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Rapport intérimaire - Rapport No. 190, Mars 1979

Cas no 871 (Colombie) - Date de la plainte: 22-FÉVR.-77 - Clos

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  1. 233. Le comité a jugé préférable d'examiner ensemble les questions qui restent pendantes dans le cas no 871 et les allégations faites dans le cas no 907. Le gouvernement a fait parvenir des observations sur les deux cas par une communication du 15 novembre 1978.
  2. 234. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • I. Cas no 871
    1. 235 Le comité a examiné ce cas quant au fond à ses sessions de mai et novembre 1977, et il a présenté à ces occasions certaines conclusions provisoires qui figurent aux paragraphes 235 à 256 de son 168e rapport et 331 à 340 de son 172e rapport, tous deux approuvés par le Conseil d'administration.
      • a) Allégations relatives à la mort d'un dirigeant indigène et à la détention d'un syndicaliste
    2. 236 Dans ses communications du 17 février et du 17 mars 1977, la Fédération agraire nationale (FANAL) faisait état de l'assassinat du dirigeant indigène Justiniano Lame dans le département du Cauca (Colombie) et de la détention du premier vice-président de la FANAL. Dans sa réponse du 15 avril 1977, le gouvernement déclarait que le meurtre en question n'avait aucun rapport avec les questions syndicales ou sociales et que les tribunaux pénaux étaient chargés d'élucider l'affaire. Depuis sa session de mai 1977, le comité a prié le gouvernement de lui communiquer les résultats de cette enquête judiciaire ainsi que ses observations sur la détention du dirigeant de la FANAL, en précisant les motifs de cette détention et - si une procédure judiciaire avait été engagée contre l'intéressé - en communiquant, avec ses attendus, le texte du jugement prononcé.
    3. 237 Par sa communication du 15 novembre 1978, le gouvernement a répété que la mort de M. Lame n'avait rien à voir avec les rapports professionnels mais avait pour origine des questions de propriété du sol. Le gouvernement a communiqué copie du rapport, daté du 14 février 1977, qu'avait établi un juriste du ministère de l'Intérieur envoyé sur les lieux pour s'assurer des faits. Selon la version des autorités locales donnée dans ce rapport, le gouvernement avait établi un groupe d'indigènes sur des terres achetées à un grand domaine sur lequel ils travaillaient auparavant. Quelque temps après, la propriétaire du domaine portait plainte contre M. Lame et d'autres membres dudit groupe, qu'elle accusait d'intrusion et de dégâts sur le domaine, et elle priait la police d'exercer une surveillance. Le 2 février 1977 quelques indigènes, surpris sur le domaine, menacèrent les policiers; l'un de ces derniers atteignit d'un coup de feu Justiniano Lame, qui mourut d'hémorragie pendant son transport au poste de secours. Selon les informations communiquées par le gouvernement, le commandant de la police locale a immédiatement demandé à un juge d'instruction militaire d'ouvrir une enquête pour déterminer la responsabilité de l'agent de police, qui a été mis à la disposition du juge; il ressort de la communication du gouvernement que la procédure judiciaire est encore en cours.
    4. 238 D'autre part, le gouvernement indique que le dirigeant de la FANAL qui avait été incarcéré était M. Abel Pino et que cette mesure était due à ce que M. Pino avait infligé des blessures à un paysan lors d'une querelle d'ordre personnel. Le gouvernement ajoute que l'affaire a été confiée à un tribunal municipal de Popayán (département du Cauca); il communique de plus le texte d'un rapport des services du travail du Cauca, où il est dit sur la foi de déclarations d'un autre dirigeant syndical que M. Pino, président de la Fédération paysanne du Cauca (affiliée à la FANAL), est resté en détention sur ordre du juge pendant quatre mois, après lesquels il a été mis en liberté provisoire avec obligation de se présenter périodiquement au tribunal. Selon les mêmes déclarations, M. Pino avait déjà fait en prison quatre séjours, d'une durée de quinze jours à deux mois, motivés semble-t-il par les plaintes du propriétaire d'un domaine. On groupe de paysans, à l'instigation de M. Pino, aurait demandé que l'Institut colombien de réforme agraire leur remette la propriété de ce domaine, sur lequel ils travaillaient.
      • b) Allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs de l'Institut colombien des assurances sociales et des travailleurs de l'enseignement
    5. 242 Dans sa plainte du 9 mars 1977, la. Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (CSTC) alléguait que l'Institut colombien des assurances sociales (ICSS) avait décidé, en septembre 1976, de classer son personnel médical et administratif comme "employés publics"; or cette catégorie, ajoutait la CSTC, n'a pas le droit de négociation collective, d'association syndicale ni les autres types de liberté syndicale. Par suite de la grève déclarée contre cette décision, plus de 90 dirigeants et travailleurs auraient été licenciés. La CSTC alléguait de plus que le gouvernement avait promulgué un statut de l'enseignement qui classait les enseignants comme "employés publics", limitant ainsi leur droit à la négociation collective et donc leurs libertés syndicales.
    6. 243 Dans sa réponse, datée du 15 avril 1977, le gouvernement indiquait qu'il procédait à une refonte de l'ICSS et avait créé une commission qui étudiait particulièrement la question soulevée dans la plainte; le gouvernement déclarait aussi qu'il avait suspendu le statut des enseignants et procédait à un examen plus complet de la situation.
    7. 244 Lors de son examen du cas en mai 1977, le comité notait que, d'après l'article 414 du code du travail, le droit d'association syndicale était reconnu tant aux "travailleurs officiels" qu'aux "employés publics". Le code du travail établissait toutefois une distinction entre ces deux catégories de travailleurs. En particulier, l'article 416 dispose que les syndicats d'employés publics ne peuvent ni présenter de cahiers de revendications ni conclure de conventions collectives, contrairement aux autres travailleurs officiels. Le comité observait qu'à la suite des mesures prises par les autorités, les catégories de travailleurs citées dans les plaintes avaient perdu le droit de négociation collective dont elles paraissaient avoir joui jusqu'alors. Sur recommandation du comité, le Conseil d'administration avait prié le gouvernement de communiquer les résultats des études menées sur le statut des travailleurs de l'ICSS et des enseignants, d'indiquer les mesures qu'il déciderait de prendre sur la base de ces enquêtes, et de transmettre ses observations au sujet du licenciement allégué de plus de 90 dirigeants et travailleurs de l'ICSS.
    8. 245 Par une communication du 15 novembre 1978 le gouvernement signale que, en vertu du décret no 1651 de 1977, les travailleurs de l'Institut des assurances auront, à partir de l'entrée en vigueur dudit décret, le statut de fonctionnaires de la sécurité sociale et seront attachés à l'administration par une relation légale et réglementaire d'une nature spéciale qui leur confère le droit de conclure avec l'institut des conventions collectives sur les aspects essentiels de leurs fonctions. Le gouvernement communique le texte de ce décret, dont l'article 3 renferme la disposition signalée, et il précise en outre que la catégorie de "fonctionnaires de sécurité sociale" embrasse les personnes qui exercent à l'institut des fonctions médicales et administratives, mais non celles qui tiennent certaines hautes charges de direction et le personnel d'entretien, auxquels s'appliquent d'autres normes.
    9. 246 Le gouvernement considère donc que le syndicat de l'Institut des assurances sociales n'a perdu et ne perdra aucun des avantages sociaux consacrés par les conventions collectives antérieures.
    10. 247 En ce qui concerne les enseignants, le gouvernement évoque les dispositions de l'article 416 du code du travail, déjà cité, et indique que les employés publics peuvent s'associer librement et fonder des associations syndicales, mais dans les limites prévues par la loi, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas présenter de cahiers de revendications, mais seulement émettre des demandes respectueuses. Cependant, ajoute le gouvernement, 40 pour cent des universités ont passé des conventions collectives avec les syndicats d'enseignants; il s'agit d'établissements publics qui ont approuvé ces conventions librement et avec l'accord de leurs conseils de direction.
      • c) Allégations relatives à l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes
    11. 249 L'Union internationale des syndicats de travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes alléguait, par des communications du 22 février et du 25 mars 1977, que l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes aurait demandé l'autorisation de licencier les membres du comité directeur du syndicat, et que le ministre du Travail aurait déclaré illégal un prétendu arrêt de travail survenu dans cette entreprise. Le plaignant ajoutait que le ministre avait, par la même résolution, bloqué les fonds syndicaux, suspendu la personnalité juridique du syndicat et autorisé l'entreprise à licencier les travailleurs, y compris les dirigeants syndicaux on toujours selon les plaignants, l'arrêt de travail n'aurait jamais eu lieu et les mesures en question ne seraient qu'une manoeuvre pour punir les travailleurs d'avoir fait grève en une précédente occasion; l'entreprise aurait aussi demandé l'autorisation de licencier les dirigeants syndicaux Jaime Aldana, Alfonso López Frayle, Leoncio Alavarado et Humberto Lastra.
    12. 250 A sa session de mai 1977, le comité invitait le gouvernement à communiquer ses observations sur cette affaire, et soulignait, comme il l'avait déjà fait lors de cas précédents relatifs à la Colombie, que la suspension de la personnalité juridique des syndicats par les autorités administratives - personnalité qui est indispensable pour que le syndicat puisse agir comme tel en vertu de l'article 362 du code du travail de Colombie - n'est pas compatible avec l'article 4 de la convention no 87.
    13. 251 A sa session de novembre 1977, le comité a examiné une communication du gouvernement, datée du 1er septembre 1977 et selon laquelle, en conséquence de la déclaration d'arrêt du travail faite à l'improviste par les travailleurs de l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes, le ministère du Travail, faisant usage des droits que lui conférait la loi, avait pris une décision administrative qualifiant l'arrêt de travail d'illégal et suspendant la personnalité juridique du syndicat pour une période de deux mois. Le gouvernement ajoutait que cette sanction administrative, motivée par un arrêt de travail commis alors qu'il n'y avait pas de conflit collectif en cours, avait été prise avant que les conventions nos 87 et 98, ratifiées depuis, ne soient entrées en vigueur pour la Colombie.
    14. 252 Le comité avait exprimé l'espoir que, maintenant que la convention no 87 avait été ratifiée par la Colombie, le gouvernement adopterait dès que possible les mesures nécessaires pour modifier les dispositions du code du travail qui autorisaient la suspension d'un syndicat par voie administrative. Le comité rappelait qu'en des cas antérieurs il avait déjà signalé à l'attention du gouvernement que les mesures de suspension ou de dissolution d'organisations de travailleurs ou d'employeurs par voie administrative ne permettaient pas d'assurer les droits de défense, qui ne pouvaient être garantis que par une procédure judiciaire normale. Le comité relevait en outre la contradiction existant entre l'affirmation des plaignants, selon lesquels il n'y avait pas eu d'arrêt des activités, et la réponse du gouvernement, qui déclarait que les travailleurs avaient suspendu leur travail malgré l'absence d'un conflit collectif. Cette contradiction ne permettait pas au comité de formuler des conclusions sur la décision d'autoriser le licenciement des dirigeants syndicaux et de travailleurs qu'aurait prise le gouvernement. Dans ces circonstances, et sur la recommandation du comité, le Conseil d'administration avait attiré l'attention du gouvernement sur les principes et considérations susdits et l'avait invité à adopter dès que possible les mesures nécessaires pour modifier les dispositions du code du travail qui autorisaient la suspension d'un syndicat par voie administrative. Il appelait d'autre part l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.
    15. 253 Dans sa communication du 15 novembre 1978, le gouvernement indique que l'article 450 du code du travail autorise le ministre du Travail et de la Sécurité sociale à suspendre la personnalité juridique des organisations syndicales chaque fois que se produit un arrêt illégal du travail dans les circonstances définies par ledit article; une fois l'illégalité ainsi déclarée, l'employeur a la faculté, après enquête administrative, de congédier ceux qui auront favorisé la grève ou y auront participé, y compris les travailleurs couverts par l'immunité syndicale. Le gouvernement joint le texte d'une résolution ministérielle datée du 13 octobre 1977 et portant suspension pour deux mois de la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs des eaux gazeuses colombiennes, en l'occurrence pour avoir participé à la grève générale menée le 14 septembre 1977 par les diverses confédérations et fédérations syndicales du pays; c'est une question que le comité avait examinée dans le cas no 889, sur lequel il avait présenté au Conseil d'administration un nouveau rapport provisoire qui figure aux paragraphes 485 à 511 de son 187e rapport.
    16. 254 Le gouvernement indique toutefois que, depuis l'entrée en vigueur du décret no 1469 le 19 juillet 1978, la procédure utilisée pour déclarer illégale une suspension ou arrêt de travail a été modifiée. Alors qu'auparavant la question était étudiée sur la base des éléments rassemblés par un inspecteur du travail, le syndicat concerné a désormais un droit de défense. Le syndicat peut faire opposition ou réclamer les vérifications administratives qu'il juge à propos pour démontrer que la grève ou l'arrêt de travail était imputable à l'employeur.
  • II. Cas no 907
  • Allégations relatives à l'entreprise Shellmar Colombie
    1. 256 Par une communication en date du 18 mars 1978, le Syndicat des travailleurs de Shellmar Colombie (Medellín) alléguait que la négociation d'un cahier de revendications avait dégénéré en une grève de 94 jours (de mai à octobre 1977) du fait de l'attitude de l'entreprise et de la ferme détermination qu'avait le syndicat de remédier aux difficultés créées par l'inflation. Selon les plaignants, l'entreprise aurait, par représailles, fait des retenues sur les salaires et violé la convention collective en passant outre aux privilèges syndicaux, en retardant l'application des droits acquis, en s'opposant au libre exercice des droits syndicaux et en suspendant les dirigeants syndicaux pour essayer de les couper des travailleurs.
    2. 257 Dans une seconde communication, datée du 30 juin 1978, le syndicat plaignant a fait parvenir de nombreux documents, dont un extrait du règlement intérieur, des copies d'avis de suspension et de licenciement prononcés par l'entreprise, des copies d'avis par lesquels le syndicat annonçait à l'entreprise son intention d'user des privilèges syndicaux, et les copies des plaintes que le syndicat avait adressées aux autorités du travail le 25 octobre 1977 et le 15 mars 1978. D'après les explications qui accompagnent ces documents, l'entreprise aurait violé la convention collective en refusant aux dirigeants les facilités prévues pour les activités syndicales et en retenant une partie du salaire desdits dirigeants sous prétexte d'absences dues à l'exercice de leurs fonctions syndicales, et enfin en réduisant unilatéralement les avantages sociaux stipulés dans la convention collective. Toujours selon l'organisation plaignante, l'entreprise aurait usé de sanctions disciplinaires que le règlement intérieur approuvé par les autorités ne prévoyait pas, et qui tendaient à limiter les mouvements des dirigeants dans l'usine; elle aurait aussi mis obstacle à des activités syndicales telles que les réunions, la fréquentation des cours d'éducation ouvrière et la participation du syndicat à l'amélioration de la cantine. Cette même communication donne des précisions sur les sanctions prises contre divers travailleurs.
    3. 258 Dans ses observations du 15 novembre 1978, le gouvernement indique que le 25 octobre 1977 le syndicat a saisi les autorités du travail d'une plainte qui, en résumé, dénonçait la violation de la convention collective, des atteintes au droit d'association syndicale, et des licenciements collectifs. Sur le premier point, le gouvernement annonce que le syndicat et l'entreprise ont depuis passé un accord amiable devant un fonctionnaire du travail; le gouvernement fournit copie d'un acte daté du 7 juin 1978 et portant accord sur l'usage à venir des congés à des fins syndicales; cet accord prévoit entre autres que la direction et le syndicat se réuniront trois fois par semaine, le syndicat devant périodiquement faire connaître les noms de ses représentants.
    4. 259 En ce qui concerne la plainte pour atteinte au droit d'association syndicale, le gouvernement déclare que le fonctionnaire compétent a ouvert une enquête administrative pour établir les faits allégués, et s'est rendu à cet effet dans l'établissement, où il a réuni les deux parties. Le gouvernement ajoute que le syndicat, malgré les demandes répétées de l'enquêteur, n'a pas communiqué les éléments de preuve voulus, tandis que l'entreprise apportait tout son concours. C'est ainsi que, à des demandes faites en 1977, le syndicat n'a répondu qu'au début de 1978 en disant qu'il donnerait en temps voulu les renseignements demandés sur les actes antisyndicaux reprochés à la direction; en juillet 1978, l'enquêteur a envoyé au syndicat un rappel demandant lesdites preuves et, devant le silence du syndicat, il a décidé le 8 août 1978 de classer l'enquête pour défaut du plaignant.
    5. 260 Le gouvernement indique qu'il en a été de même pour la plainte en licenciement collectif. Il déclare que l'inspection du travail d'Antioquia tient copie des multiples citations à comparaître auxquelles le syndicat n'a pas donné suite.
    6. 261 Le gouvernement communique copie de divers documents, dont des procès-verbaux d'audiences et de la visite d'inspection faite dans l'entreprise le 9 novembre 1977, ainsi que d'une citation envoyée au syndicat le 19 juillet 1978.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • I. Cas no 871
    • a) Allégations relatives à la mort d'un dirigeant indigène et à la détention d'un syndicaliste
      1. 239 Au paragraphe 241 de son 168e rapport, le comité déclarait que, bien que les problèmes posés en l'occurrence semblent en relation avec des questions de possession de terres et de réforme agraire, il devait constater qu'un dirigeant des travailleurs ruraux avait été tué et qu'un autre aurait été arrêté. Il considérait que, si ces derniers incidents ne présentaient effectivement aucun rapport avec les droits syndicaux, ils échapperaient à sa compétence, mais qu'il appartenait au comité de se prononcer sur l'existence ou l'absence de ce rapport après un examen de toutes les informations disponibles, et en particulier du texte des jugements prononcés.
      2. 240 Le comité prend note des informations supplémentaires apportées par le gouvernement dans sa communication du 15 novembre 1978, et desquelles il ressort qu'aucun jugement n'est encore intervenu dans les procédures entamées par suite de la mort de M. Lame, survenue il y a deux ans, et que M. Pino, dirigeant d'une fédération de travailleurs paysans, est en liberté provisoire.
      3. 241 Dans ces circonstances, soulignant une fois de plus l'importance que le comité et le Conseil d'administration ont toujours attachée à l'éclaircissement rapide et complet des cas où un syndicaliste a trouvé la mort, et le danger que représente pour les droits syndicaux l'arrestation de syndicalistes contre lesquels n'est finalement relevé aucun chef d'inculpation, le comité juge nécessaire de demander à nouveau au gouvernement de communiquer aussitôt que possible le texte des jugements concernant la mort de M. Lame et la détention de M. Pino, avec leurs attendus.
    • b) Allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs de l'Institut colombien des assurances sociales et des travailleurs de l'enseignement
      1. 248 Le comité note que le gouvernement a reconnu par décret le droit de négociation collective à la catégorie d'employés de l'Institut colombien des assurances que concerne la plainte de la CSTC. D'autre part, et malgré le temps écoulé, le gouvernement n'a pas encore répondu à l'allégation selon laquelle plus de 90 dirigeants et travailleurs auraient été licenciés par suite de la grève menée en 1976 audit institut. Le comité estime donc nécessaire de prier une fois de plus le gouvernement de transmettre ses observations sur ces allégations. Le comité tient en même temps à rappeler que les licenciements prononcés pour faits de grève comportent de graves risques d'abus et des dangers pour la liberté syndicale. Lors d'autres cas où se sont posées des questions de cette nature, le comité avait estimé qu'une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs de sanctions trop sévères pour faits de grève pouvait compromettre le développement des relations professionnelles. En examinant récemment un autre cas relatif à la Colombie, le comité avait exposé les mêmes considérations au gouvernement et avait déclaré qu'il serait utile que le gouvernement prenne des mesures pour favoriser la réintégration des travailleurs congédiés. Enfin, le gouvernement ne donne pas non plus les résultats du nouvel examen que, selon une de ses communications antérieures, il menait sur la situation des travailleurs de l'enseignement; à cet égard aussi, le comité juge utile de répéter sa précédente demande d'informations.
    • c) Allégations relatives à l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes
      1. 255 Le comité note que certaines dispositions du décret no 1469 de 1978, cité par le gouvernement, garantissent au syndicat des moyens de défense devant les autorités administratives dans les cas où ces dernières envisagent des mesures de suspension ou de dissolution. Le comité tient cependant à insister une fois de plus sur les principes et considérations émis ci-dessus au paragraphe 252, d'autant plus que la Colombie a maintenant ratifié la convention no 87 et que l'article 4 de cet instrument interdit expressément la suspension ou la dissolution des organisations syndicales par voie administrative. Le comité a déjà eu l'occasion de relever dans certains case que des dispositions semblables à celles qui figurent actuellement dans la législation colombienne seraient compatibles avec les principes de la liberté syndicale si la décision de l'autorité administrative ne prenait effet qu'une fois confirmée par l'autorité judiciaire, ou une fois écoulé le délai d'appel sans qu'il ait été fait usage de ce recours, et à condition que ladite autorité judiciaire soit compétente pour examiner la question quant au fond. Le comité estime de plus qu'il serait très opportun que le gouvernement envisage pour sa part de modifier les dispositions figurant en la matière dans la loi principale, c'est-à-dire le code du travail, afin de les mettre en pleine harmonie avec la norme citée de la convention no 87. Le comité note à cet égard la déclaration effectuée par le gouvernement, dans le cadre du cas no 889 examiné à la présente session, selon laquelle il se propose de faire part à une commission des recommandations du comité sur l'harmonisation de la législation avec l'article 4 de la convention no 87. En attendant que cette modification soit apportée, le comité souhaiterait que le gouvernement indique si la décision administrative est immédiatement exécutoire, ou au cas où un droit d'appel existe devant l'autorité judiciaire, quel est l'effet de ce recours et quelles sont les normes applicables en la matière.
    • II. Cas no 907
  • Allégations relatives à l'entreprise Shellmar Colombie
    1. 262 Le comité observe que le syndicat plaignant, quoiqu'il ait bien envoyé copie de la plainte qu'il avait adressée aux autorités du travail, n'évoque en aucune de ses deux communications les invitations desdites autorités à communiquer des preuves pour faciliter l'enquête sur les faits. A ce même égard, il convient de signaler que la communication faite par les plaignants au BIT le 30 juin 1978 était accompagnée de nombreux documents concernant en particulier les sanctions que l'entreprise aurait prononcées pour des absences qu'elle jugeait injustifiées, ainsi que quelques cas de licenciement; l'organisation plaignante donnait par la même communication certaines précisions à l'appui de ses dires. Il ressort des informations données par le gouvernement que, peu avant la date de la communication susdite, le syndicat avait passé avec l'entreprise un accord sur les congés à des fins syndicales, et que peu après les autorités avaient à nouveau demandé au syndicat d'apporter des éléments d'appréciation sur les autres aspects du cas, mais sans obtenir de réponse. A l'occasion de cas antérieurs, le comité a estimé qu'étant donné la nature de ses responsabilités il ne saurait se considérer comme lié par les règles qui s'appliquent par exemple aux tribunaux internationaux d'arbitrage, et selon lesquelles les procédures nationales de recours doivent être épuisées. Dans le présent cas, le gouvernement a communiqué des éléments d'appréciation montrant qu'il s'est efforcé d'intervenir pour éclaircir les faits allégués, mais qu'il n'a pas eu dans cette tâche le concours du syndicat plaignant; or le comité estime que, quand une entreprise est accusée d'avoir contrevenu aux dispositions de la loi, des règlements et des conventions, les autorités nationales devraient pouvoir compter, pour régler la question, sur le concours des parties intéressées.
    2. 263 Le comité prend note de l'information communiquée par le gouvernement sur l'accord passé entre les parties en ce qui concerne les congés à des fins syndicales. En ce qui concerne les autres aspects du cas, et compte tenu des considérations émises au paragraphe précédent, il conviendrait de prier l'organisation plaignante de communiquer avant la prochaine session du comité les remarques qu'elle juge opportunes sur les informations envoyées par le gouvernement et exposées aux paragraphes 259 à 261 ci-avant.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 264. Dans ces circonstances, et en ce qui concerne l'ensemble de ces cas, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations relatives à la mort du dirigeant indigène Justiniano Lame et la détention d'un dirigeant syndical de la Fédération agraire nationale:
    • i) de rappeler à l'attention du gouvernement l'importance qu'il y a à éclaircir rapidement et complètement les cas où un syndicaliste a trouvé la mort, et le danger que représente pour l'exercice des droits syndicaux l'arrestation de syndicalistes contre lesquels n'est finalement relevé aucun chef d'inculpation;
    • ii) de noter que le dirigeant qui avait été arrêté a été mis en liberté conditionnelle;
    • iii) de prier à nouveau le gouvernement de communiquer aussi le plus tôt possible le texte des jugements rendus dans ces deux cas;
    • b) au sujet des allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs de l'Institut colombien des assurances sociales et des travailleurs de l'enseignement:
    • i) de noter qu'un décret a reconnu le droit de négociation collective aux employés dudit institut concernés par la plainte, et de demander à nouveau au gouvernement de faire parvenir ses observations sur les allégations selon lesquelles plus de 90 dirigeants et travailleurs de l'institut auraient été licenciés à cause de la grève de 1976.
    • ii) de prier à nouveau le gouvernement d'envoyer des informations sur les résultats du nouvel examen que, selon une de ses communications antérieures, il menait sur la situation des travailleurs de l'enseignement;
    • c) au sujet des allégations relatives à la suspension d'un syndicat au sein de l'Entreprise des eaux gazeuses colombiennes, et compte tenu de ce qui est exposé au paragraphe 255, d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur l'opportunité de modifier les dispositions de la législation relatives à la suspension ou à la dissolution des organisations syndicales, afin de les mettre en pleine harmonie avec l'article 4 de la convention no 87; de noter que le gouvernement se propose de faire part à une commission des recommandations du comité sur l'harmonisation de la législation avec cet article, et, en attendant, de prier le gouvernement d'indiquer s'il existe un recours judiciaire contre la décision administrative actuellement prévue, et de préciser en outre l'effet de ce recours ainsi que les normes applicables en la matière;
    • d) au sujet des allégations relatives à l'entreprise Shellmar Colombie:
    • i) de prendre note des informations communiquées par le gouvernement à propos de l'accord passé entre les parties sur les congés à des fins syndicales;
    • ii) de demander à l'organisation plaignante, compte tenu des considérations exprimées au paragraphe 262, de communiquer au comité, avant sa prochaine session, les commentaires qu'elle jugera opportuns sur les informations envoyées par le gouvernement mentionnées aux paragraphes 259 à 261;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire.
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