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Rapport intérimaire - Rapport No. 199, Mars 1980

Cas no 922 (Inde) - Date de la plainte: 29-JANV.-79 - Clos

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  1. 260. La plainte du Syndicat de Balmer Laverie and Co. figure dans deux lettres en date des 29 janvier et 5 mars 1979, et la plainte du Syndicat national des travailleurs des courses de l'Inde figure dans une communication en date du 22 février 1979. Le gouvernement a communiqué sa réponse dans une lettre en date du 13 décembre 1979.
  2. 261. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 262. Le Syndicat de Balmer Lawrie and Co. (que nous désignerons ci-après sous son sigle anglais BLSU) déclare qu'aux termes du Code de discipline dans les relations professionnelles, série de principes adoptés par le gouvernement en 1958 pour orienter les relations entre les organisations d'employeurs et les syndicats, un employeur est tenu de reconnaître un syndicat dans l'établissement si ce syndicat a été enregistré en application de la loi sur les syndicats indiens, s'il a fonctionné pendant une année complète et s'il protège 15 pour cent de l'effectif total de l'établissement considéré. Le BLSU déclare que, constitué le 7 mars 1976, il groupait 80 pour cent du nombre total des travailleurs de la fabrique de graisses de Balmer Laverie and Co. Ltd., société publique relevant du ministère des Pétroles, des Produits chimiques et des Engrais. Le syndicat a été enregistré en date du 13 mars 1977. Le 30 mai 1977, poursuit le BLSU, il a présenté à la direction un cahier de revendications tendant à améliorer les conditions de travail, mais la direction a refusé d'y donner suite et n'a pas accusé réception de cette demande. Le syndicat en a référé à la Direction du travail du gouvernement du Bengale occidental et la procédure de conciliation a été entamée en décembre de la même année. Selon le BLSU, la direction a refusé de régler la moindre question. Aux termes de l'article 12, paragraphe 4, de la loi indienne sur les différends du travail, le conciliateur doit faire rapport au gouvernement lorsqu'une tentative de négociation échoue; or, plus d'un an s'est écoulé sans qu'un tel rapport ait été établi.
  2. 263. Selon le BLSU, ce retard visait à permettre à la direction de conclure avec un autre syndicat, l'Association du personnel de Balmer Laurie, qui représente les travailleurs non manuels de cette entreprise, un accord qui fut signé le 5 juin 1978. Le ministre des Pétroles, des Produits chimiques et des Engrais a approuvé cet accord au niveau bipartite. Il ressort d'un document fourni par l'organisation plaignante et daté du 26 juin 1978 que la direction était disposée à conclure avec elle un accord tripartite, aux mêmes conditions, mais non pas à la reconnaître. Le BLSU déclare que le président de l'autre syndicat était un parlementaire du parti alors au pouvoir. Selon l'organisation plaignante, accepter un accord bipartite avec un syndicat alors que les mêmes questions que celles qui y étaient traitées faisaient l'objet d'un conflit en cours de conciliation correspondait à une tentative de la part de la direction de briser le BLSU.
  3. 264. Le 1er avril 1976, poursuit le BLSU, la direction a congédié cinq travailleurs occupant des postes de responsabilité, après leur avoir fait subir un examen médical non conforme aux normes, par un médecin incompétent et non agréé, en contradiction avec les exigences de la loi sur l'assurance nationale des salariés et du régime d'assurance qui protégeaient ces travailleurs. L'organisation plaignante allègue que les travailleurs ont été éloignés pour pouvoir recruter, aux postes devenus ainsi vacants, des cadres appartenant au parti alors au pouvoir afin d'affaiblir le syndicat et d'introduire dans la place un groupe qui lui serait hostile.
  4. 265. Le syndicat a contesté le licenciement de trois de ces travailleurs devant le Tribunal du travail de première instance du Bengale occidental. Il fournit le texte de la sentence du tribunal datée du 7 décembre 1978. Le juge a estimé que rien ne justifiait le congédiement des trois travailleurs, dont un était décédé, et a arrêté leur réintégration dans leurs fonctions et leur droit à la totalité des arriérés de salaire. L'organisation plaignante déclare que, lorsque le juge a soumis son rapport au Département du travail du Bengale occidental, le gouvernement de l'Etat ne l'a pas publié et l'a laissé de côté en vue de jeter le discrédit sur le BLSU et d'assurer la prédominance de l'autre syndicat.
  5. 266. En outre, selon l'organisation plaignante, la direction a suspendu un dirigeant et un militant du BLSU afin de saper ce syndicat. Elle avance que des cadres supérieurs de l'entreprise ont demandé à ces deux syndicalistes de verser de l'argent au fonds de financement pour les élections au congrès en échange de la levée de la décision de suspension; lorsque les intéressés ont refusé de verser des fonds à un parti politique quel qu'il soit, ils ont été licenciés.
  6. 267. Le BLSU déclare que tous les travailleurs de la fabrique de graisses se sont mis en grève depuis le 19 décembre 1978 et ont entamé une grève de la faim, avec un roulement de quarante-huit heures, depuis le 15 janvier 1979. Ils demandent que la direction reconnaisse officiellement le syndicat, qu'elle accorde une augmentation salariale de 25 pour cent et qu'elle arrive à un accord final sur le cahier de revendications. Le commissaire au travail du Bengale occidental a convoqué une conférence paritaire chez lui en date du 24 janvier 1979, pour discuter des questions en cause, mais la direction n'y est pas venue.
  7. 268. Enfin, l'organisation plaignante fournit le texte de la lettre qu'elle a adressée en date du 2 février 1979 au commissaire au travail du Bengale occidental. Se référant à la grève, le syndicat déclare que la direction a menacé les travailleurs de recourir à la police ou à la fermeture définitive de la fabrique. Il déclare aussi que la direction a proposé de conclure un accord aux conditions suivantes: les travailleurs renonceraient sans tarder à la grève et reprendraient la production aucune mesure de représailles ne serait prise pour sanctionner la grève; le système de primes à la production serait révisé; tous les travailleurs engagés à titre permanent seraient payés à l'avance; les quatre survivants du groupe de travailleurs qui avaient été licenciés pour des raisons médicales seraient réintégrés dans leurs fonctions et percevraient tous leurs arriérés de salaire sous réserve du droit de la société de les muter; les deux autres travailleurs licenciés écriraient une lettre d'excuse; les travailleurs renonceraient à demander que le syndicat soit reconnu et retireraient leur cahier de revendications. Le syndicat écrit qu'étant donné que ses ressources ont été entièrement absorbées par la grève et les procès intentés et que les familles des grévistes se trouvent en situation difficile, les travailleurs seront contraints de signer l'accord de la direction.
  8. 269. Dans sa plainte, qui figure dans une lettre en date du 22 février 1979, le Syndicat national des travailleurs des courses de l'Inde allègue que l'établissement du champ de courses, qui est l'employeur, a enfreint les dispositions de la loi sur les magasins et les établissements, concernant le versement de certaines prestations, et licencié et persécuté plusieurs dirigeants syndicaux. En outre, la direction aurait reconnu un syndicat rival à antécédents douteux à des fins de négociation collective et pris diverses mesures, telles qu'obtenir une injonction intérimaire, pour entraver les activités de l'organisation plaignante, qui est le syndicat le plus représentatif des travailleurs de l'établissement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 270. Dans sa lettre du 13 décembre 1979, le gouvernement répond à l'allégation relative au refus opposé à la demande de reconnaissance du BLSU fondée sur la Code de discipline, en déclarant que, selon les critères de reconnaissance des syndicats, lorsqu'une industrie ou un établissement comprend plusieurs syndicats, c'est celui dont l'effectif est le plus important qui doit être reconnu. Aux termes de ce code, la reconnaissance est un acte purement volontaire, Et on ne peut contraindre légalement un employeur à reconnaître un syndicat déterminé. Selon la direction, il y a déjà un syndicat reconnu dans la société Balmer Laurie and Co., Ltd., à savoir l'Association du personnel de Balmer Laurie, qui est le syndicat majoritaire. C'est cette association qui a été seul agent de négociation des employés et des ouvriers des diverses branches de l'entreprise au cours des huit dernières années, alors que le syndicat plaignant n'est apparu qu'en 1976 et ne fonctionne que dans la fabrique de graisses, avec l'appui d'environ 13 salariés sur un effectif total de 82.
  2. 271. En ce qui concerne le cahier de revendications, le gouvernement déclare que, lorsque l'accord à long terme conclu avec le syndicat reconnu a expiré en date du 31 décembre 1976, de nouvelles négociations avec ce syndicat étaient déjà en cours et un accord fut conclu le 5 juin 1978. Selon le gouvernement, les avantages résultant de cet accord à long terme ont bénéficié aux membres du syndicat, plaignant. En ce qui concerne la plainte du BLSU, selon laquelle aucune mesure n'a été prise après l'échec de la procédure de conciliation, le gouvernement déclare qu'à l'examen du rapport sur l'échec de la conciliation le gouvernement du Bengale occidental a constaté que la plupart des questions soulevées avaient déjà été réglées avec le syndicat reconnu. Etant donné que l'accord bipartite appliqué avec 12 syndicat reconnu semblait être raisonnable et équitable et que la direction était disposée à signer un accord tripartite avec le syndicat plaignant aux mêmes conditions, le gouvernement de l'Etat a décidé que la question n'appelait plus une intervention officielle.
  3. 272. Pour ce qui est de l'allégation relative à la non-publication de la décision du 7 décembre 1978 prise par le premier Tribunal du travail concernant le licenciement de travailleurs occupant des postes de responsabilité, le gouvernement relève que cette décision a été publiée dans le Calcutta Gazette le 24 janvier 1979, sous le titre d'ordonnance du Département du travail no 360-IR. En outre, des cinq travailleurs licenciés pour des raisons médicales, deux ont accepté les prestations de cessation de service. Les cas des trois restants ont été soumis à arbitrage. Pendant la procédure, un des travailleurs est décédé. Les deux autres ont depuis été réintégrés dans leurs fonctions.
  4. 273. Pour ce qui a trait au licenciement de deux autres travailleurs, le gouvernement déclare qu'ils ont été accusés puis suspendus conformément au règlement intérieur de la compagnie, à la suite de troubles qui se sont produits dans l'usine les 16 et 17 juin 1976. Sur la base d'une enquête au cours de laquelle ils ont eu l'occasion de s'exprimer ils ont été licenciés. La direction et les travailleurs visés ont recouru, en application de la loi sur les différends du travail, auprès du Tribunal du travail de première instance. Selon la direction, les deux travailleurs licenciés ont été réintégrés dans leurs fonctions dans le cadre d'un accord conclu entre la direction et certains grévistes la 7 février 1979.
  5. 274. Le gouvernement déclare que ses observations concernant la plainte du Syndicat national des travailleurs des courses de l'Inde seront adressées au comité le plus rapidement possible; il attend encore un rapport du gouvernement du Bengale occidental.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 275. Les allégations figurant dans la plainte du Syndicat de Balmer Laurie and Co. portent sur un refus de reconnaître un syndicat et son cahier de revendications, le licenciement de sept syndicalistes et la suppression d'un syndicat en faveur d'un syndicat rival.
  2. 276. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la direction de Balmer Laverie and Co. Ltd. aurait refusé de reconnaître le Syndicat de Balmer Laverie and Co., le comité a déclaré dans des cas précédents que, lorsqu'un syndicat a été légalement enregistré, de sorte qu'il a été légalement habilité à conclure librement des conventions collectives, mais que le gouvernement n'est pas obligé, par un texte législatif quelconque, de donner effet au principe des négociations collectives en ayant recours à des mesures de contrainte, il estime qu'aucune atteinte n'a été portée au libre exercice des droits syndicaux. Néanmoins, dans le passé, le comité a souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs, y compris les autorités gouvernementales en leur qualité d'employeurs de salariés, devraient reconnaître, aux fins de la négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent.
  3. 277. Dans le présent cas, les informations présentées par le syndicat sur sa représentativité ne correspondent pas à celles qu'a fournies le gouvernement. Le comité estime souhaitable le recours à la négociation pour régler les différends de ce genre, mais il note que, selon la réponse du gouvernement, la question a été réglée quand le syndicat a signé l'accord proposé par la direction en date du 7 février 1979. Cet accord a mis un terme à la grève qui avait commencé dans la fabrique dg graisses le 19 décembre 1978, et prévoyait que le syndicat renoncerait à sa demande de reconnaissance. Il ressort des informations fournies par l'organisation plaignante comme par le gouvernement que la direction était disposée à faire participer le syndicat à l'accord collectif qu'elle avait commencé à appliquer avec le syndicat reconnu en date du 5 juin 1978, à la condition que le syndicat plaignant renonce à sa demanda de reconnaissance. Selon le gouvernement, les avantages découlant de cet accord ont bénéficié aux membres du syndicat plaignant. Dans ces conditions, le comité est d'avis que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  4. 278. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle sept syndicalistes auraient été injustement licenciés, il ressort des informations fournies tant par l'organisation plaignante que par le gouvernement, que deux d'entre eux ont accepté les indemnités de cessation de service accordées en cas de licenciement pour raisons médicales, qu'un d'entre eux est décédé et que les quatre autres ont été réintégrés dans leurs fonctions en percevant la totalité de leurs arriérés de salaire. Le syndicat a été en mesure de saisir l'organisme judiciaire compétent du cas de trois des travailleurs licenciés et d'obtenir réparation.
  5. 279. Le comité voudrait rappeler que, dans un certain nombre de casa, il avait fait observer qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les responsables syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection, dans le cas de dirigeants syndicaux, est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. Néanmoins, pour les raisons énoncées plus haut, il estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  6. 280. Au sujet de l'allégation formulée par l'organisation plaignante, selon laquelle la lenteur mise à faire rapport sur l'échec de la procédure de conciliation, la décision de ne pas entamer l'arbitrage, la signature avec un autre syndicat d'un accord portant sur des questions qui, à ce moment-là, faisaient l'objet d'un litige avec l'association plaignante, le licenciement de syndicalistes pour créer des postes vacants afin de recruter des éléments opposés au syndicat plaignant, avaient pour objectif commun de supprimer le syndicat, le gouvernement a indiqué que la direction avait agi de façon normale avec le syndicat reconnu. Etant donné que l'organisation plaignante n'a pas étayé ses allégations relatives à des mesures antisyndicales, le comité considère qu'aucune violation des droits syndicaux n'a été prouvée.
  7. 281. Le comité note que le gouvernement n'a pas encore envoyé ses observations sur les allégations présentées par le Syndicat national des travailleurs des courses de l'Inde et le prie de bien vouloir les communiquer le plus rapidement possible.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 282. Dans ces circonstances, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations présentées par le Syndicat de Balmer Laverie and Co. concernant la non-reconnaissance par l'employeur, les licenciements et les tentatives de destruction du syndicat, de décider, pour les raisons exposées aux paragraphes 277, 278 et 280 ci-dessus, que ces aspects du présent cas n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les allégations présentées par le Syndicat national du personnel des courses en Inde, de prier le gouvernement de communiquer ses observations le plus rapidement possible;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire.
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