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Rapport intérimaire - Rapport No. 137, 1973

Cas no 684 (Espagne) - Date de la plainte: 21-OCT. -71 - Clos

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  1. 97. Le comité a décidé de différer l'examen de ces cas lors de sa réunion de février 1973 (135e rapport du comité, paragraphe 9), car les observations du gouvernement lui étaient parvenues trop tard pour pouvoir être examinées quant au fond.
  2. 98. Le comité note que, dans ses observations sur ces cinq cas, le gouvernement se réfère en termes très généraux à la position qu'il a prise dans ses communications du 29 février et du 13 mai 1972 au sujet des divers cas en suspens relatifs à l'Espagne. Dans la première de ces communications, le gouvernement, entre autres déclarations, avait formulé des objections indiquant que certaines de ces plaintes usaient de termes insultants à l'égard du gouvernement espagnol et qu'elles appuyaient des organisations clandestines. Dans la seconde communication, le gouvernement s'est déclaré disposé à collaborer avec l'OIT, mais a exprimé à nouveau des réserves quant à certains aspects qu'il avait déjà soulevés dans sa communication du 29 février 1972. Le comité rappelle que, dans le rapport qu'il a présenté au Conseil d'administration lors de sa 186e session, il a indiqué qu'il ne pouvait pas partager les réserves du gouvernement relatives à certaines questions de principe soulevées dans la communication du 13 mai 1972, mais a pris note avec intérêt de la déclaration du gouvernement selon laquelle celui-ci est disposé à assurer sa collaboration (paragraphe 6 de son 131e rapport approuvé par le Conseil lors de ladite réunion).
  3. 99. Quelques-unes des nouvelles communications envoyées par le gouvernement au sujet de ces cinq cas réitèrent les objections selon lesquelles certaines de ces plaintes usent de termes injurieux ou utilisent les documents d'organisations qui ne peuvent en aucune manière être considérées comme existantes en vertu de la législation nationale. A cet égard, le comité souhaite rappeler une fois encore qu'il ne saurait assumer aucune responsabilité quant aux termes dans lesquels des plaintes lui sont présentées, mais que le respect qui est dû, tant au comité qu'à ses fonctions, exige que soit observée la correction qui s'attache à la procédure appliquée, et que l'usage d'un langage destiné à envenimer plutôt qu'à élucider une controverse devrait être évité.
  4. 100. D'une manière plus générale, le gouvernement fait savoir dans ses diverses communications qu'il a jugé opportun d'envoyer de sa propre initiative certains renseignements à la seule fin de faire la lumière sur les faits, étant entendu que, comme l'a déclaré maintes fois le Comité de la liberté syndicale, "le fait pour un gouvernement de répondre à une demande d'informations sur une plainte déterminée ne constitue pas une reconnaissance de l'exactitude et moins encore du bien-fondé de la plainte, mais un simple acte de collaboration avec le comité et le Conseil d'administration".
  5. 101. L'Espagne n'a ratifié ni la convention (no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) concernant l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Cas no 657
    1. 102 Bien que le comité ait toujours suivi le principe établi par le Conseil d'administration selon lequel il peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider si un organisme doit ou non être considéré comme une organisation professionnelle, aucune question véritable de recevabilité ne se pose en l'occurrence puisque certaines allégations originairement formulées en janvier 1971 ont été par la suite reprises à son compte par la Confédération mondiale du Travail, organisation jouissant du statut consultatif auprès de l'OIT. Il est allégué qu'en janvier 1971 les militants syndicaux Fermin Muñoz Fernández, Juan José Martinez Aguilar et Victor Serrano ont été incarcérés pour avoir suivi l'ordre de grève lancé dans l'entreprise Harry Wolker de Barcelone. D'après les plaignants, les inculpés et d'autres travailleurs de l'entreprise avaient participé à des réunions pour discuter des problèmes de travail, et une majorité des travailleurs réunis avait décidé de déclencher une grève en défense de leurs revendications professionnelles (augmentation de salaire, suspension d'amendes, amélioration des rythmes du travail). Ils ajoutent que l'organisation syndicale officielle a appuyé l'entreprise, que la police a expulsé violemment les travailleurs de l'enceinte de la fabrique et que plusieurs ouvriers ont été congédiés.
    2. 103 Dans sa communication du 13 février 1973, le gouvernement déclare qu'une des personnes auxquelles se réfère le cas a été acquittée en vertu de la sentence judiciaire prononcée le 20 décembre 1971 et que les autres ont bénéficié en temps voulu du décret d'amnistie du 23 septembre 1971 en sorte qu'elles sont toutes entièrement libres.
    3. 104 Le comité constate que les personnes mentionnées dans les;, allégations ont recouvré leur liberté, mais regrette que le gouvernement n'ait pas transmis d'informations complètes sur les divers faits allégués qui, d'après les plaignants, étaient liés à des revendications de caractère professionnel, pas plus qu'il n'a précisé les chefs d'inculpation.
    4. 105 Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de noter que les personnes détenues se trouvent en pleine liberté, mais qu'il regrette que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements détaillés, ce qui place le comité et le Conseil dans l'impossibilité de se prononcer en toute connaissance de cause sur les allégations présentées.
  • Cas no 679
    1. 106 La Confédération internationale des syndicats libres a déposé une plainte en date du 14 septembre 1971, dans laquelle elle allègue que le travailleur Pedro Patiño a été tué par la garde civile alors qu'il distribuait des tracts revendiquant des améliorations de salaires et la reconnaissance de la liberté syndicale aux autres ouvriers du bâtiment qui se trouvaient en grève. La Confédération mondiale du travail a déposé une plainte le 17 septembre 1971, sur le même sujet, ajoutant que de nombreux travailleurs avaient été incarcérés pour fait de grève. De son côté, la Fédération syndicale mondiale a déposé une plainte en date du 24 septembre 1971, alléguant que Pedro Patiño avait été abattu dans le dos au moment où il distribuait des tracts, qu'un autre ouvrier avait été blessé à la jambe et que plusieurs dirigeants des commissions ouvrières avaient été arrêtés.
    2. 107 Par une communication en date du 28 octobre 1971, la CISL a envoyé certains documents à titre d'information complémentaire pour appuyer la plainte. D'autre part, la CISL signale dans ladite communication que le 17 septembre 1971, des poursuites ont été décrétées contre quatorze travailleurs accusés du délit de sédition en vertu des articles 218 et suivants du Code pénal. L'organisation plaignante affirme que la grève professionnelle continue d'être considérée comme séditieuse et c'est sur cette raison que se fonde le tribunal de l'ordre public pour décréter les poursuites.
    3. 108 Le texte du tract envoyé par la CISL se rapporte en particulier à des revendications de caractère professionnel. Un rapport envoyé par la CISL indique dans son récit des circonstances de la mort de Pedro Patiño que le 13 septembre 1971, alors que l'intéressé et trois autres travailleurs parlaient avec des ouvriers du bâtiment, une voiture de la police est arrivée sur les lieux, ce qui provoqua la fuite des travailleurs qui ne tinrent pas compte de l'ordre de rester sur place donné par les autorités. La police ouvrit le feu sur les travailleurs, tuant Pedro Patiño; les trois autres furent arrêtés, l'un d'eux étant blessé. Un autre rapport relate les faits en des termes similaires et ajoute que la veuve de la victime, après avoir reconnu le cadavre qui se trouvait à l'hôpital, tira le drap qui le recouvrait "découvrant complètement le corps du cadavre: c'est ainsi qu'elle et le médecin qui l'accompagnait purent constater que tout le devant du corps ne portait ni trace de sang ni signe de blessure, mais qu'en revanche le sang avait coulé du dos, tachant le drap de dessous". Le rapport signale en outre qu'il n'a pas été permis à la famille d'exercer son droit de désigner des médecins pour participer à l'autopsie.
    4. 109 Dans sa communication en date du 9 février 1973, le gouvernement déclare que les autorités espagnoles ont été les premières à déplorer le fait qui provoqua la mort de Pedro Patiño. La juridiction compétente a immédiatement ouvert une enquête pour établir les causes qui furent à l'origine de l'incident et les éventuelles responsabilités. Le gouvernement conclut en disant que cette procédure s'est terminée par un non-lieu, aucun motif de culpabilité n'ayant pu être retenu.
    5. 110 Compte tenu des renseignements détaillés présentés par les plaignants, selon lesquels à l'occasion d'une grève en appui de revendications professionnelles un travailleur a été tué et un autre blessé par la police, tandis que plusieurs autres étaient détenus et incarcérés pour délit de sédition, et tenant compte également des déclarations du gouvernement, le comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) de prier le gouvernement de bien Vouloir fournir des précisions sur les résultats de l'enquête effectuée, le texte de la décision de non-lieu rendue au sujet de Pedro Patiño ainsi que celui de ses motifs;
      • b) de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer des détentions effectuées, de l'action intentée contre les détenus et de ses résultats, fournissant à cet effet le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants.
    6. Cas no 684
    7. 111 La Fédération internationale des ouvriers sur métaux a déposé une plainte en date du 21 octobre 1971, dans laquelle elle allègue l'intervention de la police dans la firme SEAT de Barcelone, au cours de laquelle de nombreux travailleurs auraient été arrêtés et quelques-uns blessés par les autorités. Dans sa communication du 26 octobre 1971, la Confédération mondiale du travail mentionne la grève qui eut lieu dans cette entreprise, le fait que la police ouvrit le feu sur les travailleurs et que 20 ouvriers environ furent traduits devant les tribunaux.
    8. 112 Par une communication en date du 8 février 1973, le gouvernement signale que les événements survenus dans l'entreprise SEAT de Barcelone au mois d'octobre 1971 ont été provoqués par des agitateurs subversifs, étrangers à ladite entreprise, formés à l'étranger et aidés matériellement de l'étranger, qui s'introduisirent dans les locaux en agressant les portiers. Ces agitateurs, poursuit le gouvernement, provoquèrent de graves troubles à l'ordre public, qui causèrent des blessures et des contusions à plusieurs personnes. Le gouvernement conclut en disant que les agissements des individus qui furent à l'origine des troubles à l'ordre public ont fait l'objet des poursuites judiciaires voulues et que toutes les personnes mentionnées dans ce cas se trouvent en liberté provisoire.
    9. 113 Etant donné que les questions auxquelles se réfèrent les plaintes ont fait l'objet d'une procédure judiciaire, le comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) de noter que les personnes arrêtées se trouvent en liberté provisoire;
      • b) de prier le gouvernement de bien vouloir lui envoyer le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants.
    10. Cas no 697
    11. 114 La confédération internationale des syndicats libres a déposé une plainte en date du 14 avril 1972, dans laquelle elle allègue que, pour avoir participé à des activités de solidarité avec les travailleurs qui ont fait l'objet de représailles à la suite des grèves qui ont eu lieu dans la fabrique Michelin de Vitoria, les six travailleurs suivants ont été arrêtés et traduits devant le tribunal de l'ordre public: dans la prison de Vitoria, Maria Cristina Valverde, Maria Inés Dueñas et Josefina Anguiano Alfonso; dans la prison de Beasaín, à Bilbao, Justiniano Baranda Otero, Blanca Pera Sarasúa et Alicia Ayala Velasco.
    12. 115 Par une communication en date du 6 février 1973, le gouvernement informe qu'aucune des personnes mentionnées dans ce cas n'a été privée de sa liberté.
    13. 116 Etant donné que cette réponse du gouvernement ne permet pas de déterminer clairement quelle est la situation qui a été réservée à ces personnes par la justice, le comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) de noter que les personnes mentionnées dans la plainte se trouvent en liberté;
      • b) de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer si une action a été intentée contre ces personnes et, en pareil cas, quelles sont les accusations qui pèsent contre elles.
    14. Cas no 704
    15. 117 La Fédération syndicale mondiale a déposé une plainte en date du 27 juin 1972, alléguant que les militants syndicaux Marcelino Camacho, Nicolás Sartorio et Eduardo Saborido, ainsi que le prêtre ouvrier Francisco Garcia avaient été arrêtés. L'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie avait fait allusion également, dans une communication du 19 janvier 1973, à l'arrestation de Marcelino Camacho et de neuf de ses compagnons, alléguant que les accusations portées contre ces personnes étaient caractéristiques de la violation des droits syndicaux en Espagne. La Fédération syndicale mondiale, à laquelle est affiliée ladite union, a fait savoir, le 25 janvier 1973, qu'elle appuyait cette plainte et qu'elle la faisait sienne.
    16. 118 Par une communication en date du 6 février 1973, le gouvernement informe que les personnes auxquelles il est fait allusion dans la plainte qui fut à l'origine du présent cas ont été arrêtées pour menées subversives avec récidive et mises à la disposition de l'autorité judiciaire compétente. D'après le gouvernement, un des inculpés a été, en outre, accusé de faux en titres publics, car il était en possession d'une fausse carte d'identité nationale munie de sa photographie. La procédure judiciaire correspondante n'est pas terminée. Le gouvernement conclut en disant que toute immixtion des autorités exécutives dans cette affaire violerait le principe de l'indépendance des tribunaux de l'ordre judiciaire. Par une nouvelle communication datée du 8 mai 1973, le gouvernement déclare que les procédures judiciaires avaient été retardées en raison du fait que certains des avocats de la défense s'étaient récusés, obligeant ainsi les accusés à choisir d'autres avocats.
    17. 119 Dans de nombreux cas où les gouvernements s'étaient bornés à réfuter les allégations selon lesquelles des militants syndicaux avaient été arrêtés pour activités syndicales ou avaient déclaré que ces personnes avaient été, en réalité, arrêtées pour activités subversives, pour des raisons de sécurité interne ou pour des délits de droit commun, le comité a toujours suivi la règle qui consiste à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible au sujet de ces détentions et, notamment, au sujet des procédures judiciaires intentées et de leurs résultats, afin de pouvoir examiner les allégations en toute connaissance de cause.
    18. 120 Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à bien vouloir fournir des informations sur les motifs exacts de l'arrestation des personnes auxquelles se réfère la plainte et, notamment, sur les actes qui ont justifié les mesures dont elles furent l'objet, ainsi qu'une fois que le jugement aura été rendu, le texte de celui-ci et de ses attendus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 121. Dans ces conditions, en ce qui concerne les cas dans leur ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) pour ce qui est des allégations relatives à la détention de divers militants syndicalistes par suite de leur participation à une grève déclarée dans l'entreprise Harry Walker de Barcelone (cas no 657), de noter que les personnes incarcérées se trouvent en liberté complète, mais qu'il regrette que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements détaillés, ce qui place le comité et le Conseil dans l'impossibilité de se prononcer en toute connaissance de cause sur les allégations présentées;
    • b) pour ce qui est des allégations relatives au décès de Pedro Patiño, imputé à la police, et à l'arrestation de divers travailleurs à l'occasion d'une grève du bâtiment (cas no 679):
    • i) de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des précisions sur l'enquête effectuée, le texte de la décision de non-lieu rendue au sujet de Pedro Patiño ainsi que celui de ses motifs; et
    • ii) de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer des cas de détentions, de l'action intentée contre les inculpés et de ses résultats, en fournissant à cet effet le texte du jugement prononcé, ainsi que celui de ses considérants;
    • c) pour ce qui est des allégations relatives à l'intervention de la police et à l'inculpation de travailleurs à l'occasion d'une grève de l'entreprise SEAT de Barcelone (cas no 684):
    • i) de noter que les personnes incarcérées sont en liberté provisoire; et
    • ii) de prier le gouvernement de bien vouloir lui envoyer le texte du jugement qui sera rendu, ainsi que celui de ses considérants;
    • d) pour ce qui est des allégations relatives à la détention de diverses personnes pour avoir participé à des actions de solidarité avec les travailleurs qui ont fait l'objet de représailles à la suite des grèves déclenchées dans les établissements Michelin de Vitoria (cas no 697):
    • i) de prendre note que les personnes mentionnées dans la plainte se trouvent en liberté; et
    • ii) de prier le gouvernement de lui faire savoir si une action a été intentée contre ces personnes et, en pareil cas, quelles sont les accusations qui pèsent sur elles;
    • e) pour ce qui est des allégations relatives à la détention de Marcelino Camacho et des autres militants syndicalistes (cas no 704), de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer des motifs exacts de la détention des personnes auxquelles se réfère la plainte et, notamment, des actes qui ont justifié les mesures dont elles furent l'objet, ainsi que, lorsqu'il aura été statué sur ce cas, le texte du jugement et de ses considérants;
    • f) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations dont il est question aux alinéas b), i) et ii), c), ii), d), ii), et e) du présent paragraphe.
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