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Rapport définitif - Rapport No. 143, 1974

Cas no 764 (Colombie) - Date de la plainte: 27-JUIN -73 - Clos

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  1. 67. La plainte de la Centrale latino-américaine des travailleurs est contenue dans une communication datée du 27 juin 1973. Cette plainte a été transmise au gouvernement, qui a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 26 octobre 1973.
  2. 68. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 69. Dans sa communication du 27 juin 1973, la CLAT déclare déposer plainte contre le gouvernement de la Colombie au nom de l'Association colombienne de télévision (ACOTV). Elle joint à sa communication une lettre de cette association en date du 5 juin 1973.
  2. 70. Dans cette lettre, l'Association colombienne de télévision relate les faits qui, indique-t-elle, l'ont obligée à décréter une grève devant l'inertie du gouvernement et des organes directeurs de l'Institut national de radio-télévision (Inravisión).
  3. 71. En décembre 1972, l'ACOTV a présenté au conseil de direction d'Inravisión un mémoire revendiquant des augmentations de salaires. Il lui fut répondu que, pour des raisons juridiques, il serait impossible d'examiner ce document.
  4. 72. En effet, ajoute l'ACOTV, la Cour suprême de justice de Colombie a déclaré anticonstitutionnel l'article 38 du décret extraordinaire n° 3130 de 1968. Cette disposition avait la teneur suivante: "Dans un délai de douze mois à compter de l'adoption du présent décret, les organismes ou conseils de direction des établissements publics et des entreprises industrielles et commerciales de l'Etat rédigeront et soumettront à l'approbation du gouvernement un projet de statut pour leur personnel; ces projets fixeront les conditions de création, de suppression et de fusion des postes et de recrutement de personnel; ils régleront les questions de nature administrative et disciplinaire; ils préciseront dans quelle mesure les normes et les procédures de la carrière administrative seront applicables dans lesdits établissements et entreprises; ils réglementeront tout ce qui concerne le classement et la rémunération des postes, les primes ou bonifications, les frais de représentation, les indemnités de déplacement, les heures supplémentaires, les prestations de nature sociale et les conditions à remplir en cas de mission, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays."
  5. 73. L'ACOTV ajoute qu'à la suite de cet arrêt de la Cour suprême, la direction d'Inravisión a refusé toute discussion au sujet des revendications de salaires.
  6. 74. De son côté, l'Administration civile, sur ordre du gouvernement, adressa aux directions des établissements publics une circulaire indiquant que les conseils de direction de ces établissements étaient incompétents en matière de fixation des rémunérations, la cour suprême ayant considéré que ces questions étaient de la compétence du Congrès; l'Administration civile ajoutait que ces questions continueraient à être régies en vertu des normes légales en vigueur et des règlements établis par les établissements publics et approuvés par le gouvernement avant le 3 décembre 1972, date d'arrêt de la Cour. De même, les questions relatives aux créations, suppressions et fusions de postes seraient traitées conformément aux formalités prévues par la loi sur le budget et par divers décrets de 1972, sans que cela implique le pouvoir de modifier ou de compléter le régime de salaire applicable dans chaque organisme.
  7. 75. Or, ajoute l'ACOTV, cette disposition ne peut être appliquée dans le cas d'Inravisión puisque le statut du personnel n'a jamais été approuvé par le gouvernement et que, de plus, l'article 39 du décret 3130 de 1968 stipule que les normes régissant actuellement les questions visées à l'article 38 resteront en vigueur jusqu'à ce que le gouvernement ait approuvé les projets mentionnés dans cet article 38.
  8. 76. Devant cette situation, l'ACOTV a adressé dix-sept messages au Président de la République, et s'est heurtée, selon elle, à une fin de non-recevoir. L'assemblée générale de l'ACOTV a alors menacé de faire grève si, dans les huit jours, ses revendications n'étaient pas étudiées.
  9. 77. De plus, les avocats de l'ACOTV ont établi à sa demande un avis juridique démontrant que la direction d'Inravisión pouvait reconnaître à ses salariés la qualité de "travailleur officiel", Inravisión étant une entreprise commerciale de l'Etat.
  10. 78. De son côté, signale l'ACOTV, Inravisión fit établir un avis juridique qui aboutissait à des conclusions identiques, à savoir que, possédant la qualité de "travailleurs officiels", les travailleurs de cet organisme jouissaient automatiquement des droits prévus par le Code du travail en ce qui concerne la présentation des cahiers de revendications et le droit de négociation collective.
  11. 79. L'ACOTV ajoute que, malgré ces avis de droit, la direction d'Inravisión commença à se livrer à des manoeuvres dilatoires et refusa de lui accorder des audiences. Dans ces conditions, l'assemblée générale de l'ACOTV décidait de décréter la grève générale, grève au cours de laquelle les travailleurs furent expulsés par l'armée et la police, bien que selon elle, le mouvement ait été à tous points de vue pacifique.
  12. 80. Dans sa communication datée du 26 octobre 1973, le gouvernement confirme la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 38 du décret 3130 de 1968, prononcée par la Cour suprême de Colombie. Il signale que l'Inravisión ne pouvait discuter des revendications, de l'ACOTV, ce qui, ajoute-t-il, fut largement expliqué au syndicat. Le gouvernement remarque qu'il a présenté au mois de janvier 1973 un projet de loi dans lequel il demandait au Congrès de lui accorder des pouvoirs extraordinaires afin de résoudre les problèmes posés par les revendications salariales dans les établissements publics. Le gouvernement signale également que pendant cette période l'Inravisión a continué de dialoguer avec le syndicat.
  13. 81. Suite à l'arrêt de travail des services de radio et de télévision déclenché par l'ACOTV le 22 mars 1973, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a déclaré cette grève illégale et a suspendu la personnalité juridique de l'ACOTV pour une durée de six mois. Devant la persistance du conflit, l'Inravisión a prononcé la destitution de quelques fonctionnaires.
  14. 82. Selon le gouvernement, l'argument selon lequel les salariés d'Inravisión devraient être considérés comme "travailleurs officiels" n'est pas évident. Dans la mesure où Inravisión est un établissement public, ses employés doivent être considérés, selon lui, comme "employés publics" n'ayant pas le droit de grève.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 83. Le comité a examiné les dispositions du Code du travail colombien relatives aux travailleurs officiels et aux employés publics. Il a constaté que l'article 416 du Cade du travail établit une distinction entre employés publics et travailleurs officiels. Cet article énonce que les syndicats d'employés publics ne peuvent ai présenter des cahiers de revendications ni contracter des conventions collectives, mais il ajoute que les syndicats des autres travailleurs officiels jouissent de tous les droits des autres syndicats et que leurs cahiers de revendications seront étudiés dans les mêmes termes que ceux des autres syndicats, même quand ils ne peuvent ni déclarer ni faire la grève.
  2. 84. Le comité note que les allégations concernent essentiellement le droit de négociation collective dans un établissement public, l'Institut national de radio-télévision. Il note également que l'association des travailleurs de cet organisme estime que le personnel doit être considéré comme travailleurs officiels et bénéficier ainsi du droit de négociation collective.
  3. 85. Le comité constate qu'en revanche, le gouvernement ne partage pas cette opinion et considère que les travailleurs d'Inravisión doivent être considérés comme employés publics et que, de ce fait, leur syndicat ne peut négocier des conventions collectives. Le comité note également que le ministère du Travail a prononcé la suspension de la personnalité juridique de l'Association colombienne de télévision, comme suite à la déclaration d'illégalité de la grève.
  4. 86. Le comité tient tout d'abord, comme il l'a déjà fait dans des cas concernant la Colombie, à souligner que des mesures de suspension de la personnalité juridique des syndicats par le ministère du Travail - personnalité juridique qui est une condition pour que les syndicats puissent fonctionner - vont à l'encontre du principe généralement admis selon lequel les syndicats ne doivent pas être sujets à suspension par voie administrative.
  5. 87. En ce qui concerne les allégations relatives au droit de négociation collective, le comité estime que, dans le présent cas, il s'agit avant tout de déterminer dans quelle mesure s'applique aux travailleurs intéressés le principe énoncé à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, selon lequel des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises pour encourager et promouvoir les procédures de négociation volontaire des conventions collectives. L'article 6 de cette convention permet l'exclusion des "fonctionnaires publics". A cet égard, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a signalée que si l'on peut admettre que le concept de fonctionnaires publics puisse varier dans une certaine mesure selon les différents systèmes juridiques, l'exclusion du champ d'application de la convention des fonctionnaires n'agissant pas en tant qu'organes de la fonction publique, même lorsqu'on leur a conféré un statut identique à celui des fonctionnaires publics dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat, est contraire au sens de la convention. La commission a indiqué qu'il conviendrait donc essentiellement, semble-t-il, d'établir une distinction entre les fonctionnaires publics employés à des titres divers dans les ministères ou autres organismes gouvernementaux comparables, d'une part, et les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques ou par des institutions publiques autonomes, d'autre part. Suivant ces critères, il ne semble pas que le personnel de l'Inravisión puisse être exclu en raison de ses fonctions du principe concernant la promotion de la négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 88. Dans ces conditions, et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe 86 ci-dessus, selon lequel les organisations d'employeurs et de travailleurs ne doivent pas être sujettes à suspension par voie administrative;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés au paragraphe 87 ci-dessus en ce qui concerne la promotion de la négociation collective pour certaines catégories de travailleurs du secteur public.
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