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Rapport intérimaire - Rapport No. 139, 1974

Cas no 763 (Uruguay) - Date de la plainte: 03-JUIL.-73 - Clos

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  1. 532. Les plaintes et les informations complémentaires présentées par les plaignants sont contenues dans cinq communications en date des 3 juillet, 23 juillet, 24 juillet, 26 juillet et 4 septembre 1973, émanant de la Fédération syndicale mondiale; deux communications de la Confédération mondiale du travail en date du 31 juillet et du 6 septembre 1973; une communication de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, bois et matériaux de construction adressée le 8 août 1973; une communication de l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires en date du 6 septembre 1973; deux communications du Syndicat médical d'Uruguay adressées le 25 juillet 1973 à l'Organisation des Nations Unies et transmises par celle-ci à l'OIT; cette plainte est soutenue par l'Association médicale mondiale dans deux communications des 14 et 20 août 1973. La Fédération internationale syndicale de l'enseignement a fait parvenir sa plainte dans une communication datée du 3 octobre 1973.
  2. 533. Vu les allégations formulées par la Fédération syndicale mondiale dans ses deux premières communications, la plainte a été transmise, par deux lettres et un télégramme, en indiquant qu'il s'agissait d'un cas considéré comme urgent, selon la procédure en vigueur. Toutes les autres plaintes ont été soumises au gouvernement, au fur et à mesure de leur réception afin qu'il envoie ses observations dans les plus brefs délais.
  3. 534. Aucune réponse du gouvernement n'est encore parvenue à ce
  4. 535. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux

A. Allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux
  1. 536. Dans sa communication en date du 3 juillet 1973, la Fédération syndicale mondiale dénonce la détention de nombreux dirigeants syndicaux.
  2. 537. Apportant des informations complémentaires dans sa communication du 23 juillet 1973, la FSM signale l'arrestation d'Antonio Tamayo, dirigeant de la Convention nationale des travailleurs (CNT) et représentant des travailleurs uruguayens à la 58e session de la Conférence internationale du Travail. Antonio Tamayo aurait été arrêté, à son retour de la Conférence, le 18 juillet 1973, à l'aéroport de Montevideo.
  3. 538. Dans sa lettre du 24 juillet, la FSM informe de l'arrestation le 30 juin 1973 d'une centaine de syndicalistes au siège de la CNT. Elle déclare, par ailleurs, que le président de la CNT, José d'Elia, et son vice-président, Vladimir Turiansky, ainsi que soixante dirigeants syndicaux font l'objet de recherches par la police uruguayenne. Le 3 juillet 1973, le gouvernement a fait réquisitionner 9.000 employés de banque qui ont été consignés dans des casernes et conduits, sous escorte militaire, à leurs lieux de travail. C'est au total, selon la FSM, 1.500 travailleurs qui sont arrêtés et menacés d'être jugés par des tribunaux militaires pour avoir participé à la grève organisée par la CNT. Parmi eux, figurent Antonio Tamayo et Félix Diaz, dirigeants de la CNT.
  4. 539. Dans sa communication du 26 juillet 1973, la FSM indique que, parmi les soixante dirigeants recherchés, figure Enrique Pastorino, président de la Fédération syndicale mondiale. Elle élève une véhémente protestation, d'autant que, selon elle, Enrique Pastorino se trouvait en dehors du pays au moment où les événements se sont produits.
  5. 540. Dans sa communication du 31 juillet 1973, la Confédération mondiale du travail a déposé une plainte contre le gouvernement en raison des arrestations et des mesures de répression exercées contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs en général.
  6. 541. L'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, bois et matériaux de construction, dans sa plainte déposée le 8 août 1973, signale l'arrestation de Mario Acosta, secrétaire général de la Fédération du bâtiment et vice-président de cette union internationale.
  7. 542. Dans sa communication du 4 septembre 1973, la FSM dresse une liste de 42 dirigeants syndicaux détenus et de 44 dirigeants libérés dans la semaine du 20 au 26 août.
  8. 543. De son côté, la CMT, dans sa lettre du 6 septembre 1973, cite les noms de 27 personnes arrêtées (liste qu'elle qualifie de partielle) et indique que ces détenus font l'objet de mises au secret les plus strictes et d'actes de torture.
  9. 544. L'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires signale, dans sa communication du 6 septembre 1973, que son vice-président et secrétaire général de la Fédération des travailleurs du pétrole, Daniel Baldassari, compte parmi les personnes arrêtées.
  10. 545. Dans ses communications du 25 juillet 1973, le Syndicat médical d'Uruguay signale l'arrestation de certains de ses dirigeants: le Dr Manuel Liberoff, trésorier du syndicat, Juan J. Ormaechea, Nestor Figari, Alberto Cassamayou, Sergio Assandri et Carlos Buscato. Selon les dires du plaignant, les personnes mentionnées auraient été arrêtées pour avoir appliqué la décision de l'Assemblée générale du syndicat d'intervenir auprès de toute personne en cas d'urgence.
  11. 546. Dans sa communication du 3 octobre 1973, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement indique que Victor Brindisi, secrétaire général de la Fédération de l'enseignement, dirigeant de la CNT et délégué régional de la Fédération des enseignants américains, a été licencié et arrêté.
  12. 547. Le comité a noté avec préoccupation ces diverses allégations et tient à rappeler que la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue ou inculpée de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. Les garanties d'une procédure judiciaire régulière ne doivent pas seulement être exprimées dans la législation mais appliquées dans la pratique. Le comité a toujours insisté sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
  13. 548. Dans le cas de telles allégations, la question qui se pose est de savoir si les dirigeants syndicaux mentionnés dans les plaintes ont effectivement fait l'objet de mesures répressives et, dans l'affirmative, si celles-ci étaient motivées par des activités syndicales. Si le comité a relevé que, là où des personnes sont condamnées pour des raisons sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux, la question échappe à sa compétence, il a insisté sur le fait que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé. Si, dans certains cas, le comité a conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient, soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique. Dans de tels cas, le comité, estimant que l'intéressé devait bénéficier d'une présomption d'innocence, a considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de la personne à laquelle lesdites mesures s'étaient appliquées.
    • Allégations relatives à la dissolution de la convention nationale des travailleurs
  14. 549. Dans leurs communications respectives, la FSM, la CMT et l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, bois et matériaux de construction dénoncent la dissolution par décret de la Convention nationale des travailleurs.
  15. 550. Le décret de dissolution, paru le 30 juin 1973, donne pour causes de cette mesure l'attitude des dirigeants de la CNT tendant à promouvoir la violence et à en faire l'apologie, incitant les travailleurs à occuper les lieux de travail, empêchant ainsi le fonctionnement normal des services publics et de l'approvisionnement indispensable à la population. Selon ce décret, les dirigeants prétendaient ainsi utiliser les organisations syndicales à des fins étrangères à celles qui justifient leur existence.
  16. 551. A propos de ce type d'allégations, le comité tient à rappeler qu'il a toujours souligné l'importance qu'il attache au principe consacré expressément par l'article 4 de la convention no 87, qui a été ratifiée par l'Uruguay, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne devraient pas pouvoir être suspendues ou dissoutes par voie administrative. La dissolution prononcée par le pouvoir exécutif dans l'exercice de fonctions législatives à l'instar d'une dissolution par voie administrative ne permet pas d'assurer les droits de défense, qui ne peuvent être garantis que par la procédure judiciaire normale, procédure que le comité considère comme étant de toute première importance.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 552. Dans ces conditions, et pour le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer sa vive préoccupation devant les allégations contenues dans les diverses plaintes, à l'égard desquelles il regrette de ne pas avoir reçu, après un si long délai, de réponse du gouvernement;
    • b) de prier le gouvernement de bien vouloir adresser ses commentaires sur les diverses allégations formulées contre lui, dans les délais les plus brefs;
    • c) sans se prononcer, pour le moment, sur le fond des allégations, d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes énoncés dans les paragraphes 547, 548 et 551 ci-dessus et notamment:
    • i) sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque les syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
    • ii) sur l'importance qu'il attache au principe consacré expressément par l'article 4 de la convention no 87 qui a été ratifiée par l'Uruguay selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne devraient pas pouvoir être suspendues ou dissoutes par voie administrative;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement.
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