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Rapport définitif - Rapport No. 172, Mars 1978

Cas no 878 (Nigéria) - Date de la plainte: 23-MAI -77 - Clos

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  1. 97. Par une communication du 23 mai 1977, la Fédération syndicale mondiale a présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Nigeria. Le texte de cette communication a été transmis au gouvernement qui a fait parvenir ses observations par une lettre du 13 octobre 1977.
  2. 98. Le Nigeria a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 99. Dans sa communication, la FSM allègue que, depuis sa fondation en 1976, le Congrès du travail du Nigeria (NLC) qui regroupe toutes les centrales syndicales n'a pu mener à bien ses activités. La FSM explique qu'après le congrès constitutif de cette centrale, le gouvernement s'est opposé à la reconnaissance de la direction élue par les congressistes. Le gouvernement fédéral procéda, en effet, à la dissolution de la direction et à la nomination d'un administrateur chargé de diriger l'organisation jusqu'à son prochain congrès.
  2. 100. Aussitôt après, poursuit la FSM, des poursuites judiciaires ont été déclenchées contre certains dirigeants et militants syndicaux qui avaient été élus à la direction de la nouvelle confédération. En outre, plusieurs dirigeants ont été exclus des activités syndicales par décision du gouvernement. Il s'agit de Michael Imoudu, Wahab Goodluck, S.U. Bassey, F.A.O. Odeyemi, trésorier de l'Organisation de l'unité syndicale africaine, R.A. Ramos, J.U. Akpan, P.S. Isagua, J.D. Orotunde, J.O. Adeniran, P.A. Nwaneri et J. Sulé. En conclusion, la FSM déclare que ces mesures constituent une ingérence flagrante des autorités gouvernementales dans les affaires internes des organisations syndicales.
  3. 101. Avant de répondre aux allégations spécifiques de l'organisation plaignante, le gouvernement brosse, dans sa communication, un tableau de la situation syndicale existant au Nigéria. Il déclare que la restructuration des syndicats actuellement en cours est un fait dominant à cet égard. Le gouvernement rappelle que la nécessité de cette restructuration s'était imposée depuis plusieurs années et se réfère à des recommandations formulées à ce sujet à la suite des différentes enquêtes et réunions. C'est dans ce contexte que le gouvernement a promulgué le décret no 44 de 1976 aux termes duquel un administrateur des affaires syndicales a été désigné en vue "d'encourager" la restructuration des syndicats dans le but de créer dans le pays des organisations syndicales fortes et efficaces. Selon le gouvernement, l'administrateur a été nommé pour préparer le fonctionnement de syndicats sérieux et non pour gérer les organisations. Le gouvernement indique que beaucoup de progrès ont été réalisés dans cette restructuration. Après de larges consultations avec les représentants des travailleurs et compte tenu des programmes politiques, économiques et sociaux du gouvernement, soixante-dix syndicats ont été recommandés par le pays. Des séries de mesures sont envisagées, notamment l'élection des dirigeants syndicaux par les travailleurs et la convocation de conférences constituantes ainsi que la création d'une organisation centrale du travail au début de 1978. Des comités directeurs composés de syndicats existants rédigeront des statuts pour les nouvelles organisations.
  4. 102. Le gouvernement se réfère également à la nomination, effectuée à la demande des syndicats eux-mêmes, du Tribunal d'enquête Adebiyi sur les activités des syndicats. Cette nomination est intervenue à la suite des allégations présentées par les travailleurs de la base au sujet de corruptions et d'abus de fonctions parmi les dirigeants des centrales syndicales. Ce tribunal était présidé par un juge de la Cour suprême et les personnes qui faisaient l'objet d'une enquête ont pu se défendre avec l'aide d'un conseil. Selon le gouvernement, le rapport du tribunal, dont un exemplaire est joint à la réponse du gouvernement, a révélé l'existence d'une corruption de large échelle, de mauvaise administration, d'abus de fonctions et de détournements de fonds par plusieurs dirigeants syndicaux.
  5. 103. Au sujet de l'allégation selon laquelle le gouvernement a refusé de reconnaître le conseil exécutif du Congrès du travail au Nigéria, il est indiqué que c'est la direction de cette centrale et non le gouvernement qui est à l'origine de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de poursuivre sa mission. La réaction du gouvernement a la création d'une seule organisation centrale en 1976 a été tout à fait positive car on pensait que cela mettrait fin à la multiplicité des confédérations. Le Commissaire au travail avait assisté en personne à l'assemblée constituante. Par la suite, une série d'allégations au sujet de manoeuvres électorales et de critiques de dirigeants au sein de la nouvelle organisation obligea le gouvernement à refuser la reconnaissance du syndicat. Une procédure ayant l'appui de l'ensemble des syndicalistes fut alors instituée pour restructurer les syndicats dans le pays.
  6. 104. Au sujet des allégations concernant l'interdiction infligée aux personnes mentionnées par la FSM d'exercer des activités syndicales, le gouvernement indique que les intéressés ont été convaincus par le tribunal d'enquête d'avoir abusé de leurs positions. Ce dernier a recommandé que toute activité syndicale soit interdite aux personnes en cause. Ces interdictions ont été prises dans l'intérêt de la moralité et de la responsabilité publiques.
  7. 105. Le gouvernement conclut en déclarant qu'il a foi dans des syndicats libres, indépendants et efficaces en tant qu'instruments du progrès économique et social. Il espère ardemment que la restructuration en cours, actuellement en voie d'achèvement, assurera le développement d'un mouvement syndical fort et efficace.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 106. Le comité note que les allégations concernent le refus de reconnaissance du Congrès du travail du Nigéria et de sa direction par le gouvernement, la nomination d'un administrateur des affaires syndicales et l'interdiction prononcée à l'encontre de dirigeants de la centrale d'exercer à l'avenir des activités syndicales. Le comité observe que certaines de ces questions ont été traitées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lors de sa session de mars 1977.
  2. 107. Au sujet du refus de reconnaissance du Congrès du travail et de sa direction, le comité a constaté, à la lecture du décret no 44 que c'est l'enregistrement de la centrale qui a été annulé. Selon le gouvernement, cette mesure aurait été prise en raison d'irrégularités dans les élections aux organes directeurs de la centrale. Le comité estime à cet égard que des mesures prises par des autorités administratives en cas de contestation de résultats électoraux risquent de paraître arbitraires. Pour cette raison, et aussi pour garantir une procédure impartiale et objective, les affaires de ce type devraient être examinées par les autorités judiciaires. Le comité considère, en outre, que l'annulation par décret de l'enregistrement du Congrès du travail du Nigéria équivaut à la dissolution de cette centrale par voie administrative et constitue ainsi une mesure contraire à l'article 4 de la convention ne 87.
  3. 108. Au sujet de la nomination de l'administrateur des affaires syndicales, le comité, en examinant le décret no 44, a noté que cette personne est chargée d'assumer, au nom des syndicats, les fonctions normalement remplies par une organisation centrale de travailleurs. Il doit prendre aussi les mesures nécessaires en vue de former une seule organisation centrale à laquelle seront affiliés tous les syndicats nigérians. A cet effet, l'administrateur a le pouvoir de rédiger les statuts et le règlement électoral de la nouvelle organisation et d'organiser les élections conformément aux règles ainsi établies. Les statuts et règlements électoraux devront être approuvés par un congrès de délégués. En cas de désaccord entre le congrès et l'administrateur, la question sera portée devant le commissaire au travail qui tranchera en dernier ressort.
  4. 109. Le comité apprécie pleinement le désir du gouvernement de promouvoir un mouvement syndical fort en évitant les défauts résultant d'une multiplicité de petits syndicats. Cependant, comme il l'a déjà indiqué à maintes reprises&, le comité estime qu'il est plus souhaitable dans de tels cas pour un gouvernement de chercher à encourager les syndicats à se grouper volontairement pour former des organisations fortes et unies, plutôt que de leur imposer par la loi une unification obligatoire qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va ainsi à l'encontre des principes de la liberté syndicale. Le comité considère donc que la restructuration du mouvement syndical devrait être l'oeuvre des organisations syndicales elles-mêmes et que les fonctions de l'administrateur devraient se borner à la coordination des activités menées par les syndicats aux fins de cette restructuration. Les prérogatives conférées à la personne chargée de cette coordination ne devraient pas être de nature à limiter les droits garantis à l'article 3 de la convention no 87 selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action.
  5. 110. Au sujet de l'interdiction d'exercer à l'avenir des activités syndicales prononcée à l'encontre de plusieurs dirigeants syndicaux, le comité note que, préalablement à cette mesure, le gouvernement a nommé un Tribunal d'enquête sur les activités des syndicats présidé par un haut magistrat de l'ordre judiciaire. Ce tribunal a rédigé un rapport détaillé, dont le comité a pris connaissance, et a relevé des irrégularités dans la gestion exercée par certains dirigeants syndicaux. Le tribunal a, en outre, recommandé que les personnes en question ne soient plus autorisées à exercer des activités syndicales. Faisant suite à ces recommandations, le gouvernement a prononcé ces interdictions. D'une manière générale, le comité est d'avis que des mesures de ce type, qui sont d'une particulière gravité, devraient être prises par des organes d'ordre judiciaire afin d'assurer tous les droits de la défense. Dans le cas présent, le comité estime qu'il appartenait aux tribunaux pénaux ordinaires de statuer sur le sort des personnes incriminées, conformément à la législation en vigueur.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 111. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de signaler au gouvernement que l'annulation de l'enregistrement de centrales syndicales par voie administrative est contraire à l'article 4 de la convention no 87;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés au paragraphe 109 et de lui signaler notamment que la restructuration du mouvement syndical devrait être l'oeuvre des organisations syndicales elles-mêmes et que les fonctions conférées à un administrateur désigné par le gouvernement ne devraient pas être de nature à limiter les droits garantis à l'article 3 de la convention no 87;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exprimés au paragraphe 110 et notamment sur le principe selon lequel des interdictions d'exercer des activités syndicales ne devraient être prononcées que par des organes d'ordre judiciaire en conformité avec la législation en vigueur;
    • d) de noter que le décret no 44 portant annulation de l'enregistrement des centrales syndicales et nomination d'un administrateur des affaires syndicales fait l'objet d'un examen par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le cadre de l'examen régulier des rapports sur les conventions ratifiées.
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