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Rapport définitif - Rapport No. 147, 1975

Cas no 777 (Inde) - Date de la plainte: 08-JANV.-74 - Clos

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  1. 201. La plainte de l'Association des employés de banque du Bengale occidental est contenue dans une communication du 8 janvier 1974. Par des communications ultérieures en date des 7 et 25 février et du 20 mars 1974, les plaignants ont envoyé des informations complémentaires à l'appui de leur plainte. La plainte ainsi que les informations complémentaires ont été dûment transmises au gouvernement qui a fait parvenir ses informations à leur sujet dans une communication en date du 18 juillet 1974.
  2. 202. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté d'association et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 203. Dans leur communication du 8 janvier 1974, les plaignants allèguent que M. Pratul Chandra Dutta, membre du Comité directeur de l'organisation plaignante, président du Syndicat des travailleurs de l'entreprise Chloride and Exide Battery (G) et vice-président du Syndicat des travailleurs des arts graphiques, a été arrêté par la police, le 22 octobre 1973, à 2 heures du matin, à son domicile. Ce même jour, il a été traduit devant la Cour de Sealdah sur la base de chefs d'accusation que les plaignants qualifient de "complètement faux et fabriqués de toutes pièces, en vue d'obtenir son incarcération".
  2. 204. Les plaignants déclarent ensuite que, le 15 novembre 1973, le tribunal a rendu un jugement en vertu duquel M. Dutta devait être libéré sous caution mais, avant que le jugement ait pu être exécuté, le gouvernement du Bengale occidental, se réclamant de la loi sur le maintien de l'ordre public, a fait maintenir en prison M. Dutta, avec effet à partir du 6 décembre 1973. Selon les plaignants, le maintien en détention sans jugement de M. Dutta, en application de cette loi, a été ordonné à seule fin d'empêcher sa libération sous caution. Les plaignants ajoutent que, pendant sa détention, M. Dutta a reçu copie des motifs de sa détention tels qu'ils ont été exposés par le Commissaire de police de Calcutta, dans une lettre du 6 décembre 1973. Une copie de cette lettre a été communiquée par les plaignants ainsi que la copie de la réponse détaillée donnée par M. Dutta. Les plaignants déclarent qu'ils ont protesté auprès du gouvernement du Bengale occidental contre l'arrestation et l'incarcération de M. Dutta, mais qu'ils n'ont pu obtenir sa libération.
  3. 205. Dans leur communication du 7 février 1974, les plaignants déclarent que M. Dutta a été libéré sans conditions le 1er février, sur arrêté du gouvernement du 30 janvier 1974 dont ils ont joint une copie.
  4. 206. Dans une communication ultérieure en date du 25 février 1974, les plaignants font savoir que M. Dutta a repris son travail à la banque le 2 février 1974 mais que la direction de la banque, par une lettre datée du 20 du même mois (dont copie est jointe par les plaignants), a rejeté sa demande de congé spécial avec rémunération complète pour toute sa période de détention. Cela signifie, déclarent les plaignants, que la banque envisage encore à l'encontre de M. Dutta des sanctions financières en le privant de son salaire et des autres avantages auxquels il aurait eu droit s'il n'avait pas été détenu. Selon les plaignants, la banque est seulement disposée à conclure un arrangement pour traiter une partie de la période de détention comme un congé qui lui était dû.
  5. 207. Dans leur communication du 20 mars 1974, les plaignants joignent tout un dossier contenant des informations complètes sur l'arrestation et la détention de M. Dutta et les mesures prises par les plaignants en son nom.
  6. 208. Le gouvernement, dans sa communication en date du 18 juillet 1974, fait observer que la loi sur le maintien de l'ordre public de 1971 prévoit l'incarcération de personnes dans certains cas où le maintien de l'ordre public et d'autres considérations y afférentes l'exigent. En vertu de cette loi, le gouvernement de l'Union indienne, ou un gouvernement provincial, peut, s'il a acquis la conviction que l'arrestation d'une personne est nécessaire pour l'empêcher d'agir d'une manière contraire au maintien de l'ordre public, rendre une ordonnance de détention. Lorsqu'un gouvernement provincial émet une telle ordonnance, il doit dans les sept jours en aviser le gouvernement central en l'informant des motifs de l'arrestation. A titre de garantie contre l'arbitraire et l'abus de pouvoir, poursuit le gouvernement, la loi dispose que lorsqu'une personne est arrêtée, l'autorité d'où émane le mandat devra aussitôt que possible, et en général dans les cinq jours suivant l'incarcération, communiquer à l'intéressé les motifs de l'arrestation et lui donner la possibilité de faire opposition.
  7. 209. Le gouvernement ajoute que pour mieux assurer encore la protection du citoyen, la loi prévoit la constitution de commissions consultatives; chacune de ces commissions se compose de trois personnes, qui sont, ont été ou pourraient, de par leurs qualifications, devenir juges d'un tribunal supérieur. Les motifs de l'arrestation ainsi que l'opposition faite par l'intéressé seront soumis à la Commission consultative dans les trente jours suivant la date de l'arrestation. La Commission consultative examinera le dossier et fera rapport au gouvernement dans les dix semaines suivant la date de l'arrestation. Le gouvernement ajoute que si la Commission consultative estime dans son rapport qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour l'arrestation de l'intéressé, l'autorité compétente révoquera l'ordonnance de détention et fera immédiatement procéder à la libération de l'intéressé.
  8. 210. Le gouvernement note que M. Dutta a été arrêté, en vertu de la loi sur le maintien de l'ordre public, le 6 décembre 1973, du fait d'allégations selon lesquelles il participait à des activités contraires au maintien de l'ordre public. Il a reçu toutes facilités pour faire opposition et, conformément aux dispositions de la loi, les documents correspondants ont été communiqués à la Commission consultative. Celle-ci ayant examiné le dossier et entendu M. Dutta en personne a jugé insuffisants les motifs invoqués pour l'arrestation. M. Dutta a donc été immédiatement élargi le 1er février 1974.
  9. 211. Le gouvernement souligne que, comme il ressort clairement des motifs, l'arrestation de M. Dutta n'est en aucune manière liée à ses activités syndicales. Il ajoute que M. Dutta n'est en rien fondé à prétendre que son arrestation a été ordonnée de mauvaise foi et que les accusations portées contre lui étaient sans fondement et destinées à restreindre ses droits civils et syndicaux.
  10. 212. En ce qui concerne la demande présentée par M. Dutta à la Banque de l'Union indienne en vue d'obtenir un congé spécial pleinement rémunéré, correspondant à la durée de son arrestation, le gouvernement déclare que c'est à la direction de la banque d'étudier cette demande et que le gouvernement de l'Inde ne saurait intervenir dans cette affaire. Si M. Dutta est mécontent de la décision de la direction, ajoute le gouvernement, il lui est loisible de demander réparation selon la procédure instituée par la loi sur les différends du travail.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 213. Le comité note que M. Pratul Chandra Dutta a été d'abord arrêté le 22 octobre 1973 et ensuite maintenu en détention en vertu de la loi sur le maintien de l'ordre public de 1971, du 6 décembre 1973 au 1er février 1974, date à laquelle il a été relâché, la Commission consultative ayant jugé insuffisants les motifs de la détention. Selon l'acte d'accusation dressé le 6 décembre 1973 contre M. Dutta, celui-ci est accusé d'avoir commis des actes constituant une grave menace pour l'ordre public, à savoir qu'il aurait, le 30 mars, formé avec d'autres personnes armées une assemblée illicite et attaqué un groupe rival avec des intentions de meurtre. Il est accusé en outre d'avoir commis des actes analogues qui auraient eu lieu le 5 avril 1973. Le comité relève dans le document présenté par M. Dutta pour sa défense que celui-ci attaque les deux chefs d'accusation comme étant vagues et imprécis, et souligne en particulier le fait que, selon le premier chef d'accusation, il aurait fait partie d'un groupe nommément désigné alors que, selon le second, il aurait appartenu à un autre groupe portant un nom différent. M. Dutta affirme en outre qu'il a un alibi pour le moment où se sont déroulés les faits décrits dans le premier chef d'accusation. Sur la base de ces arguments et après avoir entendu M. Dutta en personne, la Commission consultative a estimé qu'il n'existait pas de motifs suffisants pour sa détention.
  2. 214. Le comité constate, d'après toutes les informations dont il dispose, que M. Dutta a été arrêté pour avoir prétendument commis des actes délictueux qui ne rentrent pas dans le cadre de l'activité syndicale normale. L'affirmation de M. Dutta selon laquelle ces accusations étaient sans fondement a été ensuite retenue et il a donc été libéré. A cet égard, le comité, comme il l'a fait précédemment dans des cas analogues, tient à souligner que l'arrestation, par les autorités, de syndicalistes contre lesquels aucun motif de condamnation n'a été ultérieurement retenu peut entraîner des restrictions à l'exercice des droits syndicaux et que les gouvernements intéressés devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées, en vue d'éliminer le danger que les arrestations représentent pour les activités syndicales.
  3. 215. En ce qui concerne le refus de la Banque de l'Union indienne de considérer la période de détention de M. Dutta comme un congé spécial pendant lequel il devrait recevoir la totalité de son salaire, le comité considère que, dans les circonstances présentes, cette allégation n'implique pas de question de violation des droits syndicaux et qu'il s'agit là d'une question qui devrait être résolue en recourant aux procédures normales applicables à ce genre de différends.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 216. Dans ces conditions, et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter que M. Dutta a été remis en liberté;
    • b) de signaler au gouvernement que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucun motif de condamnation n'a été ultérieurement retenu peut entraîner des restrictions à l'exercice des droits syndicaux, et de prier le gouvernement d'examiner les instructions qui pourraient être données aux autorités compétentes pour éliminer un tel danger; et
    • c) de décider, pour les raisons données au paragraphe 215 ci dessus, que l'allégation relative au salaire de M. Dutta pendant sa détention n'implique aucune question de violation des droits syndicaux.
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