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Rapport intérimaire - Rapport No. 197, Novembre 1979

Cas no 916 (Pérou) - Date de la plainte: 27-SEPT.-78 - Clos

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  1. 514. Les plaintes figurent dans des communications envoyées par la Fédération des travailleurs de l'Entreprise nationale de télécommunications du Pérou (FETENTEL) (27 septembre 1978), le Congrès permanent de l'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL) (11 janvier 1979), la Confédération mondiale du travail (CMT) (2 mars et 13 juin 1979) et par trois délégués travailleurs à la 65e réunion de la Conférence internationale du Travail, avec l'appui de la CMT et de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) (20 juin 199), ainsi que dans une lettre envoyée par l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux, en date du 8 octobre 1979. Le gouvernement a présenté des observations dans des communications datées des 21 mai, 24 août et 26 octobre 1979.
  2. 515. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 516. Les allégations portent, d'une part, sur des questions relatives à la négociation collective dans le secteur des télécommunications et, d'autre part, sur des arrestations de travailleurs et de syndicalistes du Syndicat des téléphones, dans certaines zones agricoles, et dans une fabriqué de textiles où plusieurs travailleurs auraient été tués dans un affrontement entre des grévistes et les forces de l'ordre.

A. Allégations relatives à la négociation collective

A. Allégations relatives à la négociation collective
  1. 517. La FETENTEL, dans sa communication du 27 septembre 1978, fait état d'obstacles destinés à empêcher la négociation collective d'accords sur les salaires valables pour l'ensemble des travailleurs des télécommunications de l'Entreprise nationale des télécommunications. En outre, la direction de l'entreprise viserait à fractionner la fédération, en négociant directement avec certains syndicats de base, sous la condition qu'ils se séparent de la fédération.
  2. 518. Dans ses observations à ce propos, datées du 21 mai 1979, le gouvernement fait valoir que le cahier des revendications nationales présenté par la FETENTEL a abouti à la conclusion d'une convention avec cette fédération, en date du 20 octobre 1978, dont une copie est jointe à la communication du gouvernement.
  3. 519. En ce qui concerne la négociation avec des syndicats de base, la direction de l'Entreprise nationale des télécommunications, dans une lettre dont copie a été jointe par le gouvernement à ses observations, explique que des négociations salariales ont été engagées avec certains syndicats parce que ces derniers avaient quitté la FETENTEL et présenté leur propre cahier de revendications, et parce que les autorités du travail s'étaient prononcées en faveur de l'ouverture de négociations directes. L'entreprise, poursuit la lettre, a toujours évité toute intervention tendant à limiter le droit d'association ou à en empêcher l'exercice légal, laissant travailleurs et syndicats libres d'agir conformément à leurs intérêts. Par ailleurs, le gouvernement explique que la FETENTEL ne saurait prétendre à représenter la totalité des travailleurs de l'entreprise et que sa représentativité est limitée aux syndicats affiliés à l'organisation mère.
  4. 520. Le comité constate que, selon les informations fournies par le gouvernement, un accord est effectivement intervenu entre la fédération et l'Entreprise nationale des télécommunications. Il considère que les plaignants n'ont pas apporté des preuves à l'appui de leur allégation relative à des actes d'ingérence de la part de la direction de l'entreprise et qu'il n'y a donc pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
    • Allégations relatives à la mort et à des arrestations de syndicalistes
  5. 521. En termes généraux, le CPUSTAL, dans son télégramme du 11 janvier 1979, se réfère à la répression, voire la persécution, exercée contre le mouvement syndical, à la violation de locaux syndicaux et à l'arrestation de certains syndicalistes.
  6. 522. La CMT, dans sa lettre du 2 mars 1979, indique que, dans la région de Talandracas et Bagua Chica, des paysans qui revendiquaient de meilleures conditions de travail ont été durement réprimés par les forces de sécurité.
  7. 523. Dans la même communication, la CMT fait état de l'arrestation de la direction nationale tout entière du Syndicat des téléphones et de sa détention dans les prisons de la sécurité d'Etat à Lima. Cette arrestation aurait des raisons strictement syndicales, selon les plaignants.
  8. 524. La CMT se réfère en outre (toujours dans sa communication du 2 mars 1979) à des "événements graves" survenus dans la fabrique de textiles CROMOTEX, où des revendications salariales auraient été réprimées par l'intervention des forces armées. Selon la CMT, le gouvernement poursuivrait une politique de répression des mouvements de travailleurs. La CMT suggère l'envoi d'une mission du BIT pour étudier la situation syndicale au Pérou. Dans un télégramme du 13 juin 1979, la CMT répète que la situation est très grave et demande la libération des travailleurs emprisonnés.
  9. 525. Le 20 juin 1979, trois délégués travailleurs à la Conférence internationale du Travail, avec l'appui de la CMT et de la CLAT, font état de la détention de syndicalistes depuis six mois pour avoir organisé une grève dans l'entreprise CROMOTEX. Ces syndicalistes n'ont pas été jugés et ils risqueraient des peines de prison à vie, voire des peines de mort. A ce sujet, la plainte de l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux, datée du 8 octobre 1979, indique qu'à l'occasion de l'intervention de la police dans cette entreprise, en février 1979, plusieurs travailleurs ont été tués et d'autres blessés; 26 travailleurs seraient actuellement détenus en rapport avec cette affaire, dont 4 accusés de la mort d'un capitaine de la garde civile.
  10. 526. Pour les événements survenus dans le secteur agricole à Talandracas et Bagua Chica, le gouvernement, dans sa réponse du 24 août, indique qu'il s'agissait dans les deux cas d'occupation de terres. Des affrontements avec les forces de l'ordre, lors des opérations d'expulsion, ont fait plusieurs victimes et des arrestations ont été opérées.
  11. 527. En ce qui concerne le Syndicat des téléphones, le gouvernement, dans sa réponse du 24 août 1979, précise que deux personnes ont été licenciées, preuve ayant été faite de leur participation à des actes de sabotage des installations de la Compagnie péruvienne des téléphones, au cours d'une grève qui a eu lieu le 28 décembre 1978. D'autres personnes avaient été arrêtées en raison des mêmes actes, mais leur participation directe n'ayant pas été prouvée, elles ont été libérées et ont repris le travail, et leur cas fait l'objet d'une enquête de la deuxième zone de la police judiciaire.
  12. 528. Quant aux événements dans l'entreprise CROMOTEX, le gouvernement indique, dans sa réponse du 24 août, qu'en janvier 1979, la quasi-totalité des travailleurs ont occupé des locaux de la fabrique et y ont organisé, avec la collaboration d'éléments extrémistes connus, un système de défense en s'armant d'explosifs. En date du 4 février 1979, le juge ordonna l'expulsion des occupants. Les affrontements avec les forces de police provoquèrent la mort d'un capitaine de la garde civile, et firent plusieurs blessés parmi les membres de la police. Quant aux occupants, ils comptèrent cinq morts; 25 personnes ont été arrêtées, qui étaient impliquées dans la mort du capitaine de la garde civile. D'autres ont été relâchées après qu'il eut été prouvé qu'elles n'avaient qu'une responsabilité minime dans les faits. Dans sa communication du 26 octobre 1979, le gouvernement indique que le procès instruit devant les juridictions militaires contre quatre travailleurs est sur le point de se terminer, et que les travailleurs jugés précédemment ont été réintégrés dans leur travail ou licenciés avec indemnités.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 529. Le comité, pour ce qui est des paysans de Talandracas et Bagua Chica, note que, bien que les plaignants aient allégué que les événements rapportés aient eu lieu à l'occasion de revendications pour de meilleures conditions de travail, il n'est pas établi que les faits mentionnés comportent un élément clairement syndical, les plaignants n'ayant pas fourni de précisions à ce sujet. Selon les informations fournies par le gouvernement, il s'agissait de problèmes liés à l'occupation de terres. Le comité considère, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas.
  2. 530. Le comité note que, selon le gouvernement, des personnes soupçonnées d'être impliquées dans des actes de sabotage contre la Compagnie des téléphones à l'occasion d'une grève avaient été arrêtées mais qu'elles ont été ensuite libérées et qu'elles font l'objet d'une enquête. Le gouvernement n'indique pas si parmi ces personnes se trouvent les dirigeants du Syndicat des téléphones auxquels les plaignants se sont référés. Afin de pouvoir formuler ses conclusions en pleine connaissance des faits, le comité souhaite demander au gouvernement de préciser la situation actuelle de ces dirigeants, ainsi que des informations sur les résultats de l'enquête en question.
  3. 531. Le comité note, en outre, qu'un certain nombre de personnes, arrêtées en raison d'événements survenus dans l'entreprise CROMOTEX, ont été libérées. Certains syndicalistes sont toutefois toujours en état d'arrestation et risqueraient, selon les plaignants, de lourdes peines. Les informations fournies par le gouvernement confirment l'extrême gravité des événements à l'origine de ces arrestations. A l'occasion d'une grève avec occupation de l'entreprise, un affrontement de la police avec les travailleurs a eu notamment pour résultat la mort de plusieurs de ces derniers ainsi que d'un officier de police.
  4. 532. Dans des cas antérieurs, le comité a souligné que l'institution, par les soins du gouvernement intéressé, d'une enquête indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir les faits et déterminer les responsabilités lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vies humaines. Dans le cas présent, il estime nécessaire, avant de poursuivre l'examen de cet aspect de la question, de demander au gouvernement d'indiquer si une telle enquête a été engagée et, dans l'affirmative, de préciser les résultats de celle-ci. Le comité note que quatre travailleurs sont actuellement soumis à un procès devant les juridictions militaires et prie le gouvernement de communiquer le texte des jugements qui interviendront et de leurs attendus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 533. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter qu'un accord est intervenu entre la. FETENTEL et l'Entreprise nationale des télécommunications, et de décider que les allégations qui portaient sur cette entreprise n'appellent pas d'examen plus approfondi;
    • b) de demander au gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle des dirigeants du Syndicat des téléphones ainsi que sur les résultats de l'enquête engagée à l'encontre de certains membres de ce syndicat à la suite d'une grève;
    • c) de déplorer la gravité des événements qui ont eu lieu au sein de l'entreprise CROMOTEX et qui ont provoqué la mort de plusieurs personnes, ainsi que de demander au gouvernement d'indiquer si une enquête a été engagée pour déterminer les responsabilités dans ces décès et, dans l'affirmative, d'en préciser les résultats;
    • d) de noter que quatre travailleurs sont actuellement soumis à procès et de prier le gouvernement de fournir le texte des jugements qui interviendront et de leurs attendus;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire.
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