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Rapport intérimaire - Rapport No. 139, 1974

Cas no 721 (Inde) - Date de la plainte: 30-AOÛT -72 - Clos

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  1. 497. La plainte de l'Association des enseignants du Bengale (All-Bengal Teachers Association) est contenue dans une communication du 30 août 1972, adressée directement à l'OIT. Le plaignant a présenté des informations complémentaires par une communication du 23 octobre 1972. Le gouvernement de l'Inde a fait parvenir ses observations par une communication du 31 juillet 1973.
  2. 498. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 499. Le plaignant allègue que, tant le gouvernement indien que celui de l'Etat du Bengale poursuivent, en matière d'éducation, une politique négative, qu'il s'y est toujours opposé, comme il a toujours lutté contre le gouvernement pour l'octroi de meilleures conditions de travail au profit des enseignants, et qu'il n'a donc pas soutenu le parti au pouvoir lors des élections générales.
  2. 500. En guise de représailles, poursuit le plaignant, le gouvernement de l'Etat du Bengale aurait emprisonné, sans procès et pour une durée indéterminée, certains membres de l'Association des enseignants du Bengale, en vertu des lois relatives à la prévention des actes de violence et au maintien de la sécurité intérieure.
  3. 501. Le plaignant ajoute que des éléments antisociaux (revendiquant l'appartenance au Chhatra Parishad et au Yuva Congress, groupements affiliés au parti du Congrès au pouvoir) auraient empêché, par des menaces et même par des voies de fait, quelque mille enseignants et autres membres du personnel des écoles secondaires de se rendre dans leurs établissements respectifs; une liste de ces personnes, membres du syndicat plaignant, est jointe à la communication du 23 octobre 1972. En outre, des lettres de démission auraient été extorquées à certains d'entre eux, et acceptées par la direction de certaines écoles, en connaissance de cause. Enfin, vingt et un enseignants auraient été assassinés dans l'école ou sur leur chemin, et notamment Sri Bimal Das Gupta. En dépit de demandes répétées, le gouvernement n'aurait pris aucune mesure pour protéger ces personnes, ni même annoncé publiquement de telles mesures contre ces délinquants qui se trouveraient "sous le parrainage direct du gouvernement au pouvoir dans l'Etat".
  4. 502. Le plaignant affirme encore qu'un membre de l'Assemblée législative bengalaise et du parti du Congrès, ancien ministre bengalais de l'Education, aurait proféré des menaces à l'égard des enseignants et d'autres travailleurs qui maintiendraient leur affiliation au syndicat plaignant, que les autorités gouvernementales auraient adopté diverses mesures illégales et inconstitutionnelles pour supprimer les activités du syndicat en vue de l'amélioration des conditions de travail de ses adhérents, et qu'un ministre bengalais aurait demandé au magistrat de Malda de ne pas autoriser la tenue dans le district d'un congrès de l'Association.
  5. 503. Dans sa réponse aux allégations relatives à la politique du gouvernement en matière d'éducation et aux conditions de travail du personnel de l'enseignement de l'Etat, le gouvernement fait valoir qu'elles ne font état de la violation d'aucun droit syndical et ajoute que le gouvernement de l'Inde comme celui des Etats font tout ce qui est en leur pouvoir pour développer l'enseignement et améliorer les conditions d'emploi des enseignants.
  6. 504. Le gouvernement déclare également qu'il n'a pris aucune mesure contre les enseignants en raison de leurs opinions ou de leurs positions à l'égard de la politique gouvernementale et que, si certaines personnes, parmi lesquelles des enseignants, ont été placées sous mandat d'arrêt, en vertu des lois de 1970 relatives à la prévention des actes de violence et de 1971 sur le maintien de la sécurité intérieure, c'est parce que leurs actes ont été considérés comme attentatoires à l'ordre public et non pas en raison de leurs activités d'enseignants.
  7. 505. Les allégations relatives au meurtre de certains enseignants, poursuit le gouvernement, doivent être replacées dans le contexte particulier des années 1970-1972 au Bengale occidental: le mouvement dit "Naxalite", organisé par des groupements politiques partisans avoués de la violence et du crime, a commis des voies de fait à l'encontre d'enseignants et d'autres citoyens, le gouvernement installé en mars 1972 a agi énergiquement pour supprimer ce mouvement, un terme a été mis à ses agissements et toutes les mesures nécessaires ont été prises pour assurer la sécurité de la population. La mort de M. Bimal Chandra Das Gupta est le fait de ces Naxalites, l'assassinat a eu lieu en novembre 1971, c'est-à-dire plus de quatre mois avant que le gouvernement actuel n'entre en fonctions; les meurtriers ont été arrêtés et punis selon la loi.
  8. 506. Le gouvernement déclare encore que les allégations concernant les menaces proférées par un membre de l'Assemblée législative et les mesures prises pour supprimer les activités du syndicat sont non seulement vagues mais sans fondement. Enfin, le gouvernement fait observer que l'allégation relative à l'intervention d'un ministre pour faire interdire la tenue du congrès annuel de l'Association dans le district de Malda est fantaisiste; la preuve en est que cette réunion s'est effectivement tenue à cet endroit et aux dates prévues.
  9. 507. Il ressort des informations communiquées par le gouvernement qu'il considère certaines des allégations soit comme trop vagues, soit comme sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux. Il en découle également que certains enseignants ont été arrêtés pour des actes attentatoires à l'ordre public. Il en ressort enfin que les assassinats et les autres actes de violence ont été provoqués par un groupement appelé "Naxalite", aux agissements duquel le gouvernement a mis fin.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 508. Pour ce qui est de l'arrestation de membres du syndicat plaignant, le comité a déjà souligné, à maintes reprises, l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement estime étrangers à leurs activités syndicales, les intéressés soient jugés promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Quand il est apparu au comité que, d'après les informations qui lui avaient été fournies, les intéressés avaient été jugés par les autorités judiciaires compétentes avec toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière et qu'ils avaient été condamnés pour des actes sans aucun rapport avec les activités syndicales ou qui débordaient le cadre de l'action syndicale normale, le comité a été d'avis que le cas n'appelait pas un examen plus approfondie. Il a toutefois insisté sur le fait que la question de savoir si le motif des condamnations prononcées relevait du droit pénal ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c'était au comité qu'il appartenait de se prononcer sur ce point, après l'examen de toutes les informations disponibles, et surtout du texte du jugement.
  2. 509. Quant aux meurtres et aux autres actes de violence commis à l'encontre de membres du personnel de l'enseignement, le comité rappelle que, lorsque par le passé un cas de ce genre lui a été soumis, il n'a pas fait de distinction entre les allégations dirigées contre les gouvernements et celles contre d'autres personnes accusées de violation de la liberté syndicale, mais a estimé qu'il devait déterminer, selon les circonstances de l'espèce, si le gouvernement avait bien veillé à ce que les droits syndicaux puissent librement s'exercer sur son territoire.
  3. 510. Dans le cas présent, le comité estime que la situation considérée, qui touche un nombre important d'adhérents du syndicat plaignant, était suffisamment grave, puisqu'il y allait parfois de la vie même de syndiqués, pour appeler de la part des autorités des mesures sévères destinées à rétablir une situation normale. Il semblerait toutefois, selon les informations détaillées fournies par les plaignants, que, bien que les autorités aient fait l'objet de demandes répétées d'intervention, elles n'aient pas agi de façon suffisante pour protéger la vie des syndiqués et l'exercice normal de leur profession.
  4. 511. Le comité est amené à penser, sur la base des observations du gouvernement, que, par la suite, après l'installation du nouveau gouvernement en mars 1972, il a été mis un terme à ces actes de violence et que la sécurité de la population est de nouveau assurée et qu'en outre, les responsables de la mort de M. Bimal Chandra Das Gupta ont été punis.
  5. 512. En outre, les plaignants allèguent essentiellement que des mesures auraient été prises pour supprimer les activités revendicatives de l'Association, et qu'un ministre bengalais aurait demandé à un magistrat d'interdire la tenue d'un congrès de l'Association.
  6. 513. A ce propos, le comité remarque que ces allégations sont extrêmement brèves et conçues en termes très vagues. Il constate, en outre, que le gouvernement dément toutes ces allégations. Dès lors, le comité considère que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes pour démontrer qu'il y a eu effectivement violation des droits syndicaux à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 514. Dans ces conditions et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures prises pour supprimer les activités de l'Association et à l'interdiction de tenir un congrès syndical, de décider, pour les motifs exposés aux paragraphes 512 et 513 ci-dessus, que cet aspect du cas no mérite pas un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives aux meurtres et aux autres actes de violence perpétrés contre les membres du syndicat plaignant:
    • i) d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations exposées aux paragraphes 509 et 510 ci-dessus;
    • ii) de noter qu'il a été mis un terme aux actes de violence, que la sécurité de la population est de nouveau assurée et que les responsables de la mort de M. Bimal Chandra Das Gupta ont été punis;
    • iii) de décider, sous réserve des considérations exposées aux paragraphes 509 et 510 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
    • c) en ce qui concerne l'arrestation de membres du syndicat plaignant et pour les raisons exposées au paragraphe 508 ci-dessus, de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si tous les syndiqués en cause ont été jugés; dans l'affirmative, de préciser la nature de l'instance judiciaire saisie de l'affaire et de fournir le texte du jugement rendu avec ses attendus;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement.
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