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Rapport intérimaire - Rapport No. 168, Novembre 1977

Cas no 871 (Colombie) - Date de la plainte: 22-FÉVR.-77 - Clos

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  1. 235. Les plaintes ainsi que les informations complémentaires présentées par les plaignants figurent dans les communications suivantes: deux communications, en date des 22 février et 17 mars 1977, émanant de la Fédération agraire nationale (FANAL), deux communications, en date des 22 février et 25 mars 1977, émanant de l'Union internationale des syndicats des travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes, et une communication, en date du 9 mars 1977, émanant de la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (CSTC).
  2. 236. Ces communications ont été transmises au gouvernement au fur et à mesure qu'elles étaient reçues. Ce dernier a fait parvenir des observations par une lettre du 15 avril 1977.
  3. 237. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à la mort du dirigeant Justiniano Lame et à la détention du premier vice-président de la Fédération agraire nationale
    1. 238 La FANAL allègue dans sa première communication que le dirigeant indigène Justiniano Lame a été assassiné le 2 février 1977 l ans le département de Cauca et déclare que le gouvernement ne protège pas efficacement la vie, l'honneur et les biens des citoyens. Elle s'en prend aux autorités ainsi qu'aux propriétaires fonciers et aux quelques politiciens qui n'ont pas voulu laisser progresser la réforme agraire, ce qui a abouti à dépouiller les fermiers et métayers de leurs terres et a fini par provoquer dans certains cas le meurtre de paysans.
    2. 239 La FANAL ajoute, dans sa lettre du 17 mars 1977, que Justiniano Lame aurait été tué par des autorités de police. Elle considère que les problèmes soulevés, à quelques exceptions près, trouvent leur origine dans la volonté des paysans et des indigènes à s'organiser, afin d'obtenir, par ce moyen, une terre pour travailler et d'autres moyens de subsistance. Dans leur action tendant à incorporer de nouvelles terres à celles qui sont exploitées, ils heurtent, selon le plaignant, les intérêts de certains politiciens qui, bien souvent, sont propriétaires fonciers et s'attaquent durement aux paysans, avec l'appui des autorités, afin de conserver leurs privilèges. Aux yeux de la FANAL, l'attitude des paysans et des indigènes, dans leur lutte contre les injustices sociales, entraîne inévitablement des conflits que ceux-ci ont toutes les chances de perdre, les laissant en marge de toute activité économique, sociale et culturelle. La FANAL signale enfin l'arrestation de son premier vice-président pour avoir, d'après elle, défendu les paysans et déclare craindre que cette répression ne s'étende à toute la direction nationale des paysans colombiens.
    3. 240 Le gouvernement déclare, dans sa lettre du 15 avril 1977, que l'assassinat de Justiniano Lame n'a rien à voir avec des questions syndicales ou de travail. Les tribunaux pénaux sont chargés de l'enquête et le ministère du Travail n'a pas accès aux informations recueillies.
    4. 241 Bien que les problèmes posés en l'occurrence semblent en relation avec des questions de possession de terres et de réforme agraire, le comité doit constater qu'un dirigeant des travailleurs ruraux a été tué et qu'un autre aurait été arrêté. Il considère que si ces derniers incidents ne présentaient effectivement aucun rapport avec les droits syndicaux, ils échapperaient à sa compétence. Il estime cependant, comme il l'a toujours fait dans le passé, que le point de savoir si des incidents soulèvent ou non des questions intéressant l'exercice des droits syndicaux ne peut être tranché unilatéralement par le gouvernement, mais qu'il appartient au comité de se prononcer à ce sujet après un examen de toutes les informations disponibles, en particulier du texte de jugements prononcés.
    5. 242 Il ressort à cet égard des informations communiquées par le gouvernement que les tribunaux pénaux sont chargés d'élucider les circonstances de la mort de Justiniano Lame.
    6. 243 Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement:
      • a) de fournir les résultats de l'enquête judiciaire entreprise au sujet de la mort de Justiniano Lame;
      • b) d'envoyer ses observations sur les allégations concernant l'arrestation du premier vice-président de la FANAL, en précisant spécialement les motifs et en indiquant si une procédure judiciaire a été engagée contre lui et, dans l'affirmative; en communiquant, avec ses attendus, le texte du jugement qui a été ou sera prononcé.
    7. Allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs de l'Institut colombien des assurances sociales ainsi que de l'enseignement
    8. 244 La CSTC déclare, dans sa lettre du 9 mars 1977, que l'Institut colombien des assurances sociales (ICSS) est un établissement officiel décentralisé relevant du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Cette institution décida, en septembre 1976, de considérer le personnel médical ainsi que le reste du personnel comme des "employés publics" en application des décrets nos 3135 de 1968 et 148 de 1976. En vertu de ces dispositions, les directeurs des établissements publics peuvent classer leur personnel comme "travailleurs officiels" ou comme "employés publics"; ces derniers, poursuit la CSTC, n'ont pas le droit de négociation collective, d'association syndicale ni les autres types de libertés syndicales. Cette décision, ajoute le plaignant, provoqua une grève prolongée et, même si l'on a abouti à une solution temporaire, le conflit reste latent et plus de 90 dirigeants et travailleurs ont été licenciés.
    9. 245 La CSTC déclare d'autre part que le gouvernement a fait connaître, le 4 février 1977, son "statut de l'enseignement" qui classe les professeurs comme "employés publics" et limite ainsi, de même que dans le cas précédent, leur droit de négociation collective et donc les libertés syndicales.
    10. 246 Le gouvernement signale, dans sa lettre du 15 avril 1977, que le Président de la République a reçu du Congrès national, par la loi no 12 de 1977, des Pouvoirs extraordinaires afin de réaliser une restructuration complète de l'ICSS. Une commission a été mise sur pied et étudie notamment la question soulevée dans la plainte. Le gouvernement ajoute que le "statut de l'enseignement" a été suspendu par lui et qu'il procède à un réexamen plus complet de la situation.
    11. 247 Le comité constate que, d'après l'article 414 du Code du travail, le droit d'association syndicale est reconnu tant aux "travailleurs officiels" qu'aux "employés publics". Le Code du travail établit toutefois une distinction entre ces deux catégories de travailleurs. En particulier, l'article 416 dispose que les syndicats d'employés publics ne peuvent ni présenter de cahiers de revendications ni conclure de conventions collectives, contrairement aux autres "travailleurs officiels".
    12. 248 Le comité observe qu'à la suite des mesures prises par les autorités, les catégories de travailleurs citées dans les plaintes ont perdu le droit de négociation collective dont ils paraissaient jouir jusqu'alors. Il note toutefois que le gouvernement procède à un réexamen de la situation et qu'en ce qui concerne les enseignants, le nouveau statut a été suspendu entre-temps.
    13. 249 Le comité constate d'un autre côté que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle plus de 90 dirigeants et travailleurs de l'ICSS ont été licenciés.
    14. 250 Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement:
      • a) de communiquer les résultats des études entreprises au sujet du statut des travailleurs de l'ICSS et des enseignants ainsi que d'indiquer les mesures qu'il décidera de prendre sur la base de ces résultats;
      • b) de transmettre ses observations au sujet du licenciement allégué de plus de 90 dirigeants et travailleurs de l'ICSS.
    15. Allégations relatives à l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes
    16. 251 L'Union internationale des syndicats des travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes allègue, dans un télégramme du 22 février 1977, que l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes a, par une résolution du 23 décembre 1976, sollicité l'autorisation de licencier les membres du comité directeur du syndicat d'entreprise.
    17. 252 Le plaignant précise, dans sa lettre du 25 mars 1977, que le ministre du Travail a, par une résolution, déclaré illégal un prétendu arrêt de travail dans l'entreprise. Par la même résolution, poursuit le plaignant, le ministre a suspendu pour trois mois la personnalité juridique du syndicat, bloqué les fonds syndicaux et autorisé l'entreprise à licencier les travailleurs, y compris les dirigeants syndicaux. Le plaignant estime qu'il s'agit là d'une manoeuvre - l'arrêt de travail n'ayant jamais eu lieu - pour punir les travailleurs de la combativité et de la fermeté dont ils ont fait montre lors d'une grève victorieuse qui s'est déroulée de février à juin 1976. Il ajoute que l'on procède actuellement au licenciement des dirigeants syndicaux suivants: Jaimé Aldana, Alfonso López Frayle, Leoncio Alvarado et Humberto Lastra.
    18. 253 Le gouvernement n'a pas encore fait parvenir ses observations au sujet de ces allégations.
    19. 254 Le comité désire toutefois souligner dès à présent, comme il l'a fait dans des cas précédents relatifs à la Colombie, que la suspension de la personnalité juridique des syndicats par les autorités administratives - personnalité qui est indispensable pour que le syndicat puisse agir en tant que tel - n'est pas compatible avec les normes contenues à l'article 4 de la convention no 87.
    20. 255 En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur les normes citées au paragraphe précédent et de l'inviter à communiquer aussitôt que possible ses observations sur cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 256. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations relatives à la mort de Justiniano Lame et à l'arrestation du premier vice-président de la FANAL, de prier le gouvernement;
    • i) de fournir les résultats de l'enquête judiciaire entreprise sur la mort du dirigeant précité;
    • ii) d'envoyer ses observations sur l'allégation concernant l'arrestation du dirigeant de la FANAL, en précisant spécialement les motifs et en indiquant si une procédure judiciaire a été engagée contre lui et, dans l'affirmative, en communiquant, avec ses attendus, le texte du jugement qui a été ou sera prononcé;
    • b) au sujet des allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs de l'ICSS et de l'enseignement:
    • i) de demander au gouvernement de communiquer les résultats des études entreprises au sujet du statut des travailleurs de l'ICSS et des enseignants ainsi que d'indiquer les mesures qu'il décidera de prendre sur la base de ces résultats;
    • ii) de prier également le gouvernement de transmettre ses observations au sujet du licenciement allégué de plus de 90 dirigeants et travailleurs de l'ICSS;
    • c) au sujet des allégations relatives à l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes:
    • i) de rappeler que, selon l'article 4 de la convention no 87, les organisations de travailleurs ne doivent pas être dissoutes ou suspendues par voie administrative;
    • ii) de prier le gouvernement de communiquer ses observations sur cet aspect du cas;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire.
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