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Rapport intérimaire - Rapport No. 197, Novembre 1979

Cas no 907 (Colombie) - Date de la plainte: 18-MARS -78 - Clos

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  1. 433. Ces affaires ont été examinées par le comité à ses sessions de mai et novembre 1977 et février 1979. A leur sujet, il a formulé des conclusions intérimaires dans ses 168e rapport (paragr. 235 à 256), 172e rapport (paragr. 331 à 340) et 190e rapport (paragr. 233 à 264). Ces rapports ont été approuvés par le Conseil d'administration à ses 203e session (mai-juin 1977), 204e session (novembre 1977) et 209e session (février-mars 1979). Depuis le dernier examen de la question, de nouvelles allégations ont été formulées par le Syndicat national des employés de la santé (18 mai et 11 juin 1979).
  2. 434. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à l'entreprise Shellmar de Colombie

A. Allégations relatives à l'entreprise Shellmar de Colombie
  1. 435. Lors de sa session de février 1979, le comité a présenté certaines conclusions sur les allégations selon lesquelles il y aurait eu de la part de l'entreprise Shellmar de Colombie des violations d'une convention collective ainsi que des mesures antisyndicales, y compris le licenciement de syndicalistes. Le comité a constaté, notamment, sur la base des observations et documents envoyés par le gouvernement, qu'un accord était intervenu entre le syndicat et l'entreprise, en juin 1976, réglant en particulier la procédure à suivre pour l'utilisation des congés syndicaux. Sur recommandation du comité, le Conseil d'administration a pris note de cet accord. Le comité a jugé utile cependant de demander à l'organisation plaignante d'indiquer pour la session suivante du comité si elle avait des observations à formuler sur les informations envoyées par le gouvernement et mentionnées aux paragraphes 259 à 261 du 190e rapport. La demande adressée en ce sens au syndicat des travailleurs de Shellmar de Colombie, en date du 16 mars et réitérée le 13 juin, est restée sans réponse. Dans ces conditions, compte tenu de ses conclusions antérieures, le comité estime que les allégations en question n'appellent pas d'examen plus approfondi.
    • Question relative à la suspension des syndicats par voie administrative
  2. 436. A l'occasion de l'examen d'allégations concernant la suspension de la personnalité juridique d'un syndicat par les autorités administratives (syndicat des travailleurs de l'entreprise Eaux gazeuses colombiennes), sur recommandation du comité, le Conseil d'administration, à sa session de février-mars 1979, avait attiré à nouveau l'attention du gouvernement sur l'opportunité de modifier les dispositions de la législation relatives à la suspension ou à la dissolution des organisations syndicales, afin de les mettre en pleine harmonie avec l'article 4 de la convention no 87; noté que le gouvernement se proposait de faire part à une commission des recommandations du comité sur l'harmonisation de la législation avec cet article, et, en attendant, il avait prié le gouvernement d'indiquer s'il existe un recours judiciaire contre la décision administrative actuellement prévue, et de préciser en outre l'effet de ce recours ainsi que les normes applicables en la matière.
  3. 437. Dans sa communication du 16 avril 1979, le gouvernement déclare qu'il a eu pour politique, depuis 19773, de s'abstenir de suspendre la personnalité juridique des syndicats à titre de sanction pour fait de grève et à ne pas faire usage de cette possibilité instituée par les dispositions de l'article 450 du code du travail. Le gouvernement ajoute que le Président a été investi, par une loi, de pouvoirs extraordinaires précis en vue de réformer la législation du travail en vigueur. Cette réforme fournit l'opportunité de modifier les dispositions relatives à la dissolution et à la suspension des organisations syndicales.
  4. 438. Le comité note que les informations fournies par le gouvernement ne contiennent pas les précisions qui lui avaient été, demandées au sujet du recours judiciaire contre la décision administrative actuellement prévue dans le texte du code du travail. Cependant, le gouvernement déclare s'abstenir de recourir à la suspension administrative des syndicats et qu'il a l'intention d'inclure la modification des dispositions législatives en question dans les travaux de réforme de la législation du travail. Le comité souhaiterait être tenu informé des progrès effectués pour mettre la législation sur ce point en conformité avec le principe contenu à l'article 4 de la convention no 87, qui interdit expressément la suspension ou la dissolution des organisations syndicales par voie administrative.
    • Allégations relatives à la mort d'un dirigeant indigène, et à la détention d'un syndicaliste
  5. 439. Au sujet des allégations relatives à la mort du dirigeant; indigène Justiniano Lame et la détention d'un dirigeant syndical de la Fédération agraire nationale, sur recommandation du comité, le Conseil d'administration, à sa session de février-mars 1979, avait:
    • i) rappelé à l'attention du gouvernement l'importance qu'il y a à éclaircir rapidement et complètement les cas où un syndicaliste a trouvé la mort, et le danger que représente pour l'exercice des droits syndicaux l'arrestation de syndicalistes contre lesquels n'est finalement relevé; aucun chef d'inculpation;
    • ii) noté que le dirigeant qui avait été arrêté a été mis en liberté conditionnelle;
    • iii) prié à nouveau le gouvernement de communiquer le plus tôt possible le texte des jugements rendus dans ces deux cas.
  6. 440. Dans sa communication du 16 avril 1979, le gouvernement indique que des poursuites ont été engagées devant la justice pénale militaire, en ce qui concerne la mort du dirigeant indigène Justiniano Lame, mais que le jugement n'a pas encore été prononcé.
  7. 441. En ce qui concerne M. Abel Pino, dirigeant de la Fédération agraire nationale, le gouvernement communique qu'aucun verdict n'a été prononcé, et que le procureur délégué pour les forces militaires a ouvert une enquête sur l'état du procès. Le gouvernement déclare qu'il enverra des informations complètes dès que celles-ci seront en sa possession.
  8. 442. Le comité note ces déclarations. Etant donné que les faits allégués remontent au début de 1977, le comité espère que les informations demandées antérieurement seront fournies aussitôt que les jugements en question auront été rendus.
    • Allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs de l'Institut colombien des assurances sociales et des travailleurs de l'enseignement
  9. 443. Dans sa plainte du 9 mars 1977, la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (CSTC) alléguait que l'Institut colombien des assurances sociales (ICSS) avait décidé, en septembre 1976, de classer son personnel médical et administratif comme "employés publics"; or cette dernière catégorie, ajoutait la CSTC, n'a pas le droit de négociation collective, d'association syndicale ni les autres types de liberté syndicale. Par suite de la grève déclarée contre cette décision, plus de 90 dirigeants et travailleurs auraient été licenciés. La CSTC alléguait de plus que le gouvernement avait promulgué un statut de l'enseignement qui classait les enseignants comme "employés publics", limitant ainsi leur droit à la négociation collective et donc leurs libertés syndicales.
  10. 444. Dans sa réponse, datée du 15 avril 1977, le gouvernement indiquait qu'il procédait à une refonte de l'ICSS et avait créé une commission qui étudiait particulièrement la question soulevée dans la plainte; le gouvernement déclarait aussi qu'il avait suspendu le statut des enseignants et procédait à un examen plus complet de la situation.
  11. 445. Lors de son examen du cas en mai 1977, le comité notait que, d'après l'article 414 du code du travail, le droit d'association syndicale était reconnu tant aux "travailleurs officiels" qu'aux "employés publics". Le code du travail établissait toutefois une distinction entre ces deux catégories de travailleurs. En particulier, l'article 416 dispose que les syndicats d'employés publics ne peuvent ni présenter de cahiers de revendications ni conclure de conventions collectives, contrairement aux autres travailleurs officiels. Le comité observait qu'à la suite des mesures prises par les autorités, les catégories de travailleurs citées dans les plaintes avaient perdu le droit de négociation collective dont elles paraissaient avoir joui jusqu'alors. Sur recommandation du comité, le Conseil d'administration avait prié le gouvernement de communiquer les résultats des études menées sur le statut des travailleurs de l'ICSS et des enseignants, d'indiquer les mesures qu'il déciderait de prendre sur la base de ces enquêtes, et de transmettre ses observations au sujet du licenciement allégué de plus de 90 dirigeants et travailleurs de l'ICSS.
  12. 446. En février 1979, le comité avait pris note de la promulgation par le gouvernement du décret no 1651 de 1977 conférant le droit de négociation collective à la catégorie d'employés de l'Institut colombien des assurances que concerne la plainte de la CSTC. D'autre part, et malgré le temps écoulé, le gouvernement n'avait pas encore répondu à l'allégation selon laquelle plus de 90 dirigeants et travailleurs auraient été licenciés par suite de la grève menée en 1976 audit institut. Le comité a rappelé que les licenciements prononcés pour faits de grève comportent de graves risques d'abus et des dangers pour la liberté syndicale et qu'une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs de sanctions trop sévères pour faits de grève pouvait compromettre le développement des relations professionnelles. Le comité a indiqué qu'il serait utile que le gouvernement prenne des mesures pour favoriser la réintégration des travailleurs congédiés.
  13. 447. En ce qui concerne les enseignants, le gouvernement évoquait, dans sa réponse, les dispositions de l'article 416 du code du travail, déjà cité, et indiquait que les employés publics peuvent s'associer librement et fonder des associations syndicales, mais dans les limites prévues par la loi, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas présenter de cahiers de revendications, mais seulement émettre des sollicitations respectueuses. Cependant, ajoutait le gouvernement, 40 pour cent des universités ont passé des conventions collectives avec les syndicats d'enseignants; il s'agit d'établissements publics qui ont approuvé ces conventions librement et avec l'accord de leurs conseils de direction.
  14. 448. Sur recommandation du comité, lors de sa session de février-mars 1979, le Conseil d'administration a noté que le droit de négociation collective avait été reconnu par un décret aux employés de l'Institut des assurances sociales (ICSS) concernés par la plainte. Il a demandé au gouvernement de faire parvenir ses observations sur le licenciement allégué de plus de 90 dirigeants et travailleurs de cet institut à cause de la grève de 1976, ainsi que des informations sur les résultats du nouvel examen qu'il menait sur la situation des travailleurs de l'enseignement.
  15. 449. Dans sa communication du 9 mai 1979, le gouvernement fournit des informations sur les mesures prises dans plusieurs bureaux régionaux de l'Institut des assurances sociales concernant les travailleurs qui avaient été licenciés. Dans certains de ceux-ci, il est fait mention de la réintégration, à quelques exceptions près, des travailleurs concernés. Dans un bureau, il a été mis fin aux relations de travail de 43 fonctionnaires, dont 16 étaient au bénéfice de dispositions concernant la protection syndicale. A Bogotá enfin, 176 licenciements pour justes motifs sont intervenus mais 35 fonctionnaires ont été réintégrés.
  16. 450. Le gouvernement explique les motifs des licenciements intervenus en indiquant que l'Institut des assurances sociales fournissant des services d'utilité publique et d'intérêt social, dirigé et géré par l'Etat, est un service public. En outre, l'institut est doté de personnalité juridique, d'autonomie administrative et d'un patrimoine indépendant. Toute grève ou suspension de travail sont interdits dans l'institut sur la base de plusieurs dispositions législatives tendant à éviter la paralysie de ces services.
  17. 451. Le gouvernement poursuit en indiquant que, malgré l'interdiction de la grève dans le secteur considéré, les conflits se sont multipliés, ces dernières années, dans certains syndicats de travailleurs officiels classés comme employés publics, tels les enseignants, les employés des télécommunications, les médecins de la sécurité sociale, s'étendant même à certains fonctionnaires du secteur judiciaire. Dans un grand nombre de cas, le gouvernement se voit contraint de manoeuvrer entre l'application de sanctions destinées à prévenir des violences, des excès ou la paralysie des services concernés, et, d'autre part, la nécessité de remédier, dans les limites de l'austérité générale, à la situation économique des travailleurs concernés.
  18. 452. Il explique ensuite que dès qu'une grève a été déclarée illégale, sur la base des dispositions pertinentes, l'employeur peut licencier les travailleurs qui ont pris une part active à la grève. L'immunité syndicale est levée, ce qui permet le licenciement des travailleurs concernés sans autorisation préalable. Le gouvernement indique que, conformément à la jurisprudence nationale, la déclaration d'illégalité d'une grève constitue un motif justifié de licenciement. Dans le cas présent, une résolution du 6 septembre 1976 autorisait le licenciement des travailleurs qui avaient persisté dans la grève.
  19. 453. En ce qui concerne les enseignants, le gouvernement rappelle, dans sa communication du 16 avril 1979, que le décret-loi no 128 du 20 janvier 1977, portant statut du personnel enseignant qui avait été mis en cause par les syndicats, n'a pas été appliqué. Pour préparer un nouveau statut, des pouvoirs extraordinaires ont été octroyés au Président par la loi no 8 du 24 janvier 1979. En ce qui concerne les échelles de traitement et les tableaux d'avancement, une disposition de cette loi renvoie aux normes antérieures au décret-loi no 128. Le ministère de l'Education nationale, dans une lettre jointe à la communication du gouvernement, précise que devant la nécessité urgente de promulguer un nouveau statut, le ministre a nommé une commission, formée de représentants du gouvernement et de la Fédération colombienne des éducateurs (FECODE), pour établir un avant-projet. Le processus de négociation avec la FECODE a été entamé dès septembre 1978. Toutefois, poursuit le ministère, le projet en question ne reflète pas un accord total entre gouvernement et enseignants, mais constitue bien plutôt une base pour les conversations finales qui doivent se tenir dans les prochains mois. Le gouvernement déclare qu'il communiquera le nouveau statut dès qu'il aura été promulgué.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 454. Le comité prend note des observations du gouvernement sur les mesures prises pour réintégrer dans leur emploi un certain nombre des travailleurs licenciés à l'occasion de la grève de 1976 à l'Institut des assurances sociales. Il exprime l'espoir que de nouvelles mesures pourront être prises pour favoriser la réintégration des autres travailleurs concernés. Il prend note, enfin, des informations fournies par le gouvernement quant à l'adoption envisagée d'un nouveau statut des enseignants. Le comité souhaiterait être tenu au courant de tout progrès qui interviendrait en ce domaine.
  2. 455. Quant aux allégations présentées par le Syndicat des employés de la santé (18 mai et 11 juin 1979), qui portent notamment sur des licenciements de dirigeants syndicaux, la réponse du gouvernement, du 1er août 1979, est parvenue au Bureau international du Travail le 29 octobre 1979. Cet aspect du cas sera examiné par le comité à sa prochaine session.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 456. Dans ces conditions, pour ce qui est de l'ensemble de ces questions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à l'entreprise Shellmar de Colombie de décider que, compte tenu des conclusions antérieures du comité contenues dans son 190e rapport, cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne la question de la suspension des syndicats par voie administrative, de noter la déclaration du gouvernement selon laquelle, depuis 1977, celui-ci s'abstient de faire usage de cette possibilité prévue par le code du travail, et de demander au gouvernement de tenir le comité informé des progrès effectués dans les travaux en cours destinés à mettre la législation en conformité avec l'article 4 de la convention no 87, qui interdit expressément la suspension ou la dissolution des organisations par voie administrative;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives à la mort d'un dirigeant indigène et à la détention d'un dirigeant de la Fédération agraire nationale, de noter l'information fournie par le gouvernement selon laquelle les jugements dans ces affaires n'ont pas encore été rendus et de lui demander d'en fournir le texte, avec les considérants, aussitôt qu'ils seront disponibles;
    • d) de prendre note des observations du gouvernement sur la réintégration dans leur emploi d'un certain nombre de travailleurs licenciés à l'occasion de la grève de 1976 à l'Institut des assurances sociales et d'exprimer l'espoir que de nouvelles mesures pourront être adoptées pour favoriser la réintégration des autres travailleurs concernés;
    • e) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les travaux tendant à l'adoption d'un nouveau statut des enseignants - auxquels des représentants des travailleurs ont été associés - se poursuivent, et de lui demander de tenir le comité informé de tout progrès qui interviendrait en ce domaine; de noter que les allégations relatives à des licenciements de syndicalistes dans le secteur de la santé et la réponse du gouvernement seront examinées par le comité à sa prochaine session;
    • f) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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