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Rapport définitif - Rapport No. 172, Mars 1978

Cas no 824 (Bénin) - Date de la plainte: 12-SEPT.-75 - Clos

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  1. 45. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de mai 1976 et a présenté, à cette occasion, un rapport intérimaire. Depuis lors, le gouvernement a adressé une nouvelle communication le 7 mai 1977.
  2. 46. Le Bénin a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 47. Il convient de rappeler que les allégations encore en suspens concernent la détention de certains syndicalistes et la désignation de membres de comités exécutifs de certains syndicats par le gouvernement.

A. Allégations relatives à la détention de certains syndicalistes

A. Allégations relatives à la détention de certains syndicalistes
  1. 48. Les plaignants alléguaient qu'à la suite de l'assassinat du ministre de l'Intérieur, les syndicats avaient, le 24 juin 1975, appelé à la grève générale et illimitée pour protester contre ce meurtre et la manière dont le Président de la République s'était placé au-dessus de la loi en faisant justice lui-même. Selon les plaignants, le ministère de l'Intérieur avait été avisé de la décision de faire grève quarante-huit heures à l'avance, conformément à la loi.
  2. 49. Au cours des manifestations, les soldats avaient tiré et plusieurs syndicalistes figuraient parmi les morts et les blessés. A la suite de ces événements, les dirigeants syndicaux qui avaient lancé l'ordre de grève avaient été arrêtés et transférés au camp militaire de Dodja où ils avaient été sauvagement battus. En outre, le 9 juillet 1975, le conseil des ministres avait adopté diverses mesures, en vertu desquelles tous ceux qui avaient participé à la grève du 24 au 27 juillet 1975 feraient l'objet de retenues sur leurs traitements et salaires correspondant à la durée de la grève; tous ceux qui n'avaient pas repris leur travail le 30 juin 1975 seraient révoqués de la fonction publique ou licenciés de leur emploi; tous les signataires de la motion de grève, tous les meneurs, tous les activistes arrêtés avant le 30 juin ou à leur poste de travail le 30 juin, ou bien encore arrêtés après le 30 juin, seraient suspendus de leur emploi et envoyés dans une unité de production agricole jusqu'au 31 décembre 1975; tous les travailleurs des secteurs public et privé devaient obtenir une autorisation pour sortir du territoire national.
  3. 50. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) avait joint à sa plainte une liste de vingt-six syndicalistes qui auraient été, selon elle, internés dans des camps militaires et soumis à la torture. Les personnes détenues n'étaient pas autorisées à recevoir la visite de leur famille. La CMOPE avait également communiqué le nom de treize syndicalistes qui auraient pris la fuite. Enfin, il était allégué que M. Akan Hilaire, un responsable du Syndicat national de l'école publique du Dahomey (SYNEPDA), avait trouvé la mort le 9 septembre 1975 au camp militaire de Dodja où il avait été interné pour faits de grève. Selon les plaignants, M. Akan Hilaire souffrait d'asthme et il aurait trouvé la mort à la suite des mauvais traitements auxquels il avait été soumis durant sa détention.
  4. 51. Pour le gouvernement, la grève du 24 juin 1975 était une grève politique qui appelait une riposte également politique. L'ordre de grève exigeait la démission immédiate du Chef de l'Etat et du gouvernement du Président de la République, le lieutenant-colonel Mathieu Kerekou, et sa mise en accusation immédiate pour homicide volontaire et prémédité.
  5. 52. Le gouvernement expliquait que, conformément à la législation du Bénin, le droit de grève n'est reconnu aux fonctionnaires, tout comme aux travailleurs du secteur privé, que pour la défense de leurs intérêts professionnels collectifs. En outre, le droit de grève doit s'exercer conformément aux procédures définies par la législation. Enfin, le gouvernement précisait qu'il n'avait été enregistré aucune mort de syndicalistes lors des manifestations du 24 juin 1975.
  6. 53. A sa session de mai 1976, le comité avait constaté que l'ordre de grève avait été lancé principalement pour des raisons d'ordre politique plutôt que professionnel. A cet égard, il avait rappelé que l'interdiction des grèves en raison de leur caractère non professionnel, ou des grèves qui visaient à faire pression sur le gouvernement dans une question politique sans avoir pour objet un conflit de travail, ne constitue pas une infraction aux droits syndicaux. Toutefois, le comité avait relevé que le gouvernement ne démentait pas l'allégation relative aux vingt-six syndicalistes dont les noms avaient été cités et qui auraient prétendument été internés dans des camps militaires et soumis à la torture.
  7. 54. Compte tenu de ce fait, le comité avait recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur certains principes concernant le droit des syndicalistes détenus d'être jugés équitablement et dans les plus brefs délais par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, de demander au gouvernement d'indiquer si les syndicalistes cités dans la plainte comme ayant été arrêtés se trouvaient encore détenus et, dans l'affirmative, d'indiquer la nature des charges retenues contre eux et la date à laquelle ils seraient jugés; enfin, de demander au gouvernement de transmettre les textes de jugements prononcés par les tribunaux concernant ces cas.
  8. 55. Dans sa communication du 7 mai 1977, le gouvernement indique que tous les syndicalistes cités dans la plainte comme ayant été arrêtés sont relâchés depuis fort longtemps et qu'ils ont normalement repris leurs activités professionnelles dans leurs unités de production respectives. Aucun des syndicalistes n'a fait l'objet d'une poursuite judiciaire et aucun jugement n'a été prononcé à leur encontre. Le gouvernement précise en outre qu'il ne peut pas répondre du cas de ceux qui sont en fuite et qui se sont placés dans la situation d'exilés volontaires.
  9. 56. Selon le gouvernement, les mesures d'internement administratif prises contre certains syndicalistes à l'occasion de la grève du 24 juin 1975 ne peuvent s'analyser en aucun cas comme une ingérence des pouvoirs publics dans la vie intérieure des syndicats. La grève revêtait un caractère manifestement politique et les pouvoirs publics avaient le devoir de prendre des mesures propres à éviter un usage abusif du droit de grève ou un usage contraire aux nécessités de l'ordre public. Enfin, le gouvernement déclare que la grève de juin 1975 n'était que les premières manifestations d'un complot organisé contre le peuple du Bénin, comme le prouvent, selon lui, les événements ayant eu lieu dans ce pays en janvier 1977.
  10. 57. Le comité note que les syndicalistes arrêtés à la suite de la grève déclenchée le 24 juin 1975 pour des raisons d'ordre principalement politique ont été relâchés et qu'ils ont normalement repris leurs activités professionnelles. Le comité doit cependant constater que le gouvernement n'a toujours pas formulé d'observations quant aux allégations relatives aux mauvais traitements qu'auraient subis ces syndicalistes au cours de leur internement et qui auraient provoqué la mort de l'un d'entre eux. Le comité regrette, du fait de l'absence de commentaires du gouvernement à cet égard, de ne pouvoir se prononcer de façon précise sur cette question. Il tient cependant à souligner d'une manière générale qu'au cours de leur détention les syndicalistes devraient bénéficier des garanties prévues par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le comité considère en outre que les responsables de mauvais traitements infligés à des détenus devraient être condamnés à des peines exemplaires pour empêcher que de telles pratiques ne se reproduisent; les sanctions devraient s'accompagner d'instructions précises pour mettre en garde les intéressés.

B. Allégations relatives à la désignation par le gouvernement de dirigeants de certains syndicats

B. Allégations relatives à la désignation par le gouvernement de dirigeants de certains syndicats
  1. 58. Les plaignants avaient allégué que les dirigeants syndicaux régulièrement élus aux congrès de leurs syndicats avaient été remplacés par des personnes choisies par le gouvernement. La CMOPE avait à cet égard transmis le texte d'une protestation écrite émanant du Syndicat national de l'école publique du Dahomey (SYNEPDA) contre la tentative du ministre de l'Education nationale d'imposer un bureau national au syndicat. Dans ce texte, il était allégué que peu après l'arrestation de syndicalistes, le gouvernement avait imposé aux syndicats des bureaux directeurs pour remplacer les dirigeants emprisonnés. Le 3 octobre 1975, lorsque le ministre avait tenté d'imposer un bureau directeur au SYNEPDA, dont la composition avait été diffusée par la radio nationale, les enseignants avaient protesté énergiquement et avaient forcé le ministre à recevoir les membres du bureau légal du SYNEPDA restés en liberté. Selon les plaignants, le ministre avait demandé que fût désigné un comité exécutif plus représentatif.
  2. 59. A sa session de mai 1976, le comité avait relevé que le gouvernement ne faisait aucune mention de ces allégations dans sa réponse. Le comité avait notamment signalé que la désignation par les autorités publiques de membres des comités exécutifs des syndicats constitue une intervention directe dans les affaires intérieures des syndicats et n'est pas conforme à la convention no 87 ratifiée par le Bénin. Le comité avait en outre recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de fournir des informations détaillées concernant les allégations faites à ce sujet.
  3. 60. Dans sa communication du 7 mai 1977, le gouvernement déclare que ces allégations sont fausses. Il ajoute que, dans le souci d'assurer la protection du droit syndical, il s'était abstenu de toute immixtion.

C. C. Conclusions du comité

C. C. Conclusions du comité
  1. 61. Le comité note ces déclarations du gouvernement. Il considère toutefois que le gouvernement n'a pas répondu, comme il lui était demandé, de façon détaillée sur les allégations spécifiques présentées par les plaignants au sujet de la tentative qui aurait été faite pour imposer un bureau directeur au Syndicat national de l'école publique. Le comité désire donc de nouveau attirer l'attention du gouvernement sur les termes de l'article 3 de la convention no 87 selon lesquels les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 62. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations relatives à la détention de certains syndicalistes:
    • i) d'exprimer sa préoccupation à propos des allégations relatives aux mauvais traitements qu'auraient subis des syndicalistes détenus et qui auraient entraîné la mort de l'un d'entre eux;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations relatifs aux allégations de mauvais traitements, exprimés au paragraphe 57;
    • iii) de noter cependant avec intérêt que les personnes détenues ont été relâchées et qu'elles ont repris normalement leurs activités professionnelles;
    • b) au sujet des allégations relatives à la désignation par le gouvernement de dirigeants de certains syndicats:
      • - d'attirer l'attention du gouvernement sur les termes de l'article 3 de la convention no 87 selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
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