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Rapport définitif - Rapport No. 129, 1972

Cas no 669 (Argentine) - Date de la plainte: 18-MAI -71 - Clos

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  1. 34. La plainte de la Confédération mondiale du travail est contenue dans deux communications, en date des 18 mai et 24 juin 1971, et celle de la Fédération graphique de Buenos Aires dans deux communications en date des 9 juin et 13 juillet 1971. Le gouvernement, à qui ces communications ont été soumises, a fait tenir ses observations le 9 août, le 8 novembre et le 8 décembre 1971, ainsi que le 10 janvier 1972.
  2. 35. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 36. Il ressort des diverses communications des plaignants que M. Raimundo Ongaro, dirigeant des travailleurs des arts graphiques, secrétaire général de la Confédération générale du travail des Argentins (dont fait partie la Fédération graphique de Buenos Aires) et membre suppléant du Conseil d'administration du BIT, a été arrêté par la police le 13 mai 1971. L'intéressé a été privé de sa liberté par décision du Président de la nation qui, à cet effet, a pris le décret no 11054/71 conformément aux pouvoirs que lui confère l'article 23 de la - Constitution nationale. Si un des plaignants fait valoir qu'aucune charge concrète n'a été relevée contre M. Ongaro et que certains représentants du gouvernement auraient indiqué qu'il aurait été arrêté sous la présomption d'activités subversives (accusation que M. Ongaro a repoussée), il est précisé dans une autre des plaintes qu'une procédure pénale a été entamée contre l'intéressé devant le tribunal fédéral de Resistencia (province du Chaco) pour les délits d'instigation à la violence et de rébellion.
  2. 37. Les plaignants se réfèrent aussi aux diverses actions judiciaires intentées contre M. Ongaro dans le passé, et toujours pour des délits politiques ou des délits de droit commun liés aux précédents, actions à la suite desquelles le juge a rendu des ordonnances de non-lieu. C'est la deuxième fois que l'intéressé est arrêté et tenu à la disposition du pouvoir exécutif; la première, son incarcération avait duré du 30 juin au 30 novembre 1969. Selon les plaignants, tout ce qu'ils exposent établit l'évidence que M. Ongaro est victime d'une persécution arbitraire par laquelle on espère mettre fin à son activité constante en faveur des travailleurs et des déshérités de l'Argentine. Cette persécution s'exercerait par différents moyens: procès qui, comme le montrent les sentences rendues, sont dépourvus de fondement juridique, détentions à la disposition du pouvoir exécutif et séquestrations policières.
  3. 38. Dans sa première communication, en date du 9 août 1971, le gouvernement rappelle certaines opinions émises par M. José Rucci, secrétaire général de la Confédération générale du travail de la République argentine, lequel a déclaré qu'il n'y a qu'un dirigeant politique nommé Ongaro qui, de ce fait, n'est pas un dirigeant ouvrier. Selon le gouvernement, cette déclaration de la plus haute autorité syndicale établit le manque de représentativité de M. Ongaro et implique que celui-ci n'est pas au bénéfice des garanties accordées aux véritables dirigeants syndicaux.
  4. 39. Le comité ayant demandé l'envoi d'informations plus précises sur les faits imputés à M. Ongaro et ceux qui ont motivé son arrestation, sa situation légale et sa situation en ce qui concerne la procédure pénale, le gouvernement a fait parvenir à l'OIT une nouvelle communication, en date du 4 novembre 1971. Il y signale que M. Ongaro, lorsqu'il a commencé à se consacrer à une activité politique, s'est volontairement retiré de la vie syndicale et qu'il n'occupe aucun poste « dans les organisations argentines déployant une activité syndicale ». Cette situation, poursuit le gouvernement, a été reconnue par les dirigeants eux-mêmes de la Confédération générale du travail de la République argentine, qui sont les seuls représentants légaux des travailleurs argentins. Pour ce qui est des informations plus précises qui lui avaient été demandées, le gouvernement relève, en premier lieu, que M. Ongaro a été arrêté pour avoir prononcé publiquement, à plusieurs reprises, des déclarations invitant la population à la violence, à la révolte et à la révolution, et pour permettre une enquête sur des actes présumés qui concerneraient directement la mise à exécution de ces déclarations. Pour faciliter l'appréciation des faits, le gouvernement a joint à sa communication le texte de divers articles de journaux, en ajoutant qu'il ressort de la lecture de ces coupures que M. Ongaro se livre à des activités dépourvues de tout lien avec le syndicalisme et marquées d'une empreinte politique.
  5. 40. Le gouvernement poursuit en disant que M. Ongaro est emprisonné en vertu d'un décret du pouvoir exécutif pris conformément à l'article 23 de la Constitution de la nation argentine, dont la teneur est la suivante: « En cas de bouleversement intérieur ou d'attaque extérieure mettant en danger le fonctionnement de cette constitution et des autorités créées par elle, la province ou le territoire où existera la perturbation de l'ordre sera déclaré en état de siège, les garanties constitutionnelles y seront suspendues. Mais durant cette suspension, le Président de la République ne pourra, de sa propre initiative, condamner ni appliquer de peine. En ce cas, son pouvoir se limitera, pour ce qui est des personnes, à les faire arrêter ou déplacer d'un point à un autre de la nation, dans la mesure où elles n'auraient pas préféré quitter le territoire argentin. »
  6. 41. Le gouvernement conclut en relevant que le ministère public a présenté le cas au pouvoir judiciaire de la province du Chaco, lequel a prié le pouvoir exécutif national de placer M. Ongaro sous sa juridiction en vue de son inculpation, conformément aux normes judiciaires applicables. Par conséquent, ajoute le gouvernement, il est manifeste que les autorités argentines compétentes ont appliqué les dispositions de la loi et les règles de procédure en vigueur, dispositions qui tendent à garantir l'ordre institutionnel et la paix intérieure, lesquels pourraient être gravement menacés par des attitudes ouvertement subversives analogues à celles que M. Ongaro préconise.
  7. 42. Dans une communication ultérieure, datée du 8 décembre 1971, le gouvernement fournit une nouvelle information, selon laquelle l'autorité judiciaire a ordonné la détention préventive de M. Ongaro, sous l'inculpation d'instigation aux délits de rébellion visés par l'article 209 du Code pénal. L'accusation se fonde sur les déclarations faites par M. Ongaro à Resistencia (province du Chaco) le 7 mai 1971, en présence de journalistes.
  8. 43. Enfin, dans sa communication du 10 janvier 1972, le gouvernement signale que le Président de la nation, répondant à une demande de la Confédération générale du travail de la République argentine, a ordonné l'élargissement de M. Ongaro.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 44. Le comité relève, en ce qui concerne les fonctions de M. Ongaro, que, si le gouvernement affirme que l'intéressé s'est volontairement retiré de la vie syndicale et n'occupe aucun poste « dans les organisations argentines déployant une activité syndicale » (affirmation à l'appui de laquelle le gouvernement cite certaines déclarations du secrétaire général de la Confédération générale du travail de la République argentine), les plaignants, pour leur part (de même que des informations publiées dans la presse), qualifient M. Ongaro de dirigeant des travailleurs des arts graphiques et de secrétaire général de la Confédération générale du travail des Argentins, organisation distincte de celle qui a été mentionnée en premier lieu.
  2. 45. Quant à la situation de M. Ongaro du point de vue légal, le comité constate, d'après les informations fournies, que l'intéressé a été arrêté par ordre du pouvoir exécutif et tenu à la disposition de celui-ci, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution nationale pour le cas d'état de siège, et que, parallèlement, l'autorité judiciaire a ordonné sa détention préventive pour infraction à la législation pénale.
  3. 46. Le comité tient à rappeler, à propos des détentions en cas d'état de siège, que, s'il s'est toujours abstenu de se prononcer sur l'aspect politique de l'état de siège, il a soutenu que, dans de telles circonstances, les mesures de détention doivent être accompagnées de garanties juridiques mises en couvre dans des délais raisonnables et que tout détenu doit bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible.
  4. 47. Le comité a examiné les coupures de presse communiquées par le gouvernement, qui contiennent les déclarations faites par M. Ongaro le 7 mai 1971. Elles concernent, dans leur majeure partie, des questions de caractère politique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 48. De toute manière, étant donné que M. Ongaro a retrouvé la liberté, le comité recommande au Conseil d'administration de décider, sous réserve des considérations exposées plus haut au paragraphe 46 en ce qui concerne les garanties d'une procédure régulière, que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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