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Rapport définitif - Rapport No. 177, Juin 1978

Cas no 853 (Tchad) - Date de la plainte: 18-JUIN -76 - Clos

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  1. 73. Par une communication du 18 juin 1976, la Confédération mondiale du travail a présenté une plainte concernant des atteintes qui auraient été portées à l'exercice des droits syndicaux au Tchad. La CMT a adressé des informations complémentaires le 10 juillet 1976. Ces communications ont été transmises au gouvernement pour observations.
  2. 74. Le Tchad a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 75. Le gouvernement n'ayant pas envoyé ses observations malgré des demandes réitérées, le comité avait décidé, à sa session de mai 1977, d'appliquer à ce cas la procédure spéciale de contacts avec les représentants gouvernementaux pendant la Conférence. Conformément à cette procédure, le président du comité a rencontré, le 11 juin 1977, M. Mahamat Abderahim Acyl, Secrétaire d'Etat à la Santé publique, au Travail et aux Affaires sociales, afin de discuter du retard dans l'envoi des réponses. A la suite de cet entretien, le gouvernement a adressé ses observations dans une communication du 3 septembre 1977.
  2. 76. La CMT se réfère en premier lieu, dans ses lettres précitées, à une ordonnance no 001-PR-CSM du 8 janvier 1976 dont elle joint le texte. D'après cette ordonnance, l'exercice du droit syndical est réservé exclusivement au secteur privé et est interdit aux agents publics ainsi qu'aux personnes assimilées.
  3. 77. Les allégations de la CMT portent également sur les mesures prises à l'encontre de l'Union nationale des travailleurs du Tchad (UNATRAT). Le plaignant communique le texte d'une déclaration du ministre de la Fonction publique et du Travail, prononcée le 21 novembre 1975. Cette déclaration faisait état de huit grèves illégales et de neuf menaces de grève entre avril et novembre 1975. Le ministre se référait aux manoeuvres à caractère politique de certains dirigeants de l'UNATRAT et au fait que les statuts de la centrale syndicale n'avaient pas été déposés. Il était demandé aux responsables syndicaux de prendre toutes les dispositions pour se conformer aux textes en vigueur. En attendant qu'il fût satisfait à ces obligations, poursuivait la déclaration, les intérêts des travailleurs seraient défendus par l'administration du travail. La CMT déclare que l'UNATRAT a déposé ses statuts le 25 novembre 1975 (elle joint une copie datée de ce jour du récépissé des statuts, établi par la préfecture du Chari Baguirmi). C'est après cette date, selon le plaignant, que le gouvernement a interdit les activités de l'UNATRAT et bloqué ses avoirs en banque. Le blocage des fonds syndicaux empêche notamment l'organisation d'honorer ses obligations matérielles.
  4. 78. Le dernier aspect de la plainte concerne le refus du gouvernement d'autoriser M. Dombal, désigné par le Conseil d'administration du BIT, à participer à la réunion consultative tripartite sur les négociations collectives organisée à Genève du 10 au 19 mai 1976. L'intéressé n'a pas reçu du ministère de l'Intérieur et de la Sécurité l'autorisation de quitter le pays pour se rendre à cette réunion. D'après la CMT, le refus était motivé par le fait que cette personne étant fonctionnaire ne peut pas appartenir à une organisation syndicale.
  5. 79. Dans sa réponse, le gouvernement précise les circonstances dans lesquelles certaines de ces décisions ont été prises. Au lendemain du changement de régime survenu en avril 1975, explique-t-il, le Conseil supérieur militaire a restitué les libertés pour le peuple tchadien. Cette décision a permis à des syndicalistes proches de l'ancien régime de se livrer à des activités purement politiques, à provoquer des troubles et à saper les bases de l'économie du pays.
  6. 80. L'UNATRAT, poursuit le gouvernement, était une création artificielle de l'ancien régime qui désignait ses dirigeants contre le gré des travailleurs. Après le changement de régime, ces syndicalistes étaient sûrs d'être reniés par les membres de l'UNATRAT; ils organisèrent des manifestations illégales et des grèves (le gouvernement se réfère également à la déclaration du ministre du Travail faite le 21 novembre 1975). Outre les conséquences économiques de ces mouvements, la sécurité intérieure était menacée. Dans ces conditions, le gouvernement a dû, ajoute-t-il, prendre des mesures provisoires à l'égard de cette organisation, d'autant plus que celle-ci n'avait pas été librement constituée, mais qu'elle avait été organisée par l'ancien régime comme organe du parti et que ses dirigeants avaient été désignés par l'ancien président de la République.
  7. 81. Toutefois, conclut le gouvernement, le Département du travail met tout en oeuvre pour que la situation redevienne conforme aux normes de l'OIT.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 82. Cette affaire comporte trois aspects: la suppression du droit syndical dans la fonction publique, les mesures prises par les autorités à l'égard de l'UNATRAT et le refus du gouvernement d'autoriser M. Dombal à participer à une réunion convoquée par le BIT.
  2. 83. Le gouvernement ne formule pas d'observations spécifiques sur l'ordonnance no 001 du 8 janvier 1975 qui supprime, d'une manière générale, le droit syndical dans la fonction publique. La question a par ailleurs fait l'objet de commentaires de la part de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son rapport de 1977. Comme celle-ci l'a rappelé, l'article 2 de la convention no 87 ne fait aucune distinction parmi les travailleurs qui, tous, doivent jouir du droit de constituer les organisations de leur choix ou de s'y affilier. Tout en soulignant que la reconnaissance de la liberté syndicale aux fonctionnaires n'équivaut pas à leur accorder le droit de grève, le comité constate que l'ordonnance précitée établit une discrimination entre les travailleurs du secteur privé et les agents publics et que l'interdiction faite à ces derniers de se syndiquer est incompatible avec ledit article 2 de la convention no 81, ratifiée par le Tchad.
  3. 84. En ce qui concerne l'UNATRAT, cette organisation a été constituée le 10 janvier 1968 par la fusion des deux centrales syndicales tchadiennes de l'époque, la Confédération tchadienne du travail et l'Union nationale des travailleurs du Tchad. Les mesures prises en 1975 à l'égard de cette organisation (interdiction des activités et blocage des fonds syndicaux), quelles qu'en soient les raisons, aboutissent à une suspension de cette organisation par le pouvoir exécutif. Sur ce point, le comité a déjà eu l'occasion de signaler que la suspension d'une organisation syndicale et le blocage de ses fonds, même s'ils peuvent, dans certaines circonstances, avoir une justification, devraient être décidés par un tribunal. En effet, prises par les autorités administratives ou le pouvoir exécutif, ces mesures risquent de paraître arbitraires. Pour cette raison et pour garantir une procédure impartiale et objective ainsi que les droits de la défense, de telles décisions, si elles sont nécessaires, devraient être prises par une instance judiciaire qui jouit d'une pleine indépendance. Selon l'article 4 de la convention no 87, les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
  4. 85. Sur son refus d'autoriser M. Dombal à assister à la réunion consultative tripartite sur la négociation collective (organisée par le BIT du 10 au 19 mai 1976); le gouvernement ne fournit pas non plus d'observations spécifiques. A sa session de juin 1975 (197e session), le conseil d'administration du BIT avait désigné un certain nombre de syndicalistes, après consultation du groupe des travailleurs, pour assister à cette réunion en tant que participants travailleurs. Parmi ceux-ci figurait M. G. Dombal, secrétaire général de l'UNATRAT. D'une manière générale, le refus d'un Etat d'accorder à l'un de ses fonctionnaires qui exerce des tâches syndicales un congé pour participer à une réunion consultative organisée par le BIT ne constitue pas, de l'avis du comité, une atteinte aux principes de la liberté syndicale, à moins que la raison de ce refus ne soit fondée sur les activités ou fonctions syndicales de l'intéressé. En l'occurrence, le comité ne dispose pas d'informations suffisantes pour apprécier si cette décision est liée à l'interdiction du droit syndical pour les agents publics ainsi qu'aux difficultés de l'UNATRAT.
  5. 86. Le comité relève enfin que le gouvernement, selon ses déclarations, est en train de tout mettre en oeuvre pour revenir à une situation conforme aux normes de l'OIT. Le comité exprime l'espoir que cette régularisation interviendra dans un très proche avenir, car il constate en particulier qu'il y a déjà deux ans que les syndicats du Tchad se trouvent sans organisation centrale à la suite de la suspension de l'UNATRAT.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 87. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration:
    • a) de signaler à l'attention du gouvernement que la suppression du droit syndical dans la fonction publique et les mesures prises par les autorités à l'égard de l'UNATRAT ne sont pas compatibles avec les normes de la convention no 87, ratifiée par le Tchad;
    • b) de signaler les considérations exposées au paragraphe 85 à propos du refus non expliqué d'un Etat d'accorder à l'un de ses fonctionnaires qui exerce des tâches syndicales un congé pour participer à une réunion consultative organisée par le BIT;
    • c) de noter que la question de l'interdiction de la liberté syndicale dans la fonction publique fait l'objet de commentaires par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le cadre de l'examen régulier des rapports sur les conventions ratifiées;
    • d) de noter avec intérêt que le gouvernement déclare être en train de tout mettre en oeuvre pour revenir à une situation conforme aux normes de l'OIT et d'insister pour que cette régularisation intervienne le plus tôt possible;
    • e) de prier enfin le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise pour permettre à l'UNATRAT d'exercer à nouveau ses activités librement.
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