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Rapport définitif - Rapport No. 160, Mars 1977

Cas no 829 (Italie) - Date de la plainte: 14-OCT. -75 - Clos

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  1. 69. La plainte de l'"Associazione Nazionale Piloti Aviazione Commerciale" (ANPAC) figure dans une lettre du 14 octobre 1975. L'ANPAC a fait parvenir des informations complémentaires par des lettres des 20 décembre 1975, 5 janvier et 21 avril 1976. Par une communication du 3 mai 1976, la Fédération internationale des pilotes de lignes aériennes (IFALPA) a indiqué qu'elle appuyait la plainte de l'ANPAC. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications des 4 février et 26 mai 1976.
  2. 70. L'Italie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 71. Dans sa communication du 14 octobre 1975, le plaignant indique que l'Italie compte environ l.700 pilotes de ligne dont l.500 sont membres de l'ANPAC. Sur les 200 restants, 150 se répartissent entre trois syndicats ou confédérations générales de travailleurs, cependant que quelque 50 pilotes ne sont pas syndiqués (étant directeurs d'une compagnie d'aviation). L'ANPAC a été constituée en 1952; elle recrutait principalement ses effectifs parmi les pilotes de l'Alitalia; à l'heure actuelle toutefois, elle compte parmi ses membres de nombreux pilotes de compagnies intérieures n'effectuant pas de vols réguliers. Le plaignant déclare qu'il s'est toujours tenu à l'écart des questions politiques et que ses activités n'ont jamais relevé que du domaine professionnel. L'ANPAC est un membre à part entière de la Fédération internationale des associations de pilotes de lignes aériennes et un membre fondateur d'Europilote et de la Fédération des associations autonomes du personnel de l'aviation civile.
  2. 72. L'Italie, ajoute le plaignant, compte quatre grandes centrales ou confédérations syndicales, toutes fortement marquées d'une empreinte politique; l'éventail des tendances s'étendant d'un extrême à l'autre. Les trois centrales les plus importantes (l'une surtout communiste, la CGIL, l'autre surtout chrétienne-démocrate, la CISL, et la troisième, plus petite, socialiste et social-démocrate, l'UIL) ont fusionné pour constituer une fédération à structure non contraignante. D'après l'ANPAC, le succès de ce regroupement n'est pas certain.
  3. 73. Depuis 1952, l'ANPAC a négocié, poursuit-il, toutes les conventions du travail applicables à ses membres. En 1972 toutefois, et pour la première fois, deux plus petits syndicats de pilotes, représentés par les grandes centrales syndicales qui n'avaient pas encore fusionné (SIPAC-CISL et SIPAC-CGIL/UIL), ont assisté aux négociations au nom des pilotes qui leur étaient affiliés, mais ont peu participé aux discussions et n'ont pas signé la convention nationale qui, une fois de plus, a été négociée par l'ANPAC. Cette convention est arrivée à son terme le 31 décembre 1974 et l'ANPAC a cherché à entamer des discussions avec Intersind, l'organisation qui représente les compagnies d'Etat ou patronnées par l'Etat dans les négociations professionnelles ainsi que les directions de compagnies privées. L'ANPAC s'est rendu compte que la Fédération unitaire des travailleurs des transports aériens (FULAT) - qui regroupait en un seul syndicat général, à partir du 29 janvier 1975, les travailleurs des transports aériens de la Confédération CGIL-UIL-CISL - avait l'intention, selon ses déclarations, de négocier une convention unique applicable à tous les travailleurs de l'aviation, y compris les pilotes, et qu'en conséquence, l'ANPAC ne pourrait pas renouveler la convention couvrant les pilotes.
  4. 74. Le ministre du Travail a institué, déclare le plaignant, une commission qui avait pour objectif déclaré de résoudre le différend entre l'ANPAC et la FULAT, mais qui, en pratique, visait principalement à contraindre l'ANPAC à accepter une convention unique pour les travailleurs de l'aviation. L'ANPAC s'est vu offrir la possibilité d'annexer des protocoles ou addenda à l'accord général, mais a estimé qu'en raison de la manière dont les négociations se déroulaient ses intérêts seraient complètement négligés et a refusé. La question n'est toujours pas résolue, ajoute le plaignant, parce qu'il a lancé un programme d'action destiné préserver son autonomie et à rester seul compétent pour représenter" les pilotes italiens dans les domaines professionnel et de la sécurité. L'ANPAC se réfère, à l'appui de ses dires, aux propositions formelles faites par le ministère du Travail lors des diverses réunions tenues avant et après que ladite commission ait enfin rédigé un document formel. L'ANPAC estime que les centrales ont agi de la sorte afin de créer un organisme monolithique représentant tous les travailleurs de l'aviation (quelque 25.000 travailleurs dont, toutefois, seulement 5.000 à 6.000 sont actuellement membres de la FULAT) qui, à son tour, serait incorporé dans un groupe de syndicats encore plus large. L'absorption d'organisations comme l'ANPAC lui semble tendre principalement à la création d'un groupe de pression politique gigantesque.
  5. 75. La Fédération internationale des associations de pilotes de lignes aériennes, signale le plaignant, a déjà protesté auprès du gouvernement italien et a fait une démarche semblable auprès de la CEE. L'ANPAC entend en outre en appeler au Comité de la liberté syndicale pour violation des conventions nos 87 et 98. Elle se réfère aux principes selon lesquels les travailleurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix, de s'y affilier et que l'unification éventuelle d'un mouvement syndical ne devrait pas être imposée mais résulter d'une décision volontaire des travailleurs. La législation italienne, loin de prescrire un système de monopole syndical, prévoit expressément la liberté de se syndiquer, l'autonomie et le pluralisme des organisations de travailleurs. Le plaignant considère toutefois que l'Etat italien permet le développement d'un tel monopole en ne préservant pas le droit de l'ANPAC de rester un syndicat distinct et autonome et de négocier collectivement au nom de ses membres. Le plaignant demande au comité de prendre ces faits en considération et d'adopter les mesures appropriées pour la défense des principes fondamentaux en jeu.
  6. 76. Le plaignant joint à ses communications des 2 décembre 1975 et 5 janvier 1976 une importante documentation et rappelle que, lors des réunions tenues au ministère du Travail, le ministre avait proposé un accord portant sur une convention unique pour l'ensemble des travailleurs de l'aviation, contrairement à la position de l'ANPAC. Il signale que le vice-président du gouvernement italien a proposé également, le 29 décembre 1975, une convention unique, comprenant une partie commune et des dispositions particulières pour les pilotes.
  7. 77. Dans sa communication du 21 avril 1976, le plaignant indique que, le 15 avril 1976, le ministre du Travail a proposé un accord, joint à la lettre, qui gèle le contrat collectif jusqu'en septembre 1977, contre la volonté de l'ANPAC, et qui prévoit seulement une petite augmentation de salaire. L'ANPAC indique en outre que cet accord a été accepté par l'Intersind (organisation professionnelle des employeurs) et par la FULAT qui ne représente pas les pilotes.
    • Réponses du gouvernement
  8. 78. Le gouvernement indique, dans sa communication du 4 février 1976, que les conventions collectives de travail sont venues à expiration le 31 décembre 1974 pour le personnel de vol et le personnel chargé des services au sol des compagnies de transport aérien à participation étatique et à capital privé, de même que pour les travailleurs des entreprises qui gèrent les aéroports ou des services d'assistance aux aéroports. La FULAT (affiliée à la Fédération unitaire CGIL-CISL-UIL) a demandé qu'une convention collective unique soit adoptée pour l'ensemble des travailleurs des transports aériens. Pour ce qui est des pilotes, l'ANPAC (qui regroupe la majorité de ceux-ci) a présenté aux entreprises intéressées une plate-forme revendicative autonome en vue du renouvellement de l'accord collectif national applicable aux pilotes des compagnies aériennes à participation étatique et à capital privé. Après la rupture des négociations au siège des syndicats, de nombreuses rencontres eurent lieu au ministère et toutes les parties intéressées y furent invitées.
  9. 79. D'après le gouvernement, la position des parties peut être indiquée comme suit. La FULAT a confirmé sa volonté de parvenir à un accord unique pour tous les travailleurs du secteur de manière à mettre fin à une tension excessive entre les catégories concernées. L'ANPAC, au contraire, a déclaré vouloir renouveler uniquement la convention applicable aux pilotes sur la base des demandes présentées par elle. Les directions intéressées - Intersind pour Alitalia, ATI et SAM ainsi que les compagnies aériennes à capital privé Itavia et Alisorda - ont signalé qu'elles n'avaient pas de position préétablie sur les mérites des thèses exprimées par chacun des syndicats, mais qu'il était nécessaire de clarifier, de manière préliminaire, la question de l'unité ou non de l'accord à conclure. Le ministère du Travail, puis la présidence du Conseil ont poursuivi leur médiation à la demande des parties, afin de rechercher une solution qui puisse être acceptée par les organisations de travailleurs et par les entreprises. La solution envisagée tendait à réglementer de manière unitaire ce qui pouvait l'être et le reste de manière séparée, en sauvegardant en tout cas le traitement autonome des intérêts particuliers des pilotes. Cette solution, déclare le gouvernement, tenait compte des différentes positions des parties qui jouissent toutes, de manière égale, des droits d'organisation et de négociation, garantis par la Constitution italienne et les conventions internationales du travail.
  10. 80. Le gouvernement estime, d'autre part, que la communication de l'ANPAC ne peut être considérée comme un acte propre à être examiné par le comité, pour les motifs suivants:
    • a) il s'agit d'une "communication" et non d'une "plainte", d'une pure énumération de faits et de comportements du gouvernement ou de syndicats, sans effets juridiques;
    • b) les normes spécifiques des conventions nos 87 et 98 qui auraient été violées ne sont pas précisées, mais l'ANPAC exprime des appréciations générales, de nature extrajuridique, sur les intentions prêtées au gouvernement dans sa médiation;
    • c) les négociations sont toujours en cours, avec le consentement de l'ANPAC qui a indiqué, le 6 janvier 1976, qu'elle était tout à fait prête à de nouvelles négociations sur la base de la médiation proposée.
  11. 81. Le gouvernement estime, sur la base des décisions adoptées dans des cas analogues, que les normes internationales du travail n'imposent pas une réglementation contractuelle séparée pour chacune des catégories organisées en syndicat; cette réglementation, librement débattue, peut être contenue tant dans une convention unique que dans des accords particuliers. Le choix de l'instrument, ajoute le gouvernement, dépend de différents éléments, qui sont appréciés lors du renouvellement des accords. Sa proposition, poursuit-il, formulée à la suite de la rupture des négociations au siège des syndicats et en présence des positions des différentes parties, apparaît comme respectant pleinement de tels principes puisqu'il reconnaît la particularité de quelques aspects des rapports d'une des catégories des travailleurs de l'aviation et prévoit à cette fin une réglementation autonome de ces aspects particuliers de la relation de travail des pilotes ainsi que la négociation séparée. Les différentes parties contractantes, déclare encore le gouvernement, pourraient, dans le plein exercice de leur autonomie de négociation se mettre d'accord sur une réglementation uniforme des questions communes à tous les travailleurs du secteur tandis que des dispositions distinctes, à l'intérieur de ce même cadre normatif, seraient prévues pour les problèmes typiques et exclusifs, du rapport de travail des pilotes.
  12. 82. D'après le gouvernement, on ne peut pas affirmer non plus que la structure des négociations pourrait modifier le statut des pilotes qui résulte des normes de la navigation aérienne. En effet, les dispositions négociées collectivement ne peuvent modifier les normes légales impératives. Une fois reconnue cette limite qui découle des principes de droit public régissant la navigation aérienne, la structure de l'accord est indifférente: qu'elle soit unifiée ou séparée et autonome, les parties contractantes ne peuvent interférer dans une zone réservée à la loi.
  13. 83. La solution du conflit, conclut le gouvernement, qui surgit dans un secteur de la production entre la politique contractuelle des syndicats affiliés à la fédération unitaire CGIL-CISL-UIL, orientée vers la conclusion d'une convention collective unique, et la politique d'une ou plusieurs organisations autonomes, visant au maintien d'accords séparés par catégorie, dépend exclusivement des rapports de force et crée dès lors un problème de caractère fondamentalement politique. Dans un tel contexte, ajoute le gouvernement, la médiation ministérielle a eu en vue la sauvegarde des intérêts généraux du pays, en proposant aux syndicats de faciliter une programmation ordonnée de l'activité des entreprises dans cet important service d'intérêt public. Cette médiation, poursuit-il, n'a pas entamé le principe de la liberté syndicale, tant du point de vue du droit d'association que de celui de la négociation, puisque le gouvernement a convoqué et consulté toutes les organisations intéressées et a proposé des solutions que ces organisations étaient libres d'accepter ou de refuser. En terminant, le gouvernement demande à nouveau que la communication de l'ANPAC soit déclarée irrecevable et que, de toute façon, l'examen de cette affaire soit ajourné puisque l'association intéressée a accepté de poursuivre les négociations sur la base de la proposition ministérielle.
  14. 84. Dans sa communication du 26 mai 1976, le gouvernement déclare qu'un accord a été conclu le 15 avril 1976 au ministère du Travail en vue de résoudre le conflit concernant le personnel employé dans les transports aériens. Le gouvernement précise que cet accord reprend les propositions déjà formulées par le ministère et que l'ANPAC n'a pas participé à la rédaction de l'accord.
  15. 85. Le gouvernement fait en outre état d'une déclaration de l'ANPAC qui, selon le gouvernement, est contraire à ce que soutenait cette organisation jusqu'alors. Dans cette déclaration, l'ANPAC a notamment pris acte avec satisfaction de la structure contractuelle adoptée qui rejoint la position qu'elle a soutenue depuis le début du conflit, tendant à instituer cinq contrats autonomes par catégorie, parmi lesquels trois pour le personnel navigant.
    • Dernières communications des plaignants et du gouvernement
  16. 86. Le BIT a reçu, à la veille de la session du comité, une nouvelle communication de l'ANPAC, datée du 3 novembre 1976. Cette organisation déclare qu'elle a signé le 15 septembre 1976 une convention collective avec Intersynd qui proroge la durée de validité de l'accord antérieur jusqu'au 30 septembre 1977 et accorde une petite augmentation de traitement. On ne sait pas clairement, ajoute l'ANPAC, si le gouvernement sera à cette date disposé à remplir ses obligations résultant de la ratification des conventions sur la liberté syndicale ou s'il persistera dans son attitude précédente. C'est pourquoi le plaignant demande que l'examen de l'affaire soit temporairement suspendu, dans l'attente de ces événements. De son côté, le gouvernement, dans une communication du 10 novembre 1976, confirme la conclusion de l'accord et déclare que les raisons de la plainte présentée par l'ANPAC n'existent donc plus.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité
    1. 87 En ce qui concerne d'abord la demande formulée par l'ANPAC dans sa dernière communication, le comité considère que les raisons avancées par l'organisation plaignante ne contiennent pas d'éléments suffisants pour justifier la suspension de l'examen du cas, car elles ne changent pas le fond de la question. Le comité se propose par conséquent de formuler ses conclusions sur les problèmes soulevés.
    2. 88 Le comité doit rappeler qu'il a souligné à maintes reprises que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu'employeurs, devraient reconnaître, aux fins de négociations collectives, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent. En l'occurrence, le plaignant qui représente la majorité des pilotes a participé aux négociations pour le renouvellement des accords collectifs dans l'ensemble du secteur de l'aviation conjointement avec la FULAT (qui est affiliée à la confédération unique regroupant depuis peu les trois principales centrales syndicales italiennes). Le cas présent porte essentiellement sur le différend qui opposait ces deux organisations sur la méthode de négociation et la structure du ou des accords à conclure, la FULAT désirant une convention unique pour tous les travailleurs de l'aviation et l'ANPAC souhaitant un accord séparé pour les pilotes. Le gouvernement est intervenu comme médiateur et a proposé une convention unique pour toutes les questions communes à l'ensemble des travailleurs du secteur et un accord séparé sur les aspects particuliers du rapport de travail des pilotes. Un accord reprenant les propositions formulées par le ministère a été conclu le 15 avril 1976 entre l'organisation professionnelle des employeurs et la FULAT. Pour sa part, l'ANPAC n'a pas signé cet accord.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 89. Le comité est d'avis que des questions telles que celle-ci doivent être traitées par voie de négociation et que, l'ANPAC ayant participé à tous les stades des discussions, rien ne donne à penser que le gouvernement n'a pas agi dans le respect des normes de la liberté syndicale, y compris du principe énoncé au paragraphe précédent. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que ce cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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