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Rapport intérimaire - Rapport No. 153, Mars 1976

Cas no 769 (Nicaragua) - Date de la plainte: 14-NOV. -73 - Clos

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  1. 270. La plainte de la Confédération mondiale du travail figure dans une lettre du 14 novembre 1973. Malgré des demandes réitérées le gouvernement n'avait pas communiqué ses observations sur les allégations du plaignant. Par conséquent, le comité a adressé, en février puis en mai 1975, des appels pressants au gouvernement afin qu'il veuille bien fournir les informations sollicitées. Ce dernier a transmis ses observations dans une communication du 22 juillet 1975.
  2. 271. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à la dissolution de deux syndicats

A. Allégations relatives à la dissolution de deux syndicats
  1. 272. Le plaignant déclare que les employeurs du Nicaragua, avec la complicité et l'appui du gouvernement, sont en train d "éliminer" des syndicats par la voie judiciaire. Le plaignant cite le cas du Syndicat de l'entreprise sidérurgique Metasa qui groupe 600 travailleurs et celui du Syndicat des travailleurs de l'industrie textile.
  2. 273. La réponse du gouvernement contient une copie des pièces des procédures judiciaires engagées dans ces deux affaires. Il en ressort que, dans l'une et l'autre, la dissolution judiciaire a été prononcée à la demande de l'employeur intéressé et confirmée par le tribunal supérieur du travail.
  3. 274. Dans la première affaire, des dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'industrie textile avaient pris une part active à une grève déclenchée en juillet 1973 à l'entreprise Fabritex. Selon le jugement, les grévistes avaient occupé l'entreprise, s'étaient rendus maîtres de la porte principale, ne laissant entrer ni sortir personne, et avaient retenu en otages un certain nombre de personnes jusqu'à ce que celles-ci fussent libérées avec l'aide de la garde nationale. Les inspecteurs du travail étaient intervenus dans le conflit comme médiateurs, mais les grévistes avaient maintenu leur position. L'Inspection générale du travail avait déclaré la grève illégale, à la demande de l'entreprise. Le juge de première instance a également relevé le ton utilisé par les dirigeants du syndicat à l'égard de la direction de l'entreprise et des autorités du travail.
  4. 275. Ce magistrat a considéré que ces faits sont contraires aux objectifs du syndicat tels qu'ils sont énoncés dans ses statuts (en particulier, avoir, avec les employeurs, des consultations fondées sur la justice, le respect mutuel et la subordination à la loi; veiller à l'application des lois et règlements du travail; conclure des conventions collectives et faire valoir, par les voies légales, les droits qui naissent de celles-ci) ainsi que dans le Code du travail. Ces faits sont également, selon le jugement, incompatibles avec l'interdiction, faite aux syndicats et à leurs affiliés par le règlement sur les associations syndicales et le Code du travail, de provoquer, déclarer ou soutenir une grève illégale, d'user dans leurs revendications de la violence, de la contrainte ou d'autres moyens illégaux. Le jugement déclare encore que le syndicat et ses dirigeants ont violé la disposition du Code du travail en vertu de laquelle la grève doit se limiter au simple fait de la suspension du travail, à l'exclusion des actes de coercition et de violence contre les personnes et les biens.
  5. 276. Le jugement invoque alors, pour prononcer la dissolution du syndicat, les dispositions légales qui autorisent cette mesure, notamment dans le cas où l'organisation s'est écartée des fins indiquées dans ses statuts, a en fait exercé une activité politique, ainsi que dans les cas prévus par les statuts. Ce jugement a été confirmé par le tribunal supérieur du travail, deux des magistrats marquant toutefois leur désaccord. L'un d'eux a, entre autres, indiqué que, selon lui, si un syndicat est intervenu dans une grève illégale, d'après la législation, l'Inspection générale du travail doit ordonner, à la demande d'une partie intéressée, un changement total ou partiel dans la direction du syndicat. Si l'assemblée de celui-ci n'obtempère pas, l'Inspection du travail doit demander la dissolution.
  6. 277. La deuxième affaire se présente d'une manière très semblable. Le jugement de première instance constate également que les buts énoncés dans les statuts du Syndicat des travailleurs de Metasa et de ses filiales (spécialement l'interdiction de provoquer, déclarer ou soutenir une grève illégale) ont été violés et qu'il a été prouvé que le syndicat intéressé a provoqué en août 1973 une grève déclarée illégale par les autorités du travail. Ce jugement, prononçant la dissolution, a été confirmé par le tribunal supérieur du travail. L'arrêt de ce dernier invoque également d'autres dispositions des statuts syndicaux, comme l'interdiction de la propagande en faveur du communisme et des idées contraires à la souveraineté nationale, à la forme républicaine et démocratique de gouvernement, à l'ordre public et aux bonnes moeurs, l'interdiction d'user dans ses revendications de la violence, de la contrainte ou d'autres moyens illégaux et celle de s'écarter des fins énoncées dans les statuts et dans la loi. Deux magistrats ont également marqué leur désaccord avec cet arrêt et l'un d'eux a indiqué que, selon lui, la juridiction du travail est incompétente pour connaître d'une demande de dissolution présentée par l'employeur.
  7. 278. Le comité fait observer que l'article 4 de la convention no 87 dispose que les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative. En l'espèce, cette mesure a été prononcée à la suite d'une procédure judiciaire, en raison essentiellement de la participation des syndicats intéressés à des grèves qui ont été déclarées illégales et qui ne se sont pas bornées, d'après les jugements rendus, à de simples abandons du travail.
  8. 279. Il convient cependant de relever la sévérité de la sanction infligée aux syndicats eux-mêmes et non pas à ceux de leurs dirigeants qui seraient responsables des actes illégaux et l'on pourrait estimer qu'il aurait été préférable que ces conflits eussent trouvé une solution par des méthodes moins draconiennes. Dans un cas antérieur relatif au Nicaragua, le comité avait d'ailleurs relevé que les dispositions législatives régissant le règlement des conflits collectifs du travail limitent le recours à la grève, non seulement dans les services essentiels, mais pour l'ensemble des travailleurs. Il avait précisé que le principe selon lequel des restrictions au droit de grève sont acceptables à certaines conditions ne concerne pas l'interdiction absolue du droit de grève, mais les restrictions à ce droit dans les services essentiels ou dans la fonction publique.
    • Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux
  9. 280. Le plaignant déclare également que la police a arrêté, en août 1973, MM. Julio Gurdián, Ofilio Garcia, Antonio Centeno et Francisco Palacios, dirigeants du syndicat précité de l'industrie textile, au moment où une grève générale avait été déclenchée dans le secteur textile. Les intéressés étaient toujours incarcérés en novembre 1973, sans être l'objet d'aucune accusation concrète. En outre, poursuit la CMT, on ignorait complètement le nom de l'autorité qui avait ordonné leur arrestation et les maintenait en prison.
  10. 281. Le gouvernement n'a communiqué aucune information sur cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 282. Dans ces conditions, et pour le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet de la dissolution des deux syndicats précités, tout en attirant l'attention du gouvernement sur les considérations exposées au paragraphe 279 ci-dessus, de décider, étant donné que ces dissolutions ont été prononcées par les tribunaux, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) au sujet de l'arrestation de dirigeants syndicaux, de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer, le plus rapidement possible, quelle est la situation actuelle des syndicalistes détenus, de préciser si ces derniers ont comparu devant un tribunal et, dans l'affirmative, de fournir le texte des jugements rendus avec leurs attendus;
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations sollicitées.
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