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Rapport intérimaire - Rapport No. 194, Juin 1979

Cas no 914 (Nicaragua) - Date de la plainte: 27-FÉVR.-78 - Clos

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  1. 263. Les plaintes figurent dans diverses communications envoyées par la Confédération mondiale du travail (CMT), les 27 février et 6 octobre 1978 et le 30 avril 1979, par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), le 1er mars 1978 et le 27 avril 1979, par la Fédération syndicale mondiale (FSM), le 31 janvier et le 27 avril 1979, et par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), le 11 janvier, le 23 février et le 8 mars 1979. Le gouvernement a adressé ses informations sur les questions soulevées dans les plaintes par les communications datées des 31 mai 1978, 16, 20 et 22 février et des 26 et 27 mars 1979.
  2. 264. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives aux mesures prises contre la CTN

A. Allégations relatives aux mesures prises contre la CTN
  1. 265. Par une lettre du 27 février 1978, la Confédération mondiale du travail (CMT) a allégué que, le 24 de ce même mois, la police du Nicaragua avait arrêté MM. Carlos Huembes et Enrique Velarde, dirigeants de la CTN, organisation nationale affiliée à la CMT. L'organisation plaignante disait savoir que ces personnes avaient été maltraitées par la police et ajoutait que les forces de sécurité et les forces armées avaient investi le siège de la CTN à Managua. Par un télégramme du 1er mars 1978, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a formulé des allégations identiques en précisant que l'organisation en question est la "Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN)", affiliée à la CLAT et à la CMT. Dans une communication ultérieure du 6 octobre 1978, la CMT se référait à nouveau à l'occupation du siège de la CTN par les forces armées et faisait savoir que six des dirigeants nationaux de cette organisation avaient été arrêtés et avaient ensuite disparu. Enfin, la CLAT et la CMT, par deux communications datées respectivement des 27 et 30 avril 1979, ont allégué que M. Enrique Velarde avait à nouveau été arrêté à Managua alors qu'il faisait des démarches au ministère du Travail.
  2. 266. Par une communication du 31 mai 1978, le gouvernement a indiqué qu'aucune association de travailleurs n'était inscrite au ministère du Travail sous la désignation mentionnée par les plaignants. Il a signalé à cet égard que selon la législation nationale (article 13 du Règlement des associations syndicales), il faut, pour qu'une organisation syndicale ait une existence légale, qu'elle soit enregistrée auprès du Département des associations de ce ministère. Le gouvernement a fourni une liste de toutes les organisations syndicales enregistrées ainsi qu'une attestation du département concerné, confirmant que ladite Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) n'existait pas juridiquement. Le gouvernement a signalé, d'autre part, que l'arrestation de MM. Huembes et Velarde n'avait aucun rapport avec l'activité syndicale, mais était liée à des activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat et à l'ordre public. Le gouvernement a cité un rapport de police selon lequel ces personnes avaient été arrêtées pour avoir eu en leur possession des documents subversifs mais qu'elles avaient été laissées en liberté le 3 mars 1978. Le gouvernement a ajouté qu'il n'y avait aucune violation de la liberté syndicale et que les plaintes étaient mensongères et inspirées par des objectifs très éloignés de ceux que poursuit l'OIT.
  3. 267. En vertu de la procédure en vigueur, il appartient au Bureau, lorsqu'il reçoit des observations du gouvernement intéressé en réponse à une plainte, de vérifier - sans pour autant aborder le fond de la question - si ces observations contiennent des informations suffisantes pour permettre au comité d'apprécier l'affaire et, le cas échéant, d'écrire directement au gouvernement, au nom du comité, pour lui signaler qu'il serait souhaitable qu'il apporte des éléments d'information plus précis quant aux points soulevés par les plaignants. Dans le cas présent, par une lettre du 16 juin 1978, le Bureau a demandé au gouvernement qu'il envoie des précisions sur les raisons qui ont motivé l'occupation, en février 1978, du local mentionné dans la plainte, ainsi que des détails sur les faits précis imputés à MM. Carlos Huembes et Enrique Velarde et, en particulier, sur la nature des documents trouvés en leur possession. Lors de ses réunions de novembre 1978 et de février 1979, le comité a renvoyé l'examen de ces allégations. Jusqu'à présent aucune des informations complémentaires sollicitées du gouvernement n'ont été reçues.
  4. 268. En réponse à la nouvelle plainte de la CMT, en date du 6 octobre 1978, le gouvernement réitère, dans une communication du 20 février 1979, que la CTN n'a pas d'existence légale et n'est pas enregistrée auprès du ministère du Travail. Le gouvernement note que ces nouvelles allégations relatives à l'occupation du local de la CTN, ainsi que l'arrestation et la disparition de six de ses dirigeants sont imprécises étant donné que la date de ces mesures n'est pas indiquée, ni le nom des intéressés. Il ajoute que cette affaire n'a fait l'objet d'aucune plainte devant les tribunaux judiciaires et que la prétendue disparition de citoyens qui, en fait, sont passés dans la clandestinité afin de grossir les forces qui cherchent à renverser l'ordre constitutionnel n'est qu'un aspect de la campagne de subversion lancée contre le Nicaragua.
  5. 269. Le comité désire rappeler que, pour apprécier le caractère professionnel d'une organisation, il ne s'est jamais estimé lié par une définition nationale en ce domaine; il a déclaré, par exemple, que l'absence du dépôt des statuts, qui peut être imposé aux syndicats par la législation, ne constituait pas une raison suffisante pour déclarer une plainte non recevable, étant donné que les principes de la liberté syndicale exigent justement que les travailleurs puissent, sans autorisation préalable, constituer les organisations de leur choix pour promouvoir et défendre leurs intérêts. En outre, comme le comité l'a également indiqué dans un autre cas antérieur, l'absence d'une reconnaissance officielle d'une organisation ne peut justifier le rejet des allégations lorsqu'il ressort des plaintes que cette organisation a, pour le moins, une existence de faits.
  6. 270. D'autre part, compte tenu de certaines considérations supplémentaires formulées par le gouvernement, le comité rappelle que déjà, dans son premier rapport, il a formulé quelques principes sur l'examen des plaintes auxquelles le gouvernement concerné attribue un caractère politique. Le comité a indiqué à cet égard que même si certaines allégations sont d'origine politique ou présentent certains aspects politiques elles devraient être étudiées quant au fond si elles soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux. En l'espèce, les allégations présentées concernent l'occupation du siège d'une organisation de travailleurs et l'arrestation de dirigeants syndicaux.
  7. 271. Dans ces circonstances, compte tenu du fait que les plaignants ont formulé des allégations précises dans les plaintes du 27 février et du 1er mars 1978, le comité estime nécessaire de recommander au Conseil d'administration qu'il prie le gouvernement d'envoyer, dès que possible, les informations complémentaires qui lui avaient été demandées comme indiqué au paragraphe 267 ci-dessus, ainsi que ses observations sur les allégations relatives à la nouvelle arrestation de M. Velarde au mois d'avril 1979.
    • Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux du secteur de la santé
  8. 272. Par un télégramme du 31 janvier 1979, envoyé conjointement avec l'Union internationale des syndicats de travailleurs des services publics et assimilés, la Fédération syndicale mondiale a demandé que des mesures soient prises pour assurer le respect des droits syndicaux des travailleurs de la santé du Nicaragua, ajoutant qu'elle craignait pour la vie des participants à une grève de la faim et que des dirigeants syndicaux du secteur de la santé avaient été arrêtés.
  9. 273. Par un télégramme du 22 février 1979, le gouvernement a répondu qu'il garantit le respect des droits syndicaux des travailleurs de la santé, ajoutant que les participants à la grève de la faim y avaient mis volontairement un terme et que les autorités compétentes l'avaient informé qu'aucun dirigeant syndical n'était détenu.
  10. 274. Compte tenu de ces informations communiquées par le gouvernement, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
    • Allégations relatives à la mort du dirigeant syndical Luis Medrano Flores
  11. 275. Dans ses communications du 11 janvier, du 23 février et du 8 mars 1979, la confédération internationale des syndicats libres s'est référée au meurtre perpétré à Managua de Luis Medrano Flores, secrétaire général de la Confédération de l'unification syndicale, organisation de travailleurs du Nicaragua, affiliée à la CISL. L'organisation plaignante a déclaré que M. Medrano Flores avait été tué le 9 janvier de la même année alors qu'il distribuait des tracts annonçant une manifestation et qu'il y avait des raisons de croire que les meurtriers étaient des membres de la Garde nationale habillés en civil. Selon les informations complémentaires envoyées par la CISL, le meurtre aurait été commis par les membres d'une patrouille, qui circulaient sans uniforme, dans une voiture privée. Il s'agirait de personnes qui fréquentaient le poste XIII de la police. Selon les allégations, M. Medrano Flores marchait en compagnie d'un frère et d'une autre personne lorsque, venant de l'automobile, on entendit lancer l'ordre: "Le voilà, tirez sur lui", ce qui indiquerait qu'on le cherchait pour le tuer, Le 12 janvier 1979, les autorités présentèrent une personne qui se disait coupable de la mort de Luis Medrano Flores, bien que sa description ne corresponde pas à celle des témoins du crime. Le comité exécutif de la Confédération de l'unification syndicale a estimé que la responsabilité en incombait au gouvernement étant donné qu'il était impossible que quiconque vêtu en civil puisse s'introduire dans une caserne, prendre un fusil, sortir dans la rue et tirer sur un passant.
  12. 276. Le gouvernement a envoyé ses observations et informations complémentaires dans un télégramme du 10 janvier et dans trois lettres du 16 février et des 26 et 27 mars 1979. Il a fait savoir que M. Mario José Pérez Rodriguez avait été identifié comme l'auteur de la mort de M. Medrano Flores et mis à la disposition de la justice. Le gouvernement a fourni le texte du mandat d'arrêt rendu par un juge pénal de Managua dont les attendus indiquent que Pérez Rodríguez avait déclaré avoir commis le crime de façon accidentelle alors que, armé d'un fusil, il s'efforçait de capturer M. Medrano Flores mais avait admis qu'il n'était pas autorisé ni à porter une arme ni à capturer quiconque. Le mandat d'arrêt indique que M. Pérez Rodriguez est étudiant et que deux autres personnes (L. Garcia Mairená et F.J. Pérez Gutiérrez) qui avaient voulu l'aider à capturer M. Medrano Flores avaient été également arrêtées.
  13. 277. Le gouvernement indique que le procès criminel suit son cours et que le pouvoir judiciaire agit en toute indépendance de l'exécutif. Il déclare, en outre, que contrairement à ce qu'affirment certaines plaintes il a pour politique de favoriser la liberté syndicale, que jamais il n'approuverait des violations des droits syndicaux et qu'il avait démontré au contraire son respect des engagements contractés en ce qui concerne ces droits ainsi que les droits de l'homme.
  14. 278. Le comité ne peut qu'exprimer sa préoccupation devant la gravité des allégations concernant l'assassinat d'un syndicaliste. Dans des cas analogues, le comité a insisté sur la nécessité d'ordonner une enquête indépendante et impartiale pour éclaircir les faits et établir les responsabilités. En l'espèce, le gouvernement a fourni des informations qui montrent que des poursuites pénales ont été engagées contre l'auteur présumé du décès et ses deux complices. A cet égard, et suivant la pratique appliquée dans d'autres cas antérieurs, le comité estime nécessaire de prier le gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête judiciaire et de lui communiquer avec ses attendus le texte du jugement qui aura été prononcé.
    • Autres allégations
  15. 279. Selon les allégations présentées dans la communication de la CISL, du 23 février 1979, des menaces de mort seraient adressées à des membres de la Confédération de l'unification syndicale (CUS). Il semble en outre que, le 16 janvier 1979, le domicile du secrétaire aux conflits du travail de ladite confédération, M. Mariano Mendoza, a été investi par 15 membres de la Garde nationale, ainsi que par d'autres personnes dont le visage était dissimulé par un foulard sans présentation d'aucun mandat de quelque autorité que ce soit. A cette occasion, le fils de M. Mendoza a été arrêté et interrogé sur les activités de son père ainsi que sur celles de M. Medrano Flores, ce qui serait la preuve d'une véritable persécution des dirigeants de la CUS. Par sa communication du 27 avril 1979, la FSM allègue que M. Domingo Sánchez Salgado, dirigeant de la CGT du Nicaragua, a été récemment arrêté par la police.
  16. 280. Dans sa réponse aux allégations de la CISL, le gouvernement déclare que les services de police n'exercent aucune répression contre aucune organisation syndicale ni contre ses membres. En ce qui concerne les allégations relatives à la violation du domicile de M. Mendoza, le gouvernement indique qu'il enverra des informations complémentaires dès qu'il aura reçu des autorités compétentes les rapports qu'il leur a demandés.
  17. 281. Le comité prend note de cette déclaration du gouvernement et se propose de soumettre ses conclusions sur cet aspect du cas lorsqu'il aura reçu ces informations complémentaires ainsi que les observations du gouvernement sur les allégations relatives à l'arrestation de M. Sánchez Salgado.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 282. Dans ces conditions, et à propos de l'ensemble de ces cas, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer sa préoccupation devant la gravité des allégations concernant le meurtre et l'arrestation de syndicalistes, les violations de locaux syndicaux ainsi que la situation générale d'insécurité des syndicalistes;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux du secteur de la santé, de décider, compte tenu des informations communiquées par le gouvernement (voir paragraphe 273 ci-dessus), qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures prises contre la CTN, de signaler que l'absence d'une reconnaissance officielle d'une organisation ne peut justifier le rejet des allégations lorsqu'il ressort des plaintes que cette organisation a, pour le moins, une existence de fait et de prier instamment le gouvernement de fournir, le plus tôt possible, des informations complémentaires sur les motifs de la violation du siège de cette organisation en février 1978, des précisions sur les faits imputés à MM. Carlos Huembes et Enrique Velarde (et, en particulier, sur la nature des documents trouvés en leur possession), ainsi que ses observations sur la détention alléguée de M. Velarde en avril 1979;
    • d) en ce qui concerne les allégations relatives à la mort du dirigeant syndical Luis Medrano Flores, d'exprimer sa préoccupation, de demander instamment au gouvernement de le tenir informé des résultats des poursuites judiciaires engagées contre l'auteur présumé de ce crime et contre ses complices et de lui communiquer le texte des jugements rendus avec leurs attendus dès qu'il aura été prononcé;
    • e) en ce qui concerne les autres allégations mentionnées au paragraphe 280 ci-dessus, de demander au gouvernement de fournir d'urgence les informations complémentaires promises par le gouvernement, comme indiqué au paragraphe 281, ainsi que ses observations sur la détention alléguée de M. Sánchez Salgado;
    • f) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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