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Rapport définitif - Rapport No. 145, 1974

Cas no 778 (France) - Date de la plainte: 16-JANV.-74 - Clos

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  1. 7. Dans une communication en date du 16 janvier 1974, l'organisation européenne de la Fédération internationale du personnel des services publics a présenté une plainte concernant les atteintes qui auraient été portées à l'exercice des droits syndicaux en France. La Confédération mondiale du travail, la Fédération internationale du personnel des services publics (INFEDOP) et l'organisation européenne de la CNT ont appuyé cette plainte par des communications datées respectivement des 17, 18 et 21 janvier 1974.
  2. 8. Les textes des communications précitées ont été transmis au gouvernement qui a formulé ses observations dans une lettre datée du 23 avril 1974.
  3. 9. La France a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 10. La plainte de l'organisation européenne de l'INFEDOP concerne la révocation prononcée le 10 janvier 1974 par le ministre de l'Intérieur du gouvernement français à l'encontre de M. Jean-Louis Breton, secrétaire des syndicats CFDT de la police parisienne et secrétaire général adjoint des syndicats des inspecteurs et enquêteurs.
  2. 11. Dans sa communication, l'organisation plaignante déclare que, le 16 novembre 1973, M. Jean-Louis Breton, qui faisait partie d'une délégation de la fédération CFDT de la police nationale, était intervenu lors d'une assemblée générale des travailleurs de l'entreprise Lip pour développer les positions syndicales de son organisation. L'organisation européenne de l'INFEDOP précise en outre que les membres de la délégation n'avaient pas parlé en leur nom personnel mais s'étaient exprimés en fonction du mandat qu'ils avaient repu de leur organisation syndicale.
  3. 12. L'organisation plaignante ajoute qu'en agissant de la sorte, M. Jean-Louis Breton ne faisait qu'user du droit d'expression reconnu aux syndicalistes policiers, notamment depuis un arrêt du Conseil d'Etat (mai 1966, arrêt Rouve). Selon l'organisation plaignante, cet arrêt aurait formellement reconnu que le policier syndicaliste ne pouvait, dans l'exercice de son mandat syndical, être assujetti à l'obligation de réserve sans que soit remis en cause le droit syndical reconnu aux policiers par la législation et la Constitution françaises.
  4. 13. L'organisation européenne de l'INFEDOP remarque ensuite que M. Jean-Louis Breton a été traduit devant le Conseil de discipline le 10 janvier 1974 pour "manquement aux obligations de réserve et dépassement du cadre des intérêts professionnels", motifs qui, selon les plaignants, ne peuvent être acceptés. En premier lieu, pour l'organisation plaignante, la notion de manquement de réserve est vague et imprécise et son utilisation comme chef d'inculpation est contraire à l'arrêt du Conseil d'Etat mentionné plus haut; en second lieu, la non-reconnaissance du droit des policiers affiliés à des confédérations ouvrières de développer les positions de leurs organisations équivaudrait à empêcher le libre choix d'affiliation syndicale et, enfin, le motif indiqué serait contraire à une instruction du Premier ministre en date du 14 septembre 1970 qui déclarait en substance que les organisations syndicales devaient bénéficier des moyens nécessaires à l'exercice des droits syndicaux et que les représentants syndicaux ne devaient pas faire l'objet de discrimination en raison de leur activité syndicale.
  5. 14. L'organisation plaignante conclut en déclarant que la décision de révocation acquise grâce à la voix prépondérante du président, représentant de l'Administration, crée une situation disproportionnée avec les faits puisque cette sanction est généralement réservée pour les fautes professionnelles graves ou les condamnations de droit commun.
  6. 15. Dans sa lettre, le gouvernement observe tout d'abord que la convention no 87 n'est pas applicable à la police, corps auquel appartenait M. Breton avant sa révocation. Le gouvernement confirme par ailleurs que M. Breton a été révoqué, après avis favorable du Conseil de discipline, pour avoir gravement contrevenu à l'obligation de réserve instituée par l'article 12 du décret no 68-70 du 24 janvier 1968. Les propos qu'il a tenus devant les travailleurs de l'entreprise Lip étaient en effet, selon le gouvernement, de nature à déconsidérer la police nationale et constituaient une manifestation de solidarité destinée à encourager une action illégale.
  7. 16. Le gouvernement ajoute que le fait que M. Breton ait agi en tant que responsable syndical ne saurait le soustraire à la responsabilité de sa faute; le gouvernement précise en outre que le Conseil d'Etat avait estimé dans l'arrêt Rouve que le policier concerné avait été révoqué à tort non pas parce que le devoir de réserve ne lui incombait pas en tant que syndicaliste, mais parce que la protestation de M. Rouve avait pour objet la défense des intérêts professionnels et que les termes utilisés n'excédaient pas les limites devant être respectées. Selon le gouvernement, le Conseil d'Etat reconnaît au contraire dans cet arrêt que le devoir de réserve s'impose à tous les fonctionnaires, y compris ceux qui exercent des responsabilités syndicales. De plus, dans un arrêt récent (arrêt Obrego, 1er décembre 1972), le Conseil d'Etat a estimé qu'un magistrat, en participant à la diffusion d'une protestation, avait manqué au devoir de réserve bien qu'il ait agi en tant que membre d'une section syndicale.
  8. 17. Le gouvernement conclut en déclarant que si, en pratique, les policiers syndicalistes se voient reconnaître une plus grande liberté de parole que leurs collègues des services actifs, l'obligation de réserve leur est opposable s'ils dépassent la limite, ce qui a été le cas de M. Breton.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 18. Le comité prend note des allégations formulées par l'organisation plaignante et des commentaires du gouvernement à leur sujet. Il constate que le cas concerne la situation d'un dirigeant d'une organisation syndicale de policiers. Le comité doit rappeler à cet égard que la convention no 87, article 9, alinéa l, dispose que: "La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale."
  2. 19. En vertu de ce texte, il est clair que la Conférence internationale du Travail a entendu laisser à chaque Etat le soin d'apprécier dans quelle mesure il estime opportun d'accorder aux membres des forces armées et de la police les droits prévus par la convention, impliquant par là que l'obligation de reconnaître ces, droits à ces catégories de personnes n'incombe pas aux Etats ayant ratifié la convention.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 20. Dans ces conditions, cette question étant laissée par la convention à l'appréciation des Etats Membres, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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