphe précédent.
      • Allégations relatives à MM. Victorio Chinaglia, Marco Antonio Moro, Demisthoclides Batista et Herval Arueira
    • 216. Dans sa communication datée du 30 novembre 1970, la CMT affirmait que plusieurs autres syndicalistes avaient été poursuivis par les autorités du fait de leurs activités syndicales: Victorio Chinaglia, président du Syndicat du personnel infirmier de Campinas (Etat de Sáo Paulo), a été incarcéré d'avril à août 1970 et a été l'objet de sévices de la part de la police pendant les interrogatoires; Marco Aurelio, avocat syndical, qui exerçait ses fonctions à Campinas (Etat de Sáo Paulo), a été incarcéré en avril et torturé durant les premiers interrogatoires - on ignore s'il a été relâché ou non depuis lors; Aristocles Batista, président du Syndicat des cheminots à Ferro Leopoldina (Rio de Janeiro) a été condamné à huit ans de prison; Ahuera, lui aussi de Ferro Leopoldina, a été condamné à plusieurs années de prison après avoir été torturé pendant l'instruction de son procès.
  17. 217. Le gouvernement n'ayant pas présenté ses observations sur ces allégations, le comité, à sa session de février 1971, avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir les fournir.
  18. 218. Ces observations sont contenues dans la communication du gouvernement en date du 18 octobre 1971.
  19. 219. Le gouvernement indique tout d'abord que les noms exacts des personnes mentionnées sont probablement les suivants: Victorio Chinaglia et non Vitorio Chinagli; Marco Antonio Moro et non Marco Aurelio; Demisthoclides Batista et non Aristoclides Batista; Herval Arueira et non Ahuera.
  20. 220. En ce qui concerne ces personnes, le gouvernement donne les informations suivantes. M. Victorio Chinaglia se trouve en liberté et il n'y a pas de procès contre lui, bien qu'une enquête policière ait révélé son appartenance à un groupe terroriste et, de ce fait, son infraction à la loi de sécurité de l'Etat. M. Batista a été condamné à trois ans de réclusion après un procès régulier pour avoir violé l'article 34 a) de la loi no 1802, de 1953, qui définit les crimes contre l'Etat et l'ordre politique et social. M. Arueira se trouve également détenu pour avoir enfreint l'article 13 de la loi n, 1802, de 1953; cet article punit d'une peine de réclusion de deux à cinq ans ceux qui fomentent, préparent, dirigent et facilitent la paralysation des services publics et d'approvisionnement des villes. L'avocat Moro se trouve détenu, sur ordre de l'autorité judiciaire compétente, pour interrogatoire au sujet de sa participation à l'« Alliance de libération nationale », mouvement politique clandestin qui fomente et exécute des actes de terrorisme.
  21. 221. Le gouvernement déclare enfin que les personnes en cause n'ont pas été privées de leur liberté pour avoir participé à des activités syndicales et que certaines d'entre elles n'ont jamais eu de fonctions syndicales, ni participé à la politique syndicale. MM. Batista et Arueira ont été condamnés pour avoir commis des délits contre l'Etat et l'ordre politique et social et non pour avoir exercé leurs droits syndicaux qui leur sont reconnus et se trouvent protégés par la loi brésilienne.
  22. 222. Le comité prend note de ce que le gouvernement confirme que M. Victorio Chinaglia se trouve en liberté et qu'il avait été détenu pour avoir appartenu à un groupe terroriste. En ce qui concerne l'avocat Marco Antonio Moro, le comité estime, sur la base des informations dont il dispose, que sa détention n'a elle non plus aucun lien avec ses activités d'avocat syndical.
  23. 223. Par contre, en ce qui concerne MM. Demisthoclides Batista et Herval Arueira, le comité considère qu'il lui appartient de suivre la procédure qu'il a suivie en de nombreuses occasions où il était allégué que des dirigeants syndicaux avaient été placés en détention et où la question se posait de savoir quelle était la véritable raison des mesures incriminées. C'est seulement si ces mesures étaient motivées par des activités proprement syndicales qu'il fallait considérer qu'il y avait eu atteinte à la liberté syndicale. Le comité s'est fait une règle de demander aux gouvernements intéressés des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations. Dans de nombreux cas, le comité a demandé aux gouvernements intéressés de communiquer le texte des jugements prononcés ainsi que celui de leurs attendus.
  24. 224. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte des dispositions de la loi no 1802, de 1953, qu'auraient violée MM. Demisthoclides Batista et Herval Arueira, le texte des jugements rendus contre les intéressés ainsi que celui de leurs considérants.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 225. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) quant aux allégations relatives à M. Olavo Hansen:
    • i) de regretter que le gouvernement se soit abstenu de fournir les éléments d'information qui lui avaient été demandés au sujet d'allégations de la plus grande gravité;
    • ii) de noter qu'étant donné la contradiction qui existe entre les allégations formulées et les indications données par le gouvernement le comité a décidé de demander aux plaignants de fournir toutes précisions et tous éléments de preuve disponibles en ce qui concerne les circonstances du décès de M. Hansen et de la découverte de son cadavre;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives aux autres personnes détenues, de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte des dispositions de la loi Do 1802, de 1953, qu'auraient violée MM. Demisthoclides Batista et Herval Arueira, le texte des jugements rendus contre les intéressés ainsi que celui de leurs considérants;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations complémentaires sollicitées des plaignants à l'alinéa a) ii) et du gouvernement à l'alinéa b) ci-dessus.
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