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Rapport intérimaire - Rapport No. 194, Juin 1979

Cas no 908 (Maroc) - Date de la plainte: 23-MAI -78 - Clos

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  1. 283. La plainte de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) est contenue dans trois communications en date des 23, 28 et 29 mai 1978. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une lettre du 30 janvier 1979.
  2. 284. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 285. Dans sa lettre du 23 mai 1978, la plaignante allègue que, à la suite d'une grève de tous les mécaniciens au sol de la Royal Air Maroc (RAM) qui a eu lieu le 21 mai 1978, la direction générale a recruté à leur place des techniciens de nationalité étrangère ainsi que des aides mécaniciens non qualifiés pour assurer le service. Dans deux télégrammes datés des 28 et 29 mai 1978, elle prétend que les forces de l'ordre ont assiégé les grévistes dans les locaux de l'union pendant soixante-douze heures, les laissant sans eau, sans nourriture, sans électricité et sans téléphone, qu'elles se sont introduites de force dans ceux-ci et les ont saccagés. En outre, la plaignante allègue que plusieurs grévistes ont été arrêtés et conduits vers des destinations inconnues.
  2. 286. Dans ses observations du 30 janvier 1979, le gouvernement déclare que lors de la grève déclenchée le 21 mai 1978 par les ouvriers mécaniciens de la RAM à Casablanca, des ordres de réquisition avaient été décernés par les autorités gouvernementales de cette préfecture pour 35 grévistes. Ces derniers se sont réfugiés au siège de leur syndicat pour échapper aux ordres de réquisition. Le 29 mai 1978, à 1 heure du matin, les ouvriers grévistes ont quitté leur refuge de plein gré et dans le calme. Les réquisitions leur ont été notifiées et le travail a repris normalement le 30 mai 1978. Le gouvernement précise que les autorités ont agi en pleine légalité, en respectant les droits et les locaux syndicaux.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 287. Le comité prend acte de ces déclarations du gouvernement. Bien que celles-ci ne se réfèrent pas spécifiquement à certains aspects de la plainte, telles l'arrestation alléguée de plusieurs grévistes et la destruction de biens, le comité observe que la plaignante n'a pas fourni d'éléments à l'appui de ces allégations, notamment les noms des personnes arrêtées ou une description des biens considérés. De toute manière, en ce qui concerne les ouvriers eux-mêmes, la réponse du gouvernement semble indiquer qu'ils étaient de retour au travail neuf jours après le début de la grève.
  2. 288. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle les autorités ont agi dans cette grève en pleine légalité, le comité relève que, au Maroc, conformément aux dispositions d'un dahir du 19 janvier 1946, dans sa teneur modifiée, tous les différends collectifs du travail doivent être soumis à une procédure de conciliation et d'arbitrage. Les accords conclus par voie de conciliation, ainsi que les sentences arbitrales, lient les parties (articles 1er, 18, 21 et 23 du dahir). En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions relatives à l'arbitrage obligatoire, le comité note donc que la loi semble exclure le recours à la grève dans les différends du travail. En outre, le décret no 2-63-436 du 6 novembre 1963 semble permettre aux autorités de réquisitionner des personnes pour répondre à des besoins nationaux. Sur ce point, toutefois, dans un rapport établi en 1977 par le gouvernement au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, concernant l'application de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, il était déclaré qu'un nouveau projet de loi sur la réquisition de main-d'oeuvre était en cours d'élaboration.
  3. 289. Le comité a toujours estimé que le droit de grève est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Il a relevé à cet égard qu'une interdiction générale des grèves, imposée directement ou indirectement, ne serait pas conforme aux principes de la liberté syndicale. Bien qu'il ait également déclaré que les grèves pouvaient faire l'objet de restrictions ou même être interdites dans la fonction publique ou dans les services essentiels pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires, il a précisé, en particulier dans deux cas concernant des lignes aériennes, que l'interdiction des grèves dans les entreprises qui n'assuraient pas des services essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire ceux dont l'interruption mettrait en danger l'existence ou le bien-être de l'ensemble ou d'une partie de la population) n'était pas conforme aux principes susmentionnés.
  4. 290. Notant, en outre, que dans le présent cas les autorités ont décerné des ordres de réquisition concernant 35 ouvriers, le comité désire appeler l'attention, comme il l'a fait dans d'autre cas, sur la possibilité d'abus qu'impliquent les réquisitions de travailleurs comme moyen de régler les différends du travail. Dans de tels cas, le comité a souligné l'inopportunité d'un recours à ce genre de mesure, sauf s'il s'agit de maintenir des services essentiels dans des circonstances particulièrement graves.
  5. 291. C'est pourquoi, afin de parvenir à des conclusions définitives en pleine connaissance des faits, le comité désirerait recevoir des informations supplémentaires de la part du gouvernement au sujet des conditions concernant l'exercice légal du droit de grève, des circonstances dans lesquelles la législation portant sur les réquisitions de travailleurs peut être appliquée à des grévistes et, plus particulièrement, des motifs Ses ordres de réquisition dans le différend concernant les ouvriers mécaniciens au sol de la Royal Air Maroc, en mai 1978.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 292. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter que la grève à laquelle la plainte a trait a pris fin avec la reprise du travail le 31 mai 1978;
    • b) de noter la déclaration du gouvernement selon laquelle 35 grévistes avaient été réquisitionnés pendant la grève et que dans ce différend les autorités avaient agi en pleine légalité;
    • c) compte tenu des principes rappelés aux paragraphes 289 et 290 ci-dessus concernant le droit de grève et la réquisition de main-d'oeuvre, de demander au gouvernement de fournir des informations supplémentaires indiquant dans quelles conditions les travailleurs et leurs organisations peuvent légalement exercer le droit de grève, les circonstances dans lesquelles la législation sur la réquisition de main-d'oeuvre peut être appliquée aux grévistes et les motifs des ordres de réquisition dans le différend auquel la plainte a trait;
    • d) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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