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Rapport intérimaire - Rapport No. 194, Juin 1979

Cas no 909 (Pologne) - Date de la plainte: 17-JUIL.-78 - Clos

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  1. 293. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) figure dans une lettre du 17 juillet 1978. La Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) a déclaré, dans une communication du 24 juillet 1978, s'associer à cette plainte. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication du 8 février 1979.
  2. 294. La Pologne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations présentées

A. Allégations présentées
  1. 295. La CISL considère que la législation polonaise n'a pas été mise en harmonie avec les dispositions de la convention no 87, ratifiée par la Pologne en 1957. Le plaignant allègue à cet égard que la loi du 1er juillet 1949 sur les syndicats professionnels est toujours en vigueur et que, d'après celle-ci, tous les syndicats doivent être enregistrés par le Conseil central des syndicats (qui est l'organe exécutif et l'une des deux autorités suprêmes - avec le congrès - de la Fédération des syndicats de Pologne). La Fédération des syndicats, ajoute le plaignant, constitue la représentation centrale du mouvement syndical en Pologne; tout nouveau syndicat doit adhérer à la Fédération par la voie de cet enregistrement; un syndicat qui ne le ferait pas (ne le désirerait pas ou ne le pourrait pas) serait privé de toute existence légale en tant que syndicat.
  2. 296. La CISL se réfère ensuite à plusieurs extraits des commentaires formulés par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au sujet de la loi précitée du 1er juillet 1949. La commission, a constaté, signale le plaignant, que l'article 9 de cette loi investit le Conseil central des syndicats du pouvoir de conférer la personnalité juridique aux syndicats qui doivent nécessairement obtenir leur enregistrement auprès de lui et que les règles appliquées par le conseil pour cet enregistrement ont, en fait comme en droit, la valeur d'une réglementation d'application de la loi en question. Celle-ci, en prévoyant une formalité de caractère substantiel indispensable aux organisations pour pouvoir exister en tant que syndicats ainsi que promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres, doit être considérée, a estimé la commission, comme établissant une autorisation préalable au sens de l'article 2 de la convention no 87.
  3. 297. La loi du 1er juillet 1949 prévoit, dans son article 5, que la représentation centrale du mouvement syndical en Pologne est la Confédération des syndicats et délègue, en son article 9, au Conseil central des syndicats - qu'elle désigne nommément comme l'un des organes suprêmes de cette confédération (article 6) - le pouvoir d'enregistrer tout nouveau syndicat ou de refuser l'enregistrement. La Commission d'experts a estimé, rappelle le plaignant, que ces dispositions portent atteinte aux garanties prévues par la convention no 87; aux termes de celle-ci en effet, les travailleurs doivent avoir le droit de constituer l'organisation de leur choix et, notamment, s'ils le désirent, une organisation nouvelle, indépendante de toutes les autres organisations existantes.
  4. 298. La commission a encore signalé, ajoute le plaignant, que la loi de 1949 place tout syndicat sous le contrôle d'une confédération syndicale nommément désignée à laquelle il doit nécessairement adhérer et que ses dispositions peuvent être considérées comme constituant une intervention de l'Etat incompatible avec l'article 3 de la convention no 87: elles ont en effet pour résultat d'interdire à une organisation syndicale d'élaborer ses statuts, d'organiser sa gestion et son activité et de formuler son programme d'action librement.
  5. 299. La CISL rappelle que ces observations de la Commission d'experts, formulées en 1962, ont été répétées d'année en année et que le gouvernement a été invité à mettre sa législation en harmonie avec la convention afin d'assurer à tous les travailleurs et à leurs organisations les droits et garanties que l'instrument leur reconnaît; le gouvernement a annoncé comme prochaine une révision de sa législation syndicale, mais cette réforme n'a toujours pas eu lieu. La violation de la convention no 87, poursuit la CISL, a des conséquences défavorables sur les conditions de vie et d'emploi des travailleurs polonais, comme en témoignent les explosions de profond mécontentement social qui ont éclaté à différentes reprises, et notamment en juin 1956 (la CISL avait soumis une plainte à ce propos'), en mars 1968, en 1970 dans le district du littoral et en juin 1976 où des grèves éclatèrent dans de nombreuses entreprises dans les villes de Zran, Plock, Lodz, Szczecin, Gdynia, Olsztyn, Katowice, Bielsko, Sosnowiec, Wroclaw, Gdansk, Elblag, Ksranik, Ursus, Radom, etc. Ces grèves et manifestations furent, selon le plaignant, suivies d'arrestations et de violences, notamment à Ursus et à Radom où de nombreux travailleurs furent arrêtés et des milliers licenciés. En septembre 1977, d'autres grèves ont éclaté dans cinq centres miniers de Silésie.
  6. 300. Les travailleurs arrêtés ou licenciés, ajoute la CISL, n'ont pas pu compter sur l'appui des syndicats officiels: c'est un "comité pour la défense des travailleurs" (KOR) qui, indépendamment de la Fédération des syndicats, s'est chargé de leur défense et de l'aide à leurs familles. Les membres de ce comité, allègue le plaignant, sont des personnes intéressées à la défense des droits de l'homme qui ont tenté de suppléer à la carence des syndicats officiels. En octobre 1977, ce comité s'est transformé en comité d'autodéfense sociale. Avec son aide, des travailleurs polonais publient assez régulièrement - quoique illégalement, déclare le plaignant - un bulletin "Robotnik". Au cours des derniers mois de 1977 et en 1978, les travailleurs associés à ce bulletin et à ce comité auraient été arrêtés, interrogés, relâchés, arrêtés de nouveau et harcelés de diverses manières.
  7. 301. A ce propos, la CISL cite en annexe la déclaration suivante du comité "KOR" et de la commission de rédaction du journal Robotnik:
  8. "Au cours de ces derniers mois, des travailleurs qui éditent le journal Robotnik ainsi que d'autres personnes associées à la Commission d'autodéfense sociale ont été victimes de harcèlement de la part de la police. Le 15 novembre 1977, la police a détenu Maximilian Mozdzynski et son épouse à Grudziadz. Mozdzynski est l'un des trois auteurs de la lettre adressée à Edward Gierek, écrite le 15 août, au nom de 43 travailleurs congédiés de l'usine Pomorska Odlewnin i Emaliernin à la suite des grèves de juin 1976. Quelques jours après que les Mozdzynski eurent été détenus et relâchés, la police de Grudziadz arrêta de nouveau M. Mozdzynski ainsi que Stanislaw Domagalski - associé à KOR - et ses locataires, Edmund Zadrozynski - associé à KOR - et sa fille, ainsi que Renata et Broniskaw Nagiel (Mme Nagiel est signataire de la lettre à E. Gierek). L'appartement de Domagalski fut perquisitionné. Pendant que les Nagiel étaient détenus au poste de police, un dispositif d'écoute fut installé dans leur appartement. Les empreintes digitales furent relevées et, au cours d'un interrogatoire qui ne fut pas conforme à la loi, les détenus furent incités à travailler pour la police secrète et à fournir des informations sur leurs contacts avec KOR.
  9. En décembre 1977, B. Zadrozynski entra dans la commission de rédaction de Robotnik. Le 2 janvier 1978, la police pénétra dans son appartement avec un mandat de perquisition établi au nom de son fils Miroslaw, lequel, soi-disant, était soupçonné d'avoir participé à un vol. Toutefois, les personnes effectuant la perquisition s'intéressèrent surtout aux papiers et aux livres de Zadrozynski; tant le père que le fils furent amenés au poste de police et, au cours de l'interrogatoire, le fils fut incité à fournir des renseignements sur son père; on lui posa des questions au sujet des activités de son père avec KOR et d'autres travailleurs à Grudziadz.
  10. Wladyslaw Sulecki, mineur dans la mine de Glivice, a fait l'objet de diverses formes odieuses de harcèlement. En mai 1977, il fut battu par la police en présence de témoins; en septembre 1977, la police refusa d'intervenir lorsqu'il fut attaqué par un assaillant inconnu. Après que W. Sulecki fut entré dans la commission de rédaction de Robotnik, le harcèlement prit de nouvelles dimensions. Son supérieur fut remplacé par Marian Plonka, homme connu pour son attitude choquante envers les mineurs. M. Plonka affecta tout le temps Sulecki à d'autres tâches, ce qui diminue considérablement ses gains... Sulecki n'a pas reçu sa gratification, son casier à la mine a été forcé et Plonka l'a obligé à se soumettre à une fouille personnelle. Toute la famille Sulecki a fait l'objet de harcèlement... La police locale refuse d'intervenir ou d'aider de quelque façon que ce soit.
  11. A Radom, Leopold Gierek, membre de la commission de rédaction de Robotnik et l'un des fondateurs de l'édition Radom, a été détenu à plusieurs reprises et l'on a essayé de l'interroger. Lorsqu'elle pénétra dans son usine (ZREMB), la police mit en garde les collègues de L. Gierek de ne pas s'associer avec lui. A la fin du mois de décembre 1977, le délégué à la liberté surveillée menaça d'exécuter la condamnation avec sursis pour avoir pris part aux grèves de juin. Dans la fabrique où L. Gierek avait été condamné à travailler, les registres indiquant le nombre d'heures qu'il avait effectuées disparurent... Ainsi, L. Gierek fut obligé de travailler des heures supplémentaires dans le cadre de sa sentence.
  12. Le 13 décembre 1977, un dispositif d'écoute fut installé dans l'appartement d'Ewa Sobol et de ses parents, Eva Sobol travaille avec l'édition Radom de Robotnik. Nous avons les dispositifs d'écoute en notre possession.
  13. Le domicile de Kazimierz Sviton, réparateur de télévision à Katowice et activiste dans le Mouvement des droits de l'homme et des droits civils, est surveillé jour et nuit par la police et la police secrète. Ils photographient et interrogent les invités de Sviton. Son épouse reçoit des appels téléphoniques chaque jour avec des injures et des menaces...
  14. Ces activités illicites ont un but bien défini: la police secrète désire paralyser toutes les activités concernant les droits des travailleurs. Elle essaie d'effrayer, physiquement et moralement, les dirigeants des travailleurs."
  15. 302. Le comité KOR, ajoute la CISL, a encore indiqué que, le 28 mai 1978, la police était entrée de force à Gdansk chez Krzystop Wyszkowski, membre du Comité fondateur des syndicats de la côte baltique. Dix personnes auraient été arrêtées, notamment K. Wyszkowski, Josef Sreniovski et Blazej Muszkowski, du comité KOR, et Edwin Myszk, travailleur au chantier naval de Gdansk. Les trois premiers ont entamé une grève de la faim; quarante-huit heures plus tard, Blazej Muszkowski a été condamné par un juge local à deux mois de prison, "et cela, sans aucune forme de procès", pour être censé avoir gêné la police dans sa tâche; après leur libération, J. Sreniovski et K. Wyszkowski ont décidé de poursuivre leur grève de la faim par solidarité avec leur camarade.
  16. 303. Le Comité fondateur des syndicats libres de la côte baltique, explique le plaignant, composé de K. Wyszkowski, Andrzej Gwiazda et Antoni Sokolowski, s'est formé à Gdansk à la veille du 1er mai 1978. On lit notamment dans la déclaration qu'il a faite (et dont une traduction est jointe à la plainte):
  17. "Le mouvement syndical en Pologne a cessé d'exister il y a 30 ans. La liquidation du parti socialiste polonais, du parti des paysans et d'autres mouvements sociaux, en 1947, de même que la "centralisation" des syndicats ont conduit à la transformation de ces derniers en une représentation monopoliste de l'Etat patron; les syndicats ne sont plus une organisation de travailleurs. Le parti ouvrier unifié polonais a transformé l'action syndicale en une prolongation de ses propres structures et formé ainsi l'outil docile d'une expression organisée de toutes les couches sociales.
  18. ....
  19. La tâche des syndicats libres est d'organiser la défense des travailleurs. Les syndicats libres déclarent offrir leur aide et leur assistance à tous les travailleurs quelles que soient leurs convictions ou leur qualification.
  20. ....
  21. Nous sommes solidaires des objectifs du journal "Robotnik" et c'est dans ses colonnes ainsi que par l'intermédiaire de nos propres publications que nous allons informer l'opinion publique en ce qui concerne notre action.
  22. ....
  23. Nous appelons tous les travailleurs: ouvriers, employés et intellectuels afin qu'ils créent des représentations des travailleurs indépendants. La voie conduisant au but que nous nous sommes fixé peut passer également par les conseils d'entreprise, au sein desquels les militants indépendants seraient à élire, représentant effectivement les travailleurs qui les ont élus et défendant leurs intérêts. Nous souhaitons que notre initiative constitue le point de départ de diverses actions indépendantes sur le plan social..."
  24. 304. Une initiative similaire, poursuit la CISL, a été prise en février 1978 par d'autres travailleurs dans la région de Katowice; les membres du comité de Katowice sont: Kazimierz Switon, réparateur de télévision et membre du comité d'autodéfense sociale KOR, Wladislaw Sulecki, mineur et rédacteur de "Robotnik", Tadeusz Kicki, licencié en droit travaillant comme soudeur, et Roman Kscluszek, électricien.
  25. 305. Il ressort des événements décrits plus haut, estime la CISL, que la défense des intérêts des travailleurs n'est plus assurée par les syndicats officiels qui sont imposés à ceux-ci puisque seuls peuvent exister légalement les syndicats enregistrés auprès du Conseil central des syndicats. Le plaignant demande que soit garanti à tous les travailleurs le droit de fonder et de choisir des organisations syndicales les représentant et capables de défendre leurs intérêts. Il demande aussi la libération et la réintégration des travailleurs arrêtés et condamnés pour avoir participé à des grèves et à des manifestations ainsi que l'arrêt des tracasseries à l'encontre des travailleurs s'efforçant de se défendre eux-mêmes. Il demande enfin que l'affaire soit soumise à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale.
  26. B. Réponse du gouvernement
  27. 306. Le gouvernement souligne en premier lieu que la législation polonaise assure le respect des principes fondamentaux et des normes de la convention no 87 et que, dans la pratique, elle garantit les prérogatives des syndicats et les droits de l'ensemble des travailleurs dans une plus large mesure que dans la convention. La Constitution polonaise assure aux citoyens le droit de s'organiser, notamment en syndicats (article 84, paragr. 1 et 2), et précise qu'un rôle social particulier incombe à ces derniers qui constituent une organisation de caractère général, participant à l'élaboration et à la réalisation des plans de développement économique et social du pays; les syndicats représentent les intérêts et les droits des travailleurs et ils sont une école de participation et d'activité civique dans l'édification d'une société socialiste (article 85). Le code du travail de 1974, ajoute le gouvernement, confirme ce principe constitutionnel.
  28. 307. La législation polonaise, poursuit-il, assure aux syndicats et à leurs organisations dans les entreprises des prérogatives substantielles dans le domaine de la représentation et de la protection des intérêts des travailleurs. L'une des fonctions importantes des syndicats est le contrôle de l'application du droit du travail par les conseils d'entreprise et les instances syndicales ainsi que l'inspection sociale et professionnelle du travail qui relève des syndicats. Ces derniers participent aussi à l'élaboration des normes du droit du travail et de la sécurité sociale en soumettant des propositions à ce sujet et en prenant position à l'égard des projets soumis par les organes de l'Etat. De plus, ils coopèrent à l'application du droit du travail. Les syndicats développent leur activité en faveur de l'élimination des litiges dans le domaine des relations du travail et de l'arbitrage dans les conflits entre les travailleurs et l'administration des établissements. Une signification particulière est accordée dans ce domaine à la participation des syndicats aux organes de conciliation chargés d'examiner les litiges et les réclamations des travailleurs (commissions d'arbitrage, commissions de recours pour les questions de travail, conseils de surveillance auprès de l'Office des assurances sociales, tribunaux du travail et des assurances sociales) ainsi qu'à la représentation des travailleurs dans ces organes, y compris devant la Cour suprême. Le contrôle et l'intervention des syndicats sont de caractère institutionnel; un rôle particulier est confié aux conseils d'entreprise qui sont des organes de représentation de l'ensemble du personnel de l'établissement ou de l'institution; ceci démontre que les syndicats exercent pleinement leurs droits.
  29. 308. Représentant les différents groupes professionnels, déclare encore le gouvernement, les syndicats participent aux négociations et à la conclusion de conventions collectives avec les unités économiques de l'Etat, les organisations de coopératives et les unions des propriétaires des entreprises non nationalisées. Ces conventions déterminent les conditions de rémunération des travailleurs et l'octroi de prestations ainsi que les conditions de travail propres aux différentes branches économiques et aux différents groupes professionnels. Les conventions collectives constituent une partie intégrante du droit du travail; elles assurent, dans la plupart des cas, des conditions plus avantageuses, en fonction du travail accompli, que celles découlant des dispositions générales. D'après le gouvernement, les syndicats poursuivent également, pour toutes les Catégories professionnelles, de multiples activités en vue de la satisfaction des besoins matériels et culturels des travailleurs, entre autres, par leur participation dans la distribution de sommes provenant du fonds social et du fonds du logement dont disposent tous les établissements de travail. Les syndicats ont encore une influence sur les décisions de planification sociale et économique, d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement et sur toutes les questions concernant l'augmentation du revenu national et sa répartition ainsi que l'amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs et de leurs familles. Les syndicats jouent un rôle substantiel dans le fonctionnement de l'autogestion ouvrière dans les établissements de travail; des questions fondamentales pour le personnel et pour la collectivité sont ainsi décidées. Les syndicats déterminent l'orientation des activités des organes d'autogestion ouvrière (à l'échelon national et dans les différentes branches d'activité) et ils participent à l'examen des différends entre "l'autogestion ouvrière" et l'administration des établissements de travail et des unités économiques. Le gouvernement souligne que 96,6 pour cent des 11,6 millions de travailleurs appartiennent aux organisations syndicales qui existent dans toutes les entreprises; l'adhésion au syndicat est volontaire.
  30. 309. La liberté d'action des syndicats, précise le gouvernement, s'exprime avant tout dans le fait qu'ils ne sont pas soumis au contrôle de l'administration publique et qu'ils déterminent, dans leur propre cadre, leurs tâches, leurs objectifs et les domaines de leurs activités. Les fondements juridiques et la pratique en vigueur en Pologne créent les conditions d'une pleine autonomie du mouvement syndical; celle-ci se manifeste par la non-ingérence des autorités publiques dans leurs affaires internes qui sont régies par les dispositions des statuts adoptés par les organes syndicaux compétents; toutes les instances syndicales sont responsables de leur activité statutaire vis-à-vis de leurs électeurs.
  31. 310. La seule condition exigée d'un syndicat pour qu'il obtienne la personnalité juridique, explique le gouvernement, est l'obligation de s'inscrire au registre des syndicats tenu par le Conseil central des syndicats. Cette obligation, prévue à l'article 9 de la loi du 1er juillet 1949 sur les syndicats, fait l'objet d'observations formulées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations; le gouvernement rappelle que, dans ses rapports périodiques sur l'application de la convention No 87, il a été indiqué que les travaux visant à modifier les dispositions législatives sur les syndicats sont en cours en vue d'aboutir à une conformité formelle des dispositions pertinentes avec les dispositions de la convention no 87. Il a également été signalé que des travaux législatifs de ce genre demandent en principe un certain temps, notamment quand ils concernent un problème aussi important que les activités générales des syndicats et leur rôle dans la vie économique et sociale du pays.
  32. 311. Les renseignements cités dans la plainte de la CISL, observe le gouvernement, se rapportent aux activités de caractère politique auxquels les auteurs de ces informations s'efforcent de conférer les apparences d'une activité syndicale. La déclaration du "comité" qui est jointe à la plainte confirme, selon lui, que ses auteurs présentent au premier plan des revendications de nature politique et poursuivent des objectifs de même caractère. Le gouvernement arrive de ce fait à la conclusion qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une organisation syndicale et souligne que le Comité de la liberté syndicale s'est référé à plusieurs reprises à une résolution adoptée en 1952 par la Conférence internationale du Travail concernant l'indépendance du mouvement syndical. Le comité a estimé, ajoute-t-il, "qu'il serait souhaitable que les organisations professionnelles limitent leur activité - sans préjudice de la liberté d'opinion de leurs membres - aux domaines professionnel et syndical et que le gouvernement, d'autre part, s'abstienne d'intervenir dans le fonctionnement des syndicats". L'activité de nature politique, poursuit-il, ne peut être examinée dans le cadre des normes nationales et internationales relatives au droit du travail. En outre, tous les droits des citoyens de la République populaire de Pologne sont garantis par la Constitution et les lois pertinentes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 312. Les allégations présentées par la CISL portent en premier lieu sur différentes dispositions de la loi du 1er juillet 1949 sur les syndicats professionnels qui ont fait l'objet de commentaires de la part de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en rapport avec le droit pour les travailleurs de constituer sans autorisation préalable des organisations de leur choix ainsi que le droit pour ces organisations d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action (articles 2 et 3 de la convention no 87). Les allégations ont trait aussi de manière précise à des représailles que les autorités exerceraient à l'encontre de plusieurs membres du Comité d'autodéfense sociale (KOR) ainsi que du Comité fondateur des syndicats de la côte baltique et d'un comité analogue dans la région de Katovice.
  2. 313. A propos de la législation sur les syndicats, le gouvernement (après avoir décrit le rôle et les droits des syndicats en Pologne) rappelle les déclarations qu'il a faites dans les rapports concernant la convention no 87 communiqués au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT et indique que les travaux visant à modifier les dispositions législatives relatives aux syndicats sont en cours en vue d'aboutir à une conformité formelle de ces dispositions avec les normes de la convention no 87. Une réforme aussi importante, ajoute-t-il, puisqu'elle concerne les activités générales des syndicats et leur rôle particulier dans la vie économique et sociale du pays, exige un certain temps.
  3. 314. Le comité a déjà été appelé à étudier les dispositions de la loi du 1er juillet 1949 sur les syndicats professionnels lors de l'examen à sa session de novembre 1956 du cas no 58 relatif à la Pologne. Citant les articles 3 et 5 à 9 de cette loi, le comité avait estimé qu'à première vue seule la Confédération des syndicats professionnels est habilitée, sur le plan national, à représenter le mouvement syndical de Pologne (article 5), à définir conjointement avec les syndicats affiliés les tâches, les buts et la sphère d'activité des syndicats (article 3) et à conférer à ceux-ci la personnalité juridique par l'inscription au registre des syndicats. Ainsi, ajoutait-il, dans le cadre de cette loi, une organisation ne semblait pas pouvoir se constituer sans l'assentiment ou contrairement aux dispositions prévues à cet effet par les organes compétents de la Confédération des syndicats professionnels de Pologne.
  4. 315. Le comité s'était ensuite référé aux statuts de la Confédération des syndicats (adoptés en 1954). Ceux-ci prévoyaient que les statuts de chaque syndicat doivent se fonder sur ceux de la confédération. Aussi, poursuivait le comité, les organisations de travailleurs désireuses de se faire enregistrer auprès de la confédération devaient accepter les différents principes fondamentaux énoncés dans les statuts de la confédération, notamment la reconnaissance du rôle directeur du Parti unifié des travailleurs polonais. La formation des organisations professionnelles semblait donc, en outre, subordonnée à certaines conditions de caractère politique.
  5. 316. Le comité avait notamment rappelé qu'aux termes de la convention no 87, les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, doivent avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix; si, dans l'exercice de ce droit, les travailleurs sont tenus - à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées - de respecter la légalité, la législation nationale ne doit pas porter atteinte (ni être appliquée de manière à porter atteinte) à ces principes fondamentaux. Le droit pour les travailleurs de créer librement des organisations de leur choix - et celui de s'y affilier - ne peut être considéré comme existant que s'il est pleinement reconnu et respecté tant en fait qu'en droit.
  6. 317. Le comité observe, d'autre part, que la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé des commentaires sur ce point en rapport avec l'application par la Pologne de la convention no 87. Elle a notamment examiné, entre autres questions, ce problème lors de sa dernière session (mars 1979) et s'est exprimée dans une observation en les termes suivants:
  7. "La commission tient toutefois à rappeler la question qu'elle a soulevée précédemment à propos de la loi du 1er Juillet 1949 sur les syndicats professionnels, à savoir le droit pour tous les travailleurs, quel que soit leur secteur d'activité, de constituer, sans autorisation préalable, des organisations de leur choix. La commission estime que le code du travail de 1974 - qui, à différentes reprises (voir notamment l'article 240 concernant les conventions collectives), cite nommément le Conseil central des syndicats - ne semble pas non plus laisser aux travailleurs, si tel est leur désir, la possibilité de constituer des organisations syndicales en dehors du Conseil central des syndicats et accorder à de telles organisations le bénéfice des garanties prévues par la convention.
  8. ....
  9. Le gouvernement confirme par ailleurs que les travaux relatifs à la préparation de la nouvelle loi sur les syndicats se poursuivent. La commission veut croire que ces travaux seront terminés dans un très proche avenir et que les dispositions adoptées tiendront compte des considérations qui précèdent ainsi que des observations formulées antérieurement par la commission sur les points qui ne sont pas conformes à la convention."
  10. 318. Le comité relève la déclaration du gouvernement selon laquelle la révision des dispositions législatives sur les syndicats est en cours en vue d'aboutir à une conformité formelle de ces dispositions avec les normes de la convention no 87. Le comité rappelle que le gouvernement se réfère depuis 1973, dans ses rapports au titre de l'article 22 de la constitution de l'OIT sur l'application de la convention no 87, à son intention d'apporter des modifications à sa législation. Afin de pouvoir arriver à des conclusions en pleine connaissance de cause, le comité estime souhaitable d'obtenir des informations complémentaires sur tout développement qui interviendrait en ce domaine, notamment sur le texte des modifications envisagées dans la loi en projet afin de permettre au comité de formuler des commentaires à cet égard ainsi que sur la date à laquelle le gouvernement prévoit l'adoption et l'application du texte définitif.
  11. 319. A propos des représailles qui, selon les allégations, seraient exercées par les autorités à l'encontre de plusieurs membres du Comité d'autodéfense sociale (KOR), du Comité fondateur des syndicats de la côte baltique et d'un comité analogue dans la région de Katowice, le gouvernement déclare, de façon générale, que ces organisations exercent des activités de caractère politique et non pas syndical. Selon le plaignant, néanmoins, les différentes organisations qui se sont constituées ont en vue la défense des intérêts des travailleurs face à ce qu'elles considèrent comme l'inefficacité des syndicats du pays, notamment lors des arrestations, des condamnations et des licenciements qui ont suivi divers mouvements de grève et de manifestations. Le plaignant a, d'autre part, fourni des renseignements sur l'identité des membres de ces organisations qui auraient fait l'objet de représailles ainsi que sur la nature et les dates des mesures prises contre eux. Le gouvernement ne communique pas d'indications concrètes en réponse à ces allégations.
  12. 320. Le comité tient à rappeler que 1"article 10 de la convention no 87 contient une définition très large du terme "organisation". Selon cet article, en effet: "Dans la présente convention, le terme "organisation" signifie toute organisation de travailleurs ou d'employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs." Il ressort des informations figurant au paragraphe 303 que l'organisation concernée poursuit des objectifs qui sont couverts par l'article 10 précité. Le comité estime en outre qu'une organisation de travailleurs doit être considérée comme telle même si elle n'est pas en mesure de remplir les tâches dévolues spécifiquement aux syndicats, comme, par exemple, la négociation collective.
  13. 321. En conséquence, le comité estime nécessaire, afin de pouvoir procéder à l'examen de cet aspect du cas en pleine connaissance des faits, de recevoir les observations du gouvernement sur les allégations concernant les mesures qui auraient été prises à l'encontre de MM. K. Switon, W. Sulecki et des autres personnes citées par le plaignant, sur les motifs de l'arrestation de K. Wyszkowski, J. Sreniowski et E. Myszk et de la condamnation de B. Muszkowski à deux mois de prison, ainsi que sur la situation actuelle de ces différentes personnes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 322. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des dispositions législatives sur les syndicats:
  2. 1) de noter la déclaration du gouvernement selon laquelle la révision - annoncée depuis plusieurs années - de ces dispositions législatives est en cours en vue d'aboutir à une conformité formelle de celles-ci avec les normes de la convention no 87;
  3. 2) de demander instamment au gouvernement de communiquer des informations sur tout développement qui interviendrait en ce domaine, notamment sur le texte des modifications envisagées dans la loi en projet afin de permettre au comité de formuler des commentaires à cet égard ainsi que sur la date à laquelle le gouvernement prévoit l'adoption et l'application du texte définitif de celle-ci;
    • b) au sujet des allégations concernant le sort de plusieurs membres des comités mentionnés par le plaignant, d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations et les principes exposés aux paragraphes 319 et 320, et de prier le gouvernement de fournir ses observations sur les mesures qui auraient été prises à l'encontre de MM. K. Switon, W. Sulecki et des autres personnes citées par le plaignant, sur les motifs de l'arrestation de K. Wyszkowski, J. Sreniowski et E. Myszk et de la condamnation de B. Muszkowski à deux mois de prison ainsi que sur la situation actuelle de ces différentes personnes;
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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