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Rapport intérimaire - Rapport No. 130, 1972

Cas no 673 (Madagascar) - Date de la plainte: 14-JUIN -71 - Clos

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  1. 49. La plainte figure dans une communication en date du 14 juin 1971 adressée directement à l'OIT par la Fédération des syndicats des travailleurs de Madagascar.
  2. 50. La plainte a été transmise au gouvernement qui a envoyé ses observations dans une communication datée du 6 janvier 1972.
  3. 51. La République malagasy a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 52. Dans leur communication, en date du 14 juin 1971, les plaignants alléguaient que le gouvernement avait apporté des atteintes graves à l'application de la convention no 87 dans les entreprises ou établissements suivants: Union des coopératives agricoles de production d'arachides (UCOPRA) à Majunga, Compagnie malgache de cabotage de Majunga, Ecole normale des instituteurs d'Avaradrova et Service de l'exploitation du port de Tamatave (réseau national des chemins de fer).
  2. 53. En ce qui concerne l'Union des coopératives agricoles de production d'arachides (UCOPRA), les plaignants déclaraient que M. Arthur Regaga, membre de la Fédération des syndicats des travailleurs de Madagascar (FISEMA), avait été candidat aux élections des délégués du personnel sur la liste FISEMA du 29 juin 1970. Dans cette entreprise, où il exerçait les fonctions de gardien, il était bien connu comme membre actif de la fédération. En outre, lors des élections des membres de l'Assemblée nationale, qui se sont déroulées sur tout le territoire de la République malagasy le 6 septembre 1970, M. Regaga, en tant que membre du Parti AKFM, avait été désigné comme candidat sur la liste de ce parti.
  3. 54. Selon les allégations des plaignants, le directeur de l'UCOPRA avait envoyé, en date du 12 septembre 1970, une lettre de licenciement à M. Regaga et il apparaissait à l'évidence que les opinions de celui-ci - qui détenait son emploi depuis 1963 - étaient considérées comme contraires à celles de l'employeur et du gouvernement. Une copie de la lettre de licenciement a été fournie par les plaignants.
  4. 55. Dans la même entreprise, poursuivaient les plaignants, M. Benoît Rakotoarisono, employé comme secrétaire depuis 1964, a été licencié pour le même motif que M. Regaga. M. Rakotoarisono figurait également sur la liste de la FISEMA lors des élections des délégués du personnel du 22 juin 1970. Les plaignants ajoutaient que Mme Jeannette Ravaliarisoa, membre de la FISEMA, qui avait été candidate sur la liste présentée par le Parti AKFM aux élections des conseillers généraux du 13 septembre 1970, avait également été licenciée. Les plaignants ont fourni des copies des lettres envoyées par le directeur de l'UCOPRA aux personnes susmentionnées.
  5. 56. M. André Randriantseheno, qui travaillait pour la Compagnie malgache de cabotage de Majunga, était, selon les plaignants, connu comme militant de la FISEMA et, en tant que tel, tous ses faits et gestes étaient soigneusement contrôlés par ses employeurs. En juillet 1970, il avait reçu une lettre d'avertissement de ses employeurs; en septembre 1970, il avait été désigné comme délégué de la liste AKFM dans un bureau de vote lors du scrutin pour les élections générales du 6 septembre 1970. Les élections terminées, M. Randriantseheno avait été licencié et convoqué par la police, ce qui prouve, selon les allégations des plaignants, que son licenciement avait des motifs d'ordre politique. Les plaignants ont fourni une copie de la lettre de licenciement adressée à M. Randriantseheno en date du 11 septembre 1970.
  6. 57. M. François Rakotoiaina, de l'Ecole normale des instituteurs d'Avaradrova, s'était présenté comme candidat aux élections des délégués du personnel du 21 décembre 1970 sur la liste FISEMA. Après avoir été élu comme délégué suppléant, il a été licencié le 15 janvier 1971. Son cas a été, ajoutaient les plaignants, porté devant la Cour suprême de Madagascar. Une copie du dossier présenté à la Cour a été fournie par les plaignants.
  7. 58. MM. J. Rasamison, Randriamanentenasoa et A. Rakotondrainibe étaient tous employés par le Service de l'exploitation du port de Tamatave (réseau national des chemins de fer) et, selon les plaignants, étaient connus en tant que dirigeants et militants actifs de la FISEMA. Depuis 1969, ils avaient participé à diverses consultations électorales, municipales ou générales, en tant que membres du Parti AKFM et avaient été désignés par lui comme candidats. En 1969, ils avaient été l'objet de mesures disciplinaires diverses; ils avaient été licenciés en février 1970. Les mesures qui ont frappé ces personnes constituent, selon les allégations, des mesures discriminatoires à l'encontre du syndicat dont elles étaient membres et sont contraires à la convention no 87. Les plaignants ont fourni des copies de certains documents se rapportant à ces personnes.
  8. 59. Dans sa communication en date du 6 janvier 1972, le gouvernement déclarait que les syndicats tendent à confondre les activités politiques avec les activités syndicales selon qu'ils trouvent de l'intérêt à prendre l'affaire du côté politique ou du côté purement syndical en plaidant en faveur de l'un de leurs membres. Puisque cette distinction est soit ignorée, soit minimisée par les dirigeants syndicaux eux-mêmes, les travailleurs, membres de leur syndicat, croient qu'ils ne risquent rien en se livrant à des actions politiques jusque dans leur lieu de travail.
  9. 60. Le gouvernement estimait important de souligner que l'obligation de soumettre les licenciements aux autorités, en l'occurrence l'Inspection du travail, n'est faite aux employeurs que pour les seuls cas des délégués, des anciens délégués et des candidats aux fonctions de délégués du personnel. En dehors de ces cas, les autorités locales n'ont aucun rôle à jouer en matière de licenciement des travailleurs. Il s'agit donc, poursuivait le gouvernement, pour les cas soulevés par les plaignants, uniquement de relations professionnelles entre employeurs et travailleurs.
  10. 61. Le gouvernement ajoutait que, si un employeur licencie un travailleur sans motif légitime, le travailleur est en droit de saisir soit l'Inspection du travail, soit le tribunal du travail, cette faculté lui étant reconnue par la réglementation applicable à Madagascar. L'inspecteur du travail est habilité à procéder uniquement à une conciliation au cours de laquelle il essaie, après en avoir donné l'interprétation aux parties, d'appliquer les dispositions de la réglementation ou du Code du travail. Le gouvernement ajoutait que l'article 31 du Code du travail dispose notamment que les licenciements effectués sans motif légitime, par exemple sans raison professionnelle, ou par suite des opinions du travailleur ou de son appartenance à un syndicat déterminé, sont abusifs et peuvent donner lieu à des dommages-intérêts. Le même article prévoit que la juridiction compétente enquêtera sur les causes et les circonstances de la rupture du contrat. Si la conciliation n'aboutit pas devant l'inspecteur du travail, les parties peuvent se pourvoir devant les tribunaux. L'inspecteur du travail a pour rôle exclusif la conciliation; seuls les tribunaux peuvent prononcer des condamnations à dommages et intérêts à l'encontre d'un employeur.
  11. 62. Le gouvernement ajoutait que, dans les cas auxquels les plaignants se référaient, les mesures prises par les employeurs respectifs n'avaient pas été motivées par les opinions des travailleurs intéressés ni par leur activité syndicale ni par leur appartenance ou non appartenance à un syndicat déterminé. Les licenciements étaient motivés par des infractions aux règles disciplinaires définies par le règlement intérieur de l'entreprise ou de l'établissement. La réglementation à Madagascar, expliquait le gouvernement, reconnaît à l'employeur un pouvoir disciplinaire. Ce pouvoir est toutefois limité en ce sens qu'il est interdit à l'employeur de sanctionner des faits qui sont étrangers à l'ordre interne de l'entreprise (tels que manifestations d'opinions publiques ou religieuses, activités syndicales), à moins que les agissements en cause aient des répercussions dans la vie de l'entreprise, par le désordre ou l'agitation qu'ils pourraient susciter.
  12. 63. D'une manière générale, poursuivait le gouvernement, l'employeur ne peut jamais incriminer des actes qui correspondent à l'exercice de droits réservés aux travailleurs. En revanche, l'employeur peut sanctionner tout acte contraire à la discipline, en usant de toutes les sanctions de droit commun, y compris le renvoi, sous réserve du contrôle de l'autorité judiciaire en ce qui concerne le congédiement à titre disciplinaire pour faute lourde. Les juges du fond doivent s'assurer que cette sanction correspond à la gravité de la faute et justifie le renvoi sans préavis.
  13. 64. Dans les affaires soulevées par les plaignants, déclarait le gouvernement, les licenciements ont presque tous été assortis d'un préavis ou du règlement d'une indemnité le remplaçant. Le gouvernement ajoutait que, sauf dans le cas où une convention collective applicable dans l'établissement prévoit l'institution d'un conseil de discipline, le chef d'entreprise exerce seul le pouvoir disciplinaire soit conformément au règlement intérieur, soit en usant de son pouvoir discrétionnaire. En se servant de ce pouvoir discrétionnaire, il s'expose à des dommages-intérêts s'il commet une faute dans l'exercice de ce droit. En ce qui concerne les affaires faisant l'objet de la plainte, la conciliation n'ayant pu avoir lieu devant l'inspecteur du travail, elles ont toutes été portées devant les tribunaux où elles sont actuellement à l'étude. Le gouvernement a fourni le texte d'un règlement intérieur type dont sont pourvus les entreprises et établissements en cause.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 65. Le comité appelle l'attention sur le principe fondamental selon lequel les travailleurs, et en particulier les dirigeants syndicaux, doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, tels que licenciement, rétrogradation, transferts ou autres mesures préjudiciables; par ailleurs, ce principe ne signifie pas nécessairement que le fait de détenir un mandat syndical doive conférer à l'intéressé l'immunité contre tout licenciement, quelles que puissent être les circonstances de celui-ci. Le comité a souligné l'importance qu'il y a à fournir aux intéressés des moyens expéditifs, peu coûteux et présentant toute garantie d'impartialité pour obtenir réparation des préjudices provoqués par des actes de discrimination antisyndicale. Il a également fait état des difficultés auxquelles peut se heurter un travailleur pour prouver un acte de discrimination antisyndicale dont il aurait été l'objet. A cet égard, le comité souhaite appeler l'attention sur la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qui, en vue d'assurer une protection efficace des représentants des travailleurs, recommande notamment que des mesures soient prises pour que, lorsqu'il est allégué que le licenciement d'un représentant des travailleurs ou la modification à son désavantage de ses conditions d'emploi serait discriminatoire, obligation soit faite à l'employeur de prouver que la mesure en question était en réalité justifiée.
  2. 66. Le comité note, dans le présent cas, que les intéressés ont été licenciés par la direction de leur entreprise ou établissement respectif et qu'il ressort de la documentation fournie par les plaignants que, dans quelques cas, les travailleurs avaient reçu une mise en garde les informant qu'ils n'accomplissaient pas leurs fonctions d'une manière satisfaisante et que, dans d'autres cas, les intéressés avaient intégralement perçu les salaires et autres indemnités remplaçant le préavis. Le comité note également que la loi institue des mécanismes permettant de porter de telles affaires devant un inspecteur du travail pour conciliation et que, si les tentatives de conciliation n'aboutissent pas, les tribunaux peuvent être saisis des cas de licenciement. Le comité observe que toutes les affaires faisant l'objet des plaintes sont actuellement examinées par les tribunaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 67. Dans ces circonstances, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'appeler l'attention sur les principes exposés au paragraphe 65 ci-dessus;
    • b) de prier le gouvernement de fournir le texte des jugements rendus par les tribunaux dans toutes les affaires mentionnées dans la plainte, ainsi que celui des considérants;
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport quand il aura reçu les informations demandées à l'alinéa b) du présent paragraphe.
      • Genève, 25 février 1972. Roberto AGO, président.
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