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Rapport intérimaire - Rapport No. 124, 1971

Cas no 664 (Colombie) - Date de la plainte: 07-AVR. -71 - Clos

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  1. 100. La plainte de la Fédération syndicale mondiale (FSM) est contenue dans une communication en date du 7 avril 1971, adressée directement à l'OIT. Cette plainte ayant été transmise au gouvernement, celui-ci a fait parvenir sur elle ses observations par une communication en date du 5 mai 1971.
  2. 101. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 102. Les plaignants donnent des faits la version suivante. Les dirigeants des deux grandes centrales nationales, l'Union des travailleurs de Colombie (UTC) et la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (CSTC), réunis le 9 février 1971, ont décidé d'organiser pour le 8 mars une grève de vingt-quatre heures dans tout le pays pour protester contre le coût élevé de la vie, le chômage et les bas salaires. La grève visait aussi à revendiquer, auprès des autorités et du patronat, l'augmentation des salaires et traitements, le blocage des prix des articles de consommation et des services publics, l'amélioration des prestations de la sécurité sociale, le respect des droits syndicaux et la suppression des tribunaux d'arbitrage obligatoire.
  2. 103. Le 23 février, précise la FSM, l'UTC et la CSTC ont confirmé publiquement, dans une déclaration commune, le caractère de la grève en indiquant: « Elle sera pacifique et ne se basera sur aucune considération étrangère à la protestation contre la politique anti-ouvrière, antisyndicale et, en général, contre l'état de choses actuel. »
  3. 104. La FSM allègue que, malgré le caractère revendicatif et pacifique du mouvement, le gouvernement aurait déclaré la grève subversive et décrété le blocage des fonds syndicaux. En même temps, poursuivent les plaignants, profitant de l'état de siège proclamé le 27 février, le gouvernement a déclenché une violente répression contre les travailleurs et les dirigeants syndicaux qui soutenaient l'initiative de grève; c'est ainsi que, dans tout le pays, des centaines de personnes auraient été arrêtées avant le 8 mars.
  4. 105. La FSM déclare qu'en dépit des mesures de répression et d'intimidation la grève du 8 mars a pris une grande ampleur et que plus de neuf cent mille travailleurs ont cessé leurs activités durant cette journée, « apportant ainsi leur soutien à la plate-forme revendicative du comité national de grève ».
  5. 106. Malgré cela, affirme la FSM, le gouvernement a maintenu ses mesures de répression ainsi que les dispositions prises contre les syndicats. Dix jours après le mouvement, une centaine de travailleurs et de dirigeants syndicaux étaient toujours détenus, notamment: Jaime Parra, travailleur de l'Electrificadora de Boyacá, Guillermo Niño, président du Syndicat de Gaseosas de Boyacá, Raúl Baquero, président du Syndicat local des Acerias Paz de Rio à Samacá, Isabel Parada de Guevara, dirigeante ouvrière, Raúl Tapia et Rafael H. Lara, dirigeants syndicaux de la Cementos à Boyacá, Victor Acosta, président de l'UTRAL de Barranquilla, Leopoldo Montes et Benjamin Rizo, dirigeants syndicaux de Barranquilla, « ainsi que nombre d'autres militants syndicaux de Bogotá, Bucaramanga et Barrancabermeja, Cúcuta, Huila, Girardot, Arbeláez et Puerto Tajada ».
  6. 107. Les plaignants allèguent que le gouvernement a pris, d'autre part, diverses mesures contre les organisations syndicales ayant soutenu la grève. Les premiers syndicats sanctionnés, déclare la FSM, ont été ceux des entreprises La Rosa (Pereira), Cervecerias, Aguila, Industrias Simán Hermanos (Barranquilla), Colombiana de Cerámica (Cundinamarca) et Industria Licorera de Boyacá (Tunja). « Le décret signé par le ministre du Travail, M. Jorge Mario Eastman - poursuivent les plaignants - suspend pour six mois la personnalité juridique des syndicats, donnant ainsi aux employeurs la possibilité de licencier le personnel qu'ils désirent, notamment les directions syndicales, après consultation préalable avec le ministère et les tribunaux du travail, dans ce dernier cas. »
  7. 108. « Beaucoup d'autres syndicats - déclare la FSM - sont menacés de sanctions analogues, et notamment la centrale syndicale UTC, qu'on menace de priver de sa personnalité juridique. En ce qui concerne la CSTC, le ministère du Travail garde à son égard une attitude discriminatoire, se refusant à lui accorder la personnalité juridique, bien que cette centrale ait rempli toutes les conditions exigées par la loi. »
  8. 109. Dans ses observations, le gouvernement signale tout d'abord que seuls 42 syndicats sur les 5302 que compte le pays ont participé au mouvement du 8 mars. Il déclare ensuite que c'est en raison de l'état de siège que des décrets ont été pris, conformément aux dispositions du Code du travail, visant à suspendre la personnalité juridique des syndicats impliqués dans le mouvement et à geler leurs fonds.
  9. 110. Depuis, déclare le gouvernement, des mesures récentes ont été prises levant les sanctions qui frappaient certains syndicats et il précise qu'aucun syndicat ne fait aujourd'hui l'objet de sanctions.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 111. Il paraît ressortir des indications fournies par le gouvernement que les fonds des syndicats qui avaient été gelés ont été débloqués et que ceux des syndicats dont la personnalité juridique avait été suspendue se la sont vu restituer.
  2. 112. En ce qui concerne les suspensions de la personnalité juridique, il est apparu au comité que celles-ci avaient été effectuées par décrets en vertu de dispositions du Code du travail qui semblent bien avoir un caractère permanent et être indépendantes de l'existence ou non d'un état de siège. Le comité tient à attirer l'attention sur le fait que des mesures de suspension de la personnalité juridique - personnalité qui est une condition pour que les syndicats puissent fonctionner -, telles que celles que le gouvernement reconnaît avoir prises, vont à l'encontre du principe généralement admis selon lequel les syndicats ne doivent pas être sujets à suspension par voie administrative.
  3. 113. Constatant néanmoins que les mesures de suspension incriminées ont été levées, le comité, sous réserve de ce qui est dit au paragraphe précédent, recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
  4. 114. En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de dirigeants et de militants syndicaux, analysées au paragraphe 106 ci-dessus, le comité constate que le gouvernement, dans sa réponse, s'abstient d'y faire allusion.
  5. 115. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur cet aspect de la plainte en indiquant notamment la situation actuelle des personnes nommément désignées par la Fédération syndicale mondiale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 116. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, sous réserve des observations contenues au paragraphe 112 ci-dessus, que les allégations relatives à la suspension de la personnalité juridique de certains syndicats et au blocage de leurs fonds n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les allégations d'arrestation de dirigeants et de militants syndicaux, en indiquant notamment la situation actuelle des personnes nommément désignées par la Fédération syndicale mondiale et mentionnées au paragraphe 106 ci-dessus;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsque les informations complémentaires dont il est question à l'alinéa précédent lui seront parvenues.
      • Genève, 26 mai 1971. Roberto AGO, président.
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