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Rapport définitif - Rapport No. 186, Juin 1978

Cas no 802 (République dominicaine) - Date de la plainte: 17-SEPT.-74 - Clos

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  1. 6. Depuis 1971, le comité est saisi de nombreuses plaintes en violation de la liberté syndicale en République dominicaine, présentées par les organisations suivantes: Confédération mondiale du travail (CMT), Fédération syndicale mondiale (FSM), Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE), Centrale générale des travailleurs (CGT), Fédération nationale des travailleurs des ports, Syndicat des débardeurs (POASI), Syndicat national des conducteurs de machines lourdes (SINOMAPE), Syndicat national des travailleurs des téléphones (SNTT). Ces plaintes sont traitées dans les cas nos 672, 768, 802, 819, 822 et 847.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 7. Dans ces plaintes figuraient notamment des allégations relatives à la mort, à l'arrestation et au bannissement de syndicalistes, à des licenciements pour activités syndicales, au démantèlement d'organisations syndicales, à l'intervention des pouvoirs publics dans les affaires intérieures des syndicats (réunions, élections et fonds syndicaux), à l'occupation de locaux syndicaux, à des atteintes au droit de grève ainsi qu'aux droits syndicaux des enseignants et des travailleurs agricoles.
  2. 8. Le contenu de ces plaintes a été communiqué au gouvernement au fur et à mesure qu'elles étaient reçues. Le gouvernement a fourni certains commentaires sur plusieurs des allégations présentées.
  3. 9. Le comité a déjà examiné le cas no 672 lors de ses sessions de mai et novembre 1972, à l'occasion desquelles il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Un nouveau rapport intérimaire a été présenté par le comité au Conseil d'administration au sujet du cas no 672 et des cas nos 768, 802, 819 et 822 en mai 1976. Enfin, le comité a une nouvelle fois examiné l'ensemble des cas en instance concernant la République dominicaine à sa session de novembre 1977.

B. Demande de contacts directs

B. Demande de contacts directs
  1. 10. A sa session de mai 1976, le comité avait constaté que, malgré l'envoi de commentaires et d'informations par le gouvernement sur plusieurs des allégations formulées, les éléments dont il disposait lui paraissaient insuffisants pour permettre d'aboutir à ce stade à des conclusions quant au fond sur les différentes questions soulevées. Le comité avait rappelé par ailleurs qu'il avait déjà eu à examiner à plusieurs reprises des cas relatifs à la République dominicaine et contenant des allégations analogues à celles présentées dans les cas en instance. Dans ces conditions, le comité avait estimé qu'il serait très utile de recourir à la formule des contacts directs. Le Conseil d'administration avait donc prié le gouvernement d'examiner la possibilité de donner son consentement à ce qu'un représentant du Directeur général puisse procéder, en République dominicaine, à une étude des faits se rapportant aux plaintes, ce dernier en informant le comité.
  2. 11. Le gouvernement n'ayant transmis aucune réponse, le comité avait, en novembre 1976 et en février 1977, invité ce dernier à examiner sans tarder la demande de recours aux contacts directs et à communiquer sa décision à cet égard aussitôt que possible.
  3. 12. En mai 1977, le comité n'avait reçu aucune communication du gouvernement à ce propos. Il avait en conséquence décidé d'appliquer la procédure établie aux paragraphes 23 et 24 de son 164e rapport. En vertu de celle-ci, le gouvernement avait été immédiatement informé que le président du comité, au nom de ce dernier, prendrait contact avec ses représentants à la 63e session de la Conférence internationale du Travail, attirerait leur attention sur ces différents cas et discuterait avec eux des raisons du retard dans l'envoi de la réponse demandée. Le président devait faire ensuite rapport au comité des résultats de ces contacts. Toutefois, le gouvernement n'ayant pas désigné de représentant à la 63e session de la Conférence, la procédure décrite ci-dessus n'avait pas pu être appliquée.
  4. 13. Dans une lettre du 2 août 1977, le gouvernement avait déclaré qu'il examinait la demande qui lui avait été faite d'accepter la visite d'un représentant du Directeur général et ajoutait qu'il donnerait une réponse définitive au moment opportun pour les intérêts du pays.
  5. 14. Le comité, à sa session de novembre 1977, avait regretté le retard mis par le gouvernement à répondre de manière affirmative à la demande qui lui avait été adressée de donner son consentement à la visite d'un représentant du Directeur général. A cet égard, le comité avait souligné que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect de la liberté syndicale en droit comme en fait et qu'il était convaincu que si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ces derniers devraient reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à apporter leur pleine collaboration au comité afin de lui permettre d'examiner les faits allégués de manière complète et de rechercher des possibilités de solutions aux problèmes posés. Le comité avait en outre insisté sur l'importance qu'il attachait à la procédure de contacts directs.
  6. 15. Dans ces conditions, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité:
    • a) prié instamment le gouvernement de donner sans tarder son consentement à ce qu'un représentant du Directeur général procède en République dominicaine à un examen de la situation syndicale;
    • b) chargé le Directeur général de s'adresser au gouvernement, à son niveau le plus élevé, en exprimant la préoccupation du comité et en insistant pour qu'une suite favorable soit donnée à la demande de contacts directs.
  7. 16. En février 1978, le comité avait constaté qu'en dépit des communications adressées au gouvernement sur ce point, ce dernier n'avait pas répondu. Le comité avait déploré que le gouvernement de la République dominicaine n'ait pas manifesté de désir de coopérer aux procédures existantes en matière de droits syndicaux. Dans ces conditions, le Conseil d'administration avait décidé que, au cas où aucune réponse du gouvernement ne serait reçue avant sa prochaine session, une plus large publicité serait donnée aux allégations, aux réponses du gouvernement, aux recommandations du comité et à l'attitude négative du gouvernement.
  8. 17. Depuis lors, aucune réponse du gouvernement n'a été reçue.
  9. 18. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et :de négociation collective, 1949.

C. Résumé des allégations et des réponses du gouvernement

C. Résumé des allégations et des réponses du gouvernement
  • i) Mort de syndicalistes
    1. 19 La CMT a allégué que la dirigeante paysanne Florinda Muñoz Soriano avait été tuée à coups de feu par un contremaître du propriétaire foncier Pablo Diaz à Hato Viejo. D'après le plaignant, Florinda Muñoz Soriano était la dirigeante régionale de la Fédération des ligues agraires chrétiennes, affiliée à la Fédération latino-américaine de paysans, à la CLAT et à la CMT, et se trouvait à la tête de 500 travailleurs et de leurs familles qui refusaient d'abandonner, sous la pression du propriétaire Pablo Diaz, les terres qu'ils possèdent depuis plus d'un demi-siècle. Le let novembre 1974, poursuivait la CMT, alors qu'elle effectuait des travaux agricoles, elle fut surprise par un contremaître qui la tua de deux coups de fusil. Pablo Diaz est en outre entrepreneur en bâtiment pour le gouvernement et, d'après la Confédération autonome de syndicats chrétiens, il utilise les services de véritables policiers pour contenir par la violence les paysans de Hato Viejo.
    2. 20 Selon la CMT, un autre dirigeant syndical paysan, Dionisio Prias, a été assassiné le 5 juillet 1975 par le propriétaire Virgilio Febes. Ce crime a eu lieu dans la commune de El Cuey, située dans la province de Seygo.
    3. 21 Des allégations ont été également présentées au sujet de l'absence de mesures prises à l'encontre du gérant de l'entreprise Dulcera Dominicana, M. Constantin Bolonotto, alors que celui-ci avait tenté d'assassiner avec une arme à feu le secrétaire général du syndicat, José Cristóbal Durán.
    4. 22 Pour sa part, la CGT a déclaré que la vie des dirigeants syndicaux était en danger et elle a énuméré les noms de quatorze responsables assassinés depuis 1967, notamment dans le secteur agricole.
    5. 23 A propos des allégations relatives à l'homicide de Florinda Muñoz Soriano, le gouvernement a signalé, en février 1976, que les tribunaux avaient tenu plusieurs audiences dans cette affaire qui était toujours en instance.
  • ii) Arrestation et bannissement de syndicalistes
    1. 24 Les organisations plaignantes se sont référées à l'arrestation d'un nombre important de dirigeants syndicaux et de syndicalistes. Ces mesures ont affecté plusieurs organisations du mouvement syndical dominicain.
    2. 25 Parmi les organisations ainsi touchées figure l'Union nationale des chauffeurs syndiqués indépendants (UNACHOSIN) dont le secrétaire général, M. Albuquerque, et 39 autres membres ont été arrêtés. Les dirigeants du syndicat POASI, en particulier Marcelino Vasquez, ont pour leur part été arrêtés à plus de dix reprises.
    3. 26 Des dirigeants de la Fédération unique du district national et du Syndicat des travailleurs de la raffinerie dominicaine de pétrole, membres de la CGT, avaient été également arrêtés. Selon la FSM, ces événements s'étaient produits le 15 septembre 1974 et la police avait au total arrêté 43 délégués et dirigeants syndicaux de la CGT, parmi lesquels Francisco Antonio Santos, secrétaire général, Dionisio Martinez Vargas, secrétaire à l'organisation, et Aquilés Maleno, membre du bureau exécutif.
    4. 27 Le 13 juin 1975, ont de nouveau été arrêtés trois dirigeants de la CGT, à savoir Francisco Antonio Santos, secrétaire général (déjà cité au paragraphe antérieur), Julio de Peña Valdez, secrétaire à la formation, et Eugenio Pérez Cepeda, secrétaire aux revendications et conflits. La FSM a soutenu à cet égard que le gouvernement avait pris prétexte d'un débarquement de guérilleros pour mener une action répressive contre le mouvement ouvrier. Elle précisait que Francisco Antonio Santos et Eugenio Pérez Cepeda avaient été arrêtés au palais de la police nationale où ils s'étaient rendus pour demander des explications au sujet de l'arrestation de Julio de Peña Valdez et d'autres syndicalistes. En outre, des perquisitions avaient eu lieu aux domiciles de Dionisio Martínez Vargas et d'Aquilés Maleno (déjà mentionnés au paragraphe antérieur) qui étaient recherchés. Les dirigeants syndicaux arrêtés ou poursuivis avaient été accusés d'associations de malfaiteurs et d'atteinte à la sécurité de l'Etat. Selon la FSM, ces mesures étaient dues à l'activité quotidienne de la CGT pour la défense des revendications des travailleurs, des droits démocratiques et de la souveraineté et de l'indépendance nationales qu'enfreindraient les sociétés multinationales Gulf and Western, Falconbridge, Alcoa Exploration Company, Compañia de Teléfonos, etc. Le maintien en prison des dirigeants de la CGT aurait eu pour but de rendre impossible l'action de cette centrale en faveur des revendications et des droits des travailleurs. Par la suite, la FSM a indiqué que Francisco Antonio Santos et Julio de Peña avaient été détenus pendant 201 jours.
    5. 28 Les plaignants ont également signalé l'arrestation de dirigeants du Syndicat national des travailleurs des téléphones, à savoir Juan Vargas, secrétaire général, et Ricardo Borges, secrétaire de la région nord du syndicat. Lorsque les travailleurs voulurent établir un piquet pour protester contre la détention du secrétaire général, la compagnie appela la police et menaça de congédier ceux qui protestaient. Selon la CGT et le SNTT, l'emprisonnement de Juan Vargas a duré quatre mois à l'issue desquels il a été libéré sous caution.
    6. 29 La CMT s'est référée à l'arrestation de dirigeants syndicaux du secteur agricole, et notamment à celle de 17 paysans militants de la Fédération dominicaine des ligues agraires chrétiennes (affiliée à la Confédération autonome de syndicats chrétiens) et du secrétaire chargé de l'organisation du syndicat de la Centrale Azucarera Caterey (également affiliée à cette organisation).
    7. 30 Certains dirigeants syndicaux ont été poursuivis devant la justice. Ainsi, la FSM a cité les cas de Juan Angel Santos Peña, secrétaire à l'organisation du Syndicat de la fabrique de sacs et de cordages et secrétaire à l'organisation de la Fédération Foupsa-Cesitrado du district national, et de José Leonardo Henríquez, militant syndical CGT de la fabrique de batteries Lasser. Le premier nommé était, selon la FSM, détenu depuis janvier 1974 bien qu'il eût été innocenté par le tribunal de première instance. Le second a été arrêté en janvier 1972 et condamné à huit ans de prison sous la fausse accusation d'avoir assassiné un policier. La CGT a fait part, en décembre 1977, de la décision de la Cour suprême d'ordonner la libération de José Leonardo Henríquez.
    8. 31 Des mesures d'expulsion du pays ont été prises à l'encontre d'autres dirigeants syndicaux. Il s'agit de Vladimir Blanco et Fernando de la Rosa, tous deux dirigeants du SNTT et de la Confédération Foupsa-Cesitrado, expulsés respectivement en février et juillet 1972. Carlos Tomás Fernández, secrétaire général de la Fédération du district national de la Confédération Foupsa-Cesitrado et du Syndicat des fabriques de sacs et de cordages, expulsé en août 1972; Efrain Sánchez Soriano, secrétaire de la Fédération du district national de la Confédération Foupsa-Cesitrado et secrétaire général du Syndicat des travailleurs municipaux de Saint-Domingue, expulsé en mars 1970.
    9. 32 Le gouvernement a en outre interdit l'entrée au pays de José Cristóbal Durán, secrétaire général de la Fédération nationale de l'alimentation et des boissons, à son retour d'une conférence syndicale internationale tenue à Budapest en 1974.
    10. 33 Dans une communication de février 1976, le gouvernement a déclaré qu'il ne poursuivait aucun dirigeant syndical pour ses activités syndicales et que, si quelque responsable avait été privé de sa liberté, c'était pour violation des lois sur l'ordre public ou pour des délits de droit commun.
    11. 34 Le gouvernement a en outre indiqué, également en février 1976, que les trois dirigeants de la CGT arrêtés en juin 1975 se trouvaient en liberté depuis plus de deux mois.
  • iii) Licenciement de syndicalistes
    1. 35 Les plaintes reçues font état d'un nombre important de licenciements de dirigeants, militants et membres des syndicats. Ces mesures seraient intervenues dans de nombreuses entreprises dont plusieurs ont été citées par les plaignants. Il s'agit notamment de:
      • - l'entreprise Dulcera Dominicana: licenciement systématique de 83 dirigeants, militants et membres du syndicat et de femmes enceintes, sous prétexte d'activités syndicales;
      • - l'entreprise Industrias Dominicanas et Cie: licenciement de 12 dirigeants et membres actifs;
      • - l'entreprise Los Navarros et Cie: licenciement de 20 dirigeants et militants;
      • - l'entreprise Ray-O-Vac Dominicana SA: licenciement de sept dirigeants et militants;
      • - la compagnie dominicaine des téléphones (Codetel): licenciement de cinq dirigeants du SNTT en 1975 et de quelque 80 dirigeants et membres de ce syndicat au cours de 1977;
      • - l'entreprise Barcelo et Cie: licenciement de 11 dirigeants syndicaux et de 46 travailleurs entre le 7 mars et le 4 mai 1977:
      • - l'entreprise Productos de Calcio C. por A. (Cal Pomier): licenciement en mai 1977 des membres fondateurs d'un syndicat en formation;
      • - des entreprises Operaciones Kontiki, Fabrica Augusto Espaillat, successeurs de Santiago de Caballeros, Constructora Dolarca, Falconbridge, Ingenio Monteblanco, Ingenio Quisqueya, Gulf and Western Division Central Romana.
    2. 36 Les plaignants allèguent le plus souvent que ces licenciements ont eu pour seule origine l'activité syndicale des intéressés. Ainsi, les licenciements intervenus à l'entreprise Dulcera Dominicana auraient eu pour but de démanteler l'organisation dont s'étaient dotés les travailleurs de l'entreprise. Dans le cas de la Compagnie dominicaine des téléphones, le secrétaire à l'organisation du SNTT aurait été congédié pour avoir utilisé les facilités accordées aux dirigeants syndicaux par la convention collective en vigueur dans cette entreprise. Selon le SNTT, la compagnie se serait fixé comme objectif de licencier 10 pour cent de son personnel afin de neutraliser le syndicat et d'éviter ainsi une discussion de la convention collective.
    3. 37 Dans le cas de l'entreprise Barcelo et Cie, à la suite des pressions des travailleurs et de l'opinion publique, la société a manifesté son intention de réintégrer les intéressés, mais à condition que soient conclus de nouveaux contrats de travail, que ne soit pas appliquée la convention collective et que le syndicat n'exerce pas ses activités; le gouvernement se serait borné à entériner les congédiements et à accepter les conditions fixées par la direction.
    4. 38 La FSM a allégué pour sa part que, le 8 septembre 1975, le chef de la police dominicaine a adressé une circulaire aux directeurs des raffineries de sucre pour qu'ils empêchent le travail des militants de la CGT dans les sucreries.
    5. 39 Le gouvernement a transmis des commentaires au sujet de certaines des allégations présentées en matière de licenciements de syndicalistes. Selon le gouvernement, il n'est pas vrai que les licenciements intervenus au sein de l'entreprise Dulcera Dominicana aient eu pour objectif la destruction du syndicat et, lorsque l'entreprise a mis fin au contrat d'un travailleur, elle l'a fait en stricte conformité avec la loi.
    6. 40 Toujours d'après le gouvernement, l'entreprise Barcelo et Cie s'est basée, pour licencier plusieurs dirigeants syndicaux et travailleurs, sur l'article 69 du Code du travail (en vertu de celui-ci, chaque partie à un contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut y mettre fin sans motif, lorsqu'elle l'estime convenable, même durant la suspension du contrat). Le secrétariat d'Etat au Travail a condamné énergiquement cette action qui rompait la paix sociale et a fait pression sur l'entreprise pour que, s'abstenant de faire un usage abusif de la disposition précitée, celle-ci réintègre les personnes licenciées. Le gouvernement ne dispose pas, précisait-il, de pouvoirs coercitifs de caractère répressif pour obliger les employeurs à réintégrer les travailleurs et dirigeants licenciés.
    7. 41 Le gouvernement a déclaré également avoir envoyé des inspecteurs du travail enquêter sur les plaintes formulées par des syndicalistes à l'encontre des entreprises Productos de Calcio C. por A. (Calpomier) et Codetel; il a aussi adressé des communications énergiques à la direction de ces entreprises pour que cessent les licenciements et les pressions sur les syndicalistes, étant donné qu'il s'est engagé à faire pleinement respecter la liberté syndicale. Selon lui, la crainte existe dans certains secteurs patronaux d'une pénétration et d'une influence de dirigeants syndicaux qui suivent les consignes de partis politiques interdits parce qu'ils s'en prennent aux principes constitutionnels de l'Etat.
  • iv) Démantèlement d'organisations syndicales
    1. 42 Selon les plaignants, les autorités ou les employeurs se seraient livrés à des tentatives de démantèlement des organisations syndicales, notamment en retirant la personnalité juridique d'une organisation ou en créant un syndicat parallèle ou encore en anéantissant complètement les syndicats.
    2. 43 La CGT a cité à cet égard le retrait de la personnalité juridique en 1974 du Syndicat unifié des travailleurs de la Central Romana Corporations y Central Romana Bys Productos (de l'entreprise multinationale Gulf and Western). Au sein de la Codetel, un système aurait été imaginé pour faire perdre au SNTT sa représentativité légale: il s'agit de faire de certaines catégories du personnel des "fonctionnaires" et de les obliger ainsi à démissionner du syndicat.
    3. 44 La CGT a allégué que le gouvernement et ses fonctionnaires avaient créé un syndicat parallèle au Puerto de Andrés à Boca Chica. A cet effet, des personnes étrangères aux tâches portuaires auraient été recrutées et elles auraient créé un syndicat destiné à empêcher les membres du Syndicat portuaire des débardeurs de charges lourdes et légères de Puerto de Andrés à Boca Chica d'accomplir les travaux pour lesquels ils sont rémunérés et d'exercer leurs droits syndicaux. Des personnes qui étaient sur le point d'être jugées et qui étaient accusées de malversations de fonds syndicaux ont été élues dirigeants du syndicat parallèle. En outre, a été mis en oeuvre un commerce de vente d'affiliations syndicales, à raison de 50 pesos et plus par personne, dans le cadre d'un plan de recrutement d'affiliés, afin d'imposer le syndicat parallèle.
    4. 45 Les plaignants ont également cité les noms d'une vingtaine de syndicats, couvrant de nombreux secteurs d'activité, qui ont été anéantis. L'entreprise Rosario Rosaurce Dominicana (secteur des mines d'or et d'argent) aurait empêché l'organisation par ses salariés d'un syndicat indépendant. Enfin, dans le secteur des banques étrangères, on ne permettrait même pas de parler de syndicats.
    5. 46 Au sujet de la destruction alléguée de certains syndicats, le gouvernement a affirmé que ces organisations, dans leur grande majorité, existaient mais que les dirigeants influencés par des extrémistes avaient été expulsés par décision des syndiqués.
  • v) Intervention des pouvoirs publics dans les affaires intérieures des syndicats
    • Droit de réunion
      1. 47 La FSM et la CGT se sont référées à l'adoption, en 1974, par le secrétariat d'Etat au Travail, de la résolution administrative no 13/74, en vertu de laquelle les assemblées générales organisées en vue de constituer un syndicat, d'élire son comité directeur, de modifier ses statuts ou de s'affilier à une fédération ou confédération doivent être certifiées par un inspecteur du département du Travail. Ceci suppose, selon les plaignants, la présence de fonctionnaires aux assemblées et fait dépendre de l'appréciation des autorités la validité des décisions adoptées. Selon la FSM, la Cour suprême a jugé cette résolution illégale mais les autorités continuent à l'appliquer.
      2. 48 Pour le gouvernement, la résolution no 13/74 n'influence pas le libre choix des décisions par les travailleurs. Les syndicats acquièrent la personnalité juridique à la suite de leur enregistrement au secrétariat d'Etat au Travail; une résolution analogue fut abrogée dans le passé et il s'ensuivit une série de faits contraires aux conditions requises pour la constitution d'un syndicat, l'élection de ses dirigeants, etc.: fausses listes de signatures, quorums non atteints, etc. Des dirigeants syndicaux protestaient ou refusaient la passation des pouvoirs aux nouveaux responsables en alléguant des fraudes dans les scrutins, etc. Le secrétariat d'Etat ne peut, continuait le gouvernement, octroyer la reconnaissance ou l'enregistrement à un syndicat sur la seule base de ses affirmations. La présence d'un inspecteur du travail en tant qu'observateur est la solution la plus sage, selon lui, pour éviter les conflits souvent violents entre dirigeants syndicaux et se former une opinion correcte au moment d'accorder l'enregistrement.
    • Election des dirigeants syndicaux
      1. 49 Plusieurs plaignants ont affirmé que le gouvernement a essayé d'imposer par la force un comité directeur au Syndicat des débardeurs (POASI). Le secrétariat d'Etat au Travail aurait organisé des élections truquées le 27 mars 1973 où seulement 163 membres étaient présents sur un total de 1.348 affiliés actifs. Ces élections furent organisées à un moment où le pays traversait une crise politique due au débarquement à Playas Caracoles de guérilleros, et le gouvernement aurait profité de la confusion créée pour commettre ces violations des droits syndicaux. Les dirigeants élus étaient, selon les plaignants, étrangers au syndicat et au service du gouvernement. Les élections furent contestées par la majorité des syndiqués (766 signatures) mais furent acceptées comme légales et valides par le secrétariat d'Etat au Travail. Le syndicat organisa, le 25 juillet 1973, de nouvelles élections véritablement démocratiques, malgré l'occupation du local syndical par les forces militaires qui empêchaient le déroulement des tâches syndicales. Un nouveau comité exécutif, dirigé par Marcelino Vásquez, fut élu avec une majorité de 899 voix et 9 votes nuls. Ces élections ne furent pas acceptées par le secrétariat d'Etat au Travail, favorable, d'après les plaignants, au patronat, au mépris de la volonté de la majorité. Par la suite, le 16 septembre 1973, la police expulsa les syndicalistes de leur local et un secrétaire général fut imposé au syndicat.
      2. 50 Pour sa part, la CGT s'est plainte du mépris du gouvernement pour l'arrêt de la Cour suprême qui a déclaré, conformément à l'esprit de la convention no 87 et au caractère privé des syndicats, entachée d'excès de pouvoir et illégale la détermination, selon sa convenance, des dirigeants du syndicat POASI.
      3. 51 Un groupe de syndicalistes qui se désignaient comme "le secteur majoritaire" du syndicat POASI a par la suite communiqué copie d'une requête adressée le 23 novembre 1975 au secrétaire d'Etat au Travail en vue de l'organisation d'élections au sein du syndicat, conformément aux statuts syndicaux et au Code du travail.
      4. 52 D'autres entreprises auraient été également le théâtre de manoeuvres destinées à destituer les dirigeants syndicaux en place. Ainsi, l'entreprise Falconbridge Dominicana aurait renversé, avec l'aide des forces de l'ordre, quatre comités syndicaux exécutifs en l'espace de trois ans. Dans l'entreprise Dulcera Dominicana, le syndicat aurait été remplacé par des contremaîtres et représentants de l'administration de l'entreprise choisis par cette dernière avec la complicité de représentants du gouvernement.
      5. 53 Le gouvernement a indiqué, au sujet du syndicat POASI, que cette organisation avait convoqué, conformément à ses statuts, une assemblée générale ordinaire pour élire son comité directeur. Ces élections eurent lieu le 27 mars 1973 sous la surveillance de fonctionnaires du département du Travail, sans aucune espèce d'incident. Les fonctionnaires indiquèrent que le scrutin s'était déroulé tout à fait normalement et la liste dirigée par Domingo Suero fut élue. Le gouvernement n'est jamais intervenu, ajoutait-il, et n'interviendra jamais dans les affaires intérieures d'un syndicat. Pour ce qui est de l'entreprise Dulcera Dominicana, le gouvernement a signalé que le syndicat de cette entreprise poursuit ses activités dans un contexte normal, conforme à la loi.
      6. 54 Enfin, dans une communication plus récente de janvier 1978, le gouvernement a indiqué que, le 31 octobre 1977, le syndicat POASI a tenu des élections complètement régulières dont les résultats ont été acceptés par toutes les parties en présence. A cet égard, le gouvernement a souligné les efforts déployés par le secrétariat d'Etat au Travail pour la tenue de ces élections et pour surmonter, par un dialogue franc et ouvert, tous les obstacles qui empêchaient l'organisation des élections.
    • Fonds syndicaux
      1. 55 Selon les plaignants, les fonds du syndicat POASI ont été confisqués et utilisés, au mépris des statuts de cette organisation, par la Direction générale des douanes et des ports et la direction des débardeurs, de connivence avec les faux dirigeants du syndicat.
      2. 56 Le gouvernement n'a pas fourni d'observations spécifiques sur ce point.
    • vi) Occupation de locaux syndicaux
      1. 57 Plusieurs plaignants ont signalé que les sièges d'organisations syndicales avaient été envahis et occupés par la police, souvent à plusieurs reprises. Ce fut le cas, en 1971, du syndicat POASI dont les locaux furent mis à sac. Ce syndicat fut à nouveau occupé en septembre 1973 à la suite des élections au comité exécutif. De ce fait, les principaux dirigeants légitimes du syndicat ne pouvaient entrer dans le local syndical, ce qui les empêchait en outre de s'inscrire sur la liste de travail du port. En juillet 1976, la FSM a indiqué que le local du syndicat POASI était toujours occupé par la police. Enfin, une communication d'avril 1978 émanant du syndicat POASI mentionnait de nouveau l'occupation de son siège par la police nationale.
      2. 58 Le syndicat UNACHOSIN avait également été mis à sac en 1971 par la police. D'autres organisations ont été aussi investies par les forces de l'ordre il s'agit notamment des syndicats des entreprises Textil Las Minas, Fasaco, Cementera, Mines de Falconbridge, etc. Le local de la CGT a été également occupé par la police à plusieurs reprises ainsi que le siège de fédérations et de syndicats qui leur sont affiliés.
      3. 59 Dans une de ses réponses, le gouvernement s'est référé à la mise à sac, en 1971, des syndicats POASI et UNACHOSIN et avait indiqué que ces derniers pouvaient saisir les tribunaux des dommages et préjudices subis. Il a ajouté que le local d'UNACHOSIN avait été remis au comité directeur de ce syndicat quelques jours après les incidents et que les activités se déroulaient normalement tant à POASI qu'à UNACHOSIN.
    • vii) Atteintes au droit de grève
      1. 60 Selon la CGT, des atteintes au droit de grève auraient été commises à l'entreprise Dulcera Dominicana. Il aurait été fait recours à la police nationale pour gêner, par des voies répressives, l'exercice du droit de grève légale auquel les travailleurs de cette entreprise avaient été contraints de recourir. En outre, au lieu du délai de cinq jours accordé par la loi aux juges pour se prononcer sur la légalité d'une grève, 263 jours s'étaient écoulés sans que les juges de la Cour d'appel de Saint-Domingue, réunis en tribunal de travail, ne se prononcent sur cette grève.
      2. 61 Le gouvernement n'a pas fourni d'observations spécifiques à ce propos.
    • viii) Droits syndicaux des enseignants
      1. 62 La FISE a allégué qu'en dépit de la ratification de la convention no 87, les autorités gouvernementales refusent aux enseignants le droit de se syndiquer sans autorisation préalable. Elles ne reconnaissent pas l'existence légale de l'Association dominicaine des professeurs, refusent de négocier avec celle-ci les conditions de travail et n'accordent aucune facilité pour l'exercice des droits syndicaux.
      2. 63 Le gouvernement n'a pas transmis d'observations sur cette allégation.
    • ix) Droits syndicaux des travailleurs agricoles
      1. 64 Selon la CGT, le gouvernement empêche la libre organisation des travailleurs agricoles et des paysans bien que les droits syndicaux de ces travailleurs soient reconnus par le règlement no 76-76 du 6 octobre 1951 en application du Code du travail. La CGT s'est également référée aux persécutions dont sont victimes les dirigeants paysans, et notamment à la mort d'un certain nombre d'entre eux.
      2. 65 Le gouvernement n'a pas transmis d'observations au sujet de la reconnaissance du droit syndical aux travailleurs agricoles.
      3. 66 D'une manière générale, le gouvernement a déclaré dans plusieurs communications que les conventions nos 87 et 98 étaient parfaitement respectées en République dominicaine et que les travailleurs avaient la liberté de constituer les organisations de leur choix sans aucune distinction ni autorisation préalable et d'élire leurs représentants conformément à leurs statuts et sans intervention du gouvernement. Les syndicats doivent seulement se conformer aux exigences prévues au livre 5 du Code du travail (relatif aux syndicats) ainsi qu'aux dispositions administratives contenues dans les résolutions no 8/64 sur l'enregistrement des syndicats, no 15/64 sur la création des confédérations et no 37/64 sur la certification par un inspecteur du travail de certaines assemblées générales.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 67. Le comité doit, en premier lieu, déplorer le fait que, malgré des demandes pressantes et réitérées, adressées au gouvernement à son niveau le plus élevé, celui-ci se soit abstenu d'apporter une réponse à la proposition de recours aux contacts directs qui avait été formulée par le comité et le Conseil d'administration. Etant donné l'importance et la gravité des questions soulevées dans les plaintes et l'insuffisance des éléments d'information dont il disposait, le comité demeure convaincu qu'une mission sur place d'un représentant du Directeur général aurait contribué à une meilleure connaissance de la situation syndicale et à un examen utile des solutions à apporter aux problèmes posés.
  2. 68. Avant d'aborder chacune des questions soulevées par les plaignants, le comité désire souligner l'importance des présents cas qui posent de graves problèmes touchant à la liberté syndicale et aux droits de l'homme relatifs aux droits syndicaux. A cet égard, le comité exprime sa profonde préoccupation devant l'acuité et la diversité des problèmes auxquels se trouve confrontée une partie importante du mouvement syndical dominicain, dans des secteurs d'activité fort divers.
  3. 69. Le comité relève en particulier que, selon les allégations, certaines organisations syndicales, bien souvent d'importance nationale, se sont heurtées depuis de nombreuses années à de grandes difficultés pour exercer leurs activités du fait des multiples obstacles qui ont entravé leur fonctionnement: arrestation et licenciement de leurs dirigeants, occupation de leurs locaux, ingérence dans leurs affaires internes. Un tel climat ne peut être propice au développement d'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ainsi qu'à la promotion de relations professionnelles normales. Le comité tient d'ores et déjà à souligner à cet égard que, ainsi qu'il est dit dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux et que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect de ces libertés civiles.
  4. 70. Les allégations se sont référées à un nombre important d'assassinats de dirigeants d'organisations de travailleurs, tout particulièrement dans le secteur agricole, qui ont été commis la plupart du temps par des employeurs ou des responsables d'exploitation. En l'absence de toute information précise sur ces affaires de la part du gouvernement, le comité se voit obligé de constater que le gouvernement n'a pas établi que ces décès étaient survenus pour des raisons étrangères à la qualité ou aux activités des dirigeants en question. Le comité estime que, de toute manière, de telles conditions auraient dû entraîner, de la part des autorités, des mesures efficaces destinées à établir les faits, à condamner les responsables et à rétablir une situation normale qui est une condition indispensable au libre exercice des droits syndicaux.
  5. 71. De nombreuses plaintes font mention d'arrestation et de détention de dirigeants de diverses organisations syndicales. Les motifs à l'origine de ces mesures sont expliqués de façon contradictoire par les plaignants et le gouvernement. Pour les premiers, elles étaient dues aux activités syndicales alors que le second déclarait de façon générale que les responsables en cause avaient été arrêtés pour violation des lois sur l'ordre public ou pour des délits de droit commun.
  6. 72. Quoi qu'il en soit, le comité doit constater que le gouvernement n'a pas fourni d'informations précises sur les faits qui étaient reprochés aux dirigeants arrêtés, l'empêchant ainsi de procéder en toute connaissance de cause à l'examen des allégations. Le comité considère qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales des personnes concernées.
  7. 73. Bien que la plupart des syndicalistes mentionnés dans les plaintes semblent avoir maintenant recouvré la liberté, il n'en demeure pas moins établi qu'un certain nombre d'entre eux ont été maintenus en détention pendant des périodes de temps relativement longues, parfois à plusieurs reprises. Les réponses transmises par le gouvernement ne permettent pas de déterminer si les intéressés ont été déférés devant les tribunaux. Dans peu de cas seulement, il apparaît, d'après les informations fournies par les plaignants, que les dirigeants syndicaux concernés ont fait l'objet de poursuites judiciaires. L'un d'entre eux serait d'ailleurs resté emprisonné bien qu'il eût été innocenté par un tribunal de première instance.
  8. 74. Le comité doit rappeler à ce propos que la présentation rapide d'un détenu devant le juge compétent constitue l'une des garanties fondamentales de l'individu, garantie qui est reconnue par des instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies et par la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme. Dans le cas de personnes ayant des activités syndicales, il s'agit de l'une des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir plus réellement l'exercice des droits syndicaux. En outre, le comité souhaite signaler que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est par la suite relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
  9. 75. Selon les plaignants, les autorités ont également prononcé des mesures d'expulsion du pays à l'encontre de certains dirigeants syndicaux. L'un d'entre eux s'est vu refuser l'entrée en République dominicaine alors qu'il revenait d'une conférence syndicale internationale. De l'avis du comité, une mesure d'exil de syndicalistes, qui est en contradiction avec les droits de l'homme, présente une gravité particulière en privant les intéressés de la possibilités de travailler dans leur pays et en les séparant de leur famille. Elle constitue en outre une atteinte à la liberté syndicale car elle affaiblit les organisations syndicales en les privant de leurs dirigeants.
  10. 76. Il ressort des informations fournies par les plaignants que de nombreux dirigeants syndicaux et syndicalistes ont été congédiés de leur emploi, et ceci dans un nombre important d'entreprises couvrant des secteurs d'activité fort divers. Dans la plupart des cas, il est allégué que ces mesures avaient pour seule origine les activités syndicales des intéressés. Elles auraient en outre tendu parfois à démanteler les organisations syndicales, ce qui est toutefois nié par le gouvernement. Pourtant, le gouvernement admet l'existence dans certaines entreprises de pratiques peu propices au développement de saines relations professionnelles et qu'il ne peut réprimer efficacement dans le cadre de la législation en vigueur.
  11. 77. Le comité estime que nul ne devrait faire l'objet de discrimination en raison de son affiliation ou de son activité syndicale et que les gouvernements devraient prendre des mesures pour garantir que les travailleurs soient protégés contre des actes, y compris le licenciement, qui peuvent entraîner ou qui ont pour objet une discrimination antisyndicale en matière d'emploi. Une législation permettant en pratique aux employeurs de licencier un travailleur à condition de verser l'indemnité prévue par la loi en cas de licenciement injustifié, même si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale, ne garantit pas une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale.
  12. 78. La protection contre les actes de discrimination antisyndicale est particulièrement souhaitable pour les dirigeants syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Une telle garantie est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
  13. 79. Un nombre important d'organisations syndicales semblent avoir été démantelées au cours des dernières années, soit par le retrait de la personnalité juridique, la création de syndicats parallèles ou leur anéantissement du fait des employeurs. Le gouvernement s'est borné à déclarer au sujet de ces allégations que la grande majorité des organisations en cause existaient mais que leurs dirigeants avaient été destitués par décision des syndiqués. Faute d'informations suffisantes, le comité ne peut se prononcer en toute connaissance de cause sur ces questions. Il n'a pas été précisé en particulier si le retrait de la personnalité juridique du syndicat mentionné par les plaignants a été effectué par voie administrative ou judiciaire. Le comité note cependant qu'en vertu de l'article 356 du Code du travail, l'enregistrement d'un syndicat peut être annulé par décision des tribunaux lorsque le syndicat s'est livré à des activités étrangères à ses fins légales.
  14. 80. Pour ce qui est de la création de syndicats parallèles et de l'anéantissement de syndicats du fait des employeurs, le comité souhaite rappeler qu'aux termes de l'article 2 de la convention no 98 ratifiée par la République dominicaine, les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. L'article 2 précise que sont notamment assimilées à des actes d'ingérence des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs.
  15. 81. Les allégations concernant les ingérences des pouvoirs publics dans les affaires internes des syndicats ont trait principalement au droit de réunion, au droit de libre élection des dirigeants et aux fonds syndicaux. Le comité estime que la liberté de réunion syndicale constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux et que les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. L'obligation d'admettre la présence d'un représentant des autorités à des assemblées générales constitue une restriction à la libre activité des syndicats.
  16. 82. En matière d'élections syndicales, les plaignants ont signalé que des élections truquées se seraient déroulées au sein du syndicat POASI et que la Cour suprême les aurait considérées comme illégales. Selon des informations plus récentes émanant du gouvernement, des élections régulières se seraient par la suite déroulées dans ce syndicat. A ce sujet, le comité souhaite une nouvelle fois souligner l'importance qu'il attache au principe selon lequel les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté.
  17. 83. Le syndicat POASI aurait également fait l'objet, selon les plaignants, d'une confiscation de ses biens. Pour le gouvernement, ces allégations étaient inexactes. Devant le caractère contradictoire de ces affirmations, le comité ne peut que rappeler l'importance du principe selon lequel les fonds syndicaux devraient bénéficier d'une protection adéquate.
  18. 84. Il apparaît, à la lumière des allégations formulées, que les sièges de certaines organisations syndicales ont fait l'objet, parfois à plusieurs reprises, d'occupation par les forces de l'ordre. La dernière intervention de ce genre - à l'encontre du syndicat POASI - est, semble-t-il, très récente. A cet égard, le comité souhaite attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, la Conférence internationale du Travail a considéré que le droit à la protection des biens syndicaux constitue l'une des libertés civiles qui est essentielle à l'exercice normal des droits syndicaux. Si les syndicats ne peuvent se prévaloir d'aucune immunité contre une perquisition de leurs locaux, cette intervention ne devrait cependant se produire qu'à la suite de la délivrance d'un mandat par l'autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est convaincue qu'il y a de solides raisons de supposer qu'on y trouvera les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit conformément à la législation ordinaire et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat.
  19. 85. Au sujet des allégations relatives aux entraves apportées au droit de grève, le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Le comité relève à cet égard qu'à plusieurs reprises la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé des commentaires au sujet des articles 368 à 379 du Code du travail qui permettent le recours, dans tous les cas de conflits collectifs du travail, à une procédure d'arbitrage avec sentence obligatoire, ce qui pourrait gravement limiter le droit de grève et porter ainsi atteinte au droit des syndicats d'organiser leurs activités. Pour ce qui est du recours à la police pour, selon les plaignants, gêner l'exercice du droit de grève, le comité considère que l'emploi des forces de l'ordre dans des cas de grève devrait se limiter au maintien de l'ordre public.
  20. 86. Pour ce qui concerne la non-reconnaissance par le gouvernement de l'existence légale de l'Association dominicaine dès professeurs, le comité se réfère aux commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au sujet de la situation des fonctionnaires en République dominicaine qui sont exclus du Code du travail et donc des droits syndicaux qui y sont prévus. Le comité rappelle que les fonctionnaires, y compris les enseignants, devraient jouir du droit syndical, tout comme les autres travailleurs.
  21. 87. Plusieurs plaintes se sont référées, en partie, à la situation syndicale dans le secteur agricole. Il semble en effet que cette branche d'activité ait particulièrement souffert de pratiques extrêmement graves, ayant parfois entraîné la mort de responsables syndicaux. En outre, selon les plaignants, le gouvernement empêcherait la libre organisation des travailleurs agricoles, bien que leurs droits syndicaux soient reconnus par la législation. Le comité désire à cet égard souligner l'importance particulière que la Conférence internationale du Travail a attachée aux droits syndicaux des travailleurs ruraux en adoptant eh 1975 la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux. Aux termes de l'article 4 de cette convention, l'un des objectifs de la politique nationale de développement rural devra être de faciliter la constitution et le développement, sur une base volontaire, d'organisations de travailleurs ruraux, fortes et indépendantes, comme moyen efficace d'assurer que ces travailleurs, sans discrimination, participent au développement économique et social et bénéficient des avantages qui en découlent.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 88. Dans ces conditions, pour ce qui est des cas dans leur ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations et principes exposés aux paragraphes 70 à 87 concernant la mort, l'arrestation, le bannissement et le licenciement de syndicalistes, le démantèlement d'organisations syndicales, l'intervention des pouvoirs publics dans les affaires intérieures des syndicats, l'occupation des locaux syndicaux, le droit de grève et les droits syndicaux des enseignants et des travailleurs agricoles;
    • b) de déplorer l'attitude négative et le manque de coopération du gouvernement qui, en ne donnant pas son consentement à une mission sur place et en ne fournissant pas de réponses aux questions soumises au comité, n'a pas permis d'obtenir toutes les informations sur les graves faits allégués et de décider des mesures qui pourraient être prises au sujet des problèmes posés;
    • c) de décider de donner une plus grande publicité au présent rapport, notamment à l'occasion de la prochaine session de la Conférence internationale du Travail.
      • Genève, 31 mai 1978. (Signé) Roberto AGO, Président.
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